« Jonas prior est vivant ».

Cette phrase résonne encore dans ma tête.

Je suis happée par mes pensées depuis que je l'ai entendue.

De multiples questions m'assaillent. Est-ce que c'est possible ? Est-ce que c'est vrai ? Que faire maintenant qu'on a cette information ?

Cela remet énormément de choses en cause,

— Combien je te dois, Monica ? Demande alors Isaac en sortant son portefeuille.

— Oh, rien de matériel pour toi, beau gosse. Mais, on peut s'arranger sur d'autres choses, lui susurre-t-elle en balayant ses ongles interminables sur son torse.

Je ne sais même pas comment on peut vivre normalement avec des ongles aussi longs, sans se faire mal.

— Le dollar, comme monnaie d'échange, me paraît adéquat, rétorque-t-il, en maintenant toujours une distance professionnelle, en lui tendant quelques billets.

La sorcière compte alors ses sous et finit par acquiescer, en glissant son argent dans son décolleté voluptueux, d'un geste suggestif, et aguicheur.

Elle hausse les épaules, visiblement pas non plus susceptible sur le fait qu'il ait refusé ses avances.

— Comme tu voudras, chéri. Tes désirs sont mes ordres, réplique-t-elle d'une voix mielleuse.

Elle nous raccompagne alors à la sortie. Isaac est le premier à passer la porte et à se retrouver sur le trottoir. Monica m'interrompt, alors que je suis encore dans la boutique, en plantant ses ongles pointus dans mon bras.

Je me fige sur place et mon sang fait un seul tour dans mes veines.

Elle me fixe droit dans les yeux d'un regard étrange qui je dois l'avouer m'effraie un peu.

— Qu'est-ce que vous voulez ? Je demande, le cœur battant et un peu méfiante.

— Te mettre en garde, ma jolie. L'énergie que j'ai perçue est très noire. Lors du rituel, j'ai eu une vision.

Je me crispe alors. Des frissons parcourent mon échine.

— Une vision ? Je murmure.

— Il y avait du sang...beaucoup de sang. L'odeur était omniprésente.

Un sentiment d'effroi se propage en moi.

— Êtes-vous sûre ?

— Je te dis ce que j'ai vu. Je sais que tu seras maintenant tentée de retrouver ton frère. L'énergie qui l'anime est mauvaise. Il t'apportera des ennuis, c'est certain.

Je ne sais pas quoi répondre. J'essaie de taire en moi le vent de panique qui m'anime alors.

Je finis par hocher doucement la tête, attentive.

— Merci pour votre mise en garde. Je ferai attention, je déclare, en sortant de la boutique.

— Isaac, mon chou, interpelle-t-elle le loup-garou, alors qu'on commence à tourner les talons.

Le jeune homme hausse un sourcil.

— Monica ?

— Si tu ressens l'envie un soir de passer un moment un peu plus...intime, tu sais où me trouver, lui susurre-t-elle d'une voix aguicheuse, en glissant lascivement ses doigts au niveau de sa poitrine.

Comment vous dire que je fixe la scène sidérée, ne sachant pas quoi faire entre hurler d'indignation et me taire afin de ne pas accentuer l'embarras de cette situation.

Isaac reste distant et impassible, comme depuis le début.

— Je te remercie pour cette proposition, Monica, mais, je ne suis pas certain de pouvoir répondre favorablement ta demande.

— Je me vexerai si je ne te connaissais pas, lui sourit-elle, avant de refermer enfin la porte.

On se retrouve alors seul Isaac et moi, après ce moment quelque peu embarrant.

Je me retourne aussitôt vers lui, indignée.

— Je rêve où elle t'a explicitement proposé de coucher avec elle ? Je m'exclame, un peu fort, incrédule, alors que des passants se retournent vers nous.

La discrétion n'est pas mon point fort, je dois le reconnaître.

— Du Monica tout craché, réplique le jeune homme un laissant s'échapper un bref soupire, comme s'il y était habitué.

— Dis-donc, elle m'avait l'air assez décomplexée pour te faire autant de rentre-dedans. A moins que...Oh nan....! Ne me dis pas que tu as déjà...couché avec elle ?

Silence gênant...

Ce qui me fait dire que j'ai tout de suite ma réponse.

Je laisse pendre le bas de ma mâchoire, partagée entre le dégoût et la sidération.

— C'était juste une aventure de quelques soirs. Rien d'important, rétorque le loup-garou, sans émotion dans la voix.

— Oh mon Dieu ! J'y crois pas ! Tu m'as emmené chez ton ex...!

Diantre.

— Ce n'est pas mon ex ! On a juste...

— ...couché ensemble, je le coupe alors.

— Eh dis-donc, toi ! C'est quoi cette réaction ? M'interroge Isaac en prenant un air faussement innocent, alors qu'on rentre dans la voiture.

Je me rends compte que j'y suis allée un peu fort.

Après tout, il fait ce qu'il veut.

Et puis, au delà de son extravagance un peu agaçante, Monica a l'air plutôt gentille.

— C'est juste que tu aurais pu m'éviter cette situation extrêmement embarrassante. Monica a l'air très accueillante et agréable, mais, n'importe quelle personne qui t'aurait accompagné aurait ressenti un immense malaise.

— Monica est très spéciale je te l'accorde.

— Elle a complètement chaud aux fesses, oui ! Il faut l'exorciser là !

Isaac laisse échapper un petit rire.

— Elle est décomplexée, c'est vrai. Mais, c'est aussi la meilleure médium que je connaisse. Et puis, comme elle m'a toujours bien apprécié. Elle tente.

Je m'accoude à la fenêtre, complètement dépassée.

— Wow. J'aurais jamais cru que tu aies pu fréquenter ce genre de femme.

Oui, mon ego parle.

Isaac fronce légèrement les sourcils.

— Ça t'étonne ?

Je hausse les épaules, innocemment, positionnant mon regard droit devant, en attendant qu'il démarre.

— Je ne pensais pas que c'était ton style, je finis par répliquer.

— Mon style ?

— ...Les femmes plus âgées, on va dire.

— Tu penses que c'est quoi mon style ?

— Je sais pas. Je pensais pas que tu allais vers des filles...très accessibles, et surtout...plus vieille.

— J'avais tout juste dix-huit ans quand je la fréquentait. J'ai grandi depuis. Et c'était l'histoire de trois/quatre soir. Je ne la compte absolument pas dans mes relations.

Je me redresse et écarquille les yeux lui lançant un regard incrédule.

— Tout juste dix-huit ans ? Mais, tu étais si jeune...! Je m'indigne alors.

Isaac sourit.

— J'étais adulte, hein. C'était l'année de mes dix-huit ans, juste avant que je rentre à l'Enclave. En y réfléchissant, je crois que j'étais un peu perdu à l'époque. Je me cherchais beaucoup. Mais, je profitais de la vie.

— Ah bah ça, c'est sûr. On remercie Monica pour son intervention, je réplique d'un humour un peu cynique.

Si je pouvais retirer la phrase que je viens de dire, je le ferais. Je me rends compte que je commence à en faire beaucoup trop pour pas grand chose.

C'est vrai que la situation me pique un peu. Mon ego en prend un coup et je ne veux pas qu'il le remarque.

Mais, c'est sans doute raté.

Isaac me pince alors gentiment l'oreille, alors qu'il continue de conduire.

— Au moins grâce à elle, on a avancé.

— Mmmh. C'est vrai, j'admets alors.

— Laissons Monica de côté et parlons plutôt de Jonas.

Je me retourne vers lui.

— Tu as un plan ?

— Faire des recherches sur sa famille. Celle du côté de sa mère. Peut-être que si on retrouve un grand parent, un oncle, un cousin...ils sauront peut-être nous éclairer.

— J'imagine qu'un mort qui ressuscite, ce n'est pas forcément ce qu'il y a de plus courant, je réplique alors.

Isaac laisse échapper un petit rire.

— Pas vraiment, non.

— Tu penses qu'elle disait la vérité ?

— Monica ne ment jamais. C'est pour ça que je t'ai emmené la voir. Elle est fiable. Si elle a perçu son énergie, c'est qu'il est vivant. Reste à savoir pourquoi ton père a un acte de décès d'un fils qui serait pourtant encore en vie.

— Je ne suis pas sure qu'on devrait continuer les recherches.

Isaac se tourne vers moi subitement, surpris par ma réplique inattendue, en hausse un sourcil.

— Pourquoi ? Tu veux renoncer ?

— Non, ce n'est pas vraiment ça. C'est juste que Monica, avant de partir, m'a mise en garde. Elle m'a dit que l'énergie qu'elle ressentait était très négative. Tu crois que je prends un risque en faisant des recherches sur lui ?

Le loup-garou hausse les épaules, pas forcément convaincu par mon inquiétude.

— Mmmh, pas forcément. A partir du moment où tu ne vas pas directement à sa rencontre. Résoudre le mystère de Jonas pourra peut-être t'aider à en apprendre plus sur toi. Et puis, qu'est-ce que tu veux qu'il fasse ? Tu es protégée par une institution officielle de Surnaturels, par le Chasseur d'Ombre le plus réputé et le plus craint, et par le loup-garou le plus entrainé de toute l'histoire du Surnaturel.

Je tourne la tête vers Isaac et ne peut m'empêcher de sourire. Il réussit toujours à calmer mes inquiétudes.

Je remets brièvement mes cheveux en place et plante mes yeux dans les siens, en levant un sourcil de façon désinvolte.

— Le loup le plus entrainé ? Qui ça ?

— On dit que son nom est tellement légendaire qu'on ne le prononce que dans les grands moments, se met-il à chuchoter.

Je laisse échapper un petit rire

Je laisse ma tête se poser contre la vitre de la fenêtre, contemplant le paysage défiler. Quelques secondes de silence s'écoulent alors. Mes pensées fusent dans mon esprit.

J'essaie d'imaginer Jonas. A quoi ressemble-t-il ? Qui est-il ? Connait-il mon existence ?

Je suis totalement perdue.

— Et maintenant ? Qu'est-ce qu'on fait ? Je demande.

— Les facultés surnaturelles sont héréditaires. Jonas est ton demi-frère. Si tes facultés ont été transmises par ton père, Jonas doit les avoir lui aussi. Il y a donc cinquante pour cent de chance que vous soyez similaires.

— Tu n'as pas répondu à ma question. Qu'est-ce qu'on fait ?

Isaac pivote alors sa tête vers moi. Il transperce mes yeux de son regard ténébreux et perçant, prononçant après un silence trois mots percutants qui résonnent encore dans ma tête.

— On trouve Jonas.