Chapitre 64
Tout se fait dans un élan de précipitation.
On se rue vers le café perdu sur une départementale menant à l'entrée de la ville de Blackburg.
Vildred est le premier à mener la troupe malgré que ce soit lui qui soit grièvement blessé. Il pousse la porte du café, malgré que ce dernier ne soit pas encore ouvert au public, à six heures trente du matin. L'établissement semble vide. Il se dirige alors davantage à l'intérieur, regardant rapidement autour de lui ce qu'il pourrait avoir à portée de main pour soigner sa plaie.
Une jeune femme de presque mon âge surgit alors d'une pièce fermée à côté, et se met à pousser un cri d'indignation.
— Eh! L'établissement est encore fermé! Merci d'attendre dehors! S'exclame-t-elle.
Vildred déniche alors son arme à feu qu'il braque instantanément sur la nouvelle venue. Cette dernière pâlit et se raidit instantanément, entrouvrant la bouche, sans pouvoir dire quelque chose.
— J'ai deux balles dans le bras, donc ma patience a ses limites.
La jeune femme commence à prendre peur. Elle regarde partout autour d'elle, d'une manière frénétique qui révèle sa panique soudaine, alternant les coups d'œil entre Vildred, Isaac et moi. Elle met quelques secondes à comprendre qu'elle est en train de se faire braquer. Du moins, c'est ce qu'elle doit penser.
Isaac ferme alors à clé le café, et se dirige vers la protagoniste.
— Est-ce que vous aurez une trousse à pharmacie ou quelque chose comme ça? Mon équipier est blessé.
La jeune gérante pose ses yeux sur l'hémorragie qui semble s'accentuer sur le bras du Chasseur. Elle entrouvre ses yeux, prise par un vent de panique.
— Mais...mais...il faut l'emmener à l'hôpital...!Commence-t-elle à sangloter, régie par la peur, et sort subitement son téléphone, sûrement pour appeler une ambulance ou la police.
Vildred charge son arme et la lui colle sur le crâne.
— Tu ne vas rien faire du tout. Donne-moi ton téléphone. Tout de suite, lui ordonne-t-il sèchement.
La jeune femme s'exécute, prise par une angoisse débordante. Des larmes d'effroi se mettent à dévaler ses joues rouges.
Je reste là, à observer la scène en spectatrice, partagée face à mon mal à l'aise face à la situation et le sentiment de panique alimenté par la nervosité d'Isaac.
— Alors? Vous avez de quoi soigner une plaie? Insiste le loup-garou.
Elle hoche alors la tête, chétivement, et nous fait signe de la suivre. Derrière le bar, elle déniche toute tremblante, une petite trousse à pharmacie. Isaac l'ouvre et regarde rapidement ce qu'il y a à l'intérieur, en farfouillant dedans.
— Fais-vite, Isaac. Ils doivent très probablement nous suivre, il faut se dépêcher! S'impatiente Vildred, la main sur sa blessure, en mentionnant les officiers de police de tout à l'heure.
— Vous travaillez seule? Ou vous attendez quelqu'un? Demande Isaac à la jeune femme sans répondre au Chasseur.
— Mon...mon...fiancé..., parvient-t-elle à articuler entre ses sanglots qui s'accentue, au bord de la crise de panique.
— A quelle heure vient-il?
— Sept...sept...heure...
— Vous êtes seule?
— Ou...oui...
— Très bien, on a donc trente minutes pour arranger ça. Il me faut de l'alcool, l'alcool le plus fort que vous avez.
Isaac farfouille alors rapidement dans le bar, à la recherche d'un alcool susceptible de pouvoir servir de désinfectant.
— Dépêche, Isaac! Plus on tarde plus les bouts de balles migrent dans le muscles!
— Deux secondes, Vildred. Deux secondes!
Je fronce les sourcils, nerveuse.
— C'est quoi le problème des balles? Pourquoi elles migrent? Je demande, alors.
Isaac se tourne vers moi, interrompant ses recherches.
— Ces balles ont subi un sort. Quand elles arrivent dans ta chair, elles explosent faisant migrer leurs fragment dans les muscles, déchirant les tissus. Plus on attend, plus ce sera difficile de récupérer les balles et plus ça augmente les risques en infection. m'explique-t-il.
— Ce n'est pas le moment de vous livrer à une petite discussion en tête à tête! Dépêche-toi de me trouver l'alcool, ça fait un mal de chien! S'impatiente agressivement Vildred.
Je vois sur le visage d'Isaac qu'il est pris par un début d'indignation qui semblait bouillir jusque-là silencieusement en lui.
— Je t'ai dit d'arrêter de me stresser! Tu me fous encore une fois la pression, je te laisse en plan ici! T'as compris? Tranche-t-il d'un ton si sec que je me fige.
Le Chasseur ne répond pas. Il lève les yeux au ciel pendant que la jeune femme se pétrifie sur place, totalement effrayée par les cris. L'ambiance est très pesante. On est pris par le temps et par la panique, ce qui fait que le ton monte très rapidement. Isaac commence à s'énerver et Vildred à s'impatienter face à sa douleur.
Isaac cherche alors la cuisine, suivi du blessé qui empoigne fermement la jeune femme par le bras, pour l'emmener avec nous. Elle semble très mal en point, complètement apeurée par l'aura d'inhumanité du Chasseur.
Il la jette dans la cuisine et se laisse ensuite maladroitement tomber dans un coin, entre les plans de travail. La douleur paraît soudainement insupportable, ce qui m'inquiète instantanément.
Ça fait bizarre de voir Vildred comme ça, lui qui tout le temps si impassible. La situation semble le rendre plus humain. Lui qui ne montre jamais aucune faiblesse, il est complètement vulnérable.
Il fixe alors subitement ses blessures, et quelque chose s'illumine sombrement dans son regard. Il semble avoir percuté quelque chose. Quelque chose de terrifiant.
— Ils ont mis un truc dans les balles...! Grogne-t-il.
Isaac se livre alors totalement à la panique qui tente de le contrôler depuis tout à l'air.
— Meeerde...? Elles ont été trempées dans du poison?
Vildred laisse échapper un cri soudain de douleur. Les fragments doivent sûrement continuer de migrer.
— Je crois. Je vois complètement trouble, tout tourne autour de moi.
Le visage du loup-garou se ferme. L'effroi grandit subitement dans ses yeux ambrés. Il cède alors à la précipitation.
— Je vais faire au plus vite. Si j'enlève les fragments rapidement, ça devrait rentrer dans l'ordre.
Isaac claque alors la porte de la cuisine pour empêcher la jeune femme de s'enfuir. Il a récupéré l'arme de Vildred et semble se demander comment faire pour empêcher que la jeune femme ne s'enfuit pas, s'il est occupé à soigner la blessure de son coéquipier.
Vildred, pale et le visage trempé de sueur soulève le menton vers l'arme.
— Donne-là à Linda. Je lui ai appris à tirer.
Isaac écarquille alors instantanément les yeux, comme s'ils allaient sortir de leur orbite.
— QUOI? Tu lui as appris à faire QUOI?
Sa voix résonne dans tout le café. Un petit silence glaçant s'en suit alors.
— Dépêche-toi de lui donner! Le presse le Chasseur sans lui répondre.
— Attends, tu te fous de moi? Tu lui a appris à tirer? T'es au courant que c'est l'Enclave qui encadre les entraînements de tir et qu'avant ça elle devait tout un tas de test psychologique? S'exclame Isaac dans un cri d'indignation.
Vildred lève les yeux au ciel, entre deux crispations de douleur.
— Roh, c'est bon! L'Enclave est barbante avec tous ces protocoles! Linda est loin d'être instable psychologiquement et en plus de ça, elle douée.
Je vois dans les yeux du loup-garou briller une onde de colère.
— Je n'étais pas au courant que vous faisiez passer des tests avant, je tente alors de me défendre.
Contre toute attente, Isaac me colle dans la main l'arme de Vildred et pointe la jeune femme du menton. Je sursaute.
— On réglera ça plus tard. Fais en sorte qu'elle ne s'échappe pas quand j'ai le dos tourné.
Je hoche alors la tête, pas très rassurée d'avoir l'arme chargée entre les mains. Isaac n'a pas le temps de se poser plus de questions qu'il s'accroupît directement auprès du Chasseur, qui peine à réguler sa respiration. Il semble de plus en plus mal en point, blanc comme un linge et les yeux vitreux.
Isaac découpe rapidement la chemise noire du jeune homme avec des ciseaux de couture afin de rendre la blessure plus accessible. Il asperge les plaies d'alcool et désinfecte par la suite une grosse pince à épiler qu'il s'apprête à utiliser. Il écarte alors les bouts de chair avec une sorte de scalpel, préalablement lui aussi désinfecté, afin de récupérer les fragments de balles empoisonnés.
Isaac semble avoir des soucis pour se focaliser complètement sur la tâche. Il n'est pas calme et semble céder un peu trop à la panique.
D'autant plus que la jeune femme est en train de faire une crise d'angoisse. Ses sanglots s'accentuent et sa respiration devient anormalement bruyante.
— Concentre-toi, Isaac! Tu passes à côté de tous les fragments...! S'exclame faiblement le Chasseur, fixant le travail désastreux du Loup-garou.
Dans un élan d'impulsivité, Isaac balance au sol ses outils et se lève subitement.
— Putain! Je ne peux pas me concentrer si elle pleure!
Il essuie ses mains pleines de sang sur un torchon est se dirige vers la jeune femme qui est au bord de la syncope, livrée à une crise d'angoisse et de larme qui ne semble pas vouloir s'arrêter de si tôt.
—...C'est quoi votre nom?
— Ha...Hannah.
Il lui prend alors la main et la sert dans la sienne, posant son autre main sur son épaule, et attrapant son regard en la fixant droit dans les yeux, afin de calmer sa crise.
— Écoutez-moi, Hannah. Nous ne vous voulons aucun mal. Mon ami est grièvement blessé. Si je ne retire pas les balles de son bras, il va mourrir d'ici quelques minutes. J'ai besoin que vous vous calmiez. Si vous faites exactement ce que je vous dis, il ne vous arrivera rien. Vous avez compris?
La fille évite le contact visuel, toute tremblante, semblant ne pas réussir à intérioriser ce que lui vient de lui dire le loup-garou.
— Hannah, regardez-moi. Il ne va rien vous arriver. Nous n'allons pas vous faire de mal. Calmez-vous et essayer de reprendre votre souffle. Calez votre respiration sur la mienne....Oui, comme ça.
La fille hoche enfin la tête, se calmant progressivement. Ses pleurs diminuent, elle reprend une respiration normale, et les mots d'Isaac semblent avoir eu un effet bénéfique sur son état.
Isaac lâche alors sa main, hochant la tête, puis retourne directement à ce qu'il avait commencé. Il reprend ses outils qu'il désinfecte à nouveau et s'attelle à la tâche. Il semble nettement plus concentré maintenant que Hannah ne sanglote plus. De mon côté, j'ai baissé mon arme, essayant de la rassurer par un regard empathique. Vildred lui a fait peur tout à l'heure. Il a été brusque et agressif. Je comprends qu'elle ait pu prendre peur.
Quelques minutes s'écoulent, alors que le loup-garou retire un à un les fragments. Il semble y parvenir beaucoup plus facilement. Il a pris le coup de main.
— Enlever les balles va-t-il suffire à le tirer d'affaire? Je demande alors à Isaac, inquiète pour la santé du Chasseur.
Isaac est redevenu calme, ce qui me rassure un peu.
— Pour ce qui concerne l'empoisonnement oui. C'est le contact physique aux balles qui causent les symptômes. Mais, il a perdu beaucoup de sang. Je vais essayer de le recoudre pour qu'il puisse tenir jusqu'à qu'on rentre.
Une fois tous les éclats enlevés, il attrape du fil et s'attelle à la tâche. Il recoud comme il peut les plaies, puis enroule son bras de bandage.
Vildred semble avoir repris quelques couleurs, même s'il reste très affaiblit. Son rythme cardiaque s'est stabilisé et il respire quasiment normalement.
Isaac se lève alors et récupère ses outils. Il les rince dans le lavabo, puis se dépêche de tout ranger et d'éponger le sol du sang du Chasseur.
Il aide ensuite Vildred à se relever et retire son blouson pour lui tendre.
Vildred décline immédiatement son geste, en laissant échapper un ricanement.
— Tu m'as pris pour ta nana? C'est bon, j'en ai pas besoin.
Isaac ne l'écoute pas. Il lui flanque un peu brutalement son blouson sur les pectoraux.
— Arrête de jouer les gros durs! Les températures sont en négatif dehors, et tu es largement affaibli. Si tu pouvais nous éviter une hypothermie, ça m'arrangerait.
Vildred lève les yeux au ciel mais finis par enfiler le blouson.
Isaac récupère alors l'arme de Vildred que je tenais dans les mains et nous fait signe de sortir. Il est bientôt sept heures. On se dirige Vildred et moi vers la sortie alors que ce dernier se retourne vers la jeune femme. Il sort son portefeuille et tire une liasse de billet qu'il lui tend.
— Pour le dérangement et votre silence. Veuillez excuser notre manque de savoir vivre.
La fille récupère les billets toute tremblante et hésitante, alors qu'Isaac nous rejoint.
Nous voilà repartis pour La Nouvelle Orléans.
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