
Chapitre 2 : Dieu vivant
POV : Newt
Ma mère me tendait une pile de draps pliés et m'ordonna de les mettre sur mon lit. Ma sœur ainée, Sonya, se mariait à la fin de la semaine et mes grands-parents arrivaient d'ici demain. Ils venaient de loin, de l'autre côté de la Manche et je leur prêtais mon appartement pour qu'ils soient à l'aise et confortablement installés durant leur séjour. J'étais ravi de leur prêter mon appartement, certes moins ravi cependant que ma mère vienne foutre son nez dedans et tout régenter. Elle me forçait à refaire le ménage avec elle, à ranger chaque recoin. Si bien que mon chez-moi ne ressemblait plus à mon petit espace cosy et confortable mais bien à une pub pour un magazine de déco. C'était propre, rangé et ça n'avait rien à voir avec mon style.
Une fois notre ménage terminé, ma mère et moi partions chez Sonya. Ma sœur ainée était presque trentenaire. Elle faisait carrière dans la communication évènementielle en entreprise, où elle organisait des séminaires et autres trucs comme ça. Elle s'était installée avec Minho, son compagnon depuis quelques années dans une jolie maison en périphérie de la ville. Ils avaient un jardin et un chien. Leur chien, que je considérais comme mon neveu était une adorable boule de poils, le genre de chien qui vous suit partout et qui est toujours content de vous voir : un golden retriever ! Ma mère m'avait prié de mettre en pension mes chats chez quelqu'un le temps du mariage de Sonya et le temps que mes grands-parents séjournent chez moi.
Etudiant en arts appliquées, j'avais rejoint une école d'animation depuis deux ans et je m'éclatais à dessiner des jours durant. J'avais mon petit appartement en centre-ville depuis mon bac et je vivais dedans avec mes trois chats et ma dizaine de plantes. Un véritable paradis ! J'étais surtout loin du domicile familial et rien ne pouvait me faire plus plaisir. Sonya était mon ainée de 8 ans, venaient ensuite Billy et Cassandre qui avaient respectivement 14 et 7 ans. Je crois que mes parents prenaient toujours un certain temps de réflexion avant de faire un autre enfant. Mon frère était envoyé dans un internat depuis ses douze ans et rentrait peu à la maison. Le problème de mon foyer n'était pas mes frère et sœurs : simplement mon père. Et vivre avec lui était une sorte de torture perpétuelle. Le conflit, le conflit, toujours le conflit. J'avais arrêté d'essayer d'être sympathique avec lui et j'avais vite compris que ça ne changeait rien à son comportement envers moi : j'étais toujours l'artiste ingrat de la famille, à qui on doit tout mais qui n'en fout pas une...
Ma mère, femme forte et têtue de caractère, aimait bien que tout file à sa manière. Lorsqu'elle ouvrit la porte de la maison de Sonya et Minho, sans même avoir sonné, elle ordonna à sa fille de lui faire couler un café car elle –je cite- n'en pouvais plus de ce gamin et de ses jérémiades. Elle parlait de moi, bien entendu. Il faut dire que j'adorais donner la réplique à ma mère et lui faire piquer des coups de sang.
- Sonya, tu ne te rends pas compte du drame ! Elle l'a mise dehors, comme ça, sans ménagement, ni discours d'adieux, ni rien ! Je m'écriais dans un air théâtral, m'asseyant à côté de ma chère maman, qui soupirait déjà d'exaspération. Une demi-heure que je lui cassais les oreilles avec cette histoire. Il fallait que je raconte ça à ma sœur.
Je fis une petite caresse au chien avant que celui-ci retourne dans le salon, sans doute faire la sieste.
- Et c'est reparti ! Soupira-t-elle, proche du désespoir.
- Elle était mon tout, ma vie n'a plus de sens désormais... Sans elle je suis perdu, abandonné, laissé seul et triste... pour l'éternité...
Minho entra dans la cuisine, visiblement intrigué par ce qui se tramait là. Il faut dire que je savais très bien jouer la comédie. Il embrassa ma sœur sur la tempe. Sonya riait à mes bêtises, comme souvent et maman se plongeait dans son café pour oublier à quel point je pouvais faire une montagne avec un gravier.
- Newt, raconte-moi, qu'est-ce qui s'est passé... me demanda Sonya en s'asseyant en face de notre mère. Elle ricanait doucement. Elle savait que maman m'avait tiré du lit à l'aube pour que je vienne ranger mon propre appartement et que tout soit impeccable quand nos grands-parents arriveraient. Et il faut dire que Sonya adorait mes histoires alambiquées. C'était toujours l'occasion de rigoler.
- Elle a mis Momo à la porte. Je déclarais avant de faire semblant de m'évanouir. Oui, j'aurais très bien pu faire carrière dans le théâtre.
- Newt, ça suffit ! C'est une araignée. Lâcha ma mère avant de demander à Minho de lui resservir du café. Ma mère était réellement parfaite pour ce rôle. Elle jouait le dialogue à la perfection, me donnant la réplique quand il fallait. Le pire, c'est qu'elle ne faisait pas exprès. Minho rigolait, amusé de voir que sa belle-famille était capable de faire une scène des plus tragiques dans sa cuisine un jeudi matin.
- C'était Momo, ma colocataire, je lui donnais des mouches et des moustiques à manger et elle me racontait sa journée tous les soirs quand je rentrais de l'école !
Minho et Sonya rigolaient à mes bêtises et maman finit par esquisser un sourire amusé. J'avais gagné ma journée. Je voulais émouvoir mon audience avec mon histoire. Ma mère, cet être sans cœur, avait mis dehors (sans l'écraser ou l'aspirer, heureusement) mon araignée de compagnie. C'était une araignée assez grosse, marron, qui logeait dans un coin de mon mur, dans mon salon. Je la croisais souvent la nuit, lorsque je me levais pour aller pisser, elle se promenait quand tout le monde dormait. Je l'avais surnommée Momo. Je l'aimais bien. J'aimais bien les araignées de toute manière. Pas de là à avoir une mygale comme animal de compagnie mais ça ne me dérangeait pas qu'il y en ait quelques-unes dans ma maison.
Je me vis coupé dans mon histoire par surprise. Arriva à l'embrasure de la porte de la cuisine, un charmant individu torse nu inconnu au bataille, les cheveux ébouriffés du réveil et le visage encore balafré par l'oreiller. Il fit une apparition dans la cuisine, ravissant mes yeux ébaillis. J'ai perdu mes mots en plein milieu de ma phrase, lorsque mes yeux se sont posés sur ce corps de dieu grec tout droit sorti du lit. Il demanda à Minho s'il pouvait prendre une douche rapidement avant de partir et le futur mari de ma sœur lui répondit par l'affirmative. Sa voix rauque, enrouée par le sommeil me fit frissonner. Il nous salua rapidement, d'un signe de tête, avant de s'en aller se laver. Mes yeux s'attardaient sur son postérieur et son dos nu. DIVIN. C'est le seul mot qui me venait à l'esprit en voyant cet individu. Courte apparition, certes, mais divine et sublime !
- C'est Thomas, le meilleur copain de Minho. Il a dormi là cette nuit, sur le canapé. C'est un de nos témoins de mariage... nous expliqua Sonya en me tendant sa tasse vide pour que je la mette dans le lave-vaisselle. Maman acquiesça et nous informa qu'elle allait chercher les sacs cabas de divers trucs dans la cave, elle me rappelait qu'on partait juste après. On était attendu à la gare et nous n'avions pas une minute à perdre.
Sonya et moi avions toujours été proches. Malgré notre différence d'âge, on passait beaucoup de temps ensemble et on se parlait beaucoup, de tout. C'était une personne très inspirante pour moi, ma sœur. Lorsqu'elle m'a présenté Minho, j'ai compris qu'elle avait trouvé son âme sœur. J'adorais Minho. Il était vraiment sympathique. On s'entendait vraiment bien et j'étais plus qu'heureux de voir que Sonya et lui se mariaient et projetaient d'être heureux pour la vie ensemble. Je croyais au grand amour, celui qu'on a qu'une fois dans sa vie, qui nous chamboule de tout notre être et dont on ne se remet jamais vraiment. Je croyais en l'amour comme l'une des plus belles preuves de l'existence et savoir que ma grande sœur adorée la vivait, Sa Grande Histoire d'Amour me rendait plus qu'heureux pour elle.
- Newt, dépêches toi ! On y va ! Tu les vois demain, Sonya et Minho, tu pourras leur parler de ta séparation déchirante avec Momo demain ! Me charria ma mère.
Mes parents aussi étaient l'exemple même d'une grande histoire d'amour. Ils s'étaient rencontrés au lycée et ne s'étaient jamais quitté depuis. Ils avaient fait le tour du monde avant de s'installer ensemble, d'avoir quatre enfants et de vivre toujours dans une sorte de bonheur amoureux. Ils se taquinaient comme au premier jour, mon père offrait toujours des fleurs à ma mère et ils partaient souvent en « lune de miel », rien que tous les deux.
Je pris les deux sacs que me tendant maman et collais une bise à ma sœur, elle m'ouvrait la porte d'entrée. Maman avait déjà démarré le moteur de la voiture et me faisait signe de me dépêcher.
- Dis, je crois que je suis tombé amoureux du bellâtre torse nu qui sert de témoin de mariage à Minho... Je soufflais à ma sœur. Rappelles-moi son prénom.
Sonya rigola, m'ébouriffant les cheveux avec affection et me souffla dans l'oreille qu'il s'appelait Thomas, que je le verrais au mariage et qu'elle était sûre qu'on s'entendrait bien... Un sourire me mangeait déjà la moitié du visage.
***
Je garais ma moto sous le petit porche et enlevais mon casque. Je sonnais chez Teresa quelques secondes plus tard. Celle-ci m'ouvrit la porte en pyjama, un chat dans les bras.
- Teresa, aujourd'hui est un grand jour ! J'ai rencontré l'amour de ma vie. L'homme de ma vie ! Une prouesse de la nature ! Que dis-je ! Une divinité ! Oui... un dieu vivant ! Une beauté sans pareille. Il m'a arraché le cœur, je suis amoureux... C'est véritablement le seul, l'unique homme de ma vie !
- Quoi ? T'as croisé une pub d'arrêt de bus avec Timothée Chalamet en photo dessus ? Genre le nouveau parfum Dior ou un truc du style ?
Teresa referma la porte derrière moi, soupirant. Je savais qu'elle était déjà fatiguée de ma tirade. Elle me connaissait par cœur. Elle posa Eko (mon chat) sur le canapé et s'asseyait en tailleur dessus (le canapé, pas le chat, hein). Elle soupira à nouveau, me gratifiant d'un regard blasé. Teresa était ma meilleure amie. Elle connaissait mon goût pour le théâtre et pour les hommes beaux. Elle savait que je m'emportais toujours très rapidement. Comme pour une photo de Timothée Chalamet en grand format sous un arrêt de bus... Par exemple...
Je m'asseyais à côté d'elle, reprenant mon sérieux. J'avais enlevé mes chaussures et ma veste et Eko vint déjà se lover contre moi. C'était le plus affectueux de mes trois chats. Il était petit, tout blanc avec des poils longs et des yeux verts. Une vraie beauté. Cactus, le plus vieux des trois arrivait aussi sur le canapé. Il me renifla et décréta que le reste de l'espace libre sur mes genoux était désormais sa place de sieste. La dernière était Vampire. Elle me toisait de loin, encore vexée que je l'abandonne et l'oblige à déménager de son appartement. Elle était d'un pelage noir comme la nuit avec des yeux jaunes et une oreille un peu déchiquetée à force de se battre avec les chats des voisins. Teresa me gardait mes chats pendant le mariage. Elle me gardait moi aussi vu que je prêtais mon appartement et que je n'avais aucune envie de retourner dormir chez mes parents. D'ailleurs, il n'en était pas réellement question puisque ma chambre servait pour mon oncle et ma tante venus de loin, eux aussi. Sonya accueillait ses amis proches chez elle et quelques membres de la famille de Minho.
Le jour du mariage, Minho et Sonya avait loué un petit château avec un grand parc. Il y avait une aile du château qui servait d'hôtel et la plupart des invités dormirait sur place le soir venu. Ma sœur vivait son rêve de princesse en grand. J'avais eu le droit d'être convié à la suite parentale, avec mon petit frère et ma petite sœur. Il faut dire que je n'étais pas tellement enchanté de partager ma chambre d'hôtel avec mes parents mais je n'allais pas en faire une jaunisse. C'était un week-end important pour ma sœur et je ne voulais en aucun cas que mon conflit constant avec mon père vienne lui gâcher la fête.
- Non, ce n'est pas Timothée Chalamet. Attends que je te raconte...
Au son des ronrons de mes chats, très en manque de leur papa après une journée loin de lui, je racontais à Teresa mon entrevue avec le dénommé Thomas. Je lui peignais le tableau le plus véritable et majestueux de son apparition et de son physique merveilleux.
- Oh, pour une fois que c'est une vraie personne, à qui tu peux potentiellement parler, je te félicite mon cher Newt. Ironisa Teresa. Elle attrapa son portable et me le tendit. Bon, maintenant montres-moi sa tête, à ta divine créature, là !
Il est vrai que je n'avais même pas pris le temps de le retrouver sur les réseaux sociaux. La journée était passée à une vitesse folle et il était désormais temps qu'Instagram ou Facebook m'offrent tous les secrets du beau Thomas. En scrollant les amis et abonnés de Minho sur les réseaux sociaux, je ne tardais pas à trouver le profil de Thomas. Sur Instagram, il s'appelait « Superstar Loser » et je trouvais ça très sexy. Par chance, son profil était public. Plusieurs photos le montraient lui, puis la mer, la Bretagne visiblement, Minho plusieurs fois et divers trucs. Teresa me prit le portable des mains pour analyser son faciès.
- Ok, je valide carrément ! Souffla ma meilleure amie en me montrant une photo de lui, en noir et blanc, torse nu sur la plage, un sourire grand comme la lune sur le visage.
Je suis resté un instant interdit sur cette image. Il y avait quelque chose dans son sourire qui le rendait encore plus charmant. Je rêvais désormais de le voir sourire comme ça... et pourquoi pas de le faire sourire comme ça, même.
- Bordel... Vivement ce mariage que je revois ce Thomas ! J'ai lâché en soupirant de frustration.
J'avais une chance sur milles qu'il ne soit pas hétéro et une chance sur un million qu'il soit célibataire et sans doute une chance sur un milliard qu'il s'intéresse à moi.
Peine perdue mais le jeu en valait la chandelle.
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