21
À force de tomber dans la neige mon jean commence à être tout mouillé, et je crains que le legging enfilé en dessous ne suffise pas à me protéger du froid et de l'humidité.
Après une arrivée catastrophique en bas d'une piste, je suis en train de remettre mes skis, assise par terre, quand Charlie fonce vers moi, freine et m'envoie une giclée de neige dans la tête.
C'est la cinquième fois, et ça l'amuse toujours autant.
— T'es vraiment nulle, Poupouille.
— Ça fait dix ans que j'ai pas skié !
— T'en fais pas, c'est marrant de te voir galérer.
En effet, il rit de mes malheurs les deux premières heures, puis le regard las et méprisant que je redoutais finit par se montrer.
— T'es pas obligé de rester avec moi, hein, dis-je en m'aidant de mes bâtons pour me relever.
— T'es sûre ? J'aimerais pas te retrouver pleine de bosses dans un ravin.
— Mais non... Je vais m'entrainer dans le coin, sur des pistes faciles.
Je n'ai pas besoin de plus insister pour voir Charlie partir de son côté. J'en suis presque soulagée. Au moins, je l'épargne d'un ennui mortel en ma compagnie et je n'ai plus la pression de bien faire les choses pour lui plaire.
Dès qu'une classe de neige passe devant moi, je me mets en fin de queue et la suis. Ni de trop près, ni de trop loin, de manière à pouvoir entendre les conseils des moniteurs encadrant leurs élèves.
Voir que des gamins de 8 ans maitrisent mieux leurs skis que moi me déprime. Heureusement, je ne suis pas la seule à débuter. D'autres personnes, plus vieilles et plus nulles encore, se ramassent de manière magistrale.
Au bout d'une matinée de chutes, je me trouve rapidement vidé du peu d'énergie que j'ai.
Pour le déjeuner, je retourne au chalet avec un sandwich, un Coca et une banane achetés au prix fort. Mon repas terminé, je tombe dans le coma, enroulée comme un nem dans un plaid sur le sofa le plus moelleux que j'ai testé.
Quand j'émerge, plus de trois heures après, je suis toujours seule. Il fait désormais noir dans le salon. Pendant dix minutes, j'essaie d'allumer un feu dans la cheminée sans réussir à le faire prendre. Alors j'enfile mes bottes d'après-ski et sors faire un tour.
Ici, loin de la pollution de la ville, le ciel est clair et dégagé. Accompagnée d'un chocolat brûlant pour me réchauffer, j'admire les milliers d'étoiles qui le décorent. Si elles n'étaient pas si petites et nombreuses, je les compterais. Mais la beauté du tableau qui s'offre à moi suffit à m'hypnotiser. Si bien que je n'entends pas Charlie arriver derrière moi.
Lorsqu'une poignée de neige glisse dans mon dos par le col de mon pull, je sursaute et me retourne en geignant.
Malgré mon regard maussade, Charlie continue de rire.
— Souris, Pauline... Je crois que j'ai pris goût à t'embêter un peu.
Oui, et au fond, je préfère ça à ses phases d'indifférence totale.
— Alors, t'es toujours en un seul morceau ?
— Ben, oui.
— Bravo. T'es moins gourde que ce que je pensais. T'auras peut-être pas à passer le reste du séjour sur une luge.
— C'est pour les bébés, la luge, je marmonne tandis qu'il s'éloigne, ses skis sur l'épaule.
Une fois que mes doigts et mes pieds gelés ont perdu toute sensibilité, je rentre dans le chalet, où la chaleur du feu de cheminée et une odeur de fromage fondu m'accueillent. Je me force à ne pas m'empiffrer comme une grosse dinde pendant ce repas trop bon.
Après quoi, Charlie continue de se faire pardonner pour ses moqueries, et me couvre de bisous dans le lit aussi confortable que le canapé. Malgré ses tentatives infructueuses, il essaie toujours de me déshabiller. À force, c'est presque devenu une habitude, pour lui comme pour moi, de le repousser.
— Poupouille, roucoule-t-il entre deux baisers. Combien de temps tu vas encore me faire attendre ?
Surprise par sa question à laquelle je n'ai pas de réponse, je reste silencieuse.
— Ça commence à être long...
— Ben... Je sais pas... Combien de temps tu peux encore attendre ?
— Une heure, tout au plus.
Je le fixe à la faible lueur de la lampe de chevet, sans déceler un quelconque signe de plaisanterie sur son visage parfait.
— Disons un jour, reprend-il après un blanc. Jusqu'à demain soir. Ça te laisse 24 heures pour te faire à l'idée et pour te préparer mentalement.
Je fronce les sourcils.
— Mais... C'est sérieux ?
Incapable de bouger, coincée entre ses bras, écrasée par le poids de son corps, je baisse les yeux sur sa bouche ne pouvant soutenir son regard plus longtemps.
Pour toute réponse à ma question, je finis par obtenir un sourire amusé. Charlie m'accorde un dernier bisou avant de se dégager pour aller prendre son portable.
Je passe le reste de la soirée à me demander si ce qu'il vient d'annoncer est sérieux ou non. Perturbée, je mets des heures à m'endormir, pour découvrir une boule d'angoisse logée dans mon estomac à mon réveil. Elle ne me quitte plus, même une fois sur les pistes.
Impossible de profiter de mon deuxième jour à la montagne.
Comme la veille, je finis épuisée en début d'après-midi et retourne au chalet pour manger.
Après une sieste dont je peine à émerger, je ressors pour aller me promener. Je fais durer le plaisir et erre à l'extérieur le plus longtemps possible, jusqu'à la nuit tombée, juste par peur de croiser Charlie au chalet. Malheureusement, la faim me force à rentrer et je le retrouve là-bas à mon retour.
L'ambiance est trop bizarre.
Charlie passe la soirée à me fixer d'un air rieur en constatant mon malaise difficile à cacher. J'ai même des montées de stress chaque fois qu'il s'approche trop près de moi. Je m'attends à ce qu'il me saute dessus à tout moment. Mais à le voir ainsi guetter mes réactions à chaque frôlement délibéré de sa part, je commence à croire qu'il se joue de moi. Je peux presque l'entendre rire à l'intérieur.
Ça ne m'empêche pas de trainer sous la douche, puis de me faufiler à toute vitesse dans la chambre.
L'heure de l'horloge numérique accrochée au mur m'indique que les 24 heures de préparation mentale accordées par Charlie se sont écoulées. J'en déduis alors qu'il s'agissait juste d'une blague nulle.
Rassurée, je m'allonge dans le lit et fais des parties de calcul mental sur mon portable. Ça m'occupe jusqu'à l'arrivée de Charlie, qui vient s'allonger à côté de moi. Appuyé sur ses coudes, il me fixe, son maudit sourire toujours plaqué sur les lèvres.
— Quoi ? je ronchonne.
Le parfum de savon mêlé à son odeur arrive presque à m'enivrer.
— Je t'ai laissé 26 heures, ça devrait suffire.
Et en une seconde, une vague de panique me saisit. Tout le haut de mon corps se met à surchauffer. Mon absence de réaction encourage Charlie à se pencher vers moi, alors qu'une boule se forme dans mon estomac. Pourtant, je n'oppose aucune résistance lorsqu'il me chevauche.
Notre bisou-câlinou se passe comme tous les autres, à l'exception que je n'arrête pas Charlie quand il commence à remonter mon haut de pyjama. Lentement mais sûrement, le bas et mes sous-vêtements me quittent un à un. Je ne repousse pas non plus ses mains quand elles me caressent où bon leur semble, même si le stress m'empêche d'apprécier cet instant comme je l'aimerais. Heureusement que la couette nous couvre et diminue mon malaise face à ma nudité, et la sienne.
Charlie finit par m'abandonner pour aller fouiller dans ses affaires. Je sais alors que l'instant tant redouté est imminent. Mon souffle s'emballe. J'ai l'impression d'entendre un bœuf sous assistance respiratoire.
De toute façon, ça devait bien arriver un jour ou l'autre. Au moins, ça serait fait. Charlie sera content. Il n'aura plus de raison de me quitter.
Je ferme les yeux pour quitter cette pièce, tandis que les battements de mon cœur résonnent jusque dans ma tête. Dans l'espoir de me calmer, je me mets à compter chaque seconde de cet instant de répit.
À la huitième, le matelas s'affaisse sous le poids de Charlie lorsqu'il revient. À la douzième, la chaleur de son corps et son odeur m'enveloppent. À la quatorzième, son souffle chaud caresse mon oreille. À la seizième, son barreau se presse contre moi, le sang pulse dans mes tempes, ma respiration se bloque.
À la vingtième, un gloussement sort de sa bouche.
— Putain, Pauline, j'ai l'impression que tu vas me claquer entre les doigts.
Sa voix me tire de mon état de panique et me ramène à une réalité que je semblais avoir quittée.
— Déstresse, je vais pas te tuer. Au contraire, je vais t'aimer.
Sa phrase n'est pas terminée qu'un hoquet m'échappe quand je le sens en moi.
Malgré la lenteur de ses mouvements, je ne ressens rien d'agréable. C'est même tout le contraire. Ça doit se ressentir, car Charlie s'arrête à peine onze secondes plus tard. Sa bouche glisse de mon oreille à mes lèvres.
— Détends-toi.
Longuement, il inonde ma mâchoire et mon cou de bisous qui m'électrisent le long de la colonne vertébrale jusqu'aux reins. Des frissons me parcourent, et je relâche tous mes muscles qui étaient alors crispés comme jamais.
Quand Charlie reprend, je tente de me focaliser sur la chaleur de son ventre qui frotte contre le mien et la douceur de sa peau contre mes seins. J'apprécie et oublie le reste. Si bien, que ça me suffit pour activer les papillons dans mon estomac.
À un moment, la respiration de Charlie devient plus saccadée. Son souffle chatouille mon oreille, se bloque. Un soupir, et c'est fini.
— T'es toujours en vie ? glousse-t-il, le nez enfoui dans mon cou.
Je hoche la tête.
— Je te demande pas si t'as aimé.
— Si, c'était sympa.
Même si son passage me laisse avec une sensation très désagréable, comme une brûlure, entre les cuisses.
Après ça, on s'embrasse encore.
Je finis par m'endormir contre Charlie, heureuse, limite fière d'avoir réussi à être aussi intime avec lui.
Le reste du séjour a été parfait, même si nous avons passé nos journées à skier chacun de notre côté. On l'a refait, et c'était chaque fois de plus en plus sympa.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro