|Brandon|

Brandon était un jeune homme charmant. Tout juste vingt-cinq ans, bien bâti, des cheveux épais et dorés virevoltant au gré du vent et un visage lumineux mangé par deux grands yeux bleus espiègles.

Il n'avait jamais véritablement connu de difficulté avec les filles. Extraverti, drôle et perspicace, il avait collectionné les conquêtes et s'était amusé durant des années, mais la sagesse de son âge voulait qu'il se pose dorénavant avec la femme avec laquelle il prévoirait de faire sa vie. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas été en couple. Pas parce qu'il n'y arrivait pas, uniquement parce qu'il ne le désirait pas. Il s'était laissé tenté par la jolie Laura. Ancienne mannequin et agent secret à l'Enclave, cette dualité en elle l'avait fait fantasmer. Il n'avait pas connu plus que ça de difficultés pour se mettre avec elle. Cela avait même été facile. Brandon savait quand il plaisait. Il avait rapidement vu dans les jolis yeux bruns en amende de la jeune femme qu'il ne la rendait pas insensible. La manière un peu niaise avec laquelle elle riait à ses blagues et ses manières minaudantes de tripoter ses cheveux en sa présence ne lui laissait aucun doute. Il n'avait pas vraiment prévu de se mettre en couple, encore moins avec une vampire, mais, finalement, qu'il le soit ou non ne lui changeait pas grand chose, si ce n'est s'avoir qu'elle ne pourrait pas aller voir ailleurs.

Et oui, Brandon avait toujours aimé plaire, qu'il soit célibataire ou en relation. Tous les hommes ont des défauts me diriez-vous, peut-être même que vous pourriez lui pardonner son comportement de Dom Juan. Mais, la seule chose qui lui apportait satisfaction était de percevoir dans les jeux de ses homologues féminines une onde palpitante de désir. Et puis, Brandon le savait aussi. Qu'il soit en couple n'allait pas freiner les autres filles de venir lui parler. Bien au contraire. Il savait pertinemment que les femmes étaient d'autant plus attirées par les hommes quand ses derniers étaient en couples. Vous me diriez que la solidarité féminine existe pourtant bel et bien, mais pour Brandon, elle n'existait pas concernant la compétitivité affective et sexuelle. Il s'était rendu compte que pour avoir un homme, elles étaient prêtes à tout, même à trahir leur propre meilleure amie. Tel était le jeu de la séduction. Quand les femmes se retrouvent être rivales, elles n'ont plus aucune pitié.

La façon de penser de Brandon commence sûrement déjà à vous agacer. Mais, peut-être que vous parviendrez à l'apprécier malgré cela. Peut-être qu'il vaut la peine qu'on lui laisse le bénéfice du doute...

Laissez-moi essayer de redorer son blason.

Comment Brandon aime-t-il occuper ses soirées? Vous préfériez sûrement que je vous réponde à jouer à des jeux de société avec sa grand-mère, a garder son petit frère, ou alors à lire un bon bouquin à l'eau de rose. Manque de bol, ce n'était pas le cas pour lui. Brandon adorait sortir. Et, plus il y avait de femmes autour de lui, plus il était content. Alors, forcément, comme il était en couple, il s'assurait que Laura ne se rende compte de rien. Et d'ailleurs c'était plutôt facile de lui cacher cela, pour le moment. Il la trouvait naïve, un peu cul-cul et enfantine. Elle n'était pas du genre à douter, et à l'inverse, avait tendance à s'emballer un peu trop vite sentimentalement parlant.

Brandon n'était pas amoureux. Attaché, oui, mais pas amoureux. C'est pour cela qu'il ne culpabilisait pas d'aller voir ailleurs. Laura travaillait beaucoup et parfois même de nuit. Alors inutile de dire que c'était pour lui souvent quartier libre.

Ce soir là, il avait donné rendez-vous à une jeune humaine dans un bar. Il discutait maintenant depuis une demi heure. Brandon trouvait déjà le temps long. Alors en effet, elle ne brillait pas par son intelligence, mais la taille de son décolleté le motivait à rester le plus longtemps possible avec, pour espérer la ramener chez lui dans la soirée. Ce qui a de drôle avec les humaines, c'est qu'elles se laissent facilement endormir par de belles paroles. Celle-ci n'avait même pas encore vingt ans. Son visage juvénile était pourtant camouflé d'une couche épaisse de maquillage. Elle n'arrêtait pas de tortiller ses longs cheveux blonds décolorés en gloussant comme une enfant, le rassurant sur le fait qu'il lui plaisait sûrement.

La soirée se passait pour le moment comme il le voulait jusqu'à ce fameux moment.

La jeune fille lui informa qu'elle avait besoin de se repoudrer le nez aux toilettes, et cette dernière se leva et disparu le temps de quelques instants.

Brandon, toujours assis sur le bar, recommanda deux nouveaux verres, qu'il demanda très chargé en alcool.

Il vit sans aucune difficulté ce mystérieux homme s'asseoir à côté de lui. Seulement, il n'avait pas daigné lui porter de l'attention, guettant impatiemment le retour de sa blonde.

Il ne lui avait pas échappé que l'ambiance était devenue tout de suite plus étrange, plus pesante.

Le serveur déposa alors les deux verres remplis respectivement devant les deux tabourets de barres de Brandon et de la jeune fille qui n'était pas encore revenue.

— Vous semblez vous donner tant de mal pour séduire cette jeune femme, déclara l'homme mystérieux à côté de lui.

Brandon n'eut aucun doute qu'il s'adressait à lui. Sa voix était masculine, remplie d'assurance et semblait être pour lui comme une arme secrète.

Il se tourna enfin vers lui. Dire que cet homme n'était pas impressionnant serait mentir. Il était grand, bruns, les cheveux parfaitement coiffés. Sa peau quant à elle était étonnement très claire et faisait ressortir de grands yeux noirs et perçants. Il était habillé très élégamment. Sa chemise noire devait valoir peut-être plusieurs centaines de dollars, au vu de la qualité du tissu. Il était comme ces hommes-là, ténébreux, entouré d'une aura de mystère. Il lui faisait froid dans le dos. Mais pour le moment. Brandon ne se posa pas plus de questions que ça.

— Si vous le dites, finit-il par répondre, machinalement, pas très enthousiaste à l'idée d'entamer une conversation avec un inconnu.

— Le verte d'alcool que vous venez de lui payer est bien assez pour lui faire tourner la tête.

— Je ferais attention, je vous en faites pas, répliqua Brandon, dans le but d'interrompre déjà la discussion.

La soirée avait bien commencé, il ne voulait pas que ce type corrompe ses plans. D'autant plus qu'il était facile de reconnaître qu'il faisait sans doute partie des cinq pour cent des hommes qui ne devaient connaître aucune difficulté avec les femmes au vu de son physique. Il savait que si la blonde le voyait parler avec lui, elle le délaissera sûrement pour lui. Et il ne voulait pas se faire devancer. Il avait payer assez d'argent pour qu'elle ne rentre pas ce soir avec lui.

—  Vous semblez abréger la conversation. De quoi avez-vous peur? L'interrogea le mystérieux inconnu, qui semblait lire dans ses pensées.

L'homme semblait le percer à jour. À ce moment-là il était plus agacé qu'apeuré.

— C'est juste que ce n'est pas vraiment le moment de discuter. Elle va bientôt revenir, répondit-il froidement.

L'inconnu resta très calme. Trop calme. Il semblait maîtriser la conversation et ça, Brandon ne voulait pas l'accepter.

— Vous lui avez dit?

Il se figea. Son rythme cardiaque se mit alors à s'accélérer.

De quoi parlait-il?

— Je vous demande pardon?

L'homme leva un sourcil, toisant son interlocuteur du regard.

— Que vous étiez en couple.

Brandon se mit a bégayer. Comment le savait-il? Cette fois-ci, il commença à avoir peur. Il n'aimait pas la situation.

— Vous vous mêlez de choses qui ne vous regarde pas, là, répliqua-t-il, en esquissant un petit rictus nerveux.

— Oh, vraiment?

Il eut ensuite un silence pesant. Il avala une gorgée de son verre pour faire passer le temps et le malaise, ne pouvant plus attendre que la blonde revienne.

Pourquoi les femmes passent-elle toujours autant de temps aux toilettes? Surtout qu'au vu de la couche de maquillage qu'elle portait, il n'en voyait pas l'intérêt d'en rajouter.

— Et à elle, vous lui avez dit?

Brandon fronça les sourcils et adressant un regard dédaigneux à son interlocuteur, sentant l'agacement s'accentuer.

— Vous parlez de qui?

— De Laura, de toute évidence.

Le type restait extrêmement calme, mais il avait son regard dominant qui l'énervait particulièrement.

Visiblement, il en connaissait déjà beaucoup sur lui.

— Qui êtes-vous? Vous êtes de sa famille? Elle m'a dit qu'elle n'avait pas de frère! S'exclama-t-il frénétiquement.

— Disons que je suis un vieil ami, se contenta de répondre le mystérieux inconnu.

Brandon secoua la tête.

— Je connais les amis de Laura. Je le saurais si elle vous avez mentionné.

— Oh, voyez-vous, Laura préfère garder secrète certaines relations amicales.

Brandon se leva brusquement et défia son interlocuteur d'un regard agressif, en s'approchant un peu trop dangereusement de lui.

— Êtes-vous son amant?

L'inconnu échapper contre toute attente un petit rire.

— C'est ce que vous craignez? Ne vous en faites pas, Laura n'est pas comme vous. Elle ne trompera jamais son partenaire.

Brandon ne comprenait toujours pas ce qu'il lui voulait. Des questions fusèrent dans son esprit.

— J'ai du mal à vous cerner. Que faites-vous ici? Pourquoi êtes-vous là?

L'homme de leva et plongea ses yeux dans les siens, les transperçant avec intensité fulgurante qui scia Brandon sur place. Debout, il faisait deux fois sa carrure et une tête de plus que lui. Il se calma immédiatement, quant il compris qu'il n'était pas de taille à parlementer avec lui.

— C'est pourtant clair. Ceci est une mise en garde.

Son ton devint subitement plus affirmé, plus vindicatif.

Brandon frissonna alors.

— Une mise en garde?

— Je vous demande de quitter Laura.

Le jeune sorcier senti alors une montée d'indignation s'emparer de lui. En une seconde, il passa de la peur à l'agacement. De toute façon, même si ce type était impressionnant, il ne pourrait rien faire dans un bar.

— Jamais, tonna-t-il, sûr de lui.

L'inconnu réajusta avec ses grandes mains la chemise du jeune sorcier. Ce dernier voulu faire un pas en arrière, mais il en était incapable.

— Voyons, Brandon. Vous ne pensez pas que vous ne lui pas fait assez de mal, comme ça?

— Je vous l'ai déjà dit. Occupez-vous de vos affaires, rétorqua-t-il sèchement.

Ce n'était sûrement pas la réponse que son interlocuteur attendait.

— Mmmh. C'est votre dernier mot?

— C'est mon dernier mot, acquiesça-t-il, la mâchoire serrée.

L'homme sortit alors de son portefeuille un billet pour payer sa consommation, signalant qu'il allait enfin s'en aller. Il accorda un dernier regard à son interlocuteur.

Un regard très étrange, bien différent des autres. Un regard glacial qui semblait présager beaucoup de choses. Il n'avait pas eu à lui parler pour qu'il comprenne qu'il allait sans doute le regretter.

L'inconnu s'en alla comme il était venu, laissant en Brandon un sentiment étrange. Il frissonnait encore et fut pris de quelques convulsions de soulagement quand il compris qu'il était enfin parti.

La blonde revint au même moment.

— Qui était-ce? S'interrogea-t-elle.

— Personne, répliqua-t-il, sans développer davantage.

Sauf que c'était une grosse erreur de penser qu'il n'était personne. Parce qu'il ne le savait pas encore mais cet homme était en vérité quelqu'un d'extrêmement puissant.

Leur soirée reprit alors son cours, et il oublia même cette étrange rencontre.

Il fut extrêmement déçu quand la jeune fille prétexta être appelée par une amie, sortant la fameuse excuse qu'elle était attendue ailleurs. Elle partit du bar avant lui. Il noya alors sa déception dans un dernier verre, avant de payer la note qui était en réalité salée.

Il se leva ensuite et sortit de l'établissement sous les coups de onze heures. Il avait un peu trop bu, c'est vrai, mais il était encore en possession de ses moyens. Il n'y avait personne dans les rues. Elles était désertes. Il tourna ensuite dans une petite ruelle mal éclairée, quand il tomba sur un groupe de cinq individus étranges et habillés sombrement. Leurs visages étaient partiellement couverts.

Il ne lui fallut que quelques secondes pour comprendre qu'ils allaient le passer a tabac. Au début, il pensait qu'ils voulaient son argent, son téléphone et sa carte bleue, mais il se rendit rapidement compte qu'après de multiples violents coups, ils n'avaient pas touché un seul instant à ses affaires. Il aurait pu se défendre avec sa magie s'il n'avait pas bu. Mais, l'alcool annule ses effets, ce qui l'obligea à finir dans une barre de sang.

Il tomba alors, au bord de perdre connaissance. Les cinq types s'écartèrent soudainement, pour laisser place à un sixième. Le nouveau venu s'avança au dessus de lui, et malgré sa vision troublée par les coups qu'on lui avait portés au visage reconnu l'identité de l'homme. C'était celui du bar.

Il transperça ses yeux d'un regard puissant, et dans un silence glaçant disparut la seconde d'après avec ses cinq autres sbires.

Brandon cru voir ce soir-là des canines acérées dans la mâchoire de ses ravisseurs.

Cet homme était-il un vampire? 

Il savait que Laura était sortie dans le passé avec l'un d'eux.

S'il ne pouvait pas être sûr qu'il en était bien un, ce mystérieux inconnu était de toute évidence le chef d'une dangereuse bande. Et Dieu seul sait qu'il n'est jamais bon de contrarier le leader d'un groupe.