Je me réveille avec un mal de crâne important, mais reposée. Je passe en revue la soirée d'hier et je me crispe quand les souvenirs me reviennent en mémoire.

Mais qu'est-ce que j'ai fait ?

J'ai été complètement inconsciente. Je me suis mise en danger, en risquant ma vie pour pas grand chose. Le pire dans tout ça c'est que j'ai l'impression que je n'étais plus consciente de moi, que j'étais dans un état second. Parce qu'à cet instant précis, jamais je ne ferai ce que j'ai fait hier.

J'attrape alors mon téléphone posé sur la table de nuit et jette un coup d'œil aux messages qu'on m'a envoyé dans la journée.

Pas mal d'appel manqué de Vildred s'affiche sur l'écran, mais surtout une masse de message de la part d'Isaac. Ce qui est assez étonnant quand on sait que lui n'a répondu à aucun de ceux que je lui ai envoyé depuis le retour de notre week-end tragique. Dans ses messages, il dit qu'il s'inquiète pour moi et me demande de lui dire où je suis. Mon téléphone était éteint, hier. Je n'ai donc pas pu les lire. Mais, ces messages me font chaud au cœur. Il me conforte dans l'idée que malgré les atrocités qu'ils m'a balancé à la figure hier matin, il ne les pensait pas vraiment. Le problème d'Isaac, c'est quand il est énervé, il peut aller très loin dans ses décisions.

J'essaie de me rappeler d'hier soir. Tout est flou et je crains de n'avoir été trop loin avec Isaac. J'espère vraiment que je ne lui ai pas avoué mes sentiments, ce serait vraiment la honte. Je me rappelle juste qu'il était présent avec moi et qu'il m'a aidée. Il n'a pas répondu à mes questions, et je crois qu'il était mal à l'aise face à ces dernières. Mais, je sens encore la chaleur de sa main recouvrant la mienne. Une sensation électrique balaie le creux de mon ventre, quand j'y repense.

Quoiqu'il en soit, j'aurais une discussion avec lui. Une vraie discussion posée. Hier soir, je n'étais pas en mesure d'avoir une conversation censée, mais aujourd'hui si. Et puis la tension est redescendue du côté d'Isaac. On devrait réussir à parler tous les deux. En réalité, après la tendresse du moment d'hier, j'en oublie complètement Nina. Et ce n'est pas plus mal.

Je me rends compte que j'ai reçu un message de Vildred, ce matin.

« Isaac te donne ta matinée. Quand tu es réveillée revient le plus vite possible à l'Enclave, j'ai un cadeau pour toi. »

Un cadeau ?

Ma curiosité me soulève alors le cœur. Venant de Vildred, cela m'intrigue encore plus. Je me demande dans son vocabulaire d'homme sans émotion ce que signifie le mot « cadeau ».

Je guette l'heure : treize heures trente, me lève alors et m'habille avant de me mettre en route pour l'Enclave.

Quand j'arrive, je me dirige vers le bureau de Vildred, mais il est absent. Je traverse le couloir à la recherche d'un visage connu, avant de tomber sur une salle avec la porte entrouverte. Il y a Laura, Nathanaël et Vildred. Ils sont tous les trois agglutinés à une étrange machine dont ils semblent faire les réglages.

— Vous vous êtes procuré un ordinateur des années 90 ? Je lance alors sur le ton de la plaisance.

Les trois protagonistes qui ne m'avaient pas entendue arriver de retourne alors vers moi.

— On a fait la fête, apparemment hier, Sosie, réplique Vildred, en mentionnait ma disparition de la veille.

Je m'assois alors à la table centrale et prends mon visage dans les mains.

— Pas une seule réflexion. Je sais que j'ai été complètement stupide. Ça ne se reproduira pas, je rétorque, ne voulant pas en reparler.

Vildred me lance son regard d'analyse habituel, ce qui me met un peu mal à l'aise.

— Y en a un qui s'est beaucoup inquiété, réplique-t-il en guettant ma réaction.

Je détourne mon regard et ignore sa réflexion.

Je sais qu'il parle d'Isaac. Je sais que je devrais aller le voir pour le remercier. Et j'en profiterai pour avoir ma discussion. Si Isaac n'était pas intervenu, je serai sans doute dans un appartement miteux avec un sorcier pervers et dégénéré, à devoir participer sûrement à des expériences très douteuses. Je frisonne quand je repense à sa tentative de m'embrasser.

— Qu'est-ce c'est ? Je demande alors en pointant du doigt la machine, afin de chasser ces grossièreté de ma tête.

Laura se tourne silencieusement vers Vildred, comme pour lui demander l'autorisation de me le révéler.

— Une machine de séquençage, finit-il par répliquer.

— Et, plus en détails ? Je réitère, ne voyant pas plus à quoi il fait référence.

— De quoi être reconnaissante à mon égard durant de longues décennies, réplique mystérieusement le Chasseur, en pianotant quelques choses sur l'ordinateur relié à la machine.

— On va séquencer ton ADN. Cette machine sert à ça, m'explique alors Laura.

Je hausse un sourcil, surprise. Je ne m'attendais pas à ça.

— Séquencer mon ADN ? Je répète, le cœur battant et sentant qu'un nombre incalculable d'interrogations fusent dans mon esprit.

— Cette machine, en analysant ton sang, est capable de révéler ton espèce. Et comme je l'ai reliéeà un ordinateur, elle pourra mettre en évidence des liens de parenté avec d'autres Surnaturels, grâce aux différents ADN qu'on a enregistré dans l'Enclave depuis des décennies.

— Wow...Je ne m'attendais pas à connaître maintenant mon espèce, je souffle, décontenancée.

— Minute, papillon. Les branchements ne sont pas encore tous faits. Le résultat mettra plusieurs heures avant d'arriver.

— Isaac est au courant ? Je demande alors.

— Il l'est. Mais, pas concernant la manière peu morale dont Vildred se l'ai procurée, lâche la vampire en adressant un regard accusateur au Chasseur, qui lève les yeux au ciel.

— Trente mille dollars. Voilà ce qu'elle m'a coûtée, ainsi qu'un investissement personnel important. Donc, ça me paraît honnête, rétorque le jeune homme.

— Va demander à celle qui te l'a vendu si la manière dont tu lui as demandé était si « honnête », renchérit Laura en le toisant d'un regard réprobateur.

— L'importance c'est que grâce à moi, Linda saura enfin ce qu'elle est. Dites-moi ce que vous avez fait pour l'aider à avancer sur ses interrogations, réplique le Chasseur.

— Merci, je déclare reconnaissante pour tout ce qu'il a fait pour moi.

— Tu me remercieras ce soir, Sosie. Pour le moment, restons concentrés. De toute façon, il ne se passera pas grand chose avant plusieurs heures. Une fois installée, on prélève ton sang et on attend. La machine donnera le résultat dans un bout de temps. Alors, vaque à tes occupations.

— On ne touche plus à rien ! S'exclame subitement Nathanaël, interrompant la conversation.

On se tourne alors tous vers lui, en retenant notre souffle.

— Tous est bon ? Demande Laura, le cœur battant.

— C'est bon de mon côté. Mon ordinateur reçoit les informations, acquiesce Vildred. Laura, emmène Linda au labo. Tu me prélèves une fiole de sang, pas plus.

— A vos ordres, chef, sifflote la jeune femme en m'entraînant avec elle. On parvient alors au laboratoire de l'Enclave. Laura déverrouille ces derniers avec une carte magnétique, allume la lumière, enfile une blouse et me fait signe de m'asseoir sur le fauteuil au centre de la pièce. Elle stérilise ses outils après avoir enfilé un gant et un masque.

— Wow. Tu à l'air de faire très attention, je murmure.

— Il ne doit avoir aucune trace de mon ADN, si on ne veux pas biaiser les résultats. Sinon, la machine va te dire que tu es vampire, et on va croire que tu nous as caché quelque chose, réplique-t-elle en laissant échapper un petit rire décontracté.

— En effet, je préfère éviter ça, je ris alors à mon tour.

Je lui présente mon bras qu'elle désinfecte.

— Comment tu te sens ? Je veux dire, ça n'est pas tout les jours où on va apprendre quelque chose qui changera à jamais le cours de sa vie.

Je laisse échapper un petit silence avant de répondre.

— Je ne sais pas trop, en réalité...Je ne m'attends pas à grand chose. Je me dis que si ça se trouve, ça ne marchera pas. J'essaie de ne pas m'enthousiasmer trop pour rien, dans le cas ça ne donne pas de résultat.

— Ça, on ne peut pas savoir à l'avance. Mais, ça vaut le coup quand même d'essayer et de garder espoir, non ? Me sourit-elle.

Je hoche la tête.

— Tu as raison.

— Essaie de ne pas trop y penser. Profite de ta soirée. Tu peux même aller à la Commémoration des soixante dix ans de l'Enclave. C'est ce soir et il y a encore pas mal de garçons libres pour accompagner quelqu'un. Dont un que tu connais très bien, me sourit mystérieusement Laura.

Je lève un sourcil surprise et incrédule.

— Isaac ? Je murmure.

— Nina rentre chez ses parents ce soir. Il n'a donc personne, m'explique-t-elle, en me lançant un regard complice.

Je détourne mes yeux et fais mine d'ignorer sa remarque sur le loup-garou. Visiblement, elle a compris ce qu'il se passait entre lui et moi. Ça ne m'étonne pas, elle est intelligente.

Elle insère alors l'aiguille dans mon bras et récupère mon sang.

— C'est comique quand on y pense de se faire faire une prise de sang par un vampire, je relève en laissant échapper un petit rire.

— Pas d'inquiétude à avoir. J'ai pris ma dose ce matin, je ne vais pas te sauter au bras, me sourit-elle en retirant l'aiguille et en fermant la petite fiole.

— C'est tout bon ? Je demande alors.

— Oui. Plus qu'à mettre tout ça dans la machine et tu sauras ce que tu es.

On regagne alors la salle où on était, pour retrouver Vildred et Nathanaël.

Laura tend la fiole à son chef de service qui l'ouvre et insère son contenu dans l'étrange machine. Il pianote quelque chose dessus avant de se repositionner devant son ordinateur.

— Plus qu'à attendre. On va faire des tours de garde, Laura et moi déclare-t-il.

Je suis un peu perdue dans mes pensées, en réalité. Ce que m'a dit Laura sur Isaac, résonne encore dans ma tête. Je ressens une envie viscérale d'aller le voir pour lui demander d'aller à la fête avec moi. Le fait que Nina ne soit pas là, ce soir, est une véritable opportunité à saisir. Je me dis qu'après la soirée d'hier, Isaac ne devrait pas être désagréable. Finalement, il avait été doux et gentil avec moi. Je devrais me servir de ça pour lui proposer de m'accompagner. Et avant tout, j'ai envie de le remercier pour tout ce qu'il a fait pour moi, hier.

Je me lève alors, et dis à mes collègues que je reviens, sans expliquer mon départ. Je suis décidée à aller parler à Isaac. Cette fois-ci, je suis beaucoup plus optimiste que toutes les autres fois. Cette fête sera un bon moyen de repartir sur de bonnes bases. Je suis même prête à m'excuser pour le ton que j'ai employé hier avec lui, alors c'est pour dire...

Je me dirige alors, dans un élan d'optimisme, vers son bureau. Sauf que je suis devancée par Nina, que je vois au loin, entrer à l'intérieur, avant que je ne le fasse. La porte reste entrouverte, ce qui me laisse l'opportunité d'observer et d'écouter la discussion.

— Tu n'es pas encore partie ? Lui demande-t-il quand il la voit arriver, en levant ses yeux de son ordinateur.

Nina secoue la tête.

— Je ne pars plus. Mes parents m'ont convaincue de plutôt profiter de la soirée. Je reviendrai le week-end prochain, explique-t-elle.

Isaac sourit alors.

— Je ne veux pas être égoïste, mais c'est une décision que j'approuve.

Nina laisse échapper un petit rire, et remets sensuellement une mèche de cheveux noirs derrière son oreille.

— T'es libre ce soir ? Je veux dire est-ce que tu as quelqu'un pour t'accompagner à la fête ? Lui demande-t-elle en esquissant une petite moue charmeuse.

Oh la garce...

Elle vient de me devancer.

Isaac lève un sourcil et sourit à nouveau.

— Tu me demandes de venir avec toi ?

— A moins que tu aies prévu d'y aller avec quelqu'un d'autre, réplique Nina en mordillant ses lèvres d'une façon faussement timide.

— Quelqu'un d'autre ? Il n'y a qu'avec toi que je veux y aller, quelle question ! S'exclame-t-il.

Toute contente, Nina laisse échapper un petit bruit de satisfaction avant de prendre l'initiative t'attirer espièglement le jeune homme vers elle pour le serrer dans ses bras. Isaac se laisse faire, visiblement peu dérangé par ce contact physique.

Je reste figée, complètement décontenancée. J'ai envie de hurler, mais je sais que rien ne pourra sortir. Les voir aussi proches physiquement m'est insupportable. Le sentiment intense de jalousie que j'avais ressenti à son égard me revient de plein fouet. Ce que je viens de voir est très douloureux. Les paroles le sont encore plus.

Je me suis faite devancée. Encore une fois. J'ai de nouveau été stupide et naïve. Penser qu'Isaac pourrait m'accompagner à la fête était une erreur profonde. J'ai terriblement honte de moi. Et par dessus tout, j'éprouve subitement et de nouveau énormément de colère face à la situation. Cette frustration est insupportable. Si insupportable, que je ne parviens plus à retenir la larme, qui me brulait jusqu'alors l'œil.

Je retourne alors fébrile et les jambes vacillantes vers la salle avec la machine où est restée mes trois collègues. Le poids que je ressens alors dans la poitrine induit une douleur semblable à celle d'un déchirement musculaire.

Quand je rentre dans la salle, les trois Surnaturels se retournent vers moi et remarquent silencieusement les larmes discrètes que j'essaie pourtant de cacher. Aucun d'eux n'osent dire quelque chose. Ils restent là à me fixer dans le plus profond des silences, attendant que je me livre à eux.

— Est-ce que j'ai mes chances ? Est-ce qu'une seule seconde, j'ai eu mes chances avec Isaac ? Je m'exclame alors, ne décidant plus et pour la première fois, de faire comme si de rien n'était concernant le loup-garou.

Vildred plante ses yeux dans les miens et secoue la tête.

— Non. Pas une seule seconde.

Sa réponse est directe, mais honnête. Mais, elle induit une prise de conscience soudaine qui est très douloureuse.

Je laisse ma tête tomber entre mes mains et poussent un gémissement de colère et de frustration.

— ...Isaac est un loup-garou. Cela aurait été complètement illusoire d'imaginer qu'il pourrait s'engager avec toi, poursuit-il.

Dans un élan de colère non maîtrisé, je balaie la table d'un mouvement de bras vif, et renverse sur le sol tout ce qu'il y a avait sur la table, avant de reprendre ma position initiale, à savoir, mes mains devant mes yeux.

Mes muscles tremblent, mon rythme cardiaque s'emballe et ma gorge se serre douloureusement. Laura et Nathanaël me regarde silencieusement perdre le contrôle, de la peine dans les yeux.

— J'ai vraiment été conne, je souffle alors.

— Isaac s'est laissé avoir par ce qu'il a toujours ressenti pour Bella. Alors, quoiqu'il a pu te dire à propos de ses sentiments, ce n'était pas à toi que cela était destiné. Il te confond avec elle, et cela depuis le début, déclare le Chasseur.

Ce qu'il vient de m'annoncer m'est insupportable à entendre. Malgré moi, j'éclate en sanglot. Des sanglots extrêmes de colère. Ce que je ressens en moi est indescriptible, comparable à un feu ardent qui détruirait tout sur son passage. Mais, je sais qu'il dit vrai.

Cette impuissance et cette frustration me rend folle.

Je me lève alors subitement et m'approche brusquement de Vildred.

— Viens avec moi à la fête.

Le Chasseur lève un sourcil, étonné par ma demande.

— Quoi ?

Je sais que je ne devrais pas m'embarquer dans ça, mais me prends la fulgurante envie de me venger d'Isaac, de lui faire regretter son choix. Et je sais qu'il a du mal à accepter la proximité qu'on a Vildred et moi. Et, je sais aussi que ce dernier tire une puissante satisfaction en provocant son ancien ami.

— C'est ce que tu aimes, non ? Foutre la merde partout ? Pousser Isaac à la folie ? Alors viens à la fête avec moi.

Vildred m'analyse alors silencieusement, avant de répondre.

— Rien ne me ferait plus plaisir, Sosie. Mais, j'émets une seule condition.

— Tout ce que tu voudras.

— Je choisis ta tenue.

Étonnée par sa demande, je hausse un sourcil, mais finis par hocher la tête.

— Très bien.