Chapitre 59
— Tu ne tireras pas sur ta propre fille? J'articule, clouée au sol, toujours accroupie près des dossiers.
Mon père est là, devant moi, le bras tendu, son arme pointée sur moi.
— Oh, détrompe-toi. Tu ignores bien des choses que je pourrais faire, réplique-t-il sur un ton glaçant.
Son regard est vide d'humanité. Je ne le reconnais pas. Mais, je me rends compte qu'il a la même expression que lorsqu'il m'avait fait subir des violences, les soirs où j'avais tenté de fuguer.
Je comprends qu'il ne bluffe pas. Ses yeux sont si noirs que si je tente quelque chose, je suis presque persuadée qu'il n'hésitera pas à me tirer une balle entre les deux yeux.
Je suis à court d'idée.
Je ne suis pas armée, il n'y a pas d'autre sortie, et mon père est entraîné. Il est policier. Il a une condition physique bien supérieure à la mienne même si Vildred m'a appris quelques trucs.
Je maintiens mon regard dans le sien.
— J'ai eu un frère. C'est ça?
— Tu n'es pas en mesure de poser les questions. Tu vas faire exactement ce que je te dis, à commencer par te lever. Aucun mouvement brusque, aucune tentative d'évasion, sinon je n'hésiterai pas à tirer, rétorque-t-il en maintenant son arme sur moi.
Je m'exécute. Je me lève doucement, mettant mes mains en évidence, ne quittant pas une seule seconde son regard.
— Maintenant, tu vas vider toutes tes poches, et poser leur contenu sur la commode, m'ordonne-t-il.
Je plonge ma main dans la poche arrière de mon jean et déniche les deux téléphones que je possède, mon téléphone et celui de l'Enclave, que Nathanaël m'avait donné à mon arrivée. Dans l'autre, je récupère mes clés que je pose à leur tour sur la surface.
Mon père guette tous mes faits et gestes. C'est impossible de le tromper.
— Tu croyais quoi? Que j'allais ignorer éternellement ta petite escapade à La Nouvelle Orléans? J'aurais toujours une avance sur toi, me menace-t-il.
— Tu ne peux pas m'empêcher de faire ma vie. Je suis majeur! Tu n'as aucun droit sur moi! Je m'exclame alors.
— C'est là que tu te trompes. Maintenant, sors de là.
Je marche doucement jusqu'à la sortie. Mon père plaque contre mon dos l'extrémité de son pistolet, entre mes deux omoplates. Ma respiration se coupe.
Il me fait me diriger vers ma chambre.
— ...Ton ordinateur.
J'ouvre mon sac à main, et récupère l'engin. Il entre alors dans ma chambre à son tour et referme la porte derrière lui. Il fouille mon sac et l'ensemble de mes affaires. Je n'ai plus rien qui me permet de chercher de l'aide ou de m'évader. Je suis prise au piège.
Il récupère les objets qui lui paraissent suspect, et se enfin dirige vers la sortie, s'apprêtant à fermer la porte.
Je me précipite alors vers cette dernière, sentant un vent de panique se répandre en moi.
— Attends! Ne fais pas ça! Tu ne peux pas m'enfermer! On me retrouvera, tôt ou tard! Je m'écrie, les larmes aux yeux.
Son regard ne change pas. Cette absence d'humanité habille toujours ses yeux noirs. Ce n'est pas mon père que je vois devant moi.
— Tu crois quoi? Que ton copain loup-garou viendra te chercher?
Je me fige sur place. Une larme dévale ma joue. Il a raison. Il n'y a personne pour écouter ma détresse. Je ne peux prévenir personne, je suis piégée.
Sur ces mots, mon père m'enferme à double tour dans ma chambre, me laissant seule sous l'emprise d'une angoisse envahissante.
Une montée de colère s'empare alors de moi, alors que les larmes se multiplient sur mes joues. J'essaie de toutes mes forces d'ouvrir la porte, à en perdre la raison. Je frise presque la folie, avant de me laisser tomber d'épuisement au sol, de m'effondrer et d'éclater en sanglot.
En quelques minutes, ma vie a pris un tout autre tournant.
J'ai échoué.
Encore.
Sauf que cette fois-ci, il n'y aura ni Isaac, ni Vildred pour me sortir de là. J'aurais dû écouter ne loup-garou et ne jamais quitter La Nouvelle Orléans. Ma vie contre la satisfaction de ma curiosité. Voilà ce qu'était le prix à payer. Isaac m'avait prévenu.
De puissants regrets m'assaillent alors. Je ne peux pas retourner en arrière malgré ma volonté de le faire. Je subis les conséquences de mes choix, de mon imprudence.
Dos à la porte, ma colère se calme, laissant place à de longs sanglots d'angoisse et de détresse. Je ne sais pas ce qu'il va se passer par la suite. Je ne sais pas combien de temps il me reste, ce que mon père prévoit.
Je colle mon oreille contre la porte. Il est redescendu et semble être au téléphone. Il parle assez fort, ce qui me permet de l'entendre.
— Tu peux venir un peu plus tôt que ce qui était prévu demain? Il y a eu un petit imprévu................Non, rien de grave. La situation a été maîtrisé...............Mais, oui, comme tu dis autant prendre le minimum de risque............Vingt heures? Tu ne peux pas venir la chercher plus tôt?.................Ok, alors on fait comme ça.
Je n'entends alors plus sa voix. Je comprends qu'il a sans doute raccroché. Cette personne qu'il devait me présenter est donc celle qui va venir me chercher demain? Pour m'emmener où? C'était donc un piège? Depuis combien de temps mon père est au courant de mon escapade à La Nouvelle Orléans?
Qu'est-ce qu'il va se passer ensuite? De multiples atrocité défilent alors dans mon esprit. Ils peuvent me faire subir les pires choses. Une montée d'angoisse me fait alors trembler. Mais, j'essaie de garder mon calme et les idées claires. Je dois trouver un moyen de m'évader, avant que cette personne arrive. Mais, même si je parviens à sortir de chez moi, je ne pourrais pas aller très loin. Mon père dirige la police de New-York. Il me retrouvera bien rapidement, comme toutes les fois où j'avais réussi à fuguer.
Et puis, je n'ai plus rien. Plus de papier d'identité, plus de carte de crédit, plus d'argent liquide...Je n'ai plus aucun moyen de m'évader, plus aucun moyen de m'en sortir, plus aucun moyen de contacter quelqu'un pour ne serait-ce lui dire au revoir ou le prévenir de la situation.
Plus aucun moyen?
Mes yeux se posent sur l'étagère au dessus de mon lit. Une peluche Pikachu que j'avais gagné à la fête foraine quand j'étais adolescente attire mon attention.
Ou plutôt ce qu'elle représente.
Quand j'étais ado, j'étais fan de l'univers Pokémon. Oui, même à quinze ans, on peut aimer cela. J'avais toutes les cartes et toutes les cartouches de Nintendo DS.
Ma Nintendo DS...
L'espoir renaît.
...Pour la simple et bonne raison qu'on peut connecter cette console à internet. A l'époque, je jouais en ligne pour échanger des Pokémon avec les joueurs du monde entier, et l'avais programmée pour la connecter au réseau Wi-Fi de chez moi. Une fonctionnalité intéressante dont j'ignorais à l'époque que son existence allait me sauver la vie.
J'ai encore ma console. Je n'y joue plus depuis longtemps, mais j'avais jamais pu m'en séparer. Elle doit être rangée dans mon placard.
Je tire ma chaise de bureau jusqu'au niveau de mon placard et grimpe dessus. Je récupère une vieille boîte d'effets personnels tombée durant des années dans l'oubli et la pose par terre. Je l'ouvre, fouille à l'intérieur et récupère la fameuse console ainsi que son chargeur. Je la branche à la prise électrique la plus proche et l'allume.
Par chance, on n'a pas changé de réseau internet depuis. Elle est toujours connectée.
Je clique alors sur un moteur de recherche et me rend sur Instagram. Je ne peux contacter personne par message parce que je n'ai pas de téléphone ni de réseau mobile, mais je peux aller sur les réseaux sociaux. Je me connecte alors à mon compte et cherche directement celui d'Isaac, pour lui envoyer un message privé. Je m'empresse de l'écrire.
Mon père m'a piégée. Il m'a enfermée dans ma chambre, me prenant toutes mes affaires, mes téléphones, mes papiers d'identité. Il a appelé quelqu'un. Apparemment cette personne doit passer m'emmener demain, à vingt heure. J'ai découvert des trucs bizarres. Mon père a été mêlé à l'Enclave, il y a une vingtaine d'année. Je ne sais pas à qui je peux faire confiance, à part toi. Ne préviens personne, je crois qu'il y a un traite autour de moi.
Isaac est la seule personne en qui j'ai cent pour cent confiance. Je sais qu'il n'y a que lui qui pourra me sortir de là, sans risquer de me mettre en danger. Je ne veux pas qu'il ébruite ma disparition pour le moment. Si mon père savait que j'étais à La Nouvelle Orléans, c'est sûrement parce qu'il y a un traitre autour de moi. Quelqu'un a dû me balancer. Et la seule personne qui je sais ne peux pas être derrière tout ça est Isaac.
J'envoie alors le message. Une petite montée de soulagement me calme alors, mais je sais que je ne suis pas sortie d'affaire.
Je n'ai plus qu'à attendre sa réponse, mais, je ne suis même pas sure qu'il verra mon message. Il en reçoit énormément chaque jour et je sais que je ne fais pas partie de ses priorités, d'autant plus qu'il est en vacances et qu'il est rentré chez ses parents.
Un sentiment de culpabilité m'assaille alors. J'ai l'impression d'interrompre ses congés, en lui envoyant ce message. Je m'en veux.
Les minutes s'écoulent, les heures...Sans qu'aucune réponse ne parvienne à moi. Le temps paraît si long quand vous êtes dans l'attente de quelque chose. J'ai du mal à calmer l'angoisse qui reprend alors et qui grandit en moi. Allongée sur mon lit, je me concentre sur mes battements cardiaques qui semblent s'emballer. Je suis en pleine alerte, dans un état constant de vigilance. C'est donc ça l'instinct de survie? Je suis incapable de me focaliser sur autre chose. Toutes mes pensées sont tournée vers Isaac. Malheureusement, les options de la Nintendo DS sont limitées, je ne peux pas l'appeler en audio ou en appel vidéo. Le seul moyen que j'ai de le prévenir est qu'il ouvre les messages que je lui ai envoyés.
Je m'en veux alors beaucoup d'être tombée aussi facilement dans ce piège malgré que j'étais consciente des risques. J'ai été aveuglée par la violente curiosité à propos des secrets de mon père qui m'animaient, et j'ai ignoré le danger qui planait à côté. Mais, j'essaie de me consoler sur le fait que cela aurait pu être pire. Si je n'étais pas allée fouiller dans sa chambre ou que mon père ne m'avait pas surprise, j'aurais été inconsciente du danger, et je n'aurais pas pu prévenir Isaac à temps quand cette fameuse personne serait venu me chercher demain.
J'ai du attendre dix-sept heure avant d'avoir une réponse d'Isaac. Quand j'ai vu son message arriver, je me suis subitement relevée, le cœur battant, alors que je perdais espoir. J'ai cliqué immédiatement sur la conversation, pour lire son message.
« Je prends toute suite la route pour New-York. Comme tu n'as plus tes papiers d'identité, je ne peux te ramener qu'en voiture. Toutefois, c'est trop risqué que je vienne seul. Il faut qu'on soit deux. La route et longue. Il y a près d'une journée entière de voiture on ne va sûrement pas dormir. Il faudra se relayer au volant. Je suis conscient des risques qu'on peut prendre si on décide de mettre d'autres personnes au courant, c'est pour cela que je te laisse choisir la personne que tu acceptes qu'elle m'accompagne. »
Le message lu, je réfléchis alors. Je suis alors soulagée de me sentir moins seule. Mais, je ne sais pas qui choisir. Je sais que si mon choix se porte sur la personne qui m'a trahie, les risques seront de mises. Ce pourrait être n'importe qui, mêmes celles qui sont les plus proches. Mais, j'écarte alors l'une d'elle. Vildred a beaucoup de secrets, il me cache sans doute beaucoup d'autres choses, mais, c'est lui qui m'a donné le talisman. Je ne vois pas pourquoi il m'aurait balancée après ça. Ça n'a pas de sens. D'autant que je sais pertinemment qu'il a besoin de moi pour retrouver Bella et qu'il est obsédé par le fait d'arriver à ses fins.
Non, ça ne peut pas être Vildred.
Sans plus attendre, je fais mon choix.
« Vildred ».
Isaac me répond instantanément.
« Très bien. Je vais le prévenir. Je reste joignable à tout instant. Ne panique pas, reste discrète. Nous devrions arriver avant vingt heure, demain. Je vais essayer de rouler le plus vite possible. Pas d'imprudence. On va te sortir de là.
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