Chapitre 5
Bilan de ces derniers jours: j'ai rencontré pas mal de surnaturels, tous différents les uns des autres.
Tout d'abord Nathanaël. C'est celui qui m'a l'air le plus de confiance. Mais, il est visiblement aussi celui qui a le moins d'influence à l'Enclave. Cependant, c'est toujours utile d'avoir un sorcier dans les parages.
Laura. Gentille fille, très énergique, qui semble être ouverte à me connaître et à m'aider. Est-ce que je pourrais m'en faire une amie? Mais, peut-on être véritablement amie avec quelqu'un qui peut vous vider de votre sang dans ses moments de faiblesse? Je n'ai pas la réponse.
Ensuite, Vildred. Au début il me terrifiait avec sa froideur extrême, mais son absence d'émotion lui apporte un aspect factuel non négligeable qui le rend en quelque sorte intéressant. Il n'est pas si terrible que ça finalement. Je suis consciente que son attitude envers moi est rudement intéressée, mais je me sens protégée quand je suis avec lui.
Isaac. Que dire d'Isaac...Qu'il est beau, ça c'est une évidence avec ses kilos de muscles sur les bras...Mais, mon Dieu, qu'il est imbuvable! Il semble ne pas me faire confiance pour le moment. Est-ce que c'est à moi de faire le premier pas vers lui et lui convaincre que je ne suis pas une imposteur? Le problème c'est que j'ai trop de fierté, et la façon désobligeante avec laquelle il a parlé de moi, ne me donne pour le moment absolument pas envie de lui adresser la parole.
Straze. Je ne connais pas grand chose du vampire à part qu'il semble être en mauvais terme avec Vildred pour une raison que j'ignore. Je n'ai pas vraiment envie de le recroiser.
Ulrich. Vildred m'a raconté qu'il était le rival d'Isaac et qu'il avait toujours convoité son poste. Être numéro trois de l'Enclave ne lui suffit pas, selon le chasseur de prime. Apparemment, c'est un métamorphe. C'est à dire qu'il a la capacité de se transformer en n'importe qui, ce qui peut être une très grosse force pour lui. Quoiqu'il en soit, il ne m'inspire pas confiance. Je crois qu'il m'a dorénavant dans le collimateur. J'essaierai par la suite de l'éviter.
Le bilan est mitigé. Même si je meurs d'envie de connaître un peu plus les secrets des Surnaturels, et de comprendre ce que je suis réellement et quel lien nous lie Arabella et moi, j'ai conscience que je dois rester prudente. Vildred m'a mise en garde: les Doppelgängers sont un mystère que bien des Surnaturels aimeraient percer.
Malgré mon excitation grandissante sur ces nouvelles questions, un retour à la réalité doit malheureusement s'imposer. Je travaille plusieurs soirs par semaine dans un restaurant assez fréquenté de Canal Street. Et ce n'est pas une partie de plaisir. Le manager est désagréable et complètement antipathique. Il instaure un climat de tension à tous les employés, notamment à moi qui suis nouvelle et qui n'ai pas l'habitude du travail en restauration. Je ne vais pas assez vite selon lui.
On est lundi, la soirée vient juste de commencer. Le restaurant est pour la moitié vide même s'il commence à se remplir.
— Un client attend depuis dix minutes qu'on prenne sa commande à la table 12. Ça serait pas mal que tu te bouges un peu, Elena, avant qu'il s'en aille! M'interpelle désagréablement le gérant alors que je croule sous une montagne d'assiettes vides que je dois ramener en cuisine.
— Moi, c'est Linda, je le reprends alors.
— C'est pareil. Dépêche-toi.
Je l'insulte dans ma tête et dépose enfin en cuisine les plats avant de me diriger vers la table, les yeux rivés sur les feuilles de mon calepin qui ne font que de voler à cause des ventilateurs.
— Bonjour, je peux vous servir quelque chose, Monsieur? Je lance, les yeux toujours focalisés sur ce satané bloc.
— Dans un second temps, pourquoi pas. Mais tout d'abord, une simple discussion suffira.
Je lève les yeux quand je me rends compte que cette voix m'est légèrement familière. Je les pose sur le client.
C'est Isaac.
Je me fige instantanément.
Il est nonchalamment assis sur son fauteuil, le bras suspendu à son dossier me toisant d'un regard appuyé.
Il a gardé son blouson en cuir, alors que son casque de moto est posé sur une autre chaise. Ses cheveux noirs bouclés lui tombe légèrement devant ses yeux ambrés, ce qui lui apporte un certain côté ténébreux.
J'essaie néanmoins de garder la face devant lui, malgré que sa carrure imposante et sa présence charismatique m'impressionne un peu.
— Je vais être claire. Je suis actuellement sur mon lieu de travail donc mon unique occupation est de servir de vrais clients. Si tu veux qu'on ait une conversation, reviens vers moi quand je serai disponible, je lâche sèchement d'une manière désinvolte.
Isaac se redresse alors et me dévisage d'une manière condescendante et supérieure, sans me quitter de son regard suffisant.
— Eh bien, dans les yeux de ton manager, je suis un vrai client. Donc, il me suffit donc de taper un scandale si tu refuses ce que je te demande, et tu te retrouves sans emploi et sans argent en l'espace d'un instant.
C'est une menace?
Je jette un coup d'œil à mon supérieur, qui semble occupé à encaisser d'autres clients. Pour le moment, je peux me débrouiller...
Mais, l'attitude autoritaire de mon interlocuteur me déplaît fortement.
Pour qui se prend-il?
Sauf que je tiens bien trop à mon job pour risquer de me faire virer par un type imbuvable.
— Qu'est-ce que tu veux? Je déclare alors, le visage fermé et le ton sec.
— Vildred est passé me voir pour me parler de toi. Il semble déterminé à penser que tu peux l'aider à retrouver Arabella Johnson. Et, je dois avouer qu'il n'a peut-être pas tord. Cependant, pour le moment rien ne prouve que tu n'es pas un métamorphe.
— Et qu'est-ce que tu veux que je fasse? Que j'implore la clémence en me prosternant devant toi dans l'attente que tu acceptes de m'accorder un dixième de ta confiance? Je ne suis pas d'ici, et ne connaît absolument rien du Surnaturel. Ça se voit non?
— Avoue que c'est quand même une sacrée coïncidence que tu te pointes dans une ville que tu ne connais pas au moment où ton parfait sosie disparaît, relève Isaac, continuant de me toiser.
— J'ai grandi en dehors de tout ça. Je ne suis qu'une simple touriste qui a toujours rêvé de visiter une ville connue pour son histoire, ses mythes et ses légendes, je réplique sèchement.
— C'est vrai. Tu as vécu à New-York depuis toujours, a fréquenté les meilleures écoles dont un des meilleurs pensionnats de la région avant de te faire virer pour actes violents.
Je me fige alors.
Comment peut-il connaître ce détail précis de ma vie?
— Comment tu sais ça? Je murmure alors.
— Qu'est-ce que tu crois? C'est mon métier de faire des recherches et de traquer les gens, rétorque-t-il, avec une pointe de condescendance dans la voix.
Je vois dans ses yeux qu'il se pose une multitude de questions à ce sujet. Je tente alors de me défendre.
— Je ne suis pas quelqu'un de violent. Je me faisais harcelée là-bas, alors je me suis juste défendue, un point c'est tout, je rétorque sèchement.
Isaac hausse un sourcil et s'adosse à nouveau contre son fauteuil en croisant les bras sur sa poitrine, tout en me dévisageant d'un regard suspicieux.
— Un nez et plusieurs côtes cassés. Ça fait beaucoup pour de la simple self défense, relève-t-il, le regard ténébreux.
Qu'est-ce qu'il croit? Que je me serais laissée faire sans rien dire?
Je ne suis pas comme ça.
— Ils étaient deux mecs contre une seule fille. Si je n'avais pas donné les coups j'aurais fini sans doute encore pire qu'eux.
Isaac continue de m'analyser d'un regard suspicieux.
— Et comment une fille de ton gabarit peut faire le poids contre deux types, qui j'imagine n'avait pas un profil « nerd »?
— Ça veut dire quoi? Que sous prétexte que je n'ai pas des testicules entre les jambes, je suis destinée à me faire fracasser? Je m'exclame froidement, légèrement irritée.
— Je me demande si tu ne dissimules pas une autre identité, en sachant pertinemment ce que tu es comme Surnaturelle.
— Alors qu'est-ce que tu fais là, assis à une table, me forçant à discuter avec toi? Je lance en commençant à hausser le ton.
— Je suis là pour te faire une proposition. J'accepte que tu collabores avec Vildred, sous unique condition que tu laisses Nathanaël analyser ton sang pour vérifier que tu n'es pas une métamorphe.
Ce qu'il me propose est tentant. Mais, le fait qu'il ait l'ascendant sur moi ne me plait pas.
— Je ne suis pas stupide au point d'ignorer que le sang doit être une substance très précieuse pour vous. C'est beaucoup me demander, sachant que je ne suis pas persuadée que je peux te faire confiance, je rétorque sèchement.
Isaac se redresse et plonge son regard perçant et ambrés dans mes yeux.
— Et bien c'est dommage, parce que c'est moi qui fixe les règles du marché. Ou tu acceptes et je t'autorise à côtoyer l'Enclave si ton test se révèle négatif, ou bien tu refuses et tu rentres à New-York pour reprendre tes études insipides.
Je commence très sérieusement à être irritée par son comportement et son air supérieur. Il sait qu'il a l'ascendant sur moi et il en profite.
Mais, accepter sa proposition est ma dernière possibilité d'avoir les réponses à mes questions.
Voyant que je ne lui donne pas de réponse, Isaac se lève de table et se dirige vers la sortie en me contournant et en me jetant un regard condescendant.
— Bon retour à New-York, dans ce cas là. Tu salueras la statue de la liberté de ma part, déclare-t-il en murmurant près de mon oreille d'un air suffisant insupportable.
Je fais volte-face, alors qu'il s'éloigne.
— Attends...!
Isaac tourne son visage vers moi me fixant du coin de l'œil, attendant que je poursuive.
— J'accepte ta proposition, je souffle alors.
De toute façon je ne pouvais pas faire autrement. Si je voulais m'intégrer parmi les Surnaturels de l'Enclave, j'étais obligée de me soumettre à ce test humiliant.
Isaac hoche alors la tête, un léger sourire victorieux et arrogant aux lèvres.
— Nathanaël te contactera prochainement . Essaie de te tenir à cette réponse et de ne pas changer d'avis toutes les trois secondes. Je ne suis pas quelqu'un de très patient.
Sur ces mots, le numéro deux de l'enclave se volatilise, me laissant seule devant sa table désormais vide.
Connard, je l'insulte dans ma tête, restant plantée au milieu du restaurant, le fixant s'éloigner à l'extérieur.
— Tu peux m'expliquer ce que tu fous, Éléna? Me lance alors mon supérieur à l'autre bout du restaurant.
Je sursaute alors et me retourne, voyant qu'il se dirige d'un pas furieux vers moi.
— Moi c'est Linda, je rétorque sèchement.
— C'est pareil, crache-t-il. Pourquoi le client est parti?
Son ton est sec et sa manière de me parler acerbe.
À côté de lui, Isaac ressemble à un agneau.
Sauf que ce n'est absolument pas le moment de me chercher des noises.
— Il voulait juste discuter avec moi, je rétorque alors.
— Tu te fous de ma gueule? T'es virée! Réplique-t-il sur un ton dédaigneux, sans m'avoir laissé plus de temps pour m'expliquer.
Je me fige alors, sans voix.
Je sens la colère montée en moi. J'ai envie de lui foutre deux bonnes claques mais je me retiens, même si c'est difficile.
Je retire ma veste qui me servait en guise d'uniforme et la lui balance à la figure.
— Va te faire foutre connard, je lâche alors, sous le regard pétrifié des clients.
Le gérant m'insulte alors de tous les noms jusqu'à que je sorte de l'établissement en claquant si fort la porte que les murs tremblent.
Je me retrouve dehors, sans travail, sans salaire et dans de beaux draps. Mais avec ma dignité.
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