Chapitre 67
|Vildred|
Vildred avait beaucoup de secrets.
Il savait plus que quiconque les garder,
Il était très observateur. Rien ni personne ne lui échappait. Il savait tout sur tout le monde. Il savait quelles femmes trompaient leurs petits amis, quels hommes menaient une double vie, quelles mères de famille cachaient le véritable père de leur enfant, et quels employeurs manipulaient leurs salariés. Le monde n'avait aucun secret pour Vildred. Il avait toujours tout compris avec une facilité débordante, et encore plus depuis la perte de ses émotions.
Mais, ne pas avoir d'émotion ne veut pas dire être invincible.
Il y a une seule personne de qui il n'avait pas réussi à percer le secret.
Une seule femme avait réussi à passer au travers de son observation si affûtée.
Bella.
Vildred savait que Bella cachait des choses. Mais, il ne savait pas comment elle avait réussi à lui échapper des mains.
Il faut dire qu'elle est celle qui le connaissait le plus, parmi tous, finalement. Ils étaient sortis ensemble pendant près d'un an, et elle avait continué de le soutenir, parfois difficilement, durant les trois ans qui avaient suivi l'incident. C'est même lui qui l'avait formée. Et, c'est sûrement ça qui lui avait porté préjudice.
Mais, il ne faut pas sous-estimer sa détermination. Vildred ne renonce que pour de l'argent. Et comme personne ne comptait lui offrir une somme décente afin qu'il arrête ses recherches, et que c'était même le contraire, il prévoyait d'aller au bout de ses ambitions.
En réalité, il devait s'occuper de deux filles.
Traquer et protéger l'autre.
Deux filles qui ne se différenciaient que par leur identité.
Vildred savait que Linda se posait des questions à son égard. Il l'aurait prise pour une idiote si ce n'avait pas été le cas. Mais, Vildred ne lui voulait pas de mal, c'était une certitude. Il lui avait proposé un pacte qu'il comptait respecter jusqu'au bout, c'est-à-dire qu'elle l'aide à retrouver Bella, et qu'en contrepartie, il l'aide à en apprendre plus sur son identité. Vildred savait aussi que les deux étaient potentiellement intimement liés. C'est pour cela qu'il voulait tenir à ce point ses engagements. Plus il protègerait Linda, plus ils réussiraient tous les deux à obtenir ce qu'ils cherchaient.
Mais, il savait que ce ne serait pas si simple.
Les gens de confiance se faisaient rare. Et cela, même à l'Enclave.
Isaac était la seule personne qu'il acceptait encore d'écouter. Notamment parce qu'il savait qu'en réalité il n'appartenait à aucun camp. A cheval entre sa meute et l'Enclave, Isaac avait toujours cherché à prendre lui-même ses décisions. Au delà de ça, il était aussi la seule personne à faire passer le juste avant tout. Alors oui, Vildred prenait un malin plaisir à provoquer le loup-garou, mais, il savait malgré cela qu'il était la seule personne fiable de son entourage. Il avait pu récemment le confirmer quand ce dernier s'était démené pour guérir sa blessure. Sans lui, il serait mort à l'heure qu'il est.
Vildred et Isaac avaient été meilleurs amis, avant que leur relation soit bouleversée par la perte des émotions du Chasseur. Ils avaient accompli de grandes choses ensemble et avaient vécu des moments forts. Mais, ça n'avait pas toujours été le cas.
Isaac avait intégré l'Enclave à ses dix-huit ans. Vildred travaillaient déjà en étroite collaboration avec l'institution, et quelques mois après l'arrivée du loup-garou, avait signé un contrat d'exclusivité de plusieurs mois avec l'Enclave. C'est là qu'il a rencontré Isaac. Ils se sont entraînés ensemble, ils se sont aidés, ils se sont motivés. Jusqu'au jour où leur amitié s'est brisée quand Bella est arrivée.
Bella était sortie avait Isaac quand ils étaient de très jeunes adolescents. Elle l'avait profondément déçu, ce après quoi ses sentiments envers elle s'étaient estompés. Mais, un homme ne réagit jamais bien quand son meilleur ami fréquente son ex petite amie, même quand c'est lui qui a été à l'origine de la rupture. Au delà de ça, Isaac avait été jaloux de leur relation. Cette relation qu'il n'avait jamais réussi à avoir avec la jeune femme, malgré qu'il se soit donné corps et âmes pour qu'elle fonctionne. Parce que Vildred en était persuadé, Isaac n'avait jamais cessé d'aimer la jeune Bella.
Mais, comme toutes les filles à l'adolescence, elle avait grandit. Elle avait de plus en plus de mauvaises fréquentations, n'était pas vraiment fidèle, et commençait à lui mentir. Isaac avait dû par fierté mettre fin à cette relation. Il avait détesté ce qu'elle devenait.
Mais, voir qu'elle avait pu redevenir la petite amie parfaite, honnête, gentille et sincère avec son meilleur ami, l'avait rendu malade.
La Bella avec lui était complètement différente de la Bella avec Vildred.
Et ça, le Chasseur l'avait rapidement perçu. Ce n'était pas un hasard si personne ne l'appréciait à part lui. Elle avait surtout un problème avec les autres filles. D'un côté, Vildred savait que dernières étaient jalouses de sa beauté et de son charisme. Leurs copains se retournaient tous sur Bella, ce qui n'arrangeait sans doute pas la situation, mais, en plus de ça, elle était méchante avec elles. Elle était moqueuse et arrogante. Ce genre de fille n'a aucune amie. Pourtant, même si Vildred savait qu'elle en avait beaucoup souffert, il se rendait compte qu'elle ne ne faisait rien pour arranger la situation.
Leur amour avait été passionnel. Elle avait été la seule fille qu'il avait véritablement aimé. Et l'inverse était sans doute vrai. Bella avait beaucoup de défaut, mais il se souvenait qu'à l'époque, il l'aimait pour ce qu'elle était. Avec lui, elle semblait être une meilleure personne.
Vildred avait toujours senti que Bella gardait en elle une certaine souffrance. Il n'avait jamais su de quoi elle souffrait véritablement, mais, il la surprenait parfois le soir, à pleurer dans la salle de bain. Il se demande aujourd'hui si c'est cette souffrance qui l'a faite couper tout lien avec sa famille et son travail. Mais pourquoi choisir les vampires? Pourquoi s'offrir à Straze?
Straze avait rencontré Bella un soir en boîte de nuit. Il était tombé tout de suite sous son charme. Mais, Bella, profondément amoureuse de Vildred avait refusé ses avances. Une petite gue-guerre s'était alors déclenchée entre les deux hommes. Si, Bella s'était donné aussi facilement à Straze, alors qu'elle n'avait jamais rien éprouvé pour lui, c'est qu'elle se servait probablement de lui. Bella avait toujours su manipuler avec soin l'art de la séduction. Ses mouvements de cheveux, ses sourires d'ange, son aisance évidente, elle avait tout pour charmer n'importe quel homme. Vildred s'est souvent demandé où elle avait appris tout ça. Elle était sans doute née avec ce don diabolique.
Aujourd'hui, Vildred ne ressent absolument plus rien pour Bella. Il le sait parce qu'il est persuadé que si elle se trouve devant lui qu'il pourrait la tuer sans sourciller une seule seconde.
Mais, tôt ou tard, ils se retrouveraient. Et Vildred ne savait pas encore que cela viendrait plus tôt que prévu.
*
Ce lundi-ci, Vildred avait pris sa journée.
Ce n'était pas pour se reposer, ni pour flâner, mais bien pour poursuivre ses recherches sur les deux sosies.
Il avait entendu parler d'une machine qui aurait le pouvoir rien qu'avec une goutte de sang de révéler l'espèce Surnaturelle du porteur, en séquençant son ADN. Linda avait toujours voulu savoir ce qu'elle était, et lui aussi. Mais, il y a tellement d'espèces surnaturelles, qu'il est parfois difficile de la deviner quand les pouvoirs demeurent endormis.
Cette machine était plus ou moins une légende. Mais, Vildred avait l'intuition qu'elle existait réellement.
Ça faisait des semaines qu'il faisait des recherches sur son fabriquant.
Fabriquant qu'il avait enfin réussi à trouver.
Helga Smith.
Helga Smith était une vieille sorcière de quatre-vingt ans. Ça faisait apparemment quelques années qu'elle avait arrêté de pratiquer la magie dans un cadre professionnel. Elle tenait autrefois une boutique d'objet magique insolite qu'elle créait elle-même. La plupart étaient de vieux jouets, mais Vildred avait entendu parler de cette fameuse machine de séquençage qu'elle aurait créé, il y a plusieurs années.
Il était donc venu la lui acheter.
Helga Smith vivait dans une petite maison de banlieue à l'écart du centre ville de La Nouvelle Orléans. Vildred guettait la maison depuis sa voiture, en roulant au pas. Il finit par la trouver.
C'était une petite maison résidentielle en apparence, de plein pied, en brique. Devant cette maison, avait été aménagé un petit jardin donnant directement sur l'allée. Une petite fille d'environ quatre ans jouait toute seule dans le jardin, avec un ballon.
Il fallut même pas une seconde pour Vildred afin d'établir son plan. Obtenir ce qu'il voulait était pour lui un jeu d'enfant.
Il sortit de sa voiture et fit quelques pas vers la petite fille qui, empreinte d'innocence, ne l'avait pas encore remarqué. Le ballon de cette dernière roula maladroitement jusqu'aux pieds du Chasseur. Ce dernier récupéra l'objet et pénétra dans l'enceinte du jardin avant de s'accroupir à la hauteur de la petite fille, qui le regardait avec ses grands yeux bleus.
— C'est à toi? Engagea-t-il la conversation, en prenant une voix adaptée pour les enfants.
La petite fille hocha la tête en tendant ses petits bras. N'importe qui aurait craqué sur sa petite bouille. Son visage adorable était encadré par de longues boucles blondes arrangées par un ruban bleu s'assortissant à la couleur de ses yeux.
— Comment tu t'appelles?
— Ava.
— ...C'est là que tu habites? Renchérit-il, en désignant la petite maison de brique.
— Oui, déclara-t-elle, en tendant toujours les bras pour récupérer le ballon.
Vildred ne le lui donna pas tout de suite.
— Et bien, Ava, tu n'irais pas me présenter ta grand-mère? Elle a quelque chose que j'aimerais récupérer si tu m'y emmènes. Comme toi, pour ton ballon.
La petite fille hocha la tête, et le Chasseur prit sa main. Il emmena la petite fille jusqu'à la maison, dans laquelle il entra sans toquer.
Une femme âgée, assise sur un fauteuil dans la pièce de jour se leva immédiatement, se pétrifiant de panique quand elle reconnut l'identité de l'homme qui tenait la main de sa petite fille.
— Vous...! Je sais qui vous êtes...!
Elle se mit alors à prononcer immédiatement des incantations qui n'eurent aucun effet sur le Chasseur.
— Ne vous fatiguez pas, sorcière. Vous voyez cette bague que je porte? C'est un talisman acheté à l'une de vos semblables. Il me protège de vos sorts. Alors, il serait bon que vous économisiez votre salive pour ce qu'il va suivre.
Helga Smith alterna son regard entre la bague du Chasseur et ses yeux violets si...vide d'humanité.
— Vous n'êtes pas le bienvenu ici après ce que vous avez fait...! Gronda-t-elle.
— Vraiment? C'est pourtant votre petite fille qui m'a emmené ici.
Il sortit alors son arme à feu discrètement, afin que la grand-mère puisse la remarquer mais pas l'enfant.
Helga Smith se pétrifia sur place. Une onde de panique sembla se noyer dans ses yeux bleus.
— Ava, monte dans ta chambre! Lui ordonna-t-elle, subitement.
Le Chasseur stoppa la petite fille dans son élan d'un geste autoritaire de la main.
— Non. Ava va rester ici jouer avec nous, dans le salon.
Vildred redonna alors à la petite fille son ballon, avec lequel elle continua de jouer, innocemment, ne se rendant pas compte de ce qui était en train de se passer.
— Ne touchez pas un seul cheveux de ma petite fille! Ce n'est qu'une enfant, s'exclama-t-elle tout bas, partagée entre la panique, la peur et la haine envers le Chasseur dont elle connaissait parfaitement le passé houleux et les crimes qu'il avait commis à l'encontre des sorcières.
— Je ne pense pas que vous soyez en mesure de donner des ordres.
La vieille sorcière tenta de garder son calme et de ne pas céder à la panique. Elle le savait: Vildred était connu pour son absence totale d'empathie et d'émotion et ses actes barbares. Elle savait que si elle voulait échapper de cette situation, c'est par son intelligence qu'elle y parviendrait.
— Que voulez-vous? Finit-elle par déclarer plus calmement, en lui accordant un regard mauvais.
Vildred fit quelques pas, maintenant un regard mystérieux, perçant et terrifiant vers la vieille femme avant de finalement s'asseoir sur un fauteuil, jouant à faire tourner son arme à feu entre ses doigts, maintenant un suspens crispant.
— Je suis ici pour faire affaires, déclara-t-il.
La vieille femme secoua alors énergiquement la tête, faisant apparaître sur son visage une expression de dédain et de dégoût.
— Les sorcières qui continue de marchander avec vous sont soit des traîtresses, soit immensément stupides. Aucune de nous ne veut vous prêter ses services, cracha-t-elle.
Vildred pointa son arme sur son interlocutrice.
— Il ne s'agit pas ce que les sorcières veulent, mais ce que moi je veux. Asseyez-vous.
La vieille femme fixa l'arme, les yeux brillants d'effroi. Elle exécuta les ordres du Chasseurs en tremblant.
— Et...qu'est-ce que vous...voulez?
— La machine de séquençage.
Le visage de la femme se ferma instantanément et son regard s'assombrit.
— Je ne vois pas de quoi vous parlez.
Vildred laissa s'échapper un ricanement étrange qui glaça son interlocutrice.
— Oh, pitié, Helga. Ne me faites pas perdre patience. Je sais que c'est vous qui l'avait créée. Et comme c'est sûrement un objet unique, je vous propose en échange trente mille dollars.
Il lâcha alors sur la petite table entre lui et la vieille femme une liasse de billets.
La femme fixa pendant un instant l'argent, avant de finalement secouer énergiquement la tête, avec dédain.
— Je n'ai rien à vous vendre. Allez-vous en.
Ce n'était pas la réponse que voulait entendre le Chasseur. Mais, c'était prévisible. Il haussa un sourcil, toisant son interlocutrice d'un regard analysant et perçant qui la scia sur place.
— Oh, vraiment?
Dans un bruit métallique glaçant, il chargea son arme en effectuant un geste sec habitué. Il la pointa lentement vers la petite fille qui était en train de jouer, un peu plus loin dans le séjour, le dos tourné, avant de rediriger son regard vide d'humanité vers la vieille femme.
Une expression d'effroi défigura son visage.
Elle ne put se résoudre à garder le silence des secondes supplémentaires.
— Arrêtez...! Arrêtez...! Oui, je l'ai créée, mais je n'ai plus en m'a possession cette machine! Je l'ai vendue à un antiquaire français il y a des années, parce que je manquais d'argent. Je dis la vérité, croyez-moi! S'écria-t-elle en éclatant en sanglot, prise soudainement par la panique.
Voir une arme braquée sur la petite fille la mettait dans tous ses états. Qu'on lui fasse du mal était la pire chose qui pourrait arriver.
Vildred vit enfin dans ses yeux une onde de sincérité. Il compris rapidement qu'elle disait la vérité. Mais, étrangement, sa réponse ne le décevait pas. Bien au contraire.
Parce qu'elle venait d'avouer qu'elle avait bien fabriqué cette machine. C'est donc, qu'elle pourrait en refaire une autre.
— Construisez-en une autre. Je vous laisse un mois de délai.
— Et si je n'y arrive pas? Je suis âgée et fatiguée. Je n'ai plus autant de pouvoirs qu'avant.
Vildred resta parfaitement serein. Tout se déroulerait comme prévu. Comme toujours.
Il avait toujours eu l'art de la négociation.
...Même si les moyens qu'il utilisait pour y parvenir n'étaient pas vraiment conventionnels.
— Oh, mais vous allez y arriver, j'en suis certain. Vous savez pourquoi?
— ...
— Parce que vous ferez absolument tout pour qu'il n'arrive rien à votre petite Ava.
Une crainte évidente grandissait dans les yeux de la sorcière. L'aura du Chasseur la terrifiait.
— Que lui arrivera-t-il si je n'y parviens pas? S'inquiéta-t-elle.
— Je suis sûr que vous pouvez imaginer. Ainsi, si vous cherchez à vous enfuir, à appeler du renfort, je ferez en sorte que vous le regrettiez. Je vous traquerez vous et Ava sans répit, dans l'unique objectif de vous infliger les pires souffrances que vous pourrez imaginer. Chasser est mon métier. Je suis né pour ça. Alors, ne vous faites pas d'illusion, vous ne parviendrez pas à me fuir. Mais, je suis sûr que pour trente mille dollars, vous ne laisserez pas s'échapper une occasion comme celle-ci. N'est-ce pas?
— Vous êtes une pourriture...Gronda-t-elle.
— Allons, Helga. Allons. Je vous propose l'affaire de votre vie. En me fournissant cette machine, plus d'unes seront sauvées.
Helga finit par hocher la tête et se pencha pour récupérer les billets.
Vildred attrapa la liasse avant qu'elle puisse les saisir.
— Vous m'aviez assuré que je pourrais avoir ces trente mille dollars en échange? Gémissa-t-elle
— C'est vrai. Et, je tiendrai parole. Mais, une fois seulement que je saisirai entre mes mains ce que vous me devez.
Sur ces mots, Vildred se leva et repositionna convenablement son long manteau noir.
Il posa une dernière fois ses yeux sur la petite Ava qui continuait de jouer innocemment dans le salon et sourit très légèrement.
Il adorait les enfants.
... pas pour leur adorables frimousse ou leur spontanéité attendrissante, mais uniquement parce qu'ils représentaient pour lui un moyen de pression évident.
Vildred disparu ensuite.
Comme il était venu.
Dire que le Chasseur était une bonne personne serait mentir.
Il était perfide, cupide et terriblement déterminé. Personne ne savait s'il pouvait réellement mettre à exécution ses menaces, mais chacun d'entre eux qui s'était retrouvé à lui devoir quelque chose, s'était débrouillé pour le lui donner.
La machine qu'il convoitait allait changer le cours des choses. Il le pressentait secrètement.
Et, il ne s'était pas trompé.
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