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Bouleversée, je fixe mon écran. La communication s'est coupée aussi subitement qu'elle a commencée. Que me veut cette voix ? Comment me connaît-elle ? Et surtout, comment sait-elle que les souvenirs de l'été dernier m'ont assailli il y a à peine quelques minutes ?
Ses derniers mots tournent en boucle dans ma tête, tandis que je me relève difficilement. Comment se fait-il que cet homme soit au courant pour Evan ? Il n'y avait que nous quatre : April, Finn, Evan et moi... D'une main, j'essuie les dernières traces de mes larmes sur mes joues. Mon cœur ne cesse de battre aussi rapidement qu'il y a quelques minutes, et je peine à retrouver un rythme régulier.
Evan est mort par ma faute...
Je ferme les paupières un instant. Je revois sa tête d'ange, ses cheveux blonds, ses yeux bleus, son sourire éclatant. Il a toujours eu la joie la vivre ; et ce jour-là, il était l'homme le plus heureux au monde. Je lui avais enfin dévoilé mes sentiments pour lui. Aussi douloureux soit-il, le souvenir de ses lèvres douces sur les miennes me revient. Il avait pour habitude de m'agripper par la taille et de m'enlacer en faisant courir sa bouche au creux de mon cou. Ses cheveux me chatouillaient alors délicatement la joue ; ils étaient si doux et sentaient tellement bon... Je relevais son visage, les deux paumes encadrant sa mâchoire parfaite, et je découvrais ses iris bleu océan qui me fixaient en pétillant... Puis, aussitôt sa vision bascule dans l'horreur. Son regard perd de son éclat, laissant place à la peur. Il tente d'appeler au secours, mais ses lèvres ne parviennent qu'à former un « o » avant de laisser échapper un cri de terreur. Je n'ai rien pu faire. Rien pu faire pour aider mon ami, qui était aussi l'homme qui m'aimait et que je commençais à aimer en retour...
Bien que April et Finn persistent à me dire que je n'y étais pour rien, je continue à croire que rien de tout cela ne serait arrivé si je n'avais pas demandé à Evan de m'aider à récupérer le chapeau qu'il m'avait offert et qui était coincé dans les branches d'un arbre, penché au-dessus d'un gouffre. Et à chaque fois que j'y repense, la vérité me fend le cœur, me tord les tripes, me terrifie : j'ai tué Evan.
Une porte s'ouvre, puis se referme. Des pas se dirigent vers ma cabine et s'arrêtent net devant. Je respire un bon coup avant de sortir. En face de moi, je découvre une April qui a perdu son sourire et qui a laissé place à l'inquiétude dans son regard.
— Que se passe-t-il ? Tu pleures ?
Je la contourne pour me diriger vers une vasque d'eau. Je m'asperge le visage tout en essayant de réguler les battements de mon cœur.
— Jade, tu dois tout me dire. Je suis ta meilleure amie, j'aimerais pouvoir t'aider. Je vois bien que tu ne vas pas bien.
— Vous voir tous les trois m'a fait repenser à Evan, lâché-je.
Ma meilleure amie ne répond pas. A la place, elle coupe l'eau du robinet et me prend dans ses bras. J'éclate aussitôt en sanglots, à nouveau. J'ai tué Evan et un inconnu est au courant... J'ai juste l'impression d'être autant perdue que lorsque je me suis réveillée dans le bureau du directeur d'un night-club il y a quelques jours.
— Jade, il faudrait que tu arrêtes d'y penser. Et tu sais très bien de quoi je parle !
Elle me relâche pour m'observer. J'attrape un mouchoir et tamponne délicatement mes paupières gonflées par les larmes.
— Je ne peux pas, April. Il me manque terriblement... Tu ne te rends pas compte, je l'ai tué et...
— Non ! Tu ne l'as pas tué ! tente de me raisonner pour la énième fois ma meilleure amie. C'était un accident et tu n'y es absolument pour rien.
— J'ai revu la détresse dans ses yeux... J'aurais pu le sauver mais je ne l'ai pas fait. Comment tu peux dire que je ne l'ai pas tué ?
— Et toi, comment tu peux être sûre que tu l'as fait ? Tu étais paralysée, il n'y a rien de mal à cela !
Je pousse un soupir, résignée.
— Ecoute, laisse tomber, oublie tout ça. Je vais rentrer, j'ai besoin d'être seule.
Je recule de quelques pas et me dirige vers la porte.
— Jade...
— On se voit au studio.
Je referme la porte derrière moi et rejoins notre table. Autour de moi, les têtes se retournent, et je sens qu'on me dévisage. Finn et Nicholas sont en pleine discussion animée. Ils s'entendent définitivement super bien. Nicholas me remarque en premier.
— Jade ? Que se passe-t-il ?
Finn se retourne à son tour, surpris de me voir dans un état pareil. Mes paupières sont bouffies, mes joues toutes rouges. J'ai vraiment une sacrée tête.
— Mon Dieu... Tu...
— Je vais rentrer, annoncé-je. On se voit demain. C'était sympa ce soir.
J'esquisse tant bien que mal un sourire avant de récupérer mon sac et de poser un billet de vingt dollars sur la table.
— A demain.
Sans leur laisser le temps de me répondre, je tourne les talons et rejoins rapidement ma voiture garée non loin du bar. Je sais très bien que Finn va tenter de me joindre, voire même de me rattraper. Je démarre en quelques secondes et m'engage sur la route. Je veux juste rentrer chez moi.
*
L'heure des vacances d'été a enfin sonné ! D'habitude, nous partons chacun de notre côté et nous nous revoyons qu'à la rentrée. Cependant, cette fois-ci, contrairement aux années précédentes, nous avons décidé de les passer entre amis, histoire de se créer encore plus de souvenirs inoubliables.
Je repasse en revue le contenu de mon sac de voyage, pour ne rien oublier, puis, lorsque je me sens satisfaite, je le referme. Cette année, nous irons camper dans la nature pendant quelques jours. Nous ne l'avons jamais expérimenté, et encore moins entre amis, ce qui fait que depuis huit jours, l'excitation s'est fortement fait ressentir. J'attrape mon appareil photo sur ma table de chevet afin de le ranger dans sa pochette. J'ai déjà hâte d'immortaliser nos futurs moments ensemble !
— Finn et Evan sont là ! m'annonce April.
— J'arrive ! J'enfile mes baskets !
Je noue mes lacets, récupère mon sac et me dirige vers la porte d'entrée du studio. April m'y attend, une valise à ses pieds.
— Seigneur, tu as emmené toute ton armoire ? m'exclamé-je avec humour.
— Tu sais bien, ce sont les nombreux « au cas où » qui me sont passés par la tête, répond ma meilleure amie avec un clin d'œil.
— J'espère au moins que tu n'as pas oublié d'emmener une trousse de secours.
— Ne t'en fais pas, ta meilleure amie a tout sur elle !
On rejoint nos amis sur le parking de notre résidence. On les retrouve adossés sur la voiture de Finn.
— Vous êtes au courant qu'on va dans la nature et non dans une résidence de vacances ? nous lance Evan, amusé.
— Que ce soit l'un ou l'autre, j'aurais emmené les mêmes choses, réplique April.
Finn éclate de rire.
— J'espère que tu n'as pas oublié l'essentiel !
— C'est-à-dire ?
— Une trousse de secours, au cas où l'un de nous serait blessé !
— Je lui ai déjà posé la question, dis-je en prenant Evan dans mes bras.
Il me serre en retour. Je relève la tête sur son torse. Ses yeux pétillent d'amour, et je suis à peu près sûre que les miens pétillent tout autant.
— Et elle a répondu quoi ? me demande Evan, un sourire aux lèvres, tandis que son regard fixe mes lèvres.
— Notre meilleure amie a tout sur elle.
— Tant mieux, j'aurais mal supporté le fait de ne rien avoir sur moi pour soigner tes blessures.
Un éclat de malice illumine ses prunelles.
— Insinues-tu que je me blesserais aussi facilement ? le provoqué-je avec un sourire.
— Il est préférable d'envisager toutes les situations, répond Evan.
— Et tu me soigneras ?
— Je soignerais toutes tes blessures, mon cœur.
Il se penche et ses lèvres embrassent les miennes. Je ne peux réprimer le sourire qui exprime mon bonheur d'être avec lui. Cela va faire deux semaines à peine que nous sommes ensemble, et nous sommes comme sur un petit nuage. De toute ma vie, jamais je n'aurais pu croire que je finirais par partager les mêmes sentiments que Evan à mon égard. Je peux dire qu'il n'a jamais baissé les bras. On s'est rencontrés lors de notre première année à UCLA, et depuis, il ne m'a jamais lâché. Au final, je suis heureuse de sortir avec lui. Il est aimant, bienveillant, drôle, et puis, tout simplement parfait.
— Je ne veux pas vous freiner dans vos élans amoureux, nous crie Finn, mais je vous préviens, si on veut arriver avant la tombée de la nuit, il faudrait qu'on parte dès maintenant.
Nous nous détachons à regret l'un de l'autre. Finn est déjà au volant et April déjà installée à sa place habituelle, à l'avant. Après un dernier coup d'œil vers le studio, j'attrape la main de mon petit ami et nous montons à l'arrière.
Les vacances peuvent commencer !
*
Je me réveille pour la énième fois en pleurs. Je pensais être passée au-dessus de tout ça, et au final, il a juste fallu qu'on soit quatre autours d'une table pour que toute ma souffrance et ma tristesse remontent à la surface. D'une main, j'allume ma lampe de chevet à tâtons. J'aperçois avec surprise une tablette de chocolat sur ma table de nuit, avec un petit mot. Intriguée, j'ouvre le petit papier. Je reconnais immédiatement l'écriture de Finn.
« Evan m'a toujours dit qu'il voulait te voir heureuse. Alors s'il te plaît, fais-lui plaisir en nous rendant ton sourire. Quoi qu'il arrive, ne doute jamais de ce qui s'est passé cet été. Tu n'y es pour rien. Il a juste été rappelé beaucoup trop tôt. »
Malgré la tristesse qui m'accable, je parviens à sourire faiblement. Un sanglot déforme mon sourire, serrant mon cœur un peu plus fort. Je repose le mot sur ma table de chevet et repose ma tête sur l'oreiller, me laissant entraîner dans les abysses de ma tristesse et de mes souvenirs plus douloureux les uns que les autres.
*
— Oh ! Vous avez vu l'écureuil là-bas ? m'exclamé-je en pointant du doigt l'animal.
Telle une enfant, je ne peux m'empêcher de m'extasier à chaque fois que j'aperçois un animal quelconque. A notre droite, un écureuil se nettoie les pattes sur la branche d'un arbre. Il est tellement adorable.
— On en voit partout des écureuils, commente Finn.
— Je sais, mais celui-ci est vraiment mignon.
Finn rit en secouant la tête. Je sais très bien que lui aussi, tout comme moi, a tendance à s'émerveiller devant les produits de la nature. A ses côtés, April s'est endormie, laissant sa bouche entrouverte. Derrière elle, Evan en profite pour prendre quelques clichés d'elle, tout en s'efforçant de ne pas éclater de rire. J'en profite alors pour l'observer. Honnêtement, il a tout d'un homme parfait. Il est le juste équilibre entre la douceur et l'extravagance. Je distingue sans difficultés ses muscles saillants à travers sa chemise vert fluo – un goût totalement original. Je repense instinctivement à la dernière fois où j'ai pu goûter au plaisir de les sentir sous mes doigts. J'ai adoré retracer, à l'aide de mon index, les courbes de sa musculature pas aussi développée que celle des bodybuilders. Je me remémore le toucher velouté de sa peau, ses baisers dans mon cou, ses mains qui parcourent mon corps dans de délicates caresses. Ses mains sont tellement douces, qu'elles me donnent sans cesse envie d'y déposer un baiser à l'intérieur et de les poser sur mes joues.
Evan se retourne pour me montrer fièrement les clichés qu'il vient tout juste de capturer. J'étouffe un rire en apercevant la photo d'un gros plan sur le visage de ma meilleure amie, la bouche ouverte.
— Elles sont super ! Gardes-les précieusement pour les sortir le jour de son anniversaire.
— J'y compte bien, répond-il avec un clin d'œil.
Il m'entoure de son bras, et je me laisse aller contre lui, en respirant son parfum enivrant. Lentement, balancée par les mouvements de la voiture de Finn, je sombre petit à petit dans un sommeil profond.
*
— Oh, Seigneur, tu as une tête horrible.
Accoudée au comptoir de la cuisine, April m'observe d'un air horrifié. Après m'être réveillée, je me suis à peine regardée dans le miroir. La faim était passée en priorité.
— Par pitié, épargne-moi tes remarques, marmonné-je en laissant échapper un bâillement peu gracieux.
— Cette fois-ci, je ne plaisante pas, rétorque mon amie. Tu as une mine épouvantable. Tes yeux sont aussi bouffis qu'hier soir. Et je ne parle pas des poches que ça te fait en-dessous !
Je soupire en prenant ma tête entre mes mains. Je suis terrassée par la fatigue. Il faut dire que je n'ai pas assez bien dormi hier soir. Alternant les crises de pleurs, les moments de somnolence et les souvenirs de Evan, je parierais que je n'ai dormi que trois heures tout au plus.
— Tu peux me passer le jus d'orange s'il te plaît ?
April me sert directement un verre de jus. Je le prends et le vide lentement. Ma tête est littéralement sur le point de tomber sur le comptoir de la cuisine, en face de moi.
— Tu penses survivre jusqu'à ce soir ? me demande April, inquiète.
— Crois-moi, j'ai connu pire.
— J'espère bien. N'oublie pas que tu as des contrôles ce matin.
— Mince, j'ai oublié.
Je pousse un soupir de frustration.
— Je vais prendre une douche.
Je me lève pour rejoindre la salle de bains. Le jet d'eau brûlant me fait un bien fou. J'ai l'impression de me réveiller instantanément. Tandis que je frotte délicatement ma peau à l'aide d'un gant de toilette, je repense à l'appel que j'ai reçu la veille. Que me voulait l'inconnu ? Cette fois-ci, j'ai délibérément omis d'en parler à mes amis. Je sais que ça les inquièterait autant qu'à moi, et je ne voudrais pas les accabler, une fois de plus, avec mes problèmes assez étranges. Quoi qu'il en soit, cette histoire me paraît louche, d'autant plus que l'inconnu me connaît. Et pas en simple connaissance ! Il en sait beaucoup sur ma vie, mon passé, et mes pensées. C'est vraiment étrange. Comment une personne peut-elle me connaître autant ? Et si c'était un de mes amis qui était sur le coup de l'appel ? Cette idée me paraît encore plus louche et terrifiante. Et pourtant, ce sont les seules personnes à être au courant de ce qui s'est passé avec Evan. Puis, je repense à ce qui s'est passé le vendredi soir dernier. Y a-t-il un rapport entre ces deux évènements ? Si oui, pourquoi ça m'arrive à moi ? Et dans quel but ?
Exténuée par les mystères qui planent au-dessus de ma vie, j'enroule une serviette autour de ma taille pour rejoindre ma chambre. Tout en me préparant, je décide d'attendre le prochain coup de fil de l'inconnu, et d'en savoir un peu plus avant d'en parler avec mes meilleurs amis. Autant avoir des preuves, au lieu de passer pour une folle qui se retrouve comme piégée dans un de ses thrillers favoris.
Heureusement pour moi, la journée à UCLA se déroule agréablement bien. Mon sommeil s'est dissipé et j'ai pu me concentrer sans efforts lors de mes contrôles du matin. Avant de rentrer au studio pour troquer mes affaires de cours avec celles de mon travail, je passe rapidement m'acheter un café dans un Starbucks, non loin de ma résidence. Pendant que je fais la queue pour attendre ma commande, j'extirpe mon téléphone de mon sac pour vérifier si je n'ai pas de courrier important dans ma boîte e-mail.
— Jade !
Je me retourne et aperçois, sans surprise, mon meilleur ami, Finn. Il me sourit tout en s'approchant pour me prendre dans ses bras.
— Comment ça va depuis hier soir ? me demande-t-il en déposant un baiser sur mon front.
— Un peu mieux, je réponds, un léger sourire sur les lèvres. Au fait, merci pour le chocolat et ton petit mot.
Ses lèvres se fendent en un sourire compatissant.
— April m'a tout raconté. Je sais que c'est dur pour toi, comme ça l'est pour nous. Si tu veux, à l'avenir, on évitera de se regrouper à quatre personnes.
— Non, non, surtout pas. D'une manière ou d'une autre, je finirais toujours par repenser à lui, donc ça ne sert à rien de limiter nos regroupements à moins ou plus de quatre personnes.
— C'est comme tu veux, répond Finn en haussant les épaules.
— Sinon, j'ai vu que tu t'entends bien avec Nicholas, lancé-je pour changer un peu de sujet.
— Oui, dit-il en souriant. Il est plutôt sympa, et un peu trop énigmatique aussi.
— C'est la même vision que les filles qui viennent t'aborder en soirée ont de toi.
Il laisse échapper un rire, peu convaincu par mes propos.
La file avance rapidement, et je récupère ma boisson. Derrière moi, Finn me suit pour rejoindre les tables à l'extérieur du bâtiment.
— Tu ne seras pas en retard pour ton boulot ? me demande-t-il en jetant un coup d'œil à la montre que je lui ai offert le Noël d'il y a deux ans.
— Non. J'ai encore une heure trente devant moi. Je me changerais rapidement dans quelques minutes.
Il hoche la tête et nous prenons place. Nous nous mettons aussitôt à discuter de tout et de rien. Il me parle rapidement de ses dernières actions dans une association qui lutte pour la cause environnementale. Depuis que je connais Finn, c'est-à-dire, depuis le collège, il a toujours été très engagé dans la protection de la faune et de la flore. Faisant partie de plusieurs organismes, il se démène corps et âme depuis dix ans. Selon lui, c'est un combat d'une vie, et surtout de la sienne. Quand il me parle de ses nombreux projets et que je vois la révolte dans ses yeux, je ne peux qu'être fière de lui. C'est une cause qui le tient tellement à cœur, et cela me fait énormément plaisir de le voir animé d'une telle rage contre la société qui a du mal à prendre conscience et à agir face aux problèmes environnementaux actuels ; et qui, de jour en jour, continuent de mener leur vie dans la plus grande inconscience, favorisant la pollution de l'air, de l'eau, et la décimation de milliers d'hectares de forêts et d'espèces animales.
Quelques minutes après, le sujet divague sur Heather, qui l'a contacté très récemment pour s'excuser de sa disparition soudaine lors de la soirée du vendredi dernier. Il me montre quelques messages démontrant qu'elle aimerait se racheter en l'invitant chez elle.
— Waouh ! m'exclamé-je, heureuse pour lui. Tu vas y aller ?
Finn passe une main dans ses cheveux tout en regardant ailleurs, un sourire malicieux aux lèvres.
— Je ne sais pas trop... Peut-être bien.
— Ça fait longtemps que tu n'es pas sorti avec une fille. C'est une occasion en or pour te remémorer le bon vieux temps, rétorqué-je, taquine.
— Le bon vieux temps ? répète Finn en riant. Je n'ai pas besoin de me souvenir de mes anciennes conquêtes.
— Ana ne te manque pas ?
— Je te rappelle que c'est moi qui l'ai plaqué. Je sentais qu'elle ne me correspondait plus. On se supportait de moins en moins.
— Je le sais bien. Mais vous aviez passé quatre ans ensemble. C'est dommage de savoir que tu n'as absolument aucun regret.
Finn s'adosse à son siège tout en souriant.
— Crois-moi, je ne regrette rien. Elle était devenue insupportable. Et tu ne vas pas me dire le contraire !
J'éclate de rire.
— OK, tu as raison, j'arrête ! Elle était horrible cette fille !
Finn secoue la tête et change de sujet. Nous discutons encore quelques minutes avant que l'heure sonne pour moi d'aller me préparer pour le travail. Ma journée est encore loin d'être terminée, et cette discussion banale avec mon meilleur ami m'a fait le plus grand bien. J'en oublie même ma fatigue qui s'est fait ressentir à la fin de mes cours de la journée.
*
— Salut, Jade !
— J'y crois pas !
Nicholas est arrivé bien en avance aujourd'hui, et il arbore un sourire éclatant comme si nous avions toujours été amis. April avait définitivement eu raison. Boire un verre avec lui et mes amis avait détendu nos relations assez hostiles.
— Tu vas bien ? me demande-t-il, en faisant référence à ma mine déconfite de la veille.
Je me retourne vers lui après avoir rangé mon téléphone dans le coffre.
— Oui. Je suis désolée d'être partie précipitamment hier soir.
— Si tu veux en parler...
— C'est gentil, Nicholas, le remercié-je. Je n'ai plus trop envie d'y penser.
Je l'abandonne un instant à son poste de travail pour rejoindre le reste de l'équipe en salle. Je salue Florence de la main avant de me diriger vers Anders qui est en train d'inspecter les derniers chiffres de la caisse du jour.
— Bonsoir, Anders ! le salué-je.
Il jette un rapide coup d'œil vers moi, puis reporte son attention sur son écran.
— Bonsoir, Jade. J'espère que tu es en forme ce soir. La salle sera pleine à partir de 19 heures.
— Oui, je me sens d'attaque !
A vrai dire, j'essaie de me rassurer moi-même. Je sais qu'à une certaine heure, je n'arriverais plus à tenir debout, sous l'effet de l'accumulation de fatigue.
— Tant mieux. Tu as intérêt à bien surveiller Nicholas ce soir. On aura une table très importante à gérer vers 19 heures 30. Les plats n'auront pas intérêt à prendre froid avant d'arriver à la table de ces clients.
— Entendu.
— Tu te chargeras de cette table avec Florence.
— Elle ne sera pas au bar ? demandé-je, surprise.
— On est en manque d'effectif ce soir, m'explique Anders. Elle se débrouille très bien en salle, donc j'ai décidé de la mettre avec nous, juste pour aujourd'hui.
— Oh, d'accord, dis-je avec enthousiasme.
— Allez, file maintenant. On doit être prêts dans moins d'une heure.
Je me dépêche de retourner dans l'office du restaurant pour informer Nicholas de l'importance du service de ce soir. Il me promet d'être à la hauteur de mes attentes. Il a intérêt... Avec ses débuts catastrophiques, j'ai vraiment du mal à lui faire confiance. Il est tellement imprévisible et son humeur est inconstante. J'ai constamment l'impression de marcher sur des œufs lorsque je travaille avec lui. Et le regard de Anders lors des services n'arrange pas grand-chose...
Au moment de dîner au réfectoire, je croise Florence. J'affiche mon enthousiasme à l'idée de travailler avec elle ce soir. Elle me rend mon sourire. Florence a toujours été une bonne collègue. Elle est sérieuse, appliquée, serviable, et surtout, très rapide. A peine j'insère une commande dans notre logiciel de gestion, j'ai juste le temps de tourner la tête que la boisson commandée est déjà prête. Contrairement à moi, elle a passé cinq ans à étudier dans de grandes écoles réputées dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration à Paris, ce qui explique son expérience qui dépasse de loin le reste de l'équipe du bar. Elle est tellement douée qu'aucune boisson n'a de secrets pour elle. Je l'ai, d'ailleurs, plusieurs fois invitée à l'un des petits dîners entre amis, qu'organise souvent April au sein de notre studio. Elle nous a longtemps régalé avec ses cocktails, tellement originaux et délicieux.
— Prête pour ce soir ? me demande ma partenaire de service.
— Oui, je réponds avec un sourire crispé.
— Tu n'as pas l'air sure de toi, remarque-t-elle en me suivant vers l'une des tables disponibles du réfectoire.
On s'installe face à face, tandis que les sièges à nos côtés se remplissent d'une bonne partie de l'équipe chargée de l'accueil à l'hôtel.
— A vrai dire, j'ai un peu peur concernant Nicholas, avoué-je.
— Le nouveau super canon ?
J'éclate de rire.
— Ne me dis pas qu'il te plaît !
— Si, glousse Florence en prenant une bouchée. Il est vraiment pas mal.
— Tu ne dirais pas ça si tu travaillais avec lui, lui fais-je remarquer.
— Dis m'en plus alors.
Je me lance aussitôt dans une longue description des problèmes que j'ai rencontré avec Nicholas. Ses yeux s'ouvrent en grand tandis que je parle, sans m'arrêter. J'ai l'impression de me débarrasser de toutes les mauvaises pensées qui m'ont traversées l'esprit depuis que je connais Nicholas ; comme l'étrangler, l'écraser avec ma voiture, ou encore demander auprès de Anders à ce qu'on le vire.
— Ça alors ! Je ne pensais que tu ressentais de la haine pour lui ! s'étonne Florence.
— Ce n'est pas de la haine, la corrigé-je. Il m'énerve énormément à certains moments, mais... depuis hier soir, j'ai vu qu'il est plutôt sympa et qu'il peut se montrer agréable et drôle quand il le veut.
— Un pur mystère. J'adore ça !
J'ouvre des yeux ronds tandis que Florence éclate de rire face à la tête que je fais. Je termine rapidement mon dessert avant de me lever.
— J'espère juste qu'il ne fera aucune connerie ce soir. Je risque de dire adieu à ma promotion sinon.
Florence se lève à son tour. Nous débarrassons rapidement, puis nous nous dirigeons vers les vestiaires pour retoucher nos chignons et notre maquillage.
— Je l'espère aussi pour toi. Dans tous les cas, s'il se passe quoi que ce soit, compte sur moi pour assurer le service de notre table ce soir.
— Merci, Flo, la remercié-je avec reconnaissance.
POINT DE VUE DE NICHOLAS
Je ne cesserais jamais de me surprendre. Qui aurait cru que j'arriverais un jour à l'heure au Rivage pour travailler ? Surement tout le monde, mais pas moi, surtout depuis que j'y ai été contraint.
Tout en mordant dans le sandwich que je me suis préparé ce midi, j'observe les étoiles au-dessus de moi. Le quai de livraison du restaurant est définitivement mon endroit favori. Il n'y a presque jamais personne le soir, mis à part quelques cuisiniers qui sortent soit pour prendre l'air, soit pour fumer. D'ailleurs, j'ai plusieurs fois dû me reprendre pour ne pas leur demander une cigarette à bien me mettre entre les lèvres. Je persiste à penser que cela pourrait m'aider à supporter mon nouveau travail, même si je sais pertinemment que ce n'est qu'une illusion. Je me suis récemment fait le sermon de ne plus toucher à une seule cigarette pour éviter de ressembler, trait pour trait, à mon père biologique. Et cette fois-ci, après plusieurs rechutes, j'ai l'intention de m'y tenir sérieusement.
Je prends une nouvelle bouchée de mon sandwich, après avoir jeté un rapide coup d'œil sur ma montre. Il me reste encore vingt minutes de pause. Mes pensées se dirigent aussitôt vers ma soirée de la veille.
Même si j'ai du mal à y croire, j'ai beaucoup apprécié le moment où j'accompagnais Jade pour boire un verre avec ses amis. Elle semblait beaucoup plus détendue que lorsque qu'elle était au travail, et c'est une facette d'elle que j'apprécie. Au restaurant, elle est constamment sur le qui-vive, très concentrée sur son travail. Elle sourit très souvent, elle est énergique et très rapide dans ce qu'elle fait. Cependant, il y a des moments où je perçois son stress. Elle le cache définitivement bien, mais après quelques années à avoir travaillé au sein de la SSD, j'ai pu travailler mon habilité à discerner les différentes formes de stress chez les personnes qui aiment bien les dissimuler. Elle adore son travail, c'est indéniable. Et je comprends tout à fait son agacement à chaque fois que j'enfreins ses règles. Malheureusement pour elle, je compte bien continuer ainsi, même si j'apprécie beaucoup sa compagnie. Les seules fois où elle m'agace réellement, ce sont les fois où je me fais prendre et qu'elle prend ses airs supérieurs pour me réprimander et me donner des ordres.
Si je compte saboter son travail, il faut que je me prépare à retrouver son regard courroucé. Je soupire, déjà exténué à l'idée de devoir l'affronter de nouveau. D'après Jade, ce soir elle aura une table très importante à gérer. Elle m'a donné quelques règles à suivre et, malgré mes promesses, je pense que c'est le moment idéal d'entrer en jeu et d'avoir plus d'impact sur sa carrière avec mon plan.
Je relève de nouveau la tête vers les étoiles, tout en ouvrant ma bouteille d'eau pour étancher ma soif. Je repense à ma dernière discussion avec mon meilleur ami. Maxim a raison. Mon plan est totalement sadique. Et le fait que Jade m'ait invité hier soir et qu'elle soit repartie les yeux brouillés de larmes n'arrange rien. Un sentiment de culpabilité me ronge depuis que j'ai eu cette idée, alors que je n'ai encore rien exécuté. Cependant, à choisir entre ma carrière d'agent secret et ma nouvelle supérieure, le choix est vite fait. Je la connais à peine et je n'y suis pas autant attaché qu'à mon ancien métier. D'une main, je porte le goulot de ma bouteille à mes lèvres tout en chassant mes remords. Je ferais preuve d'humanité une prochaine fois.
*
Le service a débuté depuis dix minutes, et la table de Jade est déjà complète. Trente personnes y sont installées, et elles ont l'air de composer l'une des familles les plus riches de la ville. Posté tout près de la porte menant à la cuisine, j'observe Jade prendre les commandes pendant que sa coéquipière, Florence il me semble, sert de l'eau à tout le monde. La sonnette du chef retentit. Je me retourne.
— Les amuse-bouche pour la table 3 ! annonce le chef en poussant quatre petites assiettes garnies vers moi.
Je les récupère sur un plateau et me dirige vers la table de trente personnes. Au fur et à mesure que j'avance, je sens les regards se poser sur moi, comme depuis le jour où j'ai commencé mon premier service au Rivage. Je sais très bien que personne ne m'observe, et pourtant, j'ai l'impression du contraire. Les clients, plus riches les uns que les autres, attablés autour de moi me mettent mal à l'aise. J'ai constamment le sentiment de ne pas être à ma place. Cela va de soi, j'ai longtemps baigné dans une vie déplorable, dans un petit appartement paumé avec ma mère qui peinait à payer toutes ses factures. Certes, ma vie a changé à présent ; j'ai basculé de l'autre côté, et c'est maintenant que je ressens un inconfort face à ce changement.
Au moment où j'arrive devant la table, je me penche pour poser les assiettes, en essayant de les répartir équitablement. Lorsque je me redresse, en tentant d'esquisser un sourire poli, j'aperçois en face de moi une jeune femme qui me fait de l'œil. J'ai l'impression qu'elle est la plus jeune de la tablée, mais également la plus belle. Ses cheveux auburn sont attachés en un chignon très élégant. Deux mèches encadrent son visage parfait, dans de jolies ondulations. Ses yeux de biche pétillent lorsqu'ils croisent les miens. Je lui souris poliment avant de rejoindre la cuisine rapidement, troublé par ce qui vient de se passer.
— Ah, Nicholas !
Je me retourne. Florence me tend un plateau contenant environ cinq verres différents. Mes yeux s'écarquillent. Je ne sais vraiment pas si j'arriverais à porter autant de verres sur un si petit plateau. Puis, je me rappelle que c'est le moment idéal pour mettre mon plan à exécution.
— C'est un plateau pour la table 3. J'ai disposé les verres dans l'ordre. Tu les poseras en partant du siège n°1 vers le n°5. Compris ?
— OK.
— Je sais que ce n'est pas ton rôle, continue Florence, mais on est un peu à la bourre là.
Ma main prend délicatement la place de la sienne, quand une idée me vient en tête. Je tourne la tête, et aperçois la jeune femme aux yeux de biche qui me lance un clin d'œil. C'est clairement un appel, là !
J'avance moins confiant sur la démarche à suivre que sur mon plan. Je n'arrive pas à croire de ce que je m'apprête à faire. Arrivé à la table, je compte mentalement les sièges, selon l'ordre que m'a enseigné Jade. La jeune femme est à la quatrième place.
Je sers les trois premiers verres sans problèmes. Au moment de servir le suivant, je remarque que la cliente s'est légèrement décalée sur la droite, bloquant ainsi le passage pour que je puisse passer entre sa chaise et celle de son voisin pour poser son verre. Je réfléchis rapidement à une manière de procéder, puis opte pour l'option « se faire passer pour un imbécile ».
Je récupère le quatrième verre, et au moment où je me penche pour le poser avec la main droite, mon genou heurte la chaise de la jeune femme. Mon plateau, posé sur ma main gauche vacille et le dernier verre posé dessus tombe et déverse tout son jus sur la robe de la cliente. Une exclamation générale s'élève tandis que des chaises raclent le sol et que des hommes se lèvent pour tendre leurs serviettes à la victime de cet incident. Cette dernière s'est relevée sous la surprise, formant un « o » avec sa bouche en voyant une tache humide qui s'étend au-dessus de ses deux cuisses. Je pose rapidement mon plateau sur le guéridon derrière moi et attrape un liteau. Heureusement que le verre soit tombé sur le plateau et non sur la jeune femme. Je n'aurais pas voulu blesser quelqu'un. Je me penche vers elle.
— Je suis terriblement désolé pour ce qui vient de se produire. Laissez-moi vous aider à nettoyer votre robe.
Je tends la main vers le tissu trempé, mais elle me stoppe en posant sa main sur la mienne.
— Ce n'est rien, répond-elle en souriant poliment.
Une lueur illumine ses yeux.
— Emmenez-moi dans la buanderie du restaurant. Il faut que je sèche rapidement ma robe.
J'acquiesce. Tout en l'aidant à se relever, j'aperçois au loin, Florence, Jade et Anders qui nous observent, effarés. Ils viennent de se rendre compte de ce que je viens de commettre. Je leur fais signe que je vais aider la jeune femme à sécher sa robe.
Je la conduis sans tarder dans les arrières-locaux du restaurant, avant d'atteindre la buanderie. Je la fais entrer dans la pièce, dans laquelle des machines sont en train de tourner à plein régime. Elle m'attrape la main.
— Non, restez avec moi !
Surpris, je me laisse entraîner avec elle. Elle referme la porte derrière nous, puis commence à se déshabiller devant moi. Je me retourne pour lui laisser un peu d'intimité, mais elle me retient d'une main.
— Je suis contente que vous ayez renversé ce verre sur moi, dit-elle, un sourire espiègle aux lèvres et une lueur dans les yeux. J'étais en train de chercher un moyen de vous avoir pour moi toute seule.
Mon cœur rate un bond. Je n'avais pas envisagé cette tournure des évènements. Tout ce que j'avais voulu, était de renverser le dernier verre afin de faire un scandale venant de mes supérieurs. Malheureusement pour moi, les choses se sont déroulées autrement, et il a fallu que le verre tombe sur la jeune femme qui me lance des regards de séductrice depuis quelques minutes déjà. Et voilà que je me retrouve, pris au piège par ma victime, qui a pris cet incident pour une opportunité de se dévoiler nue devant moi. Je n'ai pas pu rêver pire comme scénario.
— Je pense qu'il y a un malentendu, balbutié-je en reculant jusqu'à heurter une machine à sécher le linge.
— Il n'y a aucun malentendu, affirme la jeune femme. Par contre, je vois que vous avez trouvé ce dont j'ai besoin.
Elle désigne la machine derrière moi. Elle fourre sa robe à l'intérieur et démarre le processus de séchage. Puis, son regard se reporte sur moi. Elle prend mon visage dans sa main. Je ne sais pas trop comment réagir. Mon cœur bat vite et mon cerveau tente de trouver une solution rapidement. Inconsciemment, mon regard descend le long de son corps, nu, devant moi. Elle a des courbes parfaites. Sa poitrine pointe dans ma direction. Je ferme les yeux, tout à coup conscient qu'une femme puisse me violer. J'aurais voulu me défendre, mais le fait que ce soit une femme en face de moi, me retient de le faire. Je n'ai pas envie de lui faire du mal, et... il faut dire qu'elle est sacrément belle. Troublé par la situation, je tente de remettre de l'ordre dans mon esprit. Si je l'abandonne ici, elle risque de faire un scandale plus tard. Ce ne serait pas plus mal, vu que j'en ai besoin pour me faire virer. Mais cette possibilité sortirait totalement de la vision que je me faisais de l'exécution de mon plan.
La main de la jeune femme posée sur mon entrejambe me sort aussitôt de mes pensées. J'ouvre les yeux en grand, et l'aperçois avec surprise, agenouillée devant moi. Oh, Seigneur, ne me dîtes pas que... Comme je le pressentais, elle ouvre ma braguette. Mes désirs primitifs de mâle reprennent rapidement le dessus sur ma raison. Tandis que je me laisse aller contre elle, je ne cesse de me répéter que je suis foutu.
La situation est irréelle. Malgré mes difficultés à me raisonner, je finis par me laisser tenter. La beauté de la jeune femme a réussi à donner le change, et puis, personne n'allait en être au courant. Cependant, je commence déjà à culpabiliser. La déception à mon égard m'envahit. Je n'arrive pas à croire que je me suis laissé faire ainsi. Je pensais que je valais mieux que ça. Je ferme les yeux en essayant de chasser mes pensées et tente de me concentrer sur ce qui est en train de se passer en m'abandonnant aux caresses de la demoiselle au corps parfait. Soudain, la porte s'ouvre en grand et mon pire cauchemar devient réalité.
***
PETITE NOTE DE L'AUTEUR :
Comment trouvez-vous ce chapitre ? N'hésitez surtout pas à me laisser votre avis en commentaires ! Des bisous :)
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