Chapitre dix-huit
Mon oncle Tobias m'attendait à l'aéroport. Je me fourrai dans ses bras immédiatement. J'avais passé un très mauvais vol et je me détachai de lui pour engueuler Adam. Mais il n'était pas là et la première question de mon oncle me fit frémir.
-Adam n'est pas avec toi ?
-Adam est à Dublin depuis plusieurs heures. Il m'a fait un coup de pute et est parti sans moi.
Mon oncle plissa des yeux.
-Il doit être à la maison. Je vais lui envoyer un message. Qu'est-ce que tu as grandi, tu es devenue vraiment magnifique !
Mon oncle était grand, était roux et avait un charisme tel que les gens se retournaient sur son passage. Je l'avais vu complètement torché un jour quand j'avais 15 ans et j'avais décrété que c'était l'adulte le plus cool de ma connaissance.
-Tu veux qu'on rentre ou qu'on aille faire un tour ? J'ai envie de tout connaître de ta vie ma petite Anna.
Tout connaître ? Vraiment ? Je ne pouvais pas tout lui dire. Ce n'était pas possible et ce n'était pas faute de vouloir. Une force m'en empêchait. C'était sûrement pour ne pas perdre l'affection de mon oncle quand il découvrirait quelle horrible personne je peux devenir par jeu. Il m'embrassa sur le dessus du crâne et je vis un flash qui me crama la rétine. Lui aussi apparemment parce qu'il grogna contre les paparazzis. Je pris mon téléphone en montant dans la voiture et j'appelai Adam.
-Allllôôô ?
-Adam, putain mais tu es où ?
Je le mis en haut-parleur. J'entendais à sa voix qu'il était ivre et ça ne me plaisait pas, il rit et poussa un... gémissement refoulé ?
-Attends. Tu es entrain de... alors que tu me réponds au téléphone ?
-Ouais..
Il éclata de rire.
-Je te rappelle Anna. Je finis ma petite affaire et tu me localises. rendez-vous dans... 5 minutes.
Je le fis immédiatement mais ça ne marchait pas. J'allais sur les réseaux sociaux et je vis une vidéo de lui. Il était entrain de boire comme un trou et visiblement le fils du premier ministre aimait ça.
-Tu connais oncle Tobias ?
Mon oncle observa le décor et donna des indications à son chauffeur. Il n'était pas si loin que ça, dans un pub un peu miteux.Je regardai autour de moi pour voir s'il était là et je le vis sortir des toilettes un peu débraillé, la démarche chancelante.
-Hey les mecs, on fait une ola pour ma... ssiiiiiisttttaaaaa !
Le bar se leva pour faire un ola improvisé et Adam cria un « tournée générale ». Il était dans un état pitoyable et mon oncle, à qui j'avais demandé de rester dans la voiture, arriva bien évidemment.
-Adam.
-Salut oncle Tobias.
Mon frère lui sauta dessus pour l'embrasser avant de reculer. Je l'observai avec effroi.
-Tu as commencé à quelle heure ? demanda calmement mon oncle.
Mon jumeau souleva les mains en signe d'innocence et s'éclata sur une table avant de rire.
-Tu as suffisamment bu. Rentrons.
-Impossible. J'ai pas fini ma pinte et le gaspillage.. c'est mal.
Il avait du mal à articuler et se laissa tomber à sa table où une quantité impressionnante de chopes était sur la table. Il avala pratiquement d'un coup le reste et lança des billets de 100 euros au barman. Il avait tellement de mal à marcher que mon oncle le saisit pour le sortir de là. Il était 20h30. J'étais horrifiée. Vraiment. Je ne l'avais jamais vu dans un état comme celui-ci ou du moins, j'avais toujours été saoule comme lui. Il n'était pas vraiment cohérent.
-Anna. Je suis désolé de.. partir comme ça. Je suis qu'une merde. Tu as raison de vouloir.. et Rick aussi. Il est fâché ce con alors que je suis pas qu'un connard tu sais. Je suis gentil dans le fond mais c'est compliqué là.
Il tapota son crâne.
-Je veux juste faire un truc pour moi, tu vois ? Pour moi, juste moi, sans toi, sans personne, seul. Parce que je suis seul. C'est comme ça.
Il tomba en avant dans la voiture et je le rattrapai.
-J't'aime tu sais. T'es la seule que j'aime dans ce monde. Avec Grand-Mère et Maman. Vous êtes les quatre dans mon petit cœur qui est velu et tout petit. Parce que j'aime personne et personne ne m'aime. J'aimerai personne plus que toi Anna.
-Moi aussi je t'aime.
Les yeux de mon jumeau se gorgèrent de larmes.
-Alors pourquoi tu ne me le dis jamais.
-Je te le dis Adam. Je t'aime depuis toujours.
-Alors pourquoi je suis tout seul ?
Il éclata en sanglot. Je ne savais pas quoi faire et mon oncle finit par prendre le relai. Il se déplaça à côté d'Adam et le laissa pleurer sur lui en lui murmurant des paroles réconfortantes. Nous arrivâmes devant l'appartement de Tobias. J'étais mal. Vraiment mal. Voir mon frère dans cet état là me perturbait au plus haut point. Mon oncle le coucha et se tourna vers moi.
-Ce n'est pas vraiment comme ça que j'avais prévu la rencontre. Tu m'expliques ?
-J'aurais aimé mais.. je comprends pas plus là.
-Tu as besoin d'un remontant, tu aimes toujours le lait de poule ?
Je me laissai tomber sur le canapé et j'essayai de réfléchir à tout ce que j'avais pu faire pour que mon frère pense que je ne l'aime pas. Et la seule chose qui me vint à l'esprit c'était pour la Chambre des Lords. Qu'est-ce que j'avais fait ? Je ne disais pas ça pour lui. Juste pour choquer. Quelle idiote ! C'était de ma faute. Tout était de ma faute. Ce constat me fit monter les larmes aux yeux et quand mon oncle revint il soupira.
-Tu veux un câlin ?
J'hochai la tête et je me mis à pleurer sur lui avant de tout lui expliquer.
-En même temps tu as raison, c'est toi l'aînée.
-Je sais.. mais j'ai blessé Adam parce que je suis une conne.
-Non Anna. Ne dis pas ça.
C'était mon frère. Il était manifestement entrain de dessaouler. Il avait un air grave sur le visage et on voyait qu'il n'allait pas bien. Il se rendit dans la cuisine et revint avec une grande bouteille d'eau et un verre. Il en avala le contenu avant de s'en servir un second.
-C'est moi. J'ai fait une erreur c'est tout. Je n'aurais jamais dû mentir à Papa pour l'argent.
-Quel argent ? demanda mon oncle en fronçant les sourcils.
-Mon meilleur ami a une sœur qui a fait une dette auprès d'un mec carrément pas recommandable et ce mec est venu chez lui pour le menacer s'il ne lui donnait pas d'argent. Et j'ai retiré l'argent de mon compte. Papa l'a su et j'ai fait croire que j'avais une dette de poker pour qu'il me lâche et depuis il m'en veut énormément.
-Tu n'aurais pas dû mentir.
-C'est mon seul ami oncle Tobias. Et Papa l'aurait vu d'un mauvais œil après ça alors que je le connais mieux que je ne me connais et qu'il avait réellement besoin de cet argent. C'est un mec plus méritant que je ne serai jamais.
-Je trouve que passer de l'argent à un ami dans le besoin c'est du mérite Adam. Mais tu n'aurais pas dû mentir à ton père. Dis-lui la vérité mon garçon.
Il avait raison. Je n'avais pas compris comme cette histoire avec notre père avait rongé mon jumeau. Je pris mon téléphone et j'appelai mon père.
-Papa, tu es occupé ?
-Je me prépare pour aller à la fête de ton Grand-Père. Tu as retrouvé Adam ?
-Oui, il est à côté de moi.
-Je suis déçu de ton comportement Adam. Tu as laissé ta sœur toute seule et tu es parti sans un mot ? Je ne sais pas pourquoi tous les préceptes de ton éducation sont passés à ...
-Je crois qu'il a compris Hamilton, rétorqua assez brusquement mon oncle alors que la tête d'Adam baissait un peu plus à chaque mot de Papa.
-Tobias ? Tu es là ?
-Oui. Tes enfants ont un truc à te dire. Je t'invite à les écouter.
J'allais parler quand Adam prit la parole.
-J'étais raide mort dans un bar et je me suis fait sucer dans les chiottes. Il est probable que tu trouves un papier sur le sujet en arrivant au bureau lundi. J'ai vu des flashes en sortant. C'est pas la peine de venir nous chercher à l'aéroport, on rentrera directement à Crawford. Et comme je sais qu'à la moindre incartade, tu me bannissais de la maison et me forçais à rester à l'internat, je ne rentrerai pas du mois d'octobre. Tu salueras Maman de ma part et tu m'excuseras de ne pas être là pour la fête qu'elle voulait organiser à la mi-octobre. Bonne soirée.
Il raccrocha, se leva avec l'eau et partit dans les toilettes pour vomir. J'étais... abasourdie. À quoi il jouait ? Il réapparut quelques minutes plus tard alors que je regardai encore l'écran éteint de mon téléphone.
-Adam, mais qu'est-ce que.. tu sais bien que Papa ne revient jamais sur les punitions.
-Je sais. Mais je n'allais pas vendre Richard. C'est la seule personne que Papa ait jamais approuvé. C'est de la loyauté. Je m'en fous d'être à l'internat pour y dormir le soir. Je n'y resterai pas dans la journée.
Mon oncle se tapa le crâne.
-Ton père t'aurait pardonné.
-Et j'aurais perdu Rick. Il n'a plus que moi de stable dans sa vie. Je ne peux pas lui faire ça. C'est mon frère.
-Et tu l'aimes, je comprends Adam. Mais ce n'est pas une raison. Anna, dis-le lui.
Je ne savais pas quoi lui dire, j'étais partagée et je finis par soupirer. Adam avait raison, Rick ne pouvait pas compter sur les siens pour l'aider en cas de nécessité. Il n'avait plus que mon frère et moi.
-Je resterai à l'internat avec toi.
Mon oncle soupira bruyamment alors qu'Adam se précipitait vers les toilettes. Tobias fronçait les sourcils.
-Tu peux pas comprendre oncle Tobias.
-Si, je peux comprendre, j'ai été jeune et j'en ai fait des conneries mais vous deux, j'ai l'impression que vous allez toujours plus loin et à un moment donné les enfants, il faut arrêter, vous comprenez ? Vous êtes des adultes.
-C'est précisément pourquoi tu ne peux pas comprendre.
-Explique-moi alors ?
Je me tournai vers la porte des toilettes où Adam venait de s'enfermer.
-Adam et moi, on se suffisait à nous-même et on a rencontré Rick et Chelsea, c'est ma meilleure amie.. enfin... Bref. Et à partir de ce moment, on a eu besoin d'eux aussi pour avancer. À une moindre mesure mais ils font partis de nous. On ne peut pas les trahir et risquer de les perdre. Papa a proposé de pistonner Rick pour un stage. S'il apprend que nous lui avons prêté de l'argent, il ne voudra pas le faire. Ça pourrait impacter sur sa carrière.
Je n'avais jamais autant parlé à mon oncle, pourquoi venais-je de le faire ? Il me fixait d'un air purement paternel et hochai la tête de temps à autres. Il me laissait parler et il ne me jugeait pas. C'était la première fois depuis longtemps qu'un adulte accompli ne me jugeait pas pour mon comportement. Je lui faisais une grande confiance.
-Tu ne diras rien, je compte sur toi.
-J'ai l'impression que tu avais un grand besoin de parler.
C'était le cas, il avait bien raison. Adam était d'une pâleur à faire peur en revenant à côté de moi.
-J'irai mieux demain, je suis désolé, je vais gâcher votre soirée. Mes affaires sont chez nos grands-parents en plus.
-Je vais aller les chercher, vous allez rester ici pour le Week-end. J'ai suffisamment de place. Anna, tu prends ma chambre, Adam, tu prends la chambre d'amis que je t'ai donné tout à l'heure et moi je dormirai sur le canapé.
-Mais non, je vais dormir sur le canapé oncle Tobias, et Anna dans la chambre d'amis, je vais vomir toute la nuit sûrement, il vaut mieux que je ne sois pas loin de la salle de bain.
-C'est hors de question Adam, ne discute pas mes ordres, s'il-te-plaît. Tu devrais aller te coucher, est-ce que tu penses pouvoir avaler quelque chose ? Je dois avoir de quoi faire un bouillon maigre ici.
-Okay. Bonne nuit Anna.
Il se pencha vers moi pour m'embrasser mais son odeur me saisit et je tournai la tête. Je n'avais pas besoin de le regarder pour voir sa tristesse, je la ressentais au fond de moi. La porte se referma et mes yeux furent attirés par mon oncle. Il levait son sourcil.
-Tu as l'air mal Anna, peut-être plus que ton frère.
-Non, ça va. Vraiment, ça va. En fait, j'ai un peu faim, est-ce que tu penses qu'on pourrait manger un morceau ? Ici ou ailleurs ? Adam ne peut rien avaler dans son état. Il a eu une crise de foie à cause de l'alcool il y a peu, et il remet ça. Tant pis pour lui.
Je n'avais pas envie de rester là. Je n'arrivais pas à comprendre l'attitude de mon frère et j'avais besoin de prendre l'air. Mon oncle le comprit puisque nous sortîmes pour dîner. Il y avait encore des photographes. C'était très agaçant. Mon oncle était assez haut placé dans la vie économique de la République d'Irlande et c'était son quotidien toute cette pression journalistique. Il avait monté une entreprise de textile qui avait acquis une renommée internationale en deux ans. Il s'était affranchi de son nom de Butler et apparaissait comme un chef d'entreprise exceptionnel. J'avais toujours trouvé ça amusant, puisque mon oncle était le plus grand buveur de bière de ma connaissance et qu'il ne m'avait jamais semblé qu'il travaillait vraiment. Il m'emmena dans un restaurant assez prisé où seul son nom pouvait nous faire entrer en jean basket quand tous les autres portaient des costumes. Nous nous retrouvâmes à l'écart des autres. La situation était très étrange. J'avais l'impression d'être une petite princesse dans les yeux de mon oncle.
-Alors pas de copine en vue ? demandai-je à mon oncle. Je veux dire, une officielle ? J'ai cru voir dans un tabloïd que tu avais une liaison de plusieurs mois avec la fille du président des USA ?
-C'est bien évidemment faux. Nous avons couché une ou deux fois, c'est tout. Et non, personne d'officiel. Et toi petite Anna ?
Je plissai des yeux et je sus qu'il était au courant.
-Qui ? Adam ? Maman ? Papa ?
-C'est ta mère. Elle était bouleversée. Et toi, comment tu le prends ?
-C'est passé. À l'heure du digitale, ce qui faisait le buzz hier est dépassé. Ça aussi. J'ai fini à poil sur un site. C'est passé maintenant. On peut parler d'autres choses ?
-J'ai vu votre Grand-Mère à New-York il y a deux mois de ça ! Elle avait l'air d'aller bien. Et aussi, j'ai une proposition à te faire, enfin à vous faire à ton frère et toi.
-Tu veux qu'on vienne vivre avec toi ?
Tobias éclata de rire.
-Ça aurait été avec plaisir mais j'aimerai savoir si ça intéressait l'un de vous deux de venir travailler avec moi plus tard.
-Tu es sérieux ?
Mes yeux s'écarquillèrent. C'était une opportunité extraordinaire. D'après ce que j'avais entendu dire, il était très apprécié de ses salariés et les traitait toujours avec respect.
-Bien sûr. Je travaille pour moi, bien sûr, mais aussi pour le bien-être de la famille Butler. Vous êtes des Butler.
-Des demis.
-Non. Crois-moi. Vous n'en portez pas le nom, mais c'est tout. Vous êtes autant des Butler que des Hamilton. Peut-être même un peu plus. Votre esprit de rébellion... Comment douter une seule seconde qu'il vous vient du côté britannique ?
-Tu n'es pas un rebelle, pas vraiment. Papa en a vraiment assez de nous, tu sais. Il ne le dit pas, du moins pas à moi, mais il est très fâché... contre Adam surtout, mais je ne suis pas dupe. C'est juste qu'il ne m'a pas prise sur le fait. Je ne sais pas pourquoi je te raconte tout ça.
-Parce que tu me fais confiance, voilà tout. Et que comme tout le monde à un moment donné, tu as besoin de conseils. Tu ne peux pas dire ça à Adam. Ton frère est plus fragile que toi, et ça, tu l'as intégré il y a longtemps pas vrai ?
-Adam n'est pas fragile. Au contraire, il.. il veut toujours me protéger. Il ferait n'importe quoi pour moi. Je crois qu'il s'est fait plus d'une fois punir pour moi. Je ne mérite pas d'avoir un frère pareil.
-Tu crois vraiment qu'on mérite nos frères ou nos sœurs ? T'es une fille bien, n'en doute pas Anna. Quand ta mère et moi étions petits, je prenais toujours tout à sa place. C'est une question d'honneur et de devoir.
L'honneur et le devoir. Deux concepts que j'avais entendus toute mon enfance. J'y repensai encore alors que j'étais allongée dans le lit de mon oncle. Il fallait vraiment qu'il investisse dans un appartement plus grand. J'avais honte de savoir qu'il m'avait laissé sa chambre. Je me relevai pendant la nuit et j'entendis son ronflement. Le bruit me faisait penser à celui au ronflement de mon frère. C'était rassurant et doux à la fois. J'avais besoin de faire le point sur qui j'étais et sur qui je voulais être. Une chose était sûre, je ne voulais pas devenir une alcoolique comme mon frère était entrain de le devenir. Je ne voulais pas dépendre de Franck et de sa came, pas plus que je voulais dépendre d'un homme. C'était ça l'histoire. Je ne voulais dépendre de rien ni de personne et me forger ma propre destinée sans personne. Je fis chauffer de l'eau pour me faire un thé. J'en avais besoin.
-Désolée oncle Tobias, je ne voulais pas te réveiller.
-C'est rien bichette.
-Va dormir dans ton lit, sérieusement, je vais aller avec Adam... Je vais le surveiller, je ne vais pas dormir en sachant qu'il va pas bien de toute façon. J'insiste. Bonne nuit oncle Tobias.
Je filai rejoindre mon frère une fois mon thé en main. Adam était en position foetale sur le lit et il dormait tranquillement. Il avait juste besoin de beaucoup de sommeil et d'eau pour se remettre. Je me glissai dans les draps et son corps se détendit instantanément. Il se colla contre moi.
-Anna, je t'aime.
-Moi aussi je t'aime.
Quand je me réveillai le lendemain, mon frère et moi étions entremêlés comme lorsque nous dormions ensemble enfants. Nous étions déjà dimanche. Adam grogna en dessous de moi et me poussa un peu sur le côté. Il n'avait pas remarqué que j'étais réveillée et il fit son possible pour sortir de la chambre sans bruit. Je tendis la main pour boire. J'étais assoiffée. J'entendis mon oncle et mon jumeau parler et je ne voulais pas en être exclue. Je me trainai dans la salle à manger sans aucune hâte et je fus frappée par leur ressemblance. Oui, mon père avait raison, Adam était bien un Butler, et moi, j'étais plus une Hamilton. Ils me firent une place et j'appris que nous devions aller déjeuner chez mes Grands-Parents. La façon dont Tobias nous l'annonça voulait dire que nous ne pourrions pas nous contenter d'un repas tranquille. C'était une véritable réception et je revis des gens que je n'avais pas fréquenté depuis des lustres. Adam me fixa d'un air étrange.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-On échappe à une fête pour venir dans une autre. On est maudit.
Je levai les yeux au ciel et je lui demandai s'il voyait nos grands-parents. Ils étaient au milieu des gens entrain de parler. Je courus presque vers eux pour serrer le père de ma mère dans les bras. Je ne l'avais pas vu depuis près de dix mois et c'était chez nous, à Londres.
-Seanathair, Seanmhàthair ! M'exclamai-je en les embrassant à tour de rôle.
-Anna ! Adam ! Mes petits chéris. J'ai appris que tu n'allais pas bien mon petit trésor !
-Ce n'est rien Seanmhàthair, répondit Adam à ma Grand-Mère. Tu es resplendissante, comme toujours.
Nous avions récupéré ses yeux en amande bleus et ils étincelaient. Je vis un garçon qui me fixait intensément alors que nous parlions à nos grands-parents et j'en fus intriguée. Adam le remarqua et fila vers lui pour le saluer.
-On ne se connait pas, je suis Adam et voici Anna.
-Moi c'est Matthew.
Il était venu avec ses Grands-parents apparemment et je le trouvais vraiment très très mignon avec ses cheveux en peu en pétard et son air revêche. Il avait un petit côté sexy et quand j'appris qu'il était légèrement plus vieux que nous, je sus que je le voulais. Et je n'avais que quelques heures pour mettre mon plan à exécution. Anna la séductrice était là. Mais pour ce faire, je devais l'analyser. Était-il intellectuel ? Voyait-il dans le sport l'aboutissement de lui-même ? Il fallait tout prendre en compte. Pendant le cocktail, je compris comment il était. Ce garçon était imbu de sa personne et il pensait réellement qu'il me séduisait. Pitoyable. Pourtant son physique me plaisait énormément et je le voulais. Or, ce que je voulais, je l'obtenais. Est-ce que Bad Anna allait devoir sortir pour lui ? Où l'innocence suffirait ? Je défis mes cheveux pour qu'ils viennent encadrer mon visage et je fis ce qu'un homme stupide attendait d'une jolie fille : je le flattai et je l'admirai.
-Tu fais de la moto ? Ça doit être dangereux non ?
Je me penchai vers lui et il eut une vue sur mon décolleté. Il releva les yeux vers moi.
-Pas si dangereux quand on peut apprivoiser la route.
-J'aimerai bien moi aussi.
-Faire de la moto ?
-Non. Que tu m'apprivoises, dis-je en me mordillant la lèvre et en me redressant.
Je savais comment faire pour l'attirer à moi. J'allais devoir l'ignorer pendant les 30 prochaines minutes. Je tournai les yeux et je fus charmante avec une autre personne pendant tout le repas. Adam, assis juste en face de moi, savait où je voulais en venir et ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel. Je ne devais pas rire maintenant alors que le gars s'impatientait à mes côtés.
Je devais attendre la fin du repas pour voir si j'avais gagné le droit de m'amuser et je commençais à trouver le temps très long. Au moment du café, je déclinai poliment et je me levai de table. Je me rendis dans le jardin et j'inspirai le bon air pur. Je sentis une main sur moi et je souris.
-Tu en as mis du temps.
Je me retournai pour l'embrasser. Il poussa un léger grognement et je me détachai de lui.
-Pas ici, murmurai-je alors que nous étions au milieu du jardin.
Je le pris par la main et je rejoignis la petite cabane. Elle datait de l'époque où ma mère était encore enfant. Je ne pouvais pas aller dedans. Je ne voulais pas profaner ce sanctuaire. Il me plaqua contre le mur de l'enceinte et releva ma robe jusqu'à la taille. Je ne m'attendais pas à grand chose en réalité, si ce n'est un peu de bonheur. N'était-ce pas ce que nous recherchions tous dans le fond ? De l'amour et du plaisir ? Je m'agrippai à lui comme une moule à son rocher. À cette pensée, je me mis à sourire comme une idiote. Adam serait absolument mort de rire, s'il m'entendait. J'embrassai le garçon une dernière fois avant de me rhabiller et de retourner parmi les invités. Adam était assis dans l'herbe, en plein milieu du jardin. Son corps était là mais son esprit, lui, était parti très loin.
-Tu t'es bien amusée ?
Sa voix me paraissait rocailleuse, comme s'il venait de se réveiller après une bonne nuit de sommeil.
-Ça va. Adam... Est-ce que c'est de ma faute si tu t'es mis dans un état pareil hier ? J'ai besoin de le savoir.
Il me fixa avec tendresse.
-J'y ai réfléchi une bonne partie de la nuit et j'en suis venue à la conclusion que je t'avais fait un truc, sinon, tu ne serais jamais parti sans moi.
-C'est un tout, Anna. Et oui, j'ai été surpris que tu veuilles ma place à la Chambre des Lords. Tu ne m'en avais jamais parlé avant et j'ai été pris de court.
Quelle idiote !! J'aurais dû y penser plus tôt. Évidemment que c'était de ma faute.
-J'ai dit ça surtout pour les ennuyer.
-Je ne crois pas Anna. Je pense que tu es une fille moderne et que tu ne vois pas pourquoi tu serais écartée d'un poste qui te revient de droit. Mais j'estime que c'était mon droit de le savoir avant tout le monde. Ah moins que tu n'en aies déjà parlé à quelqu'un avant moi.
Adam plissa des yeux et je sus à ce moment précis qu'il pouvait lire en moi. Ses yeux observèrent lentement mon visage.
-C'est bien ce que je pensais. Papa était beaucoup trop silencieux. Et bien, si tu as la bénédiction de notre père, je te laisse la chambre des Lords, Anna.
-Ce n'est pas ça, Adam. Je ne veux rien te prendre, si c'est vraiment ce dont tu as envie. Je ne sais pas ce que je veux faire de ma vie. Je n'ai pas envie de te prendre ta place. Je veux juste me trouver c'est tout. Savoir ce qui me rendra heureuse et pour le moment, faire chier tout le monde est ce qui me rend heureuse. Mais si ça te déplaît, j'arrête tout de suite Ad.
Il me renversa sur le dos et se plaça au dessus de moi.
-Ne change jamais Anna. J'ai juste été surpris et Rick m'a envoyé chier aussi alors, j'avais besoin de prendre le large. Tiens, ton petit-ami arrive vers nous. Il lui en a fallu du temps pour se remettre de votre partie de jambes en l'air.
Il se mit à rire et me redressa. Le jeune homme s'approcha de nous et attendit probablement un geste de ma part pour l'inviter à se joindre à nous. Je tournai les yeux vers mon jumeau. Ce dernier avait un petit sourire sur les lèvres.
-Tu n'auras le droit de te joindre à nous que si tu nous ramènes de la bonne vieille bière irlandaise.
-Maintenant ?
-Il te suffit d'aller demander à un des serveurs trois chopes. Ce n'est pas la mer à boire non plus, juste un peu d'alcool.
-Pourquoi tu ne le fais pas, toi ?
Adam le fusilla du regard et se leva tout en m'attrapant par le bras. Il épousseta ma robe et me tendit son bras. Je n'avais pas besoin de parler, Adam s'occupait de tout. Il m'aida à enfiler mon manteau et nous partîmes sur les routes. Je me sentais bien. Je me rendis compte que je m'étais trompée. Je n'avais besoin de rien de plus qu'Adam. Je tournai les yeux et j'admirai sa force, sa façon d'être et son optimisme. Avait-il conscience qu'il était tout pour moi ? Ses yeux rencontrèrent les miens.
-Je sais Anna. Tu n'as pas besoin de me le dire. J'ai toujours su que j'étais super beau.
J'éclatai de rire et il se vexa un peu. C'est alors que je les vis. Les vélos. Un même sourire s'afficha sur le visage de mon frère. Cinq minutes plus tard, nous avions enfourché des vélos et nous étions entrain de faire les marioles. Je ne savais pas ce que nos parents allaient dire à Adam en rentrant et cela m'inquiétait. Papa était extrêmement vexé qu'il parte sans rien dire et l'appel de la veille n'avait pas dû le calmer au contraire. Nous nous engageâmes sur le chemin d'un parc et la luminosité tamisée qui me venait à travers les arbres me redonnait du courage. J'étais une Hamilton, je devais être courageuse. Mon téléphone vibra alors que nous étions sur le chemin du retour.
-Camilla ! Salut !
-Salut ! Est-ce que vous êtes rentrés d'Irlande ?
-Absolument pas et je pense qu'on va partir le plus tard possible, pourquoi ? Tu as un souci ?
-Oh non, je m'ennuyais. Je voulais savoir si vous étiez là pour aller se faire un cinéma !
-Ça aurait été avec un grand plaisir, mais on est en famille.
-Je comprends ! se mit à rire la jeune femme. J'ai un scoop aussi, il parait que Seth s'est trouvé une petite amie, mais personne ne sait qui c'est. Tu crois qu'Adam pourrait être au courant ?
-Je vais lui demander tout de suite. Adam !! l'appelai-je. Tu savais que Seth avait une copine ?
-Non, pas du tout, tu veux que je l'appelle pour lui demander des comptes ?
-Mais non voyons. C'est Camilla qui se demandait. Il ne sait rien. Mais je pense que ça pourrait être intéressant d'enquêter.. Dès demain, on mettra au point une stratégie.
Adam leva les yeux au ciel et me distança en vélo. Je raccrochai et je dus forcer pour le rattraper. J'en avais mal au mollet et cet idiot se moqua de moi à peine arrivé chez nos grands-parents. Mon oncle aussi en profita pour rire devant mon air crevé. Je le bousculai un peu et il me prit dans ses bras.
-Je viens d'avoir votre mère au téléphone. Vous auriez pu me dire qu'elle venait dans la semaine. J'aurais pris mes dispositions pour rester le plus longtemps avec elle.
-On a oublié, c'est tout, répliqua mon frère. Seanathair, est-ce que je peux te parler ? ajouta-t-il, en privé.
Mon Grand-Père acquiesça et l'emmena dans son bureau. Adam me raconterait par la suite ce qu'il lui dirait. Je ne devais pas douter de mon frère et toujours lui faire confiance.. Seulement, il décida de me faire patienter jusqu'à notre départ. Je ne voulais pas le brusquer mais quand je vis son sourire ravi en prenant place dans l'avion, je ne pus m'en empêcher.
-Bon, tu vas cracher le morceau ?
-J'ai demandé à Grand-Père de subventionner quelques trucs pour Crawford. Pour la salle commune.
-T'es sérieux ? Pourquoi j'ai pas eu cette idée plus tôt ? m'exclamai-je dégoûtée.
-Et bien, tu n'es pas moi. Voilà pourquoi. Je compte asseoir ma popularité en offrant un écran plasma, deux consoles et une machine à café digne de ce nom.
-Tu es un génie et Colin adore le café.
-Comment tu sais ça toi ?
Je fronçais les sourcils et mon frère pouffa de rire pour ne pas déranger les autres passagers.
-Je te vanne. Seth m'a dit que Lightwood et toi aviez pris un café une ou deux fois. C'est bien que tu rentres dans ces bonnes grâces. C'est ce qu'un ange doit faire.
Je lui fis part de la réflexion de Colin sur le fait qu'il était un agneau et son rire redoubla. Il m'embrassa sur la joue.
-Je ne suis un agneau qu'avec toi, Anna. Tu as bien fait de lui répondre ça. J'ai appris par Seth qu'il y aurait une fête à Halloween, il faudrait qu'on trouve nos costumes. Je sais qu'on a encore un peu de temps avant nous mais ce serait pas mal qu'on trouve un truc détonnant.
-Je suis parfaitement d'accord. Au fait Adam, tu pensais vraiment ce que tu as dit à Papa ? Tu vas rester au lycée ?
-Il me l'a dit. Dès que je ferai une connerie, je resterai là-bas. C'est ma punition. Mais j'ai l'intention de transformer ma punition en bonheur et voir la vie du bon côté. Je resterai à Crawford mais je vais percer à jour tous les secrets de cette école.
-Tu vas te la jouer Gossip Girl Adam ?
Mon frère avait l'air passionné. Ses yeux pétillaient, il se mordillait la lèvre. J'était heureuse de le voir ainsi.
-Exactement. Détenir les secrets des gens, c'est détenir le pouvoir. Détenir le pouvoir est grisant. Nous serons les seuls à avoir des secrets Anna. Voilà mon but. C'est pas génial ?
-C'est brillant. Et puis, si tu ne rentres pas, je ne rentre pas. Je vais rester avec toi tous les week-end si tu veux de moi et je vais demander aux filles de le faire aussi. Je pense qu'on pourrait bien s'amuser.
-Je t'aurais bien proposer de trinquer mais j'arrête de boire pendant un moment.
-Tu te réserves pour Halloween ? Tu te souviens de l'an dernier ?
-Comment oublier que tu as fini à poil dans la piscine du lycée, Anna ?
-Comment oublier que tu as pissé du haut du toit du lycée sur la prof de maths parce que tu étais arrivé totalement déchiré ?
Je n'en pouvais plus de rire. Je me souvenais de cette scène avec une grande précision. Adam et Rick étaient totalement ivres mais comme mon frère avait commencé à faire son Hamilton, ils l'avaient laissé entrer à la fête organisée pour le lycée. Seulement, il n'avait rien trouvé de mieux que de « pisser sur cette institution de merde », au sens propre. Il était monté sur le toit du lycée, sur son rebord plus précisément faisant fi de tous les dangers alors qu'il tenait à peine debout, et avait uriné. Il n'avait pas prévu que la prof de maths serait la victime incongrue de son jet. Il s'était fait renvoyer pendant une semaine après ça. Quant à moi... je n'avais rien fait de plus que d'étancher la chaleur de mon corps abreuvé par la vodka citron. Le fait qu'un mec de l'équipe d'aviron m'ait rejointe était totalement fortuit. Mais le directeur n'avait rien voulu entendre et j'avais aussi été exclue. C'était un super Halloween. Je me demandais ce que nous allions bien pouvoir faire cette année sans nous faire renvoyer évidemment. Le souvenir de cette soirée me ramena directement vers Chelsea. Je devais me réconcilier avec elle. Elle avait beaucoup baissé dans mon estime avec sa capacité à se fourrer dans les bras des gros cons mais elle était ma seule véritable amie. Je devais au moins essayer de sauver notre amitié et si ça ne marchait pas, je n'aurais pas de regrets vis à vis d'elle... ou si peu du moins.
Adam avait confié à notre père la veille que nous rentrerions directement au lycée, mais manifestement, il ne l'entendait pas comme ça. Nos parents nous attendaient dans une berline noire à la sortie de l'aéroport. Adam marmonna un juron mais quand il vit notre mère, il se fourra dans ses bras. Notre père se contenta de lui serrer la main très formellement. C'était un très mauvais signe.
-J'ai été extrêmement déçu par toi Adam. Tu es une source perpétuelle d'ennui. Je pensais qu'avec ta majorité cela passerait mais non, apparemment.
-Wentworth, je t'en prie. Est-ce vraiment le moment alors que nos enfants rentrent à peine d'accabler Adam de reproche ?
Mon père brandit sous les yeux de ma mère un tabloïd irlandais. Et merde. On voyait distinctement Adam entre oncle Tobias et moi. J'arrachai le magazine des mains de ma mère et je le feuilletai rapidement. Je vis immédiatement des photos d'Adam entrain de boire avec des inconnus.
-Quand est-ce le moment Jessica ? Quand on est en famille, non, quand on est dans notre voiture non ?
-J'estime simplement que tu pourrais prendre ton fils à part si tu as quelque chose à lui dire. On fait tous des erreurs, tu n'as pas besoin de l'accabler plus qu'il ne l'est déjà et pas devant sa sœur.
-Je me fais assez peu d'idées sur la capacité des deux à se fourrer dans les ennuis...
Il venait de dépasser la ligne de patience d'Adam. Ses yeux se plissèrent et je reconnus énormément de mon père dans sa colère. J'avais envie de me cacher et de me mettre en position foetale dans un coin. Sauf que nous étions à l'arrière de la voiture, les uns en face des autres et que ça allait être horrible. Instinctivement, je me recroquevillai autant que la bienséance pouvait le permettre et dans le fond, je priai pour qu'Adam ne le mette pas trop en colère.
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