Chapitre XVIII
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Paige Wells.
Je me redresse sur mes deux jambes en lui subtilisant le sabre d'une main ferme. Entre les cartons, elle me regarde, les yeux grands comme des soucoupes et la bouche légèrement entre-ouverte. Je sais pertinemment ce qui est en train de se passer; un simple coup d'oeil en direction de mes mains me confirme que je me suis à nouveau transformée.
Bien, autant que cette sorcellerie serve à quelque chose. Par exemple, me tenir en vie.
Soudainement, allongée dans les ordures, elle souffle une mèche de ses cheveux tombant sur son visage et se met à rire aux éclats. Je sers les dents en grognant et lui plonge dessus en brandissant mon sable, poussant un cri de rage sortant du plus profond de mes entrailles. Bon sang, serais-je prête à tuer un être vivant? Lui oter la vie me rabaisserait à son niveau de psychopathe avide de sang. Alors je me mets en tête l'idée de lui donner une bonne raclée, rien de plus. Du moins, si j'en suis capable. Cette adrénaline furieuse s'emparant de moi me dit que je peux le faire, que je veux le faire. Elle coule dans mes veines comme un liquide bouillonnant que je sens parcourir chaque parcelle de mon corps. Alors je lui bondis dessus, me retrouvant assise sur elle et l'emprisonnant de tout mon poids. D'une main abile j'attrape son deuxième sabre dans son dos et plante les deux armes de chaque côté de sa tête en rasant par la même occasion quelques mèches de ses soyeux cheveux blonds dorés. Elle ne cesse de sourire et de rire fortement alors que d'une pulsion soudaine, j'envoie moin poing valser en plein dans sa joue gauche.
Je ne me serais pas cru capable d'une telle force.
Elle relève son visage vers le miens, la joue bleutée et le nez abondant de sang frais et épais. Le temps que je me remette moi même de mes émotions, d'un geste subtile elle me pousse en arrière. Mon derrière glisse sur le sol en arrachant mon jean de part et d'autre, je viens me cogner contre le mur d'en face. Elle reprend le dessus, pourtant je ne suis pas déterminée à lâcher l'affaire. Si je ne la mets pas K.O, alors elle n'hésitera pas à me tuer; il n'y a pas de retour en arrière possible. Elle approche, sans ses armes, pourtant je sais que de ses poings elle est capable de tout. Bien, alors ce sera un combat à mains nues. Je grogne, les yeux jettant des éclairs tant la colère me ronge; cette fureur en moi la fait plus rire que fuir.
"N'espère pas vaincre Nedra ma petite. Je suis la favorite du patron, ce n'est pas pour rien."
La dite Nedra lâche un rire aiguë et complètement fou qui me laisse la chaire de poule sur les rares parcelles de mon corps n'étant pas recouvertes de cette peau de serpent. Elle lève les bras d'un geste noble en me fixant avec intensité; ses yeux verts brillent d'une lueur mystique. Un filet de sueur coule le long de ma nuque tandis que je sens mon assurance retomber.
Est-ce que j'hallucine?
C'est fort possible après tout, pourtant j'en ai déjà vu d'autres.
Le moindre petit cailloux gisant jusqu'à présent au sol s'élève de chaque côté de la blonde qui sourit avec malice. Je me rends alors compte de la largeur extrême de sa bouche qui lui donne un air encore plus psychotique sous cet angle de vue. Elle émane une de ces puissances qui me laisse sous le choc, je me retrouve à la case départ, paralysée et incapable de faire quoi que ce soit. Alors que les graviers de tailles variantes s'élèvent pour former une masse compacte volante, je sais pertinemment qu'elle projecte de me les envoyer dessus et de me réduire à une masse inerte incrustée de cailloux. Je ne peux que penser à la douleur que ces milliers de microscopiques crasses me procureraient une fois implantées dans chaque parcelle de mon petit corps. Je ne peux plus la regarder, c'est bien trop intense pour moi; alors je regarde mes mains. Avec une immense déception, je remarque les nuances vertes de mes écailles se dissiper petit à petit en disparaissant lentement sous ma peau. La preuve que je perds en assurance face à elle.
La preuve que je vais être dévisagée dans quelques instants.
C'est vrai, pourquoi me tuer si elle peut me voir souffrir à l'agonie en attendant que je la supplie de me tuer pour en finir?
"Ce sont mes affaires, depuis quand tu t'intéresses à ce que je fais en dehors des cours?"
"Depuis que tu comptes pour moi. C'est le rôle des gens qui t'aiment non? De s'inquiéter pour toi."
Tu comptes pour moi.
Je revois Peter assis au volant de la voiture de Flash et qui m'annonce que je compte pour lui comme si c'était une évidence. Je sais qu'il m'aime, que je l'aime et que malgré tout, tout est flou entre nous. Pourtant nous savons tous les deux ce que nous voulons. Et que j'ai manqué bien trop d'occasions de lui avouer mon ressenti ou de lui laisser la chance de m'avouer le sien. Mes mains me picotent agréablement la peau; je sais ce qu'il me reste à faire.
Hors de question de se laisser abattre alors que j'étais en bonne voie.
Comme une furie, je réagis au quart de tour. Je me jette sur ses jambes en lui faisant perdre son équilibre. L'avantage avec une pauvre jeune fille qui ne sais pas trop ce qu'elle fait, c'est que je suis totalement imprévisible. Vous me croyez abattue? Je me relève comme un rien. Mais sans se mentir, je me croyais moi aussi abattue. Tout n'est que du hasar, je ne sais pas ce que je fais. C'est ce qui pourrait bien me rendre bien plus redoutable, ou alors, causer ma perte. Les cailloux retombent tous mollement au sol alors qu'elle en perd le contrôle. De cette façon, ils pleuvent sur nous comme un rien, venant simplement nous chatouiller la peau et s'infiltrer dans nos cheveux, nos vêtements, sans pour autant blesser leur cible comme prévu. Une fois au sol, je n'ai plus à dicter à mon corps ce qu'il doit faire; comme un pantin, je fais ce que mon instinct me souffle et j'abas mes ongles sur son torse à découvert. Je découvre avec surprise la longueur de ceux-ci et à quelle point ils sont acérés. Tous les jours je me découvre de nouvelles capacités, il me faudra juste apprendre à les dompter. Mes griffes, si je puisses les appeler ainsi, laissent de profondes traînées rougeâtre sur la peau pâle de Nedra en se prolongeant sur son sous-vêtements métalliques lui aussi griffé. Elle hurle à la mort en se débattant, son cri déchire la pénombre en me faisant reculer. Je me rends alors compte que je viens de lacérer une femme avec mes propres ongles.
La stupeur s'empare de mon visage, ma haine retombe légèrement sans pour autant s'effacer; Nedra git au sol en haletant, portant une main à sa poitrine baignant dans le sang. Une part de ma conscience espère malgé tout que les dégâts ne soient pas trop importants, qu'elle pourra s'en sortir malgré tout.
Après avoir pris plusieurs longues inspirations, la jeune femme geint et se met à rire, confirmant qu'elle n'est pas seule dans sa tête.
"Comment t'appelles-tu?" dit-elle d'une voix rauque.
Je la regarde en plissant les yeux et m'approche en étant persuadée que dans cet état, elle n'est capable de rien. Malgré moi, je m'efforce de ne pas montrer que lui avoir fait cette blessure me touche. Pourquoi lui dirais-je mon nom si c'est pour me retrouver? Qui est cette créature qui sommeil en moi? Elle n'est pas Paige, loin de là. Je la fixe intensément alors que le sang stagne sur son torse et que ses doigts triturent sa blessure tandis que son torse se soulève avec difficulté. Pourtant son large sourire ne quitte pas son visage.
"Raven."
Je me revois à l'âge de cinq ans alors que mon père rantrait de son travail avec un air enjoué. Il m'a présenté Raven, son nouveau bébé serpent qu'on lui avait donné quelques heures plus tôt. Un serpent inoffensif depuis qu'on lui avait retiré la capacité d'envenimer ses proies. C'est un magnifique reptile aux reflets métalliques, je me souviens l'avoir longtemps contemplé dans son vivarium en étant petite. Pourquoi appeler un serpent corbeau? Certainement à cause de ses sombres écailles noires de jai. Parfois, mon père la sortait de là pour la poser sur mon bras. Alors elle rampait le long de ma peau en me chatouillant, je riais tandis qu'elle faisait le tour de mes épaules pour revenir sur mon autre bras et se redresser sur ma main; ses yeux jaunes m'ont longtemps fascinés. Raven a grandit et moi aussi, quand j'allais mal je sortais Raven de son vivarium pour la laisser glisser le long de mes bras, elle me regardait et hochait la tête quand je lui racontais mes soucis. Une habitude étrange qui me faisait me poser énormément de questions à son sujet. Je me prenais à croire qu'elle comprenait ce que je disais, ce qui renforçait encore plus mon amour pour cette bête. Les gens autour de moi avaient peur des serpents, si seulement ils avaient su que l'un d'entre eux était mon confident... Ma mère aussi avait un faible pour la créature, elle la soignait avec ses dons pour les reptiles comme elle soignerait un enfant. Et puis il y a eu son accident au laboratoire. Depuis ce jour les choses ont changées, Raven se terrait à longueur de journée dans le creux de son abri en bois sans plus en sortir, comme si elle avait senti la mort de maman. En la regardant, je pleurais encore plus. Comment se faisait-il qu'un serpent puisse avoir des sentiments de la sorte? Comment avait-elle pu savoir que maman n'était plus de notre monde? Un soir, j'ai sorti la créature de son environnement pour la poser sur mon ventre en m'allongeant sur le canapé. Elle m'a scruté de ses yeux jaunes en faisant passer un courant électrique intense en moi, ensuite je lui ai déballé tous ce qui me pesait sur le coeur par rapport à la mort de ma mère. Des choses que je n'ai dis à personne d'autre. Ce soir-là, Raven n'a pas lâché un instant mon regard tandis que je parlais, comme si elle buvait mes paroles. Alors je me suis endormie là, avec le reptile couché sur mon t-shirt. En me réveillant le lendemain, il ne restait de ma confidente qu'un petit corps inerte.
Elle était partie en emportant avec elle le souvenir de maman et mes confidences.
"Raven, tu as fait tes preuves. Tu serais une coéquipière parfaites."
Devant mon air interrogateur, Nedra rit de plus belle.
"Dis moi ce dont tu as besoin et je te le donnerai. En échange tu me procureras tes services. Et bien entendu, je te laisserai la vie sauve."
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