Chapitre 86
Tout se met à tourner autour de moi. Mes jambes vacillent, mon cœur s'emballe, mes yeux se troublent. Je tourne en rond frénétiquement, au bord de la crise de panique.
Isaac m'attrape brusquement les poignets, et se met à les serrer un peu trop douloureusement, pour me ramener à mes esprits. Il plante ses yeux dans les miens, m'accordant un regard très sérieux et grave. Je ne l'ai jamais vu comme ça.
— Écoute-moi bien, Linda. Tu n'as pas découvert les corps, seule. J'étais avec toi quand on est tombé dessus. On est resté ensemble pendant tout le temps. Absolument tout le temps. Tu as bien enregistré ?
Son ton est grave et ferme. Je lis une inquiétude et une adrénaline intense dans ses yeux ambrés, qui changent brusquement de couleur pour s'assombrir.
Le choc m'empêche de parler. Tout se bouscule dans ma tête, mes oreilles se mettent à siffler, je suis au bord de l'évanouissement.
— ...
Isaac me secoue brusquement, voyant que je ne suis pas apte à lui apporter de réponse.
— Dis-moi que tu as compris ce que je viens de dire. Dis moi que tu as compris. C'est très important.
Isaac fait que de répéter les mêmes phrases. Sa voix résonne dans ma tête et semble s'éloigner, à mesure que des étoiles se mettent à danser devant mes yeux.
Je sens sa nervosité. Je ne l'ai jamais sentie autant.
Je parviens pourtant à articuler quelques syllabes qui sortent douloureusement de ma gorge.
— Pou...pourquoi ?
— Pourquoi ? Parce que s'ils apprennent que c'est toi qui les as découverts seule, tu seras suspectée. Tu comprends ? Tu seras suspectée, répète frénétiquement le loup-garou.
Je comprends subitement dans quoi je viens de me retrouver. Je commence sérieusement à paniquer. Je suis prise d'une montée de convulsions, s'accompagnant d'un souffle bruyant, haletant et anormalement saccadé.
— Ils vont arrivés d'une minute à l'autre. On s'en tiens à cette version, Linda. On s'en tient à cette version. Est-ce que tu as bien compris ?
Je hoche alors tête, continuant à trembler d'effroi, laissant des larmes de paniques dévaler mes joues.
Isaac marche alors frénétiquement. Ses yeux sont rouges. Ses bras tremblent. Il a du mal à canaliser les émotions qui grandissent en lui.
Je m'accroupis au sol, me sentant partir. Des nausées prennent part en moi, alors que l'odeur du sang devient trop forte. Je vomis.
Des premiers cris me tirent de mon état de malaise. Mon cœur se soulève. Je me redresse alors, prêtant attention à la scène.
Des loups-garous débarquent de partout, commençant à nous entourer. Des regards horrifiés se posent sur les cadavres découverts, alors qu'on reste Isaac et moi au centre du cercle formé.
Puis, des hurlements plus puissants se mettent déchirer la forêt. Julia et Jack surgissent de la foule, poussant des cris intenses de détresse et d'effroi à la vu du corps de leur petit garçon. Leurs hurlements sont glaçants et me figent sur place. Les autres parents débarquent très rapidement, poussant les mêmes cris horrifié quand ils reconnaissent le visage de leurs enfants. Je plaque ma main sur ma bouche, sanglotant d'effroi et de choc, ne parvenant plus à contrôler les larmes qui m'assaillent.
Ce que je suis en train de vivre est inimaginable. Les cris de détresse et de colère extrême s'intensifient. Je comprends rapidement que les regards se tournent peu à peu vers moi. La scène se remplit. Je reconnais beaucoup de monde autour. Amélia et Maverick Peterson, Steven, Maddie et bien d'autres avec qui j'ai eu l'occasion d'échanger hier. Leur attitude envers moi semble avoir subitement changé.
De la suspicion, du doute, de l'incompréhension.
Voilà ce que je lis désormais dans leurs yeux.
Parker surgit de la foule et s'avance brusquement vers moi.
— Embarquez-là, ordonne-t-il soudainement aux loups-garous, en continuant de s'approcher dangereusement de moi.
Isaac s'interpose et pousse brutalement son ami en arrière, pour l'écarter de moi.
— Tu la touches ne serait-ce qu'un seul cil, je te tue !
Parker, ne comprenant pas la réaction de son interlocuteur, adopte subitement une position offensive, prêt à riposter face au jeune héritier.
— T'es sérieux, Isaac ?
— Elle n'y est pour rien, enfoiré ! Elle était avec moi ! Tonne-t-il d'un hurlement qui glace le sang de tout le monde.
Maverick Peterson sépare alors brusquement les deux loups-garous, avant de se tourner vers sa meute qui commence à s'éparpiller, à céder à l'inquiétude et la folie.
— Que tout le monde garde son calme ! Je ne veux pas d'accusation hâtive. Ne cédez pas à la panique !
Les loups-garous tentent d'écouter leur chef, mais, de leurs yeux et de leurs gestes émanent une crainte et une angoisse exacerbée.
— ...Allez retrouver vos enfants. Parker, je veux que tu rassembles des hommes. Faites le tour du domaine, je ne veux personne seul. J'appelle au témoin. Si quelconque aurait aperçu quelque chose de suspect, vu quelqu'un rôder autour du village, ou bien entendu parler de choses étranges, je peux que vous m'en fassiez part au plus vite.
Il se tourne alors vers son fils, et le désigne de la main.
— ...Emmène-là en sécurité. On se retrouve dans cinq minutes, le temps que je finisse de donner les ordres.
Isaac hoche la tête et m'attrape par le bras pour me tirer de là.
Un flot d'insultes fuse à mon égard. Les accusations sont dures, les mots employés impitoyables. Les hurlements de haine n'en finissent pas. Je lis une puissante agressivité dans leurs yeux. Leurs poings serrés en sont la preuve. Je suis le suspect numéro 1.
On passe rapidement au milieu de la foule. Isaac se dresse devant moi, lançant un regard menaçant à ceux qui osent s'aventurer sur son chemin et le défier.
On finit laborieusement par s'extirper de la foule et de son agressivité grandissante. Arrivé à la maison d'Isaac, ce dernier verrouille la porte d'entrée, pour nous mettre à l'abris. Le loup-garou tire tous les rideaux de l'habitat, plongeant le séjour dans une obscurité prononcée. On n'a pas le temps de souffler que surgissent à cet instant précis Maverick et Amélia. Ils accaparent immédiatement leur fils, avant de se diriger tous les trois à l'étage. Je ne suis pas invitée à la discussion.
Je fais alors les cents pas dans le salon, accablée par une nervosité débordante.
Je sens qu'à l'étage le ton commence à s'élever. Je ressens d'ici toute l'inquiétude qui émane de leur paroles. Je m'assois alors sur le bas des marches pour écouter la conversation.
La voix féminine de sa mère est la première que je parviens à distinguer aisément.
— Ce n'était pas une bonne idée, Isaac...!
— Selon quoi, ce n'était pas une bonne idée ? Selon qui ? Selon quel jugement ? S'indigne frénétiquement le jeune homme, dont les pas nerveux et incessants font craquer le parquet.
— Isaac ! Regarde-moi. Est-ce que tu es sure de ne l'avoir jamais quitté des yeux ? L'interpelle son père.
— Mais, bien évidemment ! Elle est restée avec moi durant toute la matinée ! S'exclame le loup-garou avec virulence, faisant monter le ton de nouveau.
— Es-tu bien sûr ? Répète un peu plus fermement Maverick.
— Je t'ai dit que oui ! Vous ne pensez quand même pas que Linda ait pu tuer trois enfant ? S'exclame-t-il hors de lui.
— Nous, non. Mais, le reste la meute si, réplique plus calmement Amélia, pour tempérer son fils.
— Il leur faudra un coupable, Isaac ! Et leur colère leur fera designer Linda ! S'exclame son père.
— Elle n'y est pour rien ! Alors qu'un coupable court dehors, vous me dites que c'est elle qui se fera violemment juger ?
— Les gens partagent des rumeurs. Beaucoup de choses se disent sur elle. Es-tu sûr que tu peux lui faire confiance ? Le questionne sa mère.
— Sincèrement ? Tu me demande ça ?
Un petit silence douloureux retentit alors. Ma gorge se serre. Je sens les larmes me monter.
— Qu'est-ce que tu sais d'elle ?
— Assez pour savoir qu'elle pourrait réussir à s'intégrer ici !
— Isaac...Je sais que tu l'apprécie, mais ce n'est pas Bella. Elle n'est pas Bella, réplique-t-elle plus bas.
Mon cœur se soulève alors.
C'est donc cela.
Je ne suis pas Bella.
Et à cause de détail précis je ne pourrais jamais m'intégrer parmi eux. Je serai toujours vue comme la fille qui lui ressemble, mais qui n'est pas elle. Qui n'est pas loup-garou.
Mes yeux se troublent et des larmes de frustration s'échouent alors sur mes joues.
Isaac ne répond pas. Je ne sais pas pourquoi.
Maverick renchérit alors plus calmement sur un ton plus pragmatique.
— C'est pour ça qu'il faut que vous partiez Isaac ! Mets-là en sécurité. Les loups-garous ne sont pas prêts à laisser place pour la raison, pour le moment.
— C'est donc ça la solution ? Fuir ? S'indigne le jeune héritier.
— Isaac...J'admets que tu aies du mal à comprendre. Tu es parti depuis si longtemps. Tu ne vois pas tout ce qu'il se passe ici. Ça fait des mois qu'on reçoit des menaces de morts. Ces enfants ne seront pas les derniers touchés, réplique sombrement sa mère
Des larmes supplémentaires continuent de se déverser sur ma joue. Je me sens tellement mal. Ce sentiment d'exclusion m'est trop douloureux. Et, surtout parce que j'avais eu l'espoir que la meute et la famille d'Isaac puisse m'apprécier au delà de tout ça. Mais, jamais eu tord.
Je laisse ma tête tomber dans mes mains, ne parvenant plus à trouver la force de les essuyer. Je me sens tellement faible. Tellement impuissante. J'ai l'impression que je ne contrôle plus rien, que la situation se referme sur moi.
Quand je relève mes yeux, Maddie est là. Silencieuse. Elle me fixe dans la pénombre, le regard triste.
Cette tristesse semble être dirigée à mon égard.
Elle me tend alors une petite bague argenté, ressemblant à un petit bijoux fantaisiste qu'on se serait procuré sur le marché. Elle n'a pas de valeur, mais le fait qu'elle me l'offre la rend tout de suite précieuse. Maddie ne parle pas, mais, je comprends à son regard qu'elle sait que je ne suis pas coupable. Ce cadeau n'est pas grand chose, mais, il me fait me sentir moins seule le temps de quelques instants. Maddie est mon petit ange gardien. J'ignore la douleur qu'elle doit ressentir depuis le départ de sa sœur. J'ignore aussi ce que fait résonner en elle ma ressemblance. Mais, j'ai l'intense intuition de voir dans son regard qu'elle me supplie de ramener Bella.
Elle ne parle pas, mais ses yeux si. La douleur qui loge à l'intérieur est immense. Elle est désespérée. Entièrement désemparée.
C'est ce que je vais faire.
Maddie m'a sauvé la vie, alors je lui ramènerai sa sœur.
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