⁂

Peter Parker.

Si dans votre vie, vous avez un semblant de maturité, si vous êtes -ne serais-ce qu'un peu- malin, alors évitez de courrir avec des chaussures de ville. Mais bon, quand je vois Cassidy et Paige manquer de s'étaler sur le sol tous les cinq mètres avec leurs talons, je me sens déjà mieux, bien que inquiet pour elles. Au croisement de la rue, je m'arrête en faisant se faire bousculer tout le monde dans mon dos. Nous reprenons notre souffle, la respiration haletante avant d'éclater dans un grand rire épuisé.

"J'arrive pas à croire..." Cassidy reprend une respiration en posant une main sur sa poitrine, "que je viens de m'enfuir de ma propre maison."

"Je ne comprends toujours pas pourquoi on a fait ça!" dis-je avec un grand sourire malgré moi.

La situation est des plus amusante contre notre volonté.

"Elle a dix-huit ans aujourd'hui les gars!" annonce Paige en se laissant tomber contre un lampadaire, "si vous aviez passé une journée d'anniversaire aussi horrible que la mienne pour une si belle date, vous comprendriez qu'il est indispensable de faire vivre une superbe expérience aux gens qu'on aime."

"Au risque de se faire courser par le père en colère de Cassidy avec un fusil de chasse?"

Cassidy manque de s'étrangler, je lui lance un regard nerveux; à elle de décider si il vaut mieux rentrer ou non. Elle lance un regard hésitant à la rue derrière elle. Dans l'une de ces maison se déroule l'anniversaire de Cassidy, sans Cassidy.

"Cass... C'est à toi de voir. Soit on continue et on t'entraine dans une belle connerie, soit on rentre à l'heure pour le diner." lui propose Flash en posant une main sur son épaule.

Elle baisse les yeux et tape du pied en semblant réfléchir puis soudain, elle lève la tête vers nous, tout sourire.

"Est-ce que des petits légumes sautés est un plat de dix-huit ans digne de ce nom?" lance-t-elle.

Je ne réponds pas et me contente de lâcher un rire, imité par les autres.

"Vos silence veulent tout dire. Je suis plus partante pour un fast-food! Pas vous?"

Et elle s'élance devant nous en sautillant.

"Allez les gars, Coney Island n'attend pas!" nous crit-elle en continuant de tracer sa route.

On se lance tous un regard troublé et Flash énonce mes pensées à voix haute.

"Coney Island? Elle parle vraiment de Coney Island?"

Nous voilà à la courser pour la bombarder de questions alors que nos pas nous mènent à la station de métro la plus proche, en direction de Luna Park, le célèbre parc d'attraction de New-York à Coney Island.

***

"Quand vous aurez mangé un hot dog de chez Nathan, vous arrêterez de me crier dessus!" s'insurge notre amie en avançant dans le parc.

Notre New-York pass nous donne accès à un bon nombre d'attraction pendant quatre heures d'affilée. Autour de nous, il n'y a pas excessivement de gens mais l'ambiance est toujours aussi magique. Les parcs d'attractions américains sont le rêve des européens, et ils ont raison. Chez nous, on aime bien en faire des tonnes question sensations, c'est pour ça que nos modules sont bien differents de partout ailleurs. Les lumières clignotent autour de nous alors que doucement, la péninsule se plonge dans la pénombre de la nuit. Dans un tel environnement, on ne peut qu'oublier l'extérieur, le buffet de caviar et la salle de balle dans la maison de Cassidy. Tout comme potentiellement ses parents en colère et morts d'inquiétude. Je me pince l'arête du nez, souffle un coup et continue d'avancer en voyant Paige qui m'attend quelques mètres devant, en tendant vers moi sa petite main. Je laisse se dessiner sur mes lèvres un sourire, peut-être que c'est enfin notre moment, peut-être que ce soir, ce ne sera pas que Cassidy qui passera une belle soirée. En me focalisant sur Paige, je laisse s'envoler tous mes tracas.

Je ne vous cache pas que notre situation a parfois tendance à m'agacer quand je suis seul et que je me mets à y penser. D'une part, je meurs d'envie de l'embrasser pour de bon, de la savoir mienne et de pouvoir lui dire tout ce que je ressens pour elle. D'une autre... Ça me plait ce petit jeu, ce flirt, ces regards, ces paroles... Mais est-elle sincère ou se joue-t-elle de moi? Je ne pense pas que ce soit son genre, je crois simplement qu'elle aie d'autres soucis qui la tracasse et qu'elle a autre chose à faire que de répondre à mes avances. Je n'en sais rien, je suis si partagée entre deux sentiments... J'aimerais que je sois à ses yeux une priorité comme elle l'est aux miens. Parfois, le soir, dans mon lit, je fixe le plafond et cette pensée me brise le coeur. Pourtant, une fois à ses côtés, c'est comme si j'oubliais tout.

"Errrrkfrrrfrrr!"

Je me retourne pour voir d'où provient cet horrible bruit en fronçant les sourcils.

"Fkrrrff...! Cass...! Moque... Pas, moi! Frrggg!"

La brune éclate de rire à côté de moi et je ne peux que l'imité. Mais en voyant Flash virer au bleu... Mon bon sens refait surface et j'accours aider mon meilleur ami.

"Imbécile! Explique moi comment t'as fais pour t'étouffer avec de la barbe à papa!" dis-je en lui tappant dans le dos.

"Ce truc est diabolique, mec, crois moi." il se lèche les doigts après avoir repris ses esprits, "et pourtant c'est une tuerie."

"Une tuerie, en effet." dit Cassidy en regardant sur son téléphone la vidéo du blond se pavanant avec sa sucrerie pour finalement perdre son souffle avec.

"Je suis en train de décéder devant tes yeux et ton premier réflexe est de me filmer? Je retiens! La prochaine fois qu'on se retrouve... Je sais pas moi, dans un désert, par hasard et qu'on a plus qu'une bouteille d'eau, je la vide devant tes yeux sur mes pompes pour les nettoyer."

"Trouve moi un désert à New-York et on en reparle!" lance-t-elle avec un sourire moqueur.

Le blond semble réfléchir alors que je m'abstiens de faire remarquer que dans sa théorie, lui aussi mourrait de soif si il parvenait à faire ça. Pourtant quelques mètres plus loin, il trouve sa réponse;

"Bah voilà!"

En réalité il ne s'agit que d'une attraction sous forme de balançoire voltigeant très haut et en rond, le thème est justement le désert. Flash arbore un sourire fière.

"Excellent, allons alors mourir de soif là-haut!" lance Cassidy toute guillerette.

Je manque alors de recracher le soda que je me suis acheté quelques minutes plus tôt; le blond devient livide.

"Hein? Mais tu sais, j'ai pas soif et je..."

"Tu aurais peur, Flash Thompson?" dit Paige en montant sur une marche du bord de l'attraction pour le surplomber.

Il relève le menton vers elle en retrouvant son air satisfait.

"Absolument pas! Regarde Wells, il y a des gosses là-dessus, je n'ai sûrement pas peur. Flash Thompson n'a peur de rien."

"Me dire qu'il y a des enfants sur l'attraction est la technique que j'utilise pour me rassurer quand j'ai les boules."

Et la brune s'en va rejoindre Cassidy dans la file. Je hausse les épaules et les rejoint, suivi d'un Flash hésitant. Je le connais, il est mort de trouille mais ne dis rien; cette fois je ne veux pas lui faire de réflexion uniquement parce qu'il passe un moment avec une fille qu'il aime bien. La grille s'ouvre à nous en nous laissant passer, nous dévoilant des chaises suspendues et vides qui ne tarderont pas à être remplies. J'adore cette attraction depuis tout petit mais ai toujours été quelque peu angoissé dessus. Que ce soit à sept ou à dix-huit ans, j'ai encore peur qu'une des balançoires sorte de ses gonds et soit propulsée loin dans le parc. Peut-être impossible et pourtant terrifiant. Flash, une chaise à côté de moi lance des regards insistants aux filles tout en balançant exagérément ses jambes dans le vide. L'attraction commence à s'élever pour nous emmener haut au-dessus du parc avant de se mettre à tourner, le blond devient plus pâle mais continue de jouer au dur. Il suffit pourtant d'une pichenette de la part de la rousse pour le faire hurler avant l'heure. Les deux amies s'esclaffent et je profite de cet instant de calme pour regarder autour de moi le parc plongé à moitié dans la pénombre. D'ici, on voit absolument tout. Les lumières ressortent encore plus vives et la fête parait bien plus chaleureuse qu'elle ne l'est vraiment. Des effluves de nourriture et en particulier de fritures sucrées nous parviennent en chatouillant mes papilles, diverses musiques se mélangent pour ne former plus qu'un seul brouhaha incompréhensible et a l'horizon, un tableau rose et orangé souligné de la skyline de New-York s'offre à moi. Comme quand je vagabonde sur les toits, je sens que le monde m'appartient. C'est une sensation dont je ne me lasserai jamais, une sensation de liberté; je sens couler dans mes veines mon sang particulier et une envie de sauter par dessus bord pour allez courrir le long des cheminées me prend avec vigueur. Mais je reste en place, l'attraction s'active et enfin le vent me fouette le visage en ébouriffant mes cheveux sans merci. La vitesse n'est pas trop élevée ce qui me laisse le temps d'observer le paysage à 360 degrés. Malgré les cris de Flash et les rires des filles, j'ai l'impression d'être seul au monde et de voler; l'air frais sur mon visage est des plus apaisant. Je ferme un instant les yeux et quand je les ouvre, il me suffit de tourner la tête vers la droite pour voir Paige, ses yeux croisent les miens et ils brillent avec frénésie. Que ce soit le vent qui l'aveugle et qui les fait pleurer ou que ce soit la joie qui la submerge, elle reste magnifique.

Car je sais qu'elle ressent la même sensation que moi, ce sentiment unique et égoïste que tout nous appartient et que nous sommes maîtres de ce qui nous entoure.

Car c'est une rêveuse comme je suis un rêveur.

Et c'est ainsi que nous avons passé une des plus belle soirée de notre existence, en concluant notre virée au parc par un tour de train pour enfant. Cassidy avait trouvé ça génial de retrouver ses souvenir d'enfance, ce petit train traversant une taverne remplie de poupées chantant une comédie musicale était sa préférée étant petite. Elle a donc décidé de nous y emmener, ignorant les regards interloqués des gens qui nous ont vu monter dans un wagon pour enfant de cinq ans non accompagnés par l'un d'entre eux. Et évidemment, ça n'avait pu que mal vieillir et devenir malsain au possible... Comme nous étions une bande d'amis chanceux, le train s'est arrêté au milieu de la grotte en laissant tourner en boucle le même refrain et les mêmes mouvements de ces créatures démunies d'un oeil ou même parfois d'une main. Pour la première fois, nous n'avons pas ris sur le coup et nous sommes blottis les uns contre les autres; plus jamais je ne verrais une poupée comme avant.

Mais le fou rire est bien présent en ressortant après avoir mangé un hot dog de Nathan, le plus réputé de la région et avoir fait une balade sur la baie.

"Les gars?" annonce Flash en se tournant vers nous, son hot dog à la main.

On l'interroge du regard.

"En fait, vous aviez raison. Les balançoires, j'ai horreur de ça."

Il sourit et nous lui répondons tous par ce même sourire sincère. Malheureusement il va être temps de rentrer et affronter les foudres de la famille de Cassidy et je suis certain que passer la nuit dans la taverne aux poupées serait plus agréable.

♔