8 - Partie 2
— Tu es un habitué du Blue Bar ? me demande Jade en sortant de sa voiture garée près de la mienne, à la place de parking qui m'est réservée.
J'acquiesce.
— Tu connaissais donc la serveuse qui t'avais filé un bout de papier l'autre soir, ajoute-t-elle avec conviction.
— Bien joué, Sherlock.
— Pourquoi tu ne nous l'as pas dit ?
— Je ne voulais pas m'étaler sur des explications à propos du bout de papier. Je n'aime pas trop les questions.
— Oh, très bien. Elles te dérangent mes questions ?
Je laisse échapper un rire, amusé par sa spontanéité.
— Non. Il y a juste certaines questions que j'essaie d'éviter en général, et celles au sujet de la serveuse en font partie.
— OK. Je vois que t'essaies de te la jouer mystérieux.
— Non, pas du tout.
Je lui lance un sourire avant de m'arrêter net sur le pas de l'entrée. Derrière la vitre de la porte, j'aperçois Maxim et Faith. Merde.
— Qu'y a-t-il ? me demande Jade.
Je me tourne vers elle avant de reporter mon attention vers mes meilleurs amis. Jade suit mon regard.
— Oh, tu les connais ?
— Euh... ce sont mes amis, dis-je, incapable de mentir et surtout sans réfléchir.
— Super ! s'enthousiasme Jade. Tu me les présenteras !
Elle m'attrape la main et m'entraîne à l'intérieur du bâtiment.
Tandis qu'elle me tire pour avancer au même rythme qu'elle, je ne peux m'empêcher de remarquer le changement dans sa façon de se comporter avec moi. Elle paraît plus détendue et enjouée.
Lorsque nous arrivons au bar, Maxim et Faith se retournent. C'est à ce moment-là que l'idée de faire comme si je ne les connaissais pas me vient en tête. C'est totalement absurde, je sais.
Leurs yeux s'ouvrent en grand, sous l'effet de surprise. Ils m'observent avec étonnement, puis ils remarquent que je suis accompagné, et leurs yeux s'agrandissent encore plus.
— Nick ? Tu..., bredouille Faith.
Elle est sublime ce soir. Je ne peux m'empêcher de la reluquer de la tête aux pieds. Elle porte une mini robe de couleur noire et des talons hauts.
Minute.
Je fronce les sourcils.
— Où allez-vous ? m'enquis-je.
— On va rejoindre les autres dans un night-club, me répond Maxim.
— Vous y allez... sans moi ? m'offusqué-je.
— Ben... euh...
Un malaise pesant s'installe entre nous. Jade décide de prendre la parole.
— Je vais commander à boire, dit-elle.
Sans que je m'y attende, elle presse délicatement ma main avant de s'en aller. Faith la suit du regard.
— C'est qui ? me demande Maxim.
— Jade, ma supérieure, je réponds.
— Elle est mignonne, commente-t-il en se retournant.
— Bordel de merde, n'essaie pas d'éviter le sujet, Max ! m'emporté-je.
— C'est Blake qui invite, répond Faith en reportant de nouveau son regard sur moi. On a jugé bon de ne pas t'en informer.
A ses côtés, Maxim affiche un sourire désolé. Même si je comprends tout à fait leur décision en raison de la mauvaise relation que j'ai avec Blake, je ne peux m'empêcher d'être vexé. Mon estomac se noue.
— OK. Bonne soirée dans ce cas, lâché-je d'un ton sec.
Je tourne les talons, mais Faith me retient d'une main.
— Attends.
— Quoi ?
— C'est ta copine ? me demande-t-elle en désignant Jade du menton.
— En quoi cela te concerne ? craché-je avec colère. Pourquoi je te raconterais ce qui se passe dans ma vie alors que t'es même pas foutue de faire de même ?
— Calme-toi, Nick, intervient Maxim en s'interposant entre nous.
Derrière lui, en parfaite actrice, Faith affiche un regard de chien battu.
— Je ne fais plus partie de l'agence, et ça y est, j'ai l'impression que vous m'avez définitivement exclu de la bande.
— Ce n'est pas du tout le cas, rétorque Maxim.
— Je...
— Nick ! Voilà nos boissons ! annonce Jade en me rejoignant, deux chopes de bière à la main. On s'installe ?
Je m'apprête à ajouter une insulte à l'intention de mes amis, mais je me retiens. Pas devant Jade. Je me retourne vers elle pour la remercier d'un sourire avant de la suivre vers une table dans le coin de la salle, sans un regard de plus vers Maxim et Faith.
POINT DE VUE DE JADE
— Je suis vraiment désolée pour ce que tu es en train d'endurer, dis-je avec compassion.
En face de moi, Nicholas observe le fond de son verre avec désarroi. Il semble avoir perdu toute sa joie de la soirée, et cela me fend le cœur.
— Tu m'as appelé « Nick », remarque-t-il en relevant la tête.
— Oui, pour... euh...
— Tu as bien fait, me rassure Nicholas. Ils ont désormais l'impression qu'on est super proches.
— Oh, euh, oui... Tant mieux.
Un blanc s'installe. Je tente d'ajouter quelque chose, embarrassée :
— C'est vrai, « Nick » ce n'est que pour les intimes.
— Tu peux m'appeler « Nick » maintenant, tranche Nicholas.
— Pardon ?
Ses lèvres se fendent en un sourire et sa fossette se creuse. L'instant d'un moment, j'ai l'impression qu'il a déjà oublié sa rencontre avec ses amis.
— On s'entend bien, on partage quelques moments ensemble. Tu fais partie du rang des intimes désormais.
— J'ai l'impression d'avoir reçu une promotion, plaisanté-je.
Il éclate de rire. Je me joins à lui en espérant que cette bonne humeur dure. Malheureusement, nos rires s'estompent rapidement, et un nouveau blanc s'installe. Je me sens terriblement mal à l'aise.
— Tu les connais depuis quand ? demandé-je au bout de quelques minutes, en fixant les mains de Nick.
— Pardon ?
— Je parle de tes amis, précisé-je.
— Ah ! Depuis quelques années...
Il prend une pause avant d'ajouter :
— Nous sommes cinq dans notre petit groupe. Il y a Maxim, le mec que tu as vu tout à l'heure. C'est mon meilleur ami. Comme tu l'as surement remarqué, il était accompagné de Faith. Elle a un frère jumeau qui s'appelle Blake, et enfin, il y a Christopher, un ami d'enfance de Max.
— Waouh, ça en fait du monde. Cinq personnes c'est déjà énorme.
— Je suis plutôt proche de Max et de Faith.
— Je vois...
Il boit une gorgée de bière avant d'en observer le fond.
— Je suis navré que t'ai assisté à cette scène...
Sans réfléchir, j'attrape sa main dans la mienne pour la serrer. Il relève la tête, surpris.
— Tu n'as pas à t'excuser, dis-je pour le rassurer.
Je lâche sa main avant de prendre quelques gorgées de ma boisson.
— Je t'avoue que je partage ton ressenti. Je trouve égoïste de leur part de ne pas t'avoir invité à l'une de leurs sorties.
— Ils m'ont un peu mis de côté depuis que je travaille au Rivage, avoue Nick.
— Ah oui ? Tu faisais quoi d'ailleurs avant d'intégrer notre équipe ?
Nick paraît hésiter avant de me dire qu'il n'a pas trop envie de s'étaler sur le sujet.
— Parle-moi plutôt de toi, dit-il. Je me rends compte qu'on ne se connaît pas beaucoup.
— Par où veux-tu que je commence ? demandé-je, intimidée par ce retournement de situation.
Il hausse les épaules et sourit, les yeux rivés vers moi. Je ne peux m'empêcher de le trouver incroyablement beau. Ses cheveux sont en bataille et une mèche n'arrête pas de lui retomber sur le front. L'envie de la remettre à sa place commence à se faire de plus en plus ressentir. Malgré tout, je résiste et pose mes mains sur mes genoux pour éviter tous gestes involontaires. Je fixe ses yeux verts.
— Parles-moi de ta famille.
J'hésite un instant, puis je me lance. A vrai dire, l'un de mes plus grands défauts est que je me confie beaucoup plus qu'il ne le faut. Il ne faut pas longtemps me prier avant que je ne décide de raconter toute ma vie.
— Mes parents vivent à San Diego dans notre maison familiale. J'ai un grand-frère, Dan, qui vit à Vancouver. Cela va faire trois ans qu'on ne s'est pas vus...
— Il te manque ?
— Terriblement. On s'appelle quelques fois, mais il est souvent pris par son travail donc c'est assez compliqué.
— Ça a l'air sympa d'avoir un frère.
Je secoue la tête en riant.
— Crois-moi, j'ai longtemps souffert avec lui.
Je me retiens de poursuivre, mais Nick semble captivé par tout ce que je lui raconte. Je n'ai pas besoin de plus pour continuer :
— Quand on était petits, il s'amusait à me lancer des pierres et à m'asperger d'un jet d'eau brûlant avec le pommeau de la douche. Je pense qu'il n'avait aucune idée de ce qu'était la douleur.
— Tu te défendais ? me demande Nick, amusé.
Je place une mèche de cheveux derrière mon oreille.
— Non, pas que je m'en souvienne. Je fuyais et j'allais me réfugier dans les bras de ma mère.
— J'ai du mal à te reconnaître, commente Nick avec un haussement de sourcils.
— Ah bon ?
— D'après ce que j'ai vu ces derniers jours, tu ne te laisses jamais faire.
— C'est vrai, affirmé-je. J'ai beaucoup changé depuis mon adolescence.
— C'est-à-dire ?
— A mes quinze ans, je commençais à me révolter pour tout un tas de choses. J'éprouvais une haine particulière pour l'injustice, et c'est encore le cas aujourd'hui. Je ne sais pas trop à quel moment j'ai eu ce déclic. J'ai cessé d'être la victime de mon frère, et je commençais à me défendre. Surtout à me venger, je dirais.
— Te venger ?
— Oui. (Je hausse les épaules) C'était une façon pour moi de rendre les choses équitables : il me faisait du mal, je lui rendais la pareille, on souffrait tous les deux.
Nick hausse une nouvelle fois les sourcils, surpris.
— C'est une manière comme une autre d'instaurer la justice, même si, je dois l'avouer, ce n'est pas la meilleure.
— Je suis d'accord avec toi, approuvé-je. Cependant, Dan m'en a plutôt félicité. En nous quittant pour vivre sa nouvelle vie, il m'a dit qu'il n'avait pas vraiment de soucis à se faire à mon sujet. Il savait que je ne me laisserais jamais faire et, qu'en cas de problèmes, c'est surtout de moi dont les gens auraient peur.
Nick rigole, amusé.
— Il n'avait pas tort ! Mais... tu vas être déçue.
Intéressée, je me redresse sur ma chaise.
— Pourquoi donc ?
— Tu ne m'as jamais fait peur.
J'accueille la nouvelle avec un sourire. Je suis sur le point de lui répondre que je ne suis pas déçue de le savoir, lorsque mon téléphone vibre sur la table. Un numéro inconnu s'affiche sur l'écran.
Il ne m'a pas oublié, pensé-je en sentant mon estomac se nouer à l'idée de devoir de nouveau être confrontée à la voix métallique.
— Tu ne décroches pas ? me demande Nick, en pointant du doigt mon téléphone.
— Je...
J'observe l'appareil faire vibrer la table, puis finalement, je décide de le prendre.
— Allô ?
— Le jour J est arrivé, Jade.
C'est bien la même voix qui m'avait appelé il y a quelques jours, lorsque j'étais au Blue Bar avec mes amis et Nick. Pourquoi l'inconnu m'appelle-t-il toujours au moment où je suis de sortie ? Pour pourrir mes soirées, sans doute.
Face à Nicholas, j'hésite à répondre. Je ne veux surtout pas qu'il sache qu'un homme mystérieux me téléphone et qu'il prétend être mon patron. Cette situation est tellement étrange que je préfère la garder pour moi seule, pour le moment.
Malgré tout, mon cœur bat de plus en plus fort. Je ne peux pas parler devant Nick. Ce n'est pas possible.
Tant pis, il essaiera de me rappeler une prochaine fois, même si l'envie de savoir ce qu'il a à me dire me titille l'esprit.
— Je suis désolée, je suis occupée pour l'instant, je réponds, en tenant fermement l'appareil contre mon oreille.
Je coupe immédiatement la communication, en imaginant l'inconnu maugréer quelques jurons devant son écran. Que pourrait-il me faire d'ailleurs si je ne réponds pas à ses appels ?
— C'était qui ?
Je relève la tête. Même si cela ne regarde absolument pas Nick, je décide de ne pas le lui faire remarquer et réponds :
— Un... un ami qui m'importune depuis quelques temps.
J'attrape mon téléphone et le range dans mon sac, sans oublier d'activer le mode avion. Cela m'évitera d'être tentée de répondre à l'appel qui va sûrement bientôt arriver.
— Tu veux boire autre chose ? me demande Nick en observant mon verre vide.
— Euh...
Je repasse rapidement mon emploi du temps dans ma tête, histoire de savoir si je n'ai rien d'important prévu pour demain matin. D'après mes souvenirs, je n'ai qu'un cours dans la matinée, à partir de 10 heures. Il faut bien que je l'avoue : j'apprécie énormément le temps passé avec Nicholas, surtout lorsque nous sommes détendus comme nous le sommes maintenant.
— Oui, pourquoi pas, acquiescé-je. Si tu en veux un autre toi aussi, bien sûr.
— Certainement !
Il se lève pour se diriger vers le bar et revient rapidement, quelques minutes après, deux nouveaux verres à la main.
— Je ne t'ai pas demandé ce que tu voulais, s'excuse-t-il. Je t'ai pris un cocktail assez particulier qui pourrait sûrement te plaire.
Je prends le verre qu'il me tend et en observe le contenu. Trois glaçons et une feuille de menthe flottent dans un liquide rose et blanc qui m'a l'air très rafraichissant. Je goûte une gorgée.
— C'est délicieux ! C'est quoi ? demandé-je en reprenant une gorgée.
— Une nouvelle création du Blue Bar, à base de framboises.
— J'adore !
— J'étais sûr que ça allait te plaire. D'ailleurs, ça t'a tellement plu qu'on a oublié de trinquer !
Il rigole tandis que je m'excuse.
Nous trinquons, puis nous nous laissons aller dans l'ambiance du bar pour discuter un peu de tout et de rien, et surtout de la décoration intéressante de l'établissement, illuminé d'un halo de lumière bleue.
Une heure défile, et d'autres cocktails arrivent à notre table. J'oublie totalement de jeter un coup d'œil sur le cadran de ma montre. Le temps passe tellement vite, sans que je m'en aperçoive.
Cependant, au troisième verre, je suis bien obligée de me rendre compte qu'il se fait assez tard, lorsqu'une migraine incroyable me tiraille de douleur. J'en lâche presque mon verre, tellement la sensation est intense. Je n'ai jamais connu une telle souffrance, surtout au niveau de mon crâne. Les évènements de la soirée du vendredi dernier au night-club me reviennent furtivement en mémoire.
— Ça ne va pas ? me demande Nicholas, l'air inquiet.
Mes tempes me font affreusement mal. J'ai l'impression qu'un étau s'est refermé sur moi et est en train de me comprimer. J'en pleure presque de douleur.
J'ouvre les yeux en me rendant compte que je les avais fermés dès les premières douleurs. C'est à ce moment que je m'aperçois que ma vision est devenue totalement floue. Mon cœur tressaute dans ma poitrine et la panique m'envahit.
— Oh ! Nick ! m'affolé-je en m'agitant brusquement.
Je l'entends se lever et le sens attraper mes mains.
— Qu'y a-t-il ? demande-t-il avec plus d'inquiétude dans la voix.
— Ma vision est floue ! Je ne distingue plus rien !
— Hein ? Merde !
Il lâche mes mains, et je l'agrippe aussitôt par la taille. Il est la seule personne que je connais dans cet endroit, lui seul peut m'aider. Il est mon seul repère et il ne faut absolument pas que je le lâche.
Tout un tas de films ont le temps de passer dans ma tête tandis que Nick m'attrape le visage entre ses mains et tente de me calmer.
Je m'imagine aller aux urgences, en pleine panique. On m'annoncerait que ma vue commence à se dégrader et qu'il n'y a plus rien à faire, mis à part assister à l'obscurcissement de ma vue au fil des jours. Bon sang ! Perdre l'un de mes sens me terrifie à un tel point que je préfère de loin me suicider que de vivre sans voir.
Les larmes commencent à se déverser sur mes joues et je sens des bras me porter en dehors de l'établissement. Je ne fais même plus l'effort de distinguer les voix autour de moi, et surtout celle de Nick. Je ne pense qu'à tout ce que j'ai eu la chance de voir durant les années de ma vie, et mon cœur se serre encore plus.
Comment cela a-t-il pu arriver ? Je n'ai rien vu venir et ce n'est absolument pas normal, mais pas impossible. Et si... et si Nick avait versé un poison dans mon verre ? Mon angoisse s'intensifie et les idées aussi noires les unes que les autres envahissent mon esprit, faisant grandir de plus en plus ma peur.
Une porte claque, on me secoue.
— Jade ! Réponds-moi !
J'ouvre les yeux à nouveau, mais cela ne me sert plus à rien, puisque je viens de perdre l'usage de mes yeux. Tout ce que je distingue est une tâche sombre devant moi.
— Nick, c'est toi ?
Ma voix n'est qu'un souffle, noyé par les larmes.
— Oui, c'est moi, me répond Nicholas.
Sa voix me rassure. Je m'apaise un tout petit peu.
— Où sommes-nous ? demandé-je en tournant la tête dans tous les sens, comme si la vision allait me revenir tout d'un coup.
— Nous sommes dans ma voiture. Je vais te conduire à l'hôpital et...
— NON ! crié-je. Non !
Pas l'hôpital. Je ne veux surtout pas qu'on me dise que je n'aurais plus jamais droit à la vue. Je ne suis pas prête pour ça.
— Calme-toi, Jade !
Nick me tient les deux mains et les serre dans les siennes.
— Respire lentement... Tout doucement...
Je m'exécute. Les battements de mon cœur ralentissent mais se font toujours ressentir. Mieux vaut mourir que d'aller voir un médecin.
— Pourquoi tu ne veux pas que je t'emmène à l'hôpital ? me demande Nick d'une voix plus calme.
— Je ne veux pas... je ne veux pas qu'on...
J'éclate en sanglots. Je me sens totalement pitoyable à pleurer devant Nicholas, mais pour cette fois, je m'en moque. Si je perds la vue, je compte bien mettre un terme à mes jours rapidement. Cela va totalement à l'encontre de ma personnalité, de mes valeurs, mais je ne pense pas que je pourrais surmonter cette épreuve, surtout en étant aussi jeune... Si je me laisse vivre, je vais devoir passer plus de cinquante ans sans voir. Décidément, autant mourir !
— Je te dépose chez toi dans ce cas.
— Non !
Cette fois-ci, c'est sorti tout seul.
— Non, refusé-je plus calmement. Je ne veux pas inquiéter April, qui appellera sûrement Finn, puis mes parents. Je ne veux inquiéter personne pour le moment...
Je prends une pause et sens les mains de Nick exercer une douce pression sur les miennes.
— Je peux rester avec toi ? demandé-je d'une petite voix.
Nick ne répond pas tout de suite, sûrement surpris par ma demande.
— Oui, bien sûr, finit-il par dire. On va donc chez moi.
Le soulagement m'envahit et je m'apaise instantanément. Arrivée chez Nick, je pourrais mieux me concentrer sur la situation.
Nicholas lâche mes mains et attache ma ceinture. Il m'indique l'emplacement de mon sac en posant ma main dessus. Je le remercie tandis qu'il rejoint son siège conducteur pour démarrer.
— Comment cela est-il arrivé ? me demande Nick au bout de quelques minutes, lorsqu'il s'engage sur la route.
— Je ne sais pas trop... J'ai eu une forte migraine, vraiment intense, puis ma vue s'est brouillée. C'était très soudain.
— Comment te sens-tu ?
Je suis tentée de lui mentir comme j'ai l'habitude de le faire lorsqu'on me demande comment je vais et que tout va mal en réalité. Cependant, cette fois-ci, je me dis que cela ne me servira pas à grand-chose. Si je dis la vérité sur ce que je ressens, il pourrait mieux savoir comment m'aider.
— J'ai peur, avoué-je. Je suis terrifiée à l'idée de perdre la vue pour toujours.
— Si c'est ce qui est en train d'arriver, que vas-tu faire ?
— Tu es censé me rassurer normalement...
— Je sais, mais il vaut mieux que tu te confrontes au pire dès maintenant.
Il a raison. Je souffle un coup avant de lui répondre :
— Je ne sais pas. Je ne me vois pas continuer à vivre sans voir. C'est beaucoup trop dur à encaisser.
Comprenant le sous-entendu de ma réponse, Nicholas rétorque :
— On ne se connaît pas depuis très longtemps, mais tu es l'une des personnes les plus fortes que je connaisse. Toi qui n'abandonnes jamais, tu vas tout lâcher à cause de ça ? Tu m'as prouvé il y a quelques heures que tu ne te laisses jamais faire.
— Tu ne sais pas ce que je suis en train d'endurer en ce moment, dis-je, agacée.
— Probablement, mais je veux te faire comprendre que tu dois rester forte, et non baisser les bras. On va trouver une solution ensemble si c'est cela qui te préoccupe.
Je ne réponds pas. Cela ne servira à rien. C'est beaucoup plus facile pour lui de me dire tout ça, alors qu'il n'est pas à ma place.
— Quel poison as-tu versé dans mon verre ? demandé-je soudainement.
La voiture dévie brutalement d'un côté avant de retrouver une mobilité régulière quelques instants après. Des coups de klaxons retentissent derrière nous.
— Pardon ? s'offusque Nicholas. Tu insinues que je t'ai empoisonné ?
Un blanc s'installe avant qu'il ne reprenne :
— Comment peux-tu penser une chose pareille ?
— Je ne sais pas... Ce serait parfait pour détruire ma carrière après tout. Ma vie tout entière, plus précisément.
— On en a déjà parlé plus tôt dans la soirée, Jade, martèle Nicholas. Je t'ai dit toute la vérité et je pensais que cette histoire serait enfin réglée.
— Peut-être que tu m'aurais encore menti.
Nick ne répond plus, probablement trop énervé et blessé pour continuer la conversation.
Je ne sais pas trop pourquoi je lui dis tout ça. Il y a quelques heures, je lui faisais confiance, et à présent, tout semble avoir changé. Malheureusement, les évènements de la soirée portent à croire que lui seul peut être à l'origine de ce qui m'arrive en ce moment. Et cela m'attriste énormément de devoir le reconnaître.
***
PETITE NOTE DE L'AUTEUR :
Hello tout le monde !
J'ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce chapitre ! Cependant, contre toutes attentes, il ne me satisfait pas autant que mes autres écrits. Je l'ai travaillé, retravaillé... et finalement, je vous le poste car il est une étape importante pour la suite de mon roman.
A défaut de me satisfaire, j'espère que ce chapitre vous aura tout de même plu :)
Et puis, vous avez désormais la confirmation que Nicholas n'est pas notre inconnu ! ;)
D'après vous, que s'est-il réellement passé pour que Jade perde sa vue ainsi ?
Votre avis m'intéresse et j'ai hâte de vous lire en commentaires ^^
A bientôt ! ❤
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