Chapitre vingt-et-un
Anna allait le déchiqueter. Elle repoussa ses cheveux en arrière et se pencha en avant.
-Qu'est-ce que tu veux savoir ? lui demanda-t-elle en le fixant sans ciller.
-Je n'ai pas dit...
-Tu veux savoir ce que ça fait de faire une fellation ? Ou alors tu veux savoir comment faire ? Rien n'est plus facile en fait... du moins quand on a la technique. Et moi je l'ai.
-Très drôle. Qui nous fait croire que tu ne mens pas ? rétorqua Colin Lightwood
Anna saisit la banane de son plateau et je fis un effort monumental pour ne pas la regarder et hurler de rire. Je continuai à manger pendant que les autres la regardaient bouche bée. Elle éplucha la banane et l'approcha de sa bouche avant de se reculer.
-Tout est dans la langue, en fait, et dans l'attitude tu vois Colin ?
Elle ferma les yeux, un sourire aux lèvres et passa sa langue sur le bout du fruit. Elle avait manifestement une certaine dextérité due à la pratique. Je n'en pouvais plus de la regarder sucer une banane. Colin la fixait, Seth regardait ostensiblement ailleurs, Brent devait avoir une érection quant aux autres garçons, ils n'arrivaient pas détacher leurs regards de ma sœur, l'œil lubrique.
-La règle numéro une, la plus cruciale de toute, tu sais ce que c'est ?
-Lubrifier ? tenta le garçon.
-Non. Sans les dents.
Elle croqua dans le fruit et le mangea en riant. Anna savait maîtriser son visage et Colin était devenu légèrement rose. Je n'avais pas vu une personne aussi gênée depuis longtemps.
-Et pour la sensation et bien... je dirai que ça dépend du moment où le garçon a pris sa douche.
-Sinon ça fait pic et croc, ajouta Léa en riant.
Les deux filles se secouèrent de rire et j'émis un rictus.
-En clair, continua Anna en continuant de manger sa banane, c'est agréable selon le garçon. Enfin personnellement j'aime bien donner du plaisir aux autres.
-Et c'est quoi le lieu le plus bizarre où tu l'as fait ? demanda Dave s'attirant les foudres de Brent.
-Une pipe ? Je fais pas ça dans des lieux bizarres voyons. Il faut un minimum de confort si on est à genoux.
Colin secoua la tête.
-Désolé, ça ne colle pas avec ton personnage.
-Mon personnage ? hoqueta Anna.
Elle ne me regarda pas une seule seconde mais je la connaissais suffisamment pour savoir ce qu'elle pensait.
-Genre toi en chaudasse ? C'est toi Anna. Tu dis jamais un mot plus haut que l'autre et tu essayes de nous faire croire que tu es une pro de la fellation ? Sérieusement, je pense que tu fais ton intéressante et c'est tout. En plus de ça, tu es devenue rouge.
-Et bien écoute, Brent te dira ça samedi matin, répliquai-je durement afin de cesser cette discussion. J'apprécierai juste que vous ne parliez pas devant moi des prouesses sexuelles de ma sœur sérieux, vous me coupez l'appétit.
Brent tourna les yeux vers moi et je le fusillai du regard pendant qu'Anna soupirait.
-Ça suffit Adam, tu es pénible.
-Tu aurais pu me demander la permission quand même je trouve, continuai-je en scrutant le visage un peu trop pâle de Brent.
-Ta sœur est majeure. Je n'ai de permission à demander à personne.
-T'as pris la confiance toi, ricanai-je. Tu penses que mon père va te laisser emmener Princesse Anna alors que tu n'as même pas de permis ? Bonne chance.
-Tu n'auras qu'à jouer de tes charmes pour convaincre ton père Adam ?
-Je pense que si je m'en mêle, tu seras blacklisté aussi vite.
-De toute façon, on va au cinéma, arrête de l'ennuyer Adam. Il fait ça pour te faire flipper, Brent, il te teste, ne te laisse pas démonter par la tige rousse.
-Ta gueule sale suceuse ! Et tu peux le dire à Papa, si tu veux, c'est cadeau.
Elle pinça la bouche et saisit son téléphone. Elle allait le faire, je le savais. C'était dans notre jeu. Quand je voyais qu'elle s'éloignait des limites de son rôle, une bonne pseudo-dispute la remettait sur les rails.
-Salut Papa. Oui, ça va. Oui, Adam aussi va bien. D'ailleurs, j'ai une question à te poser, il vient de me dire « ta gueule sale suceuse » je dois le prendre pour un compliment ou pas ? Tu veux que je te le passe ? Okay.
-T'es sérieuse là ?
Je pris le combiné et j'entendis le soupir de mon père.
-Adam, présente immédiatement des excuses à ta sœur.
-Je verrai.
Je raccrochai et balançai le smartphone de ma sœur sur son plateau. Elle avait un regard un peu pétillant.
-T'es contente ? Tu ne crois pas que j'ai suffisamment un karma de merde en ce moment sans rajouter ça ?
Elle cessa de sourire et rougit fortement. Elle fixa son plateau et se leva pour quitter la salle. Je regardai le contenu de son plateau. Une demie-banane, un demi-verre d'eau... voilà ce qu'elle avait mangé.
-Je donne 20 sterling à la personne qui débarrasse nos affaires, dis-je en poursuivant ma sœur.
Elle marchait rapidement comme pour m'échapper et je dus allonger le pas pour la rattraper au détour d'un couloir.
-Est-ce que tu veux devenir Bad Anna... je te le redemande parce que Colin ne sera pas dupe rapidement.
-Je t'ai dit que je n'étais pas encore prête, j'ai des choses à accomplir. Mais vis à vis de nos parents, je suis parfaitement d'accord. Tu ne peux pas rester là à attendre des excuses de Papa. je l'ai appelé uniquement pour savoir si tu l'écouterais et tu l'as fait Adam. Alors, s'il-te-plaît. Je sais que je vais te saouler avec ça mais réconcilie-toi avec Papa, pour Maman... pour moi.
-Non.
J'étais sec mais je voulais qu'elle comprenne une bonne fois pour toute.
-Toute ma vie je n'ai fait que ça. J'ai pensé à Maman, à Papa, à toi. Mais quand ai-je pensé à moi pour la dernière fois ? Quand ai-je un fait un truc pour me plaire à moi ? pour moi ? Si je me réconcilie avec lui ce sera pour moi tout seul, pour mon bien-être et là c'est tellement flou que j'ai juste envie d'être ailleurs, d'être seul.
Anna me scruta et secoua la tête. Elle m'embrassa tendrement sur la joue et me dit de prendre mon temps pour me retrouver et savoir ce que je voulais vraiment.
-Je ne te forcerai plus Adam. Je te le promets et je ferai le tampon entre vous deux et je plaiderai ta cause quand tu auras besoin de moi. Et excuse-moi de l'avoir appelé tout à l'heure. J'ai pété un câble. Est-ce que tu m'aimes toujours ?
-Évidemment.
-Je vais aller me coucher par contre, j'ai mal à la tête et en plus de ça, je me suis faite coller et je vais avoir des courbatures.
Elle fila sans demander son reste et je me mis à culpabiliser de la voir ainsi. Elle n'était plus heureuse. Anna jouait souvent à la forte mais dans ce cas précis, je savais qu'elle voulait juste que sa famille ne soit pas éclatée. Je retournai à mon dortoir et je consultai mes mails. Seanàthair me signifiait que ma commande allait arriver le lendemain. Je souris. Au moins, je n'aurais plus à souffrir du manque de café dans la journée. On frappa à ma porte et Seth passa sa tête.
-Salut ! Tu veux venir faire une partie de cartes avec nous ?
-J'arrive.
Il resta devant ma porte et je sus qu'il avait un truc à me dire.
-Tu pourras dire à Anna que Colin ne voulait pas la mettre mal à l'aise dans le fond ? Je pense que c'était lui le plus gêné des deux.
-Je pense qu'Anna l'a compris et en a joué. Ma sœur est pas idiote, tu sais.
Il écarquilla ses yeux verts et baissa la tête. Je lui avais parlé un peu trop brusquement. Je me levai et je soupirai.
-Désolé. Je suis un brin énervé contre ma famille en ce moment. Vous vous êtes installés où ?
-Dans la salle du bas. Tu n'as qu'à nous rejoindre !
Il referma ma porte et je lui courus pratiquement après. Je ne voulais pas qu'il pense que je lui en voulais ou quelque chose comme ça. Les garçons étaient déjà installés avec des tasses de thé à proximité. Colin me lança un petit sourire en coin.
-Tu t'es arrangé avec ta sœur ?
-Ouais. Anna et moi, on reste jamais longtemps fâchés de toute façon.
Nous jouâmes jusqu'à ce que notre surveillant général arrive pour nous sommer de nous coucher. Je me demandais vraiment quelle tête ils feraient quand ils découvriraient le nouveau salon le lendemain. Je reçus un appel du livreur assez tôt dans la matinée. J'étais toujours entrain de dormir et je me rendis dans le hall en caleçon et T-shirt. Mon directeur était là, mon surveillant était là et des élèves plus jeunes que moi.
-Monsieur Adam Hamilton ?
-Ouais. Je signe où ?
Je me frottai les yeux et je griffonnai une signature au livreur. J'avais eu la présence d'esprit de prendre mon portefeuille et je lui donnai un pourboire de 100£. Je croisai le regard du père de Colin avant de voir le sceau de mon Grand-Père Butler sur une lettre qu'il tenait.
-Vous remercierez chaleureusement votre Grand-Père Adam.
-Je le ferai. Je ne doute pas que dans les semaines à venir, la décoration du dortoir des filles se fasse également.
Le téléphone du directeur sonna et il eut l'air légèrement désappointé.
-Oui... Et bien descends les escaliers, je suis dans le hall. Oui je t'attends Colin.
Mon camarade apparut. Il avait l'air fatigué et je mis son état amorphe sur le compte de l'absence de caféine. Il embrassa son père et il hoqueta en me voyant.
-Qu'est-ce que tu fais déjà de bout alors que tu te lèves toujours 15 minutes avant le début des cours, sourit le jeune homme.
-Je viens inaugurer la nouvelle machine à café.
Colin Lightwood écarquilla les yeux. Il jeta un coup d'œil à son père et revint vers moi. Je lui fis signe de me suivre et je vis une réelle surprise dans ses yeux en arrivant dans la petite cuisine. C'était donc ça la surprise chez Lightwood ? Je devais m'en souvenir, ça pouvait être utile. La machine possédait son propre broyeur et une multitude de boissons à faire.
-Je passerai à ton bureau tout à l'heure. J'ai un de mes devoirs à te faire signer, j'ai oublié de le faire ce week-end.
Il caressa du bout des doigts la machine et j'eus l'impression qu'il caressait une femme. Ce mec était totalement fêlé du bocal, mais je pouvais comprendre ce que ça faisait d'être en manque. Je lui laissai la primeur de la première tasse. Il la porta à ses lèvres fines et savoura ce moment.
-Ton nom restera dans les annales Hamilton. Qu'on se le dise. Je vais enfin avoir ma dose de caféine été comme hiver. Les années précédentes, tu ne peux pas savoir à quel point c'était pénible de passer l'hiver sans café au réveil. Je... Salut Anna.
Je me retournai et je vis ma jumelle. Elle portait des affaires de sport qui mettaient sa silhouette fine en valeur.
-J'ai rencontré ton père qui sortait de là avec un livreur, je me suis dit que les affaires étaient arrivés. Je prendrai un bien un café si y'en a un de vous deux pour m'en faire un.
-Un cappuccino peut-être ?
J'allais lui répondre qu'Anna n'en prenait jamais mais je vis que c'était une private joke entre eux. Ma sœur avait un demi-sourire et Colin aussi. Il lui fit d'ailleurs un café bien serré. On avait l'impression qu'il en avait fait toute sa vie avec cette machine, alors que j'essayai de comprendre le mode d'emploi. Il m'expliqua que son oncle en avait une moins perfectionnée mais de même marque. Ma jumelle m'embrassa sur la joue et accepta la tasse tendue par Colin en souriant. Elle ferma les yeux pour en prendre une gorgée.
-Ethiopie. Je suis sûre que notre Grand-Père en a mis pour moi. Vous avez passé une bonne soirée ? En fait je suis venue ici à dessein. Je voulais m'excuser pour hier soir Colin. Je t'ai mis mal à l'aise et j'ai essayé de faire mon intéressante. Tu as raison.
Je ne savais pas à quoi elle jouait mais je décidai de monter mon latte avec moi dans mon dortoir pour continuer ma nuit. Je tombai sur Seth qui huma l'air.
-C'est pas du thé.
-Non, pas tout à fait. Tu veux goûter ?
Je lui tendis ma tasse et il plongea ses lèvres dedans.
-J'adore les latte, je vais aller t'en faire un autre Adam. Je vais pas te rendre ta tasse.
-Ce n'est pas le pire truc que j'ai pu faire, tu sais. Tu continues à réviser pour les maths ? Tu as besoin d'aide ?
-J'aurais besoin d'aide mais t'as l'air claqué, je vais pas te gêner avec ça Adam.
-Je vais me faire un autre Latte, on a qu'à se poser dans ma chambre. Prends tes affaires.
Je descendis les escaliers rapidement sans attendre sa réponse et je trouvais ma sœur et mon voisin de dortoir assis autour de la table entrain de parler. Colin avait un petit sourire en coin en regardant Anna. Est-ce qu'il était intéressé par elle ? Je leur fis un signe et je refis une boisson. Seth était installé sur mon second lit. Il avait de la mousse de lait sur la lèvre supérieure. Il remarqua que je le fixai et il s'essuya.
-Désolé, ça se voit plus sur moi que sur les blancs, se mit-il à rire.
Je souris largement et je m'assis à côté de lui, je lui expliquais la leçon qu'il voulait revoir. Visiblement, il ne comprenait rien du tout.
-T'es pas un matheux.
-Je déteste ça les maths. Moi je suis un littéraire, y'a pas photo. Je peux te faire une dissertation parfaite en espagnol. Mais calculer des fonctions... non merci !
-Je peux te filer un coup de main si tu veux. On prend quelques heures dans la semaine pour améliorer ton niveau.
-Tu ferais ça ? Ça t'apporterait quoi ? Ou plus exactement qu'est-ce que tu veux en contrepartie ?
Un sourire franc étira mes lèvres et ses yeux verts se mirent à pétiller de malice. Je me demandais dans le fond si les filles n'avaient pas raison. Il devait avoir une petite amie, je l'avais vu avec ces mêmes yeux quand Anna et Camilla en avaient parlé.
-Peut-être que je te demanderai un service à un jour, mais pour le moment, on doit faire tes maths.
Je continuai à l'aider jusqu'à ce que la sonnerie du petit-déjeuner retentisse. Je n'étais même pas lavé. Je soupirai et je filai pour une petite douche tonique. Anna n'était plus là lorsque je redescendis.
-Lightwood, tu n'aurais pas vu ma sœur par hasard ?
-Elle m'a dit qu'elle faisait du sport et qu'elle devait y retourner.
Cette réflexion me fit froncer les sourcils et je profitai du petit déjeuner pour trainer avec mon téléphone sur les réseaux sociaux. Depuis ma plus tendre enfance, je lisais des journaux le matin pour m'informer du monde alentour. J'avais des souvenirs à la table de mon grand-père où je lui demandai son journal juste après qu'il l'ait lu. C'était du temps où je ne décevais pas tout le monde constamment. Je vis une photo de mon père et cela me retourna les tripes. Je le connaissais bien et je voyais qu'il était crevé sur la photo. Il avait des cernes que sa maquilleuse attitrée n'avait pas réussi à cacher.
-Qu'est-ce que tu fais Adam ?
Elle était assise à côté de moi et se pencha sur mon téléphone pendant que je lui répondais.
-C'est fou, ce type on dirait toi.
-C'est mon père Lea... marmonnai-je.
-Ah ouais ? Mais attends...
Elle saisit mon téléphone et elle déroula un peu l'article.
-Ton père est au Cabinet ? Putain il est ministre !! s'exclama-t-elle un peu trop fort à mon goût.
-Si tu pouvais éviter de le crier partout, ce serait sympa.
-Non mais attends, je pense que dans la hiérarchie sociale de Crawford, tu es dans le haut du panier avec les fils et fille d'aristo, comme Izzy. Tu m'étonnes qu'elle mouille à chaque fois qu'elle te voit. Imagine si tu avais en plus été aristo, laisse-tomber. Elle tomberait à tes pieds !
Elle éclata tellement de rire que je trouvais ça un peu gênant.
-Je préfèrerai que cette info reste en cercle restreint, je veux être connu par moi-même pas par mon nom de famille.
-Mais juste pour savoir, tu connais le premier ministre ? demanda gentiment Gladys. Enfin, je veux dire, c'est indiscret mais...
-Oui, je le connais depuis l'enfance, c'est un des meilleurs amis de mon père depuis longtemps. Et son fils, vous l'avez rencontré au restaurant de sushis, c'est le gars qui a saoulé Anna.
-Ce gars là ? s'exclama April. Il était trop canon !! Tu crois qu'il a une copine ?
-La prochaine fois qu'on fait une fête, tu n'auras qu'à venir, je vous brancherai l'un avec l'autre.
Avec un peu de chance, il lâchera ma sœur. Je ne vis pas Anna avant le cours qui se déroulait tard dans la matinée. Elle me fit un sourire et m'avoua qu'elle avait fait un rêve assez étrange où elle assistait à ses noces que je m'y opposai avec véhémence façon Shrek. Cela semblait beaucoup la faire rire et cela me mit du baume au cœur.
-Il faut que je passe voir monsieur Lightwood tout à l'heure avant de déjeuner, tu me le rappelles si j'oublie ?
J'hochai la tête et je ne suivais pas pendant tout le cours. Tout se mélangeait dans mon crâne. Devais-je vraiment renouer avec mon père avant qu'il ne soit trop tard ? Laisser couler la colère et la douleur ? À la fin du cours, Anna s'éloigna de moi et j'eus la malheureuse impression que la distance qu'elle mettait entre nous n'était pas seulement physique. Elle s'éloignait de moi. Avais-je brisé quelque chose entre nous en lui avouant ce que j'avais sur le cœur ? Elle nous rejoignit assez tard et elle n'avait pratiquement rien dans son plateau. Et c'était pareil le soir, quand elle revint de sa séance de danse classique. Est-ce qu'elle faisait un régime ? Mais pourquoi le ferait-elle ? J'avais besoin de lui parler en privé mais je ne trouvais jamais le moment opportun. Après le repas du soir, elle était crevée et elle se coucha directement. J'observai son activité depuis la fenêtre de ma chambre. Elle s'était mise en nuisette et s'était couchée. J'avais peur pour elle et j'avais peur de comprendre ce qu'elle faisait en ce moment. Peut-être que je me faisais des idées après tout. Pourquoi Anna refuserait de manger, elle qui adorait ça ? Seulement le lendemain, elle refit exactement la même chose. Elle ne vint pas au petit déjeuner et se contenta d'une poignée de légumes le midi, quant au soir... elle avala un bol de soupe et se leva de table pour finir une dissertation.
Je devais l'attraper rapidement. Au matin du vendredi, je l'attendais de pied ferme devant son dortoir.
-Tu viens courir avec moi ?
-Tu joues à quoi ?
-Je fais en sorte d'être bien dans ma peau Adam. Tu ne veux pas que je sois bien ? Je me fais juste une petite cure. Je me prépare à nos retrouvailles avec Chel. On a pas prévu de date, mais on devait kidnapper nos amis ce week-end tu n'as pas oublié ? Je serai bien allée à Bath, je pense que Grand-Père voudra bien nous passer sa maison, non ? Surtout que tu habites avec lui désormais, tu devrais en tirer profit.
Je me mis à courir à son rythme qui était plus bas que le mien. Elle portait une queue de cheval et quand nous passâmes près d'une rangée de garçons plus jeunes que nous, ils la matèrent sans vergogne. Je m'arrêtai et je les fusillai du regard avant de continuer à courir. Ma sœur était la prunelle de mes yeux. Je ne laisserai plus personne lui briser le cœur ou lui faire du mal. Elle s'arrêta au gymnase et je la vis entrer dans la salle de danse. Elle reprenait son rythme habituel de danse. Je m'assis dans un coin et je l'observai. Elle préférait la danse moderne mais je la trouvais personnellement plus gracieuse en danse classique. On sentait la ballerine qu'elle pourrait devenir si elle le voulait vraiment.
-Tu devrais y aller Adam, je n'ai pas faim. Va manger, sinon tu vas te plaindre toute la matinée.
-Je n'ai pas faim non plus Anna.
C'était faux mais je voulais savoir ce que pensait ma sœur et la seule solution c'était de faire comme elle. Elle acquiesça et elle me tendit la main. Elle voulait danser avec moi. C'était elle qui m'avait appris à le faire. Il m'arrivait même parfois de soigner ses pieds quand elle était trop fatiguée pour le faire d'elle-même.
-Est-ce que tu as besoin de pansements ?
-Non, il m'en reste encore.
Je la fis tourner et je la soulevai dans mes bras comme elle m'avait montré il y a des années. Je la reposai au sol et je remarquai qu'elle avait les yeux fermés.
-Je sais que c'est pas conventionnel, mais samedi en huit, je reprends la danse et j'aimerai bien que tu sois là pour m'emmener. Je stresse déjà.
-Anna, tu es douée quand tu veux faire une chose. Tu veux faire de la danse et tu vas en faire. Je serai là pour te supporter autant de temps qu'il le faut.
Elle eut un léger sourire.
-Tu sais pourquoi j'ai jamais eu de relations sérieuses ? Je veux dire, vraiment sérieuse ? C'est parce que j'ai tous les avantages avec toi. J'ai un frère et mon meilleur ami garçon. J'ai juste besoin d'un mec pour mon hygiène intime si je puis dire. Aucun ne t'arrive à la cheville Adam. Tu es attentionné, tu es gentil, tu es intelligent. Alors je me demande... pourquoi tu n'as personne ? Tu es parfait comme garçon.
-Je...
Je me rendis compte que je n'avais jamais parlé de ça avec Anna. Je savais qu'elle avait un mec mais elle n'avait jamais rien su de moi. Elle savait que j'étais sexuellement actif parce qu'elle avait vu des capotes usagés dans ma poubelle de chambre mais pour le reste... nous ne parlions pas de ça tous les deux. C'était aussi pour ça qu'elle avait autant été gênée par les photos de son ex et par le fait que je les trouve.
-Je n'ai pas trouvé la bonne personne c'est tout. C'est peut-être moi le plus romantique de nous deux.
Elle s'arrêta de danser et fit une grimace.
-Tu vas devoir aller au bal avec Izzy. C'était la condition pour ne pas qu'elle porte plainte contre moi, vu que je lui ai pété le nez.
-Je voulais y aller avec toi à ce bal... tu vas y aller avec qui ?
-Je ne sais pas, mais peut-être que je vais me trouver un mec d'ici là, c'est dans quoi... un mois ? Il peut s'en passer des trucs en un mois, tu sais...
J'approuvai doucement et le moment de se rendre en cours arriva. C'était le prof qui nous avait viré en début de semaine. Anna ne lui accorda pas un regard en passant devant lui. Elle ne participa que lorsqu'il lui demandait et elle lui répondait d'un ton glacial. Je n'aurais pas aimé qu'elle me réponde de cette manière et notre prof n'apprécia pas non plus.
-Mademoiselle Hamilton, souhaitez-vous encore allonger votre durée de retenue ?
-Non, pourquoi monsieur ?
-Cesser de me fixer avec ce regard noir alors.
-C'est mon regard habituel monsieur et ma façon de parler habituelle, rétorqua-t-elle avec condescendance.
Je lui donnai un petit coup de pieds. Elle ne l'aimait pas, je pouvais le voir d'ici. Je croisai le regard de Colin. Il était posé sur Anna et manifestement cette petite scène l'amusait beaucoup.
-Si vous le dites. Venez au tableau et résolvez le problème numéro 6.
Elle se leva sans un mot et ne prit pas ses feuilles. Elle arracha la craie des mains du prof pour aller résoudre l'exercice. Elle attrapa le livre de Brent assis au premier rang avec un sourire un brin taquin et elle lut le problème comme si elle ne l'avait jamais fait. Je jetai un coup d'œil sur ses feuilles, elle ne l'avait pas fait. Je souris largement et levai mes pouces pour l'encourager. Anna allait bientôt faire son show. Alors qu'elle écrivait les formules au tableau, j'avais l'impression qu'elle dansait. Ce fut également l'impression des filles qui lui en firent la remarque en sortant du cours où elle avait scotché le prof en répondant à son problème principal. Je tournai les yeux un instant et je vis Izzy.
-Hey Izzy, tu as déjà ton costume pour le bal d'Halloween ?
-Non pas encore, pourquoi ?
Je levai le sourcil et je la vis rougir comme une dingue.
-Je te rappelle que je suis ton cavalier, ça pourrait être amusant d'être coordonné non ?
Elle balbutia quelque chose et se retourna vers les cruches de sa bande. Je me retournai et levai les yeux au ciel. Camilla me fixait d'un air outragé.
-Tu vas au bal avec elle ?
-Elle m'a demandé, j'ai accepté, je vois pas où est le mal.
-C'est une connasse, voilà pourquoi ! s'exclama Gwen que je n'entendais pratiquement jamais parler. Tu ne peux pas sortir avec la connasse ! Elle a pourri April l'an dernier parce qu'elle portait le même serre-tête qu'elle.
Je me tournai vers April qui baissa les yeux instantanément, assez honteuse. Je posai ma main sur son épaule et je remontai son visage.
-Tu sais April. J'ai dit que je serai son cavalier et je n'ai qu'une parole... cependant, si en cours de soirée, je dois passer pour un goujat, tu n'as qu'un mot à me dire et je le ferai, sans l'ombre d'un remord. La décision t'appartiendra. Okay ?
J'étais entrain de la Hamiltoniser. Son visage devient comme le mien, en un peu plus rose et quand mon sourire s'étira, son sourire arriva dans le même temps. Je la lâchai et pendant une seconde, je cherchai ma jumelle des yeux. Quelqu'un me toucha le dos et je me retournai dans la foulée. C'était Brent.
-Je voulais te dire... je ne voulais pas te froisser ou quelque chose dans ce genre. Pour ce soir.
-C'est pas le cas, j'aime bien taquiner les gens.
-Est-ce que tu as une idée du genre d'endroit où ta sœur aime manger ? J'aimerai bien l'inviter quelque part mais... je ne sais pas vraiment ce qu'elle aime.
-Elle aime tout, dis-je.
J'aurais pu être un gros connard et lui désigner un endroit qu'Anna détesterait, mais elle n'allait pas bien en ce moment, je pouvais le ressentir. Il valait bien mieux qu'elle passe un agréable moment.
-Mais je pense que tu devrais l'emmener dans un restaurant végétarien. Y'en a un nouveau qui a ouvert, je ne sais plus où mais elle avait envie d'y aller. Essaye de te renseigner.
-Merci vieux.
Il fut interpellé par une fille et il s'éloigna de moi. Je ne vais pas vraiment quoi faire. J'appelai Anna mais elle ne décrochait pas. Mes pas m'emmenèrent naturellement vers le bureau du directeur. Je le croisai d'ailleurs dans les couloirs.
-Vous avez l'air perdu Adam...
-Je cherche Anna.
-Elle a quitté mon bureau il y a près de cinq minutes. Je pense qu'elle doit être entrain de manger à cette heure-ci.
J'hochai la tête et je fis le trajet avec lui. Il me posa des questions sur le nouveau de ma classe de turbulents petits padawan, comme il les appelait bien volontiers.
-Ils ne le sont pas tellement. J'étais pire que ça à leur âge.
-J'ai lu votre dossier scolaire, je crois savoir de quoi vous êtes capable. Vous et votre sœur... bien qu'il semblerait que l'âge lui ai fait perdre sa témérité... À moins que ce ne soit une feinte ?
Pendant le quart d'une seconde, je crus qu'il avait tout compris pour nous deux mais comme j'éclatai de rire, il le prit pour une blague.
-À moins que vous ne l'ayez entrainé là-dedans. Dans certains domaines, l'un des jumeaux peut prendre le dessus. Peut-être que c'est le cas avec vous. Est-ce que vous pourriez rappeler à mon fils qu'il doit passer me voir après les cours ?
-Bien sûr monsieur.
Je me dirigeai vers les plats et je pris la même chose qu'Anna la veille. J'avais peu de chance de me tromper malheureusement en ne prenant que le strict minimum, et je me rendis compte qu'elle en avait encore moins. Elle jeta un coup d'œil à mon plateau et elle s'arrêta en fronçant les sourcils. Elle avala une bouchée de légumes vapeurs et un peu d'eau. Je fis également la même chose.
-Colin, ton père veut te voir à la fin des cours. Il m'a dit de te le rappeler.
Je n'avais pas quitté Anna des yeux. Je pris autant de bouchées qu'elle et quand elle arrêta, j'arrêtai également.
-À quoi tu joues ?
-Tu te souviens du jeu qu'on faisait enfant Anna ?
-On en faisait tout le temps Adam, soupira-t-elle. Tu parles duquel ?
-Je prends une bouchée, tu prends une bouchée... tu t'en souviens ?
Ses yeux clairs me fixèrent. Elle avait compris où je voulais en venir.
-Oui, je me souviens, on faisait ça quand l'un de nous deux était malade et qu'on devait prendre des bouillons clairs. Mais je ne suis pas malade, tu n'es pas malade et nous ne sommes plus des enfants.
Elle prit une banane, je pris une pomme et je croquai dedans en même temps. Anna ne mangeait plus que quelques légumes par jour et je ne savais pas pourquoi. Elle fronça encore un peu plus les sourcils. Elle poussa son plateau vers moi.
-Tiens mon grand, mange de tout ton saoul.
-Je crois que tu as un problème Anna.
J'avais lâché ça comme ça, sans prévenir. J'avais oublié les gens autour de moi.
-Pardon ?
-Tu crois que je n'ai pas vu ton petit manège ? Je t'ai percée à jour fillette. Je sais tout de toi.
-Oh vraiment ? Occupe toi de tes propres affaires Adam.
Elle reposa son fruit à peine entamé et elle se leva brusquement.
-Parce que tu penses que ta santé ne me préoccupe pas ?
-Tu sais quoi Adam ? Je propose que tu te remettes à boire de manière assidue. Tu étais vachement moins chiant quand tu commençais ta journée avec de la vodka.
Elle tourna les talons et elle déposa le plateau à l'endroit adéquat. J'étais furieux contre elle. Elle sautait des repas et je n'arrivais pas à en comprendre la raison.
-Adam, ça va ?
Je relevai les yeux vers Gladys.
-Je suis le seul à avoir remarqué qu'Anna faisait une crise d'anorexie ou... ?
-C'est vrai qu'elle ne mange pas grand chose, répondit Seth. On ne la voit qu'un repas sur trois.
-Tu crois vraiment qu'elle est anorexique ? s'inquiéta Léa. Ma cousine est anorexique à un stade avancé et Anna n'est pas comme ça. Mais tu la connais mieux que nous... Je sais que tu es un froid avec tes parents mais tu devrais les prévenir, tu sais... Maintenant que vous le dites, on ne la voit plus depuis quoi... une semaine ? Et elle fait beaucoup de sport aussi.
-Est-ce que tu veux qu'on lui en parle pour savoir ce qu'elle a ?
-Je ne sais pas vraiment quoi faire là, Gladys.
-Laisse-nous faire alors, me répondit-elle en souriant et en se levant de table. On va la faire avouer. On a un cours de sport cet après-midi. On en reparle après si tu veux, je vais aller la rejoindre.
Pendant le cours de sport, j'étais toujours sonné. Anna ne se nourrissait plus. Je ne l'avais jamais vu dans un état pareil. Anna aimait tellement la vie d'ordinaire et elle avait terriblement changé. Je ne savais pas vraiment depuis combien de temps elle avait décidé de maigrir par ce biais mais Gladys avait raison. Je devais téléphoner à mon père et ma mère. Alors que nous étions dans les vestiaires, j'appelai ma mère. Elle ne décrocha pas et je soupirai. Nom de nom, j'allais devoir appeler mon père. J'hésitai avant de composer son numéro et je le fis, pour Anna.
-Écoute, je sais que tu n'as pas plus envie que moi de m'entendre alors je vais être bref. Anna ne mange plus. Je ne sais pas pourquoi mais elle a fait un repas de temps en temps et elle n'a pas ingéré assez d'aliments pour tenir pendant une journée entière c'est clair et net. Je voulais juste te prévenir pour que tu veilles sur elle ce week-end, c'est tout.
Mon père ne dit rien.
-Je prendrai toujours soin d'elle, Adam, finit-il par dire. Maintenant que je te tiens, je...
-Je n'ai pas le temps. Je dois aller en cours. J'enfreins le règlement là. Salut.
Je raccrochai rapidement. Mon père ne m'avait pas dit qu'il prendrait aussi soin de moi et une pointe de jalousie venait de me transpercer. Anna était son enfant adoré. Je me sentais vraiment très con de penser ça à ce moment précis. J'étais le pire des connards, c'était évident. Qui pouvait être jaloux de sa sœur quand elle traversait une mauvaise passe ? Je n'avais jamais ressenti ça pour elle. Jamais de la vie. Je fermai les yeux un instant mais j'en avais mal. Elle était la préférée de Papa alors que j'avais toujours cru qu'il nous aimait de manière strictement identique.
Je devais me préparer pour le week-end et prendre quelques unes de mes affaires pour les ramener chez Grand-Père. Anna devait me déposer. J'étais entrain de plier mes caleçons dans ma valise quand ma porte s'ouvrit.
-Tu as appelé Papa ? Tu es sérieux ?
La gifle de ma sœur partit aussi vite.
-De quoi tu te mêles ? hurla-t-elle.
Elle essaya de me gifler de nouveau mais je la retins et elle me poussa avec la force de la rage.
-Tu as décidé de te barrer de la maison, soit. Mais ne viens pas pourrir la vie des autres.
-Parce qu'avoir peur pour toi parce que tu ne bouffes rien du tout, c'est te pourrir la vie ?
-Mêler Papa à mes affaires c'est me pourrir la vie. Et ça tu vois, je me vengerai Adam.
Je l'attrapai et l'immobilisai sur le lit.
-Essaye un peu pour voir Anna Banana. Mais tu ne m'empêcheras pas d'être inquiet pour toi. Je suis inquiet bordel. Pourquoi tu fais un truc pareil ?
-Pourquoi ?
La colère d'Anna était retombée comme un soufflé. Son visage s'était décomposé et elle me repoussa sur le côté. Elle se redressa et souleva le T-shirt qu'elle avait enfilé pour partir de Crawford.
-Tu ne vois pas ça ? me demanda-t-elle en tirant sur sa peau. Toute cette graisse tu ne la vois pas ? Tu ne comprends pas que si je veux être au top de ma forme, je dois maigrir et retrouver mon poids de forme, celui que j'aurais dû garder depuis des années.
-Tu es mince Anna. Tu l'as toujours été ! Mais essayer de retrouver le poids que tu avais à 14 ans, c'est du délire ma petite ! Tu es magnifique et...
-C'est de la rigueur Adam. C'est juste ça. Je ne veux pas retrouver un poids que j'avais avant d'être formée ! Je veux juste... je veux juste me sentir bien dans ma peau. C'est tout ce que je veux. Pourquoi tu ne comprends pas ? continua-t-elle les larmes aux yeux. Tu as le violon, j'ai la danse.
-Anna est-ce que tu m'aimes ?
Elle ne comprenait pas où je voulais en venir, aussi je répétai.
-Oui, évidemment que je t'aime.
-Alors je veux que tu acceptes qui tu es. Si tu ne fais pas pour toi, fais-le pour moi. Je veux que tu manges normalement. Je ne te dis pas de manger pleins de gâteaux ou ce genre de choses. Si tu veux, je ferai une diète avec toi mais je t'en prie, arrête cette petite crise. Tu sais bien que je n'arrêterai pas de manger comme toi jusqu'à ce que tu le fasses et je vais péter un câble si je ne mange pas. Alors la décision t'appartient. Que décides-tu ?
Elle se tut et baissa les yeux. Je voyais de la véritable honte dans ses yeux. Je la forçai à me regarder et elle se fourra contre moi.
-Je ferai n'importe quoi pour toi Adam. N'importe quoi. Je suis désolée, tellement désolée.
Elle tomba à genoux et m'entraina dans chute avant d'éclater en en sanglot. Je savais que c'était un mélange de faim, de fatigue et de honte et je lui pardonnais dans la seconde. Ma sœur me montrait sa fragilité et je n'avais pas le droit de la repousser, pas maintenant. Je la laissai pleurer contre mon cou et je relevai les yeux. Colin Lightwood était là à nous regarder, il hocha la tête et il referma ma porte doucement, non sans un ultime regard vers ma sœur en larmes. Je posai mes lèvres sur son front et je me fis la promesse de tout faire pour qu'elle ne pleure plus jamais.
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