Chapitre 78
— J'ai une course à faire. J'en ai pour trente secondes. Après ça on se dépêche de filer à l'Enclave, on est déjà en retard, m'informe Vildred.
Je hoche la tête, continuant de flâner.
— Je t'attends dehors.
Le Chasseur disparaît à l'instant même dans la fameuse boutique. Un grand soleil illumine les rues de la Nouvelle Orléans, ce matin. Ces derniers jours, il avait beaucoup plu, mais le temps semblait être de plus en plus favorable. Je m'adosse alors à la vitrine de la boutique, attendant que mon mentor revienne. Je me laisse alors emmener par mes pensées. Je passe en revues ces derniers jours, nos découvertes, Jonas...
— Bella ? C'est toi ? Cuanto has crecido !
Une voix soudaine et qui m'est inconnue semble venir de m'interpeller, me tirant de mes pensées.
Je lève les yeux vers mon interlocuteur et fronce légèrement les sourcils, un peu prise de court.
— Ex-excusez-moi ?
L'homme est petit, dodus, grisonnant, les cheveux un peu longs et mal coiffés, avec de toutes petites lunettes opaques posées sur le bout son nez. Il semble avoir un accent mexicain.
Une onde de lucidité anime alors le regard de l'inconnu.
— Oh...Vous n'êtes pas Bella...
Je ne réponds pas. En réalité je ne sais pas quoi dire. Maintenant, à la Nouvelle Orléans, tous les surnaturels savent que Bella a disparu, et que son sosie a mystérieusement fait surface. Cet homme ne devait visiblement pas être allé dans cette ville depuis un long moment, s'il n'était pas au courant. Je remarque en effet qu'il est en possession d'une valise.
— Un problème ? Relève alors une voix soudaine et masculine, derrière moi, qui me fait sursauter.
C'est celle Vildred. Le ton employé est sec et autoritaire. Il vient de sortir de la boutique. Il se place à côté de moi pour faire comprendre à mon interlocuteur que je suis accompagnée. Pourtant, l'homme n'a pas l'air menaçant du tout. Il paraît assez étrange, c'est vrai, mais, il semble un peu trop à côté de la plaque pour être un véritable danger.
L'inconnu continue de maintenir ses yeux sur mon visage, un peu ailleurs, comme si ses pensées fusaient à cet instant précis dans son esprit.
— Je pensais avoir reconnu une vieille connaissance...Articule-t-il.
— Et bien, elle ne vous connaît pas. Déguerpissez.
L'homme un peu confus, ramasse maladroitement ses affaires, remet en place ses lunettes et s'en va, un peu sonné.
Je reste figée, à le regarder partir, très intriguée par cette rencontre, et ne sachant interpréter ses réactions.
— Il n'avait pas l'air méchant. Tu n'étais pas obligé de le faire fuir, je déclare alors, ayant un peu pitié de l'homme.
Peut-être même qu'il aurait pu nous apporter des informations intéressantes, s'il connaissait Bella.
Vildred ne semble pas être du même avis que moi.
— Oh crois-moi, Linda, les personnes les plus dangereuses ne sont pas toujours celles qui te font mauvaise impression. Les choses commencent à changer à la Nouvelle Orléans. Tu devrais plus te méfier.
Je ne réplique pas. Il n'attend d'ailleurs pas que je le fasse. Il est déjà en route pour l'Enclave, marchant d'un bon pas sur le trottoir, faisant voler le bas son long manteau noir, dans une allure et un mouvement de cape.
Nous arrivons devant le bâtiment, prenons le premier ascenseur, et nous voilà déjà à l'étage habituel.
Ce qui est étrange c'est qu'il y a énormément de monde. Les surnaturels, dont certains paniqués, s'activent dans les couloirs, faisant voler tout un tas de document et de paperasse, et s'interpellant nerveusement les uns les autres. Je ressens immédiatement que l'ambiance est différente. Quelque chose a changé.
Mais quoi ?
Je me tourne vers Vildred pour lui partager ma remarque, mais je me rends compte qu'il n'est plus à côté de moi. Il doit être déjà dans la foule.
Tant pis, je le retrouverais après. Je vais déjà me mettre à l'abris dans son bureau, afin d'éviter les mouvements de bruits et les brouhahas que je supporte mal.
Sauf que je ne suis pas encore arrivée que quelqu'un m'attrape fermement le bras.
— Linda !
Je reconnais la voix d'Isaac. Elle se démarque des autres.
Je suis plutôt contente de le voir. Il doit sûrement être au courant de quelque chose.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? Je lui demande alors, observant les Surnaturels courir un peu partout et s'affoler légèrement.
Isaac paraît plus nerveux que d'habitude. Il est concentré et paraît avoir un objectif bien précis en tête.
— La Délégation est rentrée.
— La quoi ?
Isaac, avant de me répondre, continue de m'empoigner et m'emmène avec lui, en zigzaguant à travers la foule.
— La Délégation de l'Enclave qui était partie pendant plusieurs mois au Congrès de Helsinki.
— Le Conseil de Direction...Ceux qui se situent hiérarchiquement au dessus de toi...Je murmure alors, comprenant subitement ce dont il parle.
— Ils n'avaient pas prévu leur arrivée. Il faut que je te présente à la Directrice Générale.
— Qui ça ?
— Ingrid Olsen.
Isaac a l'air d'être perturbé par cet imprévu. Il est beaucoup plus nerveux que d'habitude. Je le vois dans son regard. D'habitude, il parait assurant, mais là, il est évident que quelque chose l'inquiète.
Je comprends subitement de quoi il s'agit.
— Attends...Ne me dis pas que tu ne leur a pas parlé de moi et de la disparition de Bella ?
— ...
Son absence de réponde fait faire à mon sang un seul tour dans mes veines.
— Isaac ! Je m'indigne alors.
— Michael Johnson m'a fait promettre que je n'ébruiterais pas sa disparition. Je pensais qu'il valait mieux attendre que Conseil de Direction reviennent pour leur en parler de vive voix.
— Et tu sais ce que tu vas leur dire ? « Vous avez fait bon voyage ? Et, surprise ! Bella est parti de son plein gré de l'Enclave, mais j'ai embauché à sa place son parfait sosie. Amusant n'est-ce pas ? » j'ironise alors.
Isaac reprend un semblant d'assurance qui me semble n'être pourtant que superficiel.
— Je vais improviser. Il n'y a pas quinze mille façons de dire la vérité, de toute façon.
Alors qu'il continue de me tirer par le bras, en arpentant d'un pas accéléré les couloirs, je tente de me recoiffer de mon bras libre.
Un sentiment d'appréhension soudain se propage en moi. Rencontrer le Conseil de Direction n'est pas un simple événement. Je n'ai pas le droit de faire de faux pas. Je vais sûrement être assaillie de questions, et il faut que je sache répondre à leurs questions avec le plus de confiance possible.
A une interception, au niveau du bureau de la Directrice Générale, se dressent quatre individus. Trois hommes et une femme. Ils semblent plus mûrs, plus assurant, plus charismatiques que tous les Surnaturels que j'ai rencontrés jusqu'alors.
— Isaac. Nous vous attendons depuis déjà quelques minutes. Dites à Mademoiselle Johnson d'occuper son poste. Dépêchons-nous, nous devons débriefer, l'interpelle autoritairement la femme.
Je porte attention à cette dernière. Elle est de taille moyenne, le teint pâle, les épaules larges, les cheveux châtains parfaitement et sévèrement tirés avec une pince. Elle porte un tailleur brun qui accentue son énergie masculine indéniable.
Les quatre individus tournent déjà les talons, se dirigeant vers le bureau.
— Ingrid ! Attendez. La jeune femme qui m'accompagne n'est pas Arabella Johnson, déclare enfin le loup-garou.
C'était direct. Mais, en même temps efficace.
Un silence de mort retentit alors.
Les quatre individus se figent dans un premier temps puis se retournent soudainement vers moi, plantant leur regard perçant et silencieux sur mon visage.
— Je vous demande pardon ? Est-ce une blague de mauvais goût, Monsieur Peterson ? Rétorque froidement la femme après un long silence, qui visiblement, ne semble pas vouloir croire ce que vient de lui annoncer le jeune homme.
Isaac m'attrape délicatement la main, et me fait dignement avancer vers les quatre membre de la Direction.
Intimidée, je baisse légèrement le menton, les joues empourprée, en remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille. Je ne sais plus où me mettre.
Il adresse un sourire poli à ses supérieurs, alternant son regard entre eux et moi.
— Je vous présente Linda Prior. Une...amie qui a été d'une grande aide pour l'Enclave, ces dernières semaines.
Les quatre individus ne détachent pas une seule secondes leurs yeux de moi. Ils guettent les moindre détails de mon visage, ce qui est très perturbant. Je déteste être analysée, même si je commence à être habituée depuis que je suis ici.
Je n'arrive pas à lire l'expression du visage d'Ingrid Olsen. Elle ne semble rien laisser transparaître. Mais, je sais qu'elle se pose beaucoup de questions. Je les vois fuser dans son esprit. Une chose est sure, c'est qu'elle ne s'attendait pas à voir le sosie d'une de ses employées.
— Monsieur Peterson. Pouvez-vous me dire où se trouve Mademoiselle Johnson ? Réplique-t-elle, si froidement, que mon sang se glace dans mes veines.
— Arabella est partie, finit-il par déclarer.
Ingrid Olsen se fige subitement. A son regard, je sens qu'elle juge la gravité de la situation comme élevée.
— Dans mon bureau, Isaac. Tout de suite.
Elle tourne enfin les talons en compagnie des trois hommes, et ces derniers se dirigent vers la-dite pièce.
— Pas de panique. Je reviens, me murmure à l'oreille le jeune homme, en passant délicatement sa main sur mon dos, quand il aperçoit la nervosité sur mon visage.
Il rejoint alors les membres de la direction et referme la porte derrière lui. J'attends quelques secondes et me dirige vers cette dernière afin d'y coller discrètement mon oreille.
À ce moment là, Ulrich passe à côté de moi quand le couloir. Quand il m'aperçoit, il me jette un regard hostile en m'adressant un sourire mauvais.
— Fin du règne d'Isaac. C'est terminé Prior. Tu peux dire adieu à tout tes petits plans diaboliques.
Je n'ai pas le temps de répliquer, qu'il est déjà à l'autre bout du couloir. Il jubile de me voir comme ça. Il jubile de voir Isaac impuissant. Et c'est insupportable.
Le ton semble commencer à monter dans le bureau. Les voix se font de plus en plus entendre à travers la porte épaisse en bois qui me sépare de la pièce.
Je me concentre davantage pour pouvoir écouter la conversation.
J'ai visiblement déjà raté le début de la conversation.
— Vous avez intégré dans les rangs de l'Enclave une totale inconnue dont vous ne savez absolument rien ?! S'indigne la directrice sur un ton glacial.
Isaac tente alors de se défendre.
— Mademoiselle Prior nous aide à enquêter sur le départ d'Arabella. Nous avons pu bien avancer grâce à elle.
— Et alors ? Ça ne vous a pas traversé l'esprit qu'elle pourrait être de mèche avec elle ? Cette jeune femme apparaît le mois qui suis la disparition de son parfait sosie. Vous ne trouvez pas cela étrange comme coïncidence ? Êtes-vous à ce point naïf et inconscient ?
— Linda nous a prouvé qu'on pouvait lui faire confiance. C'est une Surnaturelle. Elle a le droit de côtoyer l'Enclave.
Le ton d'Isaac commence à monter. Je sais qu'il n'est pas du genre à s'écraser. Parfois à tord. Je ne veux pas qu'il ait des ennuis par ma faute.
— Ce n'était pas à vous de prendre cette décision !
— Vous m'avez chargé du recrutement des employés. Vous êtes partie pendant plusieurs semaines et vous m'avez confié vos fonctions, en tant que directeur administratif. Ces pouvoirs de décision étaient ce que vous m'aviez délégué ! Je n'ai fait que purement mon travail, et vous le savez très bien !
Je reste à écouter, le cœur battant. Je me sens alors coupable. Isaac a des ennuis indirectement par ma faute. Il est seul pour se défendre, ce qui est très frustrant. Je sers les poings.
— Ce n'est pas bien d'écouter aux portes, Sosie.
La voix de Vildred me fait alors sursauter. Je me redresse et pose mon regard sur lui, pour guetter ses expressions faciales de toute façon inexistantes.
— C'est ma faute, hein ? Je murmure alors.
— Oh, non. Ce n'est ni la tienne ni la sienne.
Il ouvre subitement la porte, interrompant la conversation, faisant preuve d'un culot monstre. Je me décale immédiatement et de justesse, pour que les membres de la direction ne s'aperçoivent pas que je les écoute.
— Monsieur Khanh. Dois-je vous faire remarquer que la porte qui clôt cette pièce indique que cette conversation est privée et qu'elle ne vous concerne pas ? L'interpelle Ingrid quand elle l'aperçoit.
Il ne se démonte pas pour autant face à l'autoritarisme de sa supérieure.
— Au contraire. Je suis le principal intéressé. C'est moi qui ai intégré Mademoiselle Prior à l'Enclave. Isaac n'était pas d'accord, mais, je ne lui ai pas laissé le choix.
Il dit vrai. Au départ Isaac ne me faisait pas confiance. Il ne voulait pas que j'intègre l'Enclave. C'est Vildred qui l'avait convaincu. Enfin, je dirais plutôt qu'il ne lui a pas vraiment laissé le choix. Il sait se montrer très persuasif, quand il le faut. Et c'est son principal atout.
— « Vous ne lui avez pas laissé le choix » ? Mais, vous vous prenez pour qui, Monsieur Khanh, pour vous octroyer ces droits ?
— Ne jouez pas avec ça, Ingrid. Vous savez très bien que vous perdrez contre moi à ce jeu. Mademoiselle Prior est continuellement sous ma surveillance. Je m'assure qu'elle ne transgresse aucune règle de l'Enclave. Elle m'est d'une précieuse utilité concernant la recherche Arabella Johnson, qui est actuellement suspectée d'être impliquée dans la disparition d'Hastein. Ils patrouillaient ensemble le soir où elle a disparu, et ce dernier n'a donné aucun signe de vie depuis. Alors, mettez dehors Mademoiselle Prior, et c'est moi que vous perdrez. Et, vous savez très bien comme moi, que vous regretterez amèrement de ne plus m'avoir dans vos rangs.
Ingrid alors réfléchit durant quelques secondes, et se calme alors.
Elle sait qu'elle ne peut renoncer au Chasseur d'Ombre le plus puissant et le plus impitoyable de toute la Nouvelle Orléans. Vildred est en réalité celui qui a tout les pouvoirs. Tout le monde se l'arrache. C'est aussi pour ça qu'il a le salaire le plus élevé de l'Enclave. Tout le monde sait qu'il vaut mieux l'avoir avec soi que contre, compte tenu de son immoralité. Et, de ce fait, le prix pour le garder est plus qu'élevé.
De toute façon, Vildred est extrêmement talentueux. Si j'avais de mauvaises intentions envers l'Enclave, il l'aurait senti depuis bien longtemps.
Ingrid finit enfin par acquiescer, après mûres réflexions.
— Très bien. La fille reste ici. Mais, à unique condition qu'elle ne côtoie que votre service. Je veux une surveillance accrue à son égard. Je veux aussi que vous doublez les recherches concernant Arabella Johnson. Si elle a des choses à cacher, je la veux vivante pour la faire parler.
Vildred réplique alors.
— Nous travaillons d'arrache pied pour la retrouver, et je peux vous l'assurer que je mettrais la main sur elle bien assez tôt.
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