Chapitre 94
— La commémoration des 70 ans de l'Enclave, qu'est-ce c'est exactement ? Je demande à Laura et Vildred alors que mon attention se porte sur la grande affiche accrochée dans la salle commune.
— Une fête assez prestigieuse organisée par l'Enclave, m'explique la jeune femme, en ouvrant son paquet de gâteau matinal.
Laura mange un paquet de gâteau le matin et un dans l'après midi. Je n'avais pas imaginé qu'être vampire ouvrait autant l'appétit. Sauf concernant une autre substance plus écarlate...
70 ans que l'Enclave existe ? Je n'arrive pas à savoir si finalement c'est une vieille institution ou pas. Je me demande aussi comment c'était avant, quand il n'y avait aucune loi. Qui menait les autres ? Les vampires ? Les loups-garous ? Les Sorciers ?
— Accessible à tous les Surnaturels ? Je questionne.
— Non, de toute évidence. Seuls ses membres y sont invités, réplique Vildred, en sirotant son éternel thé Sakura.
— Et vous me conseillez d'y aller ? Je les interroge alors, curieuse.
C'est vrai que je suis assez friande de nouvelles découvertes. Et aller à une soirée organisée par l'Enclave suscite mon intérêt. On peut toujours en apprendre un peu plus sur institution en observant ses membres dans des moments moins conventionnels.
— C'est une fête où tu y vas accompagnée. Et crois-moi que chez les Surnaturels, ce n'est pas forcément à l'homme de demander à une femme d'être dans cavalière. Il va falloir te bouger, Sosie, renchérit le Chasseur.
Ce qu'il m'annonce fait disparaître l'enthousiasme qui montait en moi.
À vrai dire je ne connais pas grand monde et je suis quasiment certaine qu'aucun Surnaturel ne m'invitera. Je suis la bête noire, ces temps-ci. Depuis que les membres du Conseil sont rentrés, j'ai l'impression que les autres salariés m'évitent encore plus, et que mes faits et gestes sont épiés.
— Vous y aller, vous ? Je les questionne alors.
Si on y va tous les trois ensemble, ça passera sans doute plus facilement. Ça me permettra d'avoir l'illusion de passer inaperçu, même si je sais que ce ne sera pas le cas.
— Vildred trouve ces soirées surfaites, et moi, de mon côté, j'aurais sans doute beaucoup de travail à faire, déclare-t-elle en échangeant un regard mystérieux avec le Chasseur qui retient tout de suite mon attention.
Du travail le soir ? Il y a véritablement quelque chose qui m'échappe. J'ai l'impression qu'ils ne me disent pas tout. Des multiples questions que je m'apprête à poser fusent dans mon esprit quand j'aperçois au même moment Nathanaël passer à côté de nous dans la salle commune.
Ça fait longtemps que je ne l'ai pas croisé.
Je l'interpelle alors.
— Tu viens à la commémoration des 70 ans de l'Enclave, Nathanaël ?
Le garçon s'arrête, intrigué, puis hausse ses épaules, indécis.
— Je n'avais pas prévu. Tu y vas, toi ? Me questionne-t-il.
— Si je trouve quelqu'un pour m'accompagner.
Nathanaël a l'air tout triste ces temps-ci. Il croule sous le travail et doit s'occuper parallèlement de son petit frère et de sa mère malade. Lui proposer de sortir un soir devrait peut-être lui changer les idées.
— C'est ça, et puis, pourquoi ne pas t'offrir directement aux vampires en te rendant Au Sanglant ? Stan sera ravi, rétorque ironiquement le Chasseur.
Laura se tourne vers lui et lève les yeux au ciel.
— Arrête de faire ton rabat-joie, Vildred. Ces fêtes sont hyper sécurisées, Linda ne risquera rien, réplique-t-elle.
— Je ne suis pas sure de pouvoir y aller. En ce moment c'est un peu le rush à l'Enclave comme à la maison. Désolé...Se confond Nathanaël en excuse.
— Il n'y a pas de mal, Nathanaël. Je comprends, je lui souris alors, pour lui faire comprendre que je ne lui en veut pas.
Je sorcier me rends un sourire désolé et s'assoit à notre table. Il ne reste que quelques minutes avant que les heures de travail commencent. On profite de nos derniers instants de liberté.
Laura récupère alors dans son sac une bouteille remplie d'un liquide rouge que j'identifie presque immédiatement et avale quelques gorgées avant de s'en renverser maladroitement sur son débardeur blanc.
— Quelle idiote ! S'indigne-t-elle en contemplant les dégâts.
— Tu n'as jamais été aussi perspicace, chère collègue, renchérit Vildred.
— Je n'ai rien d'autres sur moi, et j'ai une réunion tout à l'heure, Deplore-t-elle, en essayant d'essuyer avec un mouchoir l'énorme tâche qui macule le tissu, sans porter attention à la remarque de son interlocuteur.
Nathanaël pose alors deux doigts sur son débardeur, tape délicatement trois fois, en récitant une formule latine qui m'est impossible de traduire.
Dans son autre main vient d'apparaître le débardeur à l'identique, mais cette fois-ci, sans tâche.
— Comment tu as fait ça ? Je m'exclame partagée entre l'incrédulité et l'émerveillement.
— J'adore la magie...Murmure Laura, en contemplant son nouveau débardeur, des étoiles dans les yeux.
— Juste un petit tour, réplique modestement le jeune sorcier.
— Si tu pouvais être doué dans d'autres domaines que la duplication de vêtements, ça nous serait utile, rétorque Vildred avec condescendance.
Laura le foudroie du regard et lui donne un coup de pied sous la table pour le faire taire.
Mais, Nathanaël détourne le regard ignore la réflexion du Chasseur. Il est habitué à en recevoir de sa part. Vildred ne l'aime pas. Il passe sa vie à le descendre et à le rabaisser.
Nathanaël me fait de la peine.
— Mais, c'est incroyable. Ça veut dire que tu peux dupliquer n'importe quel vêtement de marque par exemple et te faire la masse d'argent ? Je m'exclame, toujours autant sidérée par cette démonstration de magie.
Le jeune sorcier laisse échapper un petit rire et secoue la tête.
— C'est comme tout tour de magie. Il ne faut pas en abuser. La magie a des conséquences. Plus tes intentions sont mauvaises et plus tu as de chances qu'elle te revienne comme un boomerang.
— Dommage, je me voyais déjà te demander de dupliquer toutes les pièces de la penderie de Laura. Elle s'habille tellement bien, je réplique alors rêveuse, en adressant un sourire complice à mon amie.
La vampire éclate de rire.
— Oh je prends ça pour un compliment alors, merci.
— Vous savez, vous voyez la magie comme une bénédiction, mais ce n'est pas forcément le cas, réplique étrangement le sorcier.
Laura laisse échapper un petit rire.
— Pouvoir faire apparaître un objet, je n'appelle pas ça une malédiction.
— C'est comme toute espèce de Surnaturel. Regarde toi, Laura, tu as droit à une force surhumaine, à des sens accrus, à une vitesse exacerbée. Mais, du dois en payer le prix.
La jeune femme hausse les épaules.
— Et quel prix, toi tu dois payer ? Je réplique.
— La magie vous consume. Plus vous l'utilisez, plus elle puise dans vos ressources. Certains sorciers qui abusent de leurs pouvoirs deviennent fous. Tout don cache en réalité une dette à vie à payer.
***
Ce matin est organisée une réunion d'équipe mensuelle. Ce sont des réunions présidées par Isaac, qui réussissent tous les services. Faisant partie du service Enquête de l'Enclave, on me demande donc d'assister à ces réunions. Mais, la plupart du temps je me contente juste d'observer. C'est surtout Vildred qui rapporte aux autres notre travail. Ça ne me dérange pas tant que ça, en soit. Ça m'évite d'être trop sur devant de la scène.
La réunion commence à neuf heures. Vildred a eu une urgence ce matin, il est donc parti plus tôt sans moi. Je marche donc seule, en direction de l'arrêt de tramway le plus proche, quand une voiture ayant pris un virage trop large renverse un adolescent en vélo qui passait au même moment.
Comme on est dans une petite ruelle, personne ne semble avoir vu l'accident. La voiture s'arrête et l'homme se précipite vers le garçon, allongé au sol. Je m'accroupis à son niveau et saisit tout de suite mon téléphone pour appeler le 911. Le jeune n'a pas perdu connaissance, mais ne peut plus bouger. La chute a été plutôt violente. En attendant l'arrivée des secours, ne reste au chevet de l'adolescent, essayant de lui parler pour le rassurer. Une fois l'ambulance arrivée et après avoir expliqué en tant que témoin ce que j'ai vu, les ambulanciers me libèrent.
Je monte alors dans le tramway, une fois arrivée à mon arrêt, et jette un coup d'œil à mon téléphone pour guetter l'heure.
Neuf heure moins-cinq.
Mince.
Je vais être en retard et et je vais rater le début de la réunion. Tant pis. Après tout c'est pour une bonne cause. Ils comprendront.
Une fois le tramway arrivé à bon port, je me mets à courir en direction des bâtiments de l'Enclave, grimpe dans l'ascenseur et regagne la grande salle où se passent les réunions. Cette dernière a commencé depuis cinq minutes. Je toque donc à la porte, en me recoiffant et en essayant de contrôler mon essoufflement dû à ma course.
Des pas se font entendre jusqu'à la porte et Isaac m'ouvre.
Avant même que j'ai eu le temps de m'excuser pour mon retard, Isaac me démarre.
— Arriver à l'heure, c'est trop te demander ?
Mon cœur se soulève brusquement.
Je n'apprécie pas le ton autoritaire qu'il vient d'employer. Il est désagréable avec moi depuis quelques jours et je commence à en avoir assez. Il ne m'a jamais aussi mal parler. D'autant plus que mon retard n'est pas dû à une négligence ou un manque de sérieux de ma part. Il n'a vraiment pas à utiliser ce ton là. Il vient de m'afficher devant l'ensemble des Surnaturels de la réunion, et je dois avouer que cela m'irrite fortement.
— Tout ce cinéma pour cinq minutes ? Je ne pense pas que ce soir nécessaire, je rétorque sèchement, devant tous les salariés qui me fixent silencieusement, avec des grands yeux.
Aucun ne s'attendait à ce que j'ose emprunter un ton aussi insolent envers Isaac. Tout le monde sait très bien que ce dernier n'apprécie pas du tout qu'on se comporte avec autant d'effronteries devant lui. Mais c'est sorti tout seul. J'ai tellement accumulé d'agacement et de rancoeur envers lui, que je finis par exploser.
Isaac me saisit brusquement par le bras et me tire abruptement hors de la salle avant de refermer derrière lui la porte pour me prendre à part. Je vois dans ses yeux et à la dureté des traits de son visage, la colère grandir en lui.
Ça tombe bien, j'en ressens aussi à son égard. Je le repousse alors hâtivement pour récupérer mon bras parce qu'il me fait mal, mais Isaac le ressaisit à nouveau, me tournant brusquement vers lui pour y planter ses yeux dans les miens.
— Je peux savoir ce que c'est ton problème ?
Son ton est sec et affirmé. D'habitude j'aurais trembler au son de sa voix, mais là, je n'en ai rien à faire qu'il soit mon supérieur hiérarchique. Je ressens bien trop de colère à son égard, et impulsive que je suis, il m'est impossible de me ranger sur le droit chemin.
— Mon problème ? Je vais te dire ce que c'est mon problème. T'es désagréable avec moi depuis plusieurs jours et dès que je fais un pas vers toi pour avoir une discussion, c'est encore pire. Alors, c'est toi mon problème. Est-ce que c'est assez clair ?
— Ici, tu es sur ton lieu de travail. Tu gardes tes chouinerie d'enfant pour un autre moment. Tu me refait une scène comme ça, et je peux t'assurer que ta place à l'Enclave ne sera plus qu'un lointain souvenir.
Je n'accepterai aucun chantage et encore moins de sa part. Isaac n'a rien fait pour m'intégrer. C'est Vildred qui m'a fait rentrer dans les rangs. S'il me vire juste pour ça, ce serait un véritable comble.
— Oh mais vas-y ! Vire moi, si c'est ce que tu veux, je m'exclame, sur le ton de la provocation.
— Baisse d'un ton. Je dois te rappeler que tu t'adresses à ton Directeur ?
Je hausse un sourcil, et le toise d'un regard mauvais. Le fait qu'il use de sa supériorité hiérarchique pour me parler ainsi me dégoûte.
— T'es mon Directeur uniquement quand ça t'arrange, je lâche plus bas.
Je fais bien évidemment à la soirée où il m'a mise dans son lit. Là, ça ne le dérangeait plus qu'on ne respecte plus la hiérarchie.
Un lueur sombre se met à habiller ses yeux ambrés. Ce que je viens d'oser lui dire est loin de lui plaire. Mais, pourtant, c'est la vérité.
— Méfie-toi, Linda. Si j'étais toi, je mesurerais mes paroles. Tu ne sais pas de quoi je suis capable. Je n'ai qu'à claquer des doigts et tu te retrouves à la porte et blacklistée de toute la Nouvelle Orléans.
Je comprends qu'Isaac n'a pas du tout envie que je raconte aux autres ce qu'il sait passé. Et je vois dans ses yeux qu'ils seraient capable de mettre ses menaces à exécution, si je vais trop loin. Ça ne sert donc à rien de continuer de lui tenir tête.
Je croise les bras sur ma poitrine et détourne mon regard, essayant de retenir mes larmes de colère et de frustration. Je hais cette partie d'Isaac. Je hais son arrogance, sa suffisance et son autoritarisme. Mais, il dit vrai. Il est celui à signé mon contrat d'embauche, et de ce fait à tous les pouvoirs y compris celui de me virer.
— Tu es injuste avec moi, je lâche, plus bas, les dents et les poings serrés.
— Non, bien au contraire. Je rétablis les limites que tu t'es octroyée de dépasser. A partir de maintenant, tu ne m'adresses la parole que si je te l'offre, tu te contente de faire le travail qui t'es confié et tu restes à la place qu'il t'ait demandée d'occuper. Est-ce que c'est clair ?
Je plante mes yeux dans les yeux en lui adressant un regard réprobateur et rempli de haine.
— Oui, Monsieur de Directeur, je lance froidement avec un semblant de provocation, en poussant la porte de la réunion afin de mettre fin à cet insupportable sermon.
Quand je rentre dans la pièce, tout le monde me fixe avec insistance, dans un silence de mort. Quand Isaac s'énerve, plus personne ne parle. Il devient trop impressionnant pour qu'on ose lui tenir tête.
Mais, je ne veux pas faire profil bas devant lui. Il veut jouer à ça ? Alors il va être servi. Je ne supporte pas qu'on prolifère des menaces à mon égard. Pas après tout ce que j'ai fait pour les aider.
J'aperçois Nina. Elle me fixe avec encore plus d'insistance que les autres Surnaturels, bien trop heureuse de me voir me déchirer avec Isaac. Je sais aussi qu'elle n'y est pas pour rien dans ma discorde avec lui. Mais, je m'occuperais de son cas plus tard.
Je vais alors m'asseoir à côté de Vildred, qui m'a laissé une place. Il se penche vers moi et me glisse à l'oreille quelques mots.
— Avoir tenu tête comme ça à Isaac, tu ne peux pas me rendre plus fier, Sosie.
Je plonge mon regard dans le sien, sentant toujours l'énergie brûlante d'indignation prendre part de moi.
— Et, ce n'est que le début.
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