Chapitre 47
Les jours passent et je n'arrive pas à oublier le visage de Bella.
Depuis que j'ai croisé son regard, mes pensées se focalisent frénétiquement sur elle. Je n'arrive pas à déterminer les émotions que je ressens à son égard. Tout semble confus, flou. Mais, tellement intense.
Je suis allongée sur le canapé du salon spacieux de Vildred. Ce dernier a déserté l'appartement pour la journée, me laissant seule, à divaguer dans mes pensées absorbantes, dans un état presque crépusculaire. Je suis désorientée, l'esprit totalement accaparé par le souvenir du regard de mon sosie, plongée dans un interminable égarement.
Laura est d'ailleurs passée me voir cet après-midi. Elle est assise sur un confortable fauteuil, et je viens de me rendre compte qu'elle me fixe d'un regard tendre et compatissant, un sourire chaleureux aux lèvres.
— Elle sait des choses sur moi que j'ignore...Je murmure, le regard perdu dans le vide.
Laura comprend que je parle de Bella. Elle se redresse et fronce légèrement ses sourcils fins.
— Straze te l'a fait comprendre quand tu t'es fait passer pour elle? Me demande-elle, dans une volonté de comprendre.
Je hoche la tête, pensive, les yeux toujours rivés sur le plafond immaculé du salon.
Je revis cette fameuse scène, où nos regards se sont croisés pour la première fois. Des émotions énigmatiques ont habillés ses yeux verts. Elle semblait surprise. Surprise de me voir presque devant elle. Elle ne s'y attendait pas. Elle s'est figée sur place autant que moi je me suis figée, et a mystérieusement disparu quand j'ai détourné le regard.
Une noirceur soudaine balaie mon esprit.
— Elle veut ma mort.
Ma voix résonne dans la large pièce épurée.
La vampire se crispe, laisse un petit silence s'écouler, et finit par répondre.
— Ça t'étonne? Articule-t-elle, un peu plus bas.
Je secoue légèrement la tête et me laisse happer par mes interrogations. Le souvenir de son regard persiste dans mon esprit. Il m'obsède, me régit, me transcende.
— Ce qui m'a étonnée c'était la désorientation que j'ai lu dans ses yeux, ce soir là. Je n'y ai pas vu de haine.
Laura me répond pas. Elle reste muette. Je laisse s'écouler un petit silence avant de poursuivre. Je me tourne vers la jeune femme et pose enfin les yeux sur elle.
— Quand on veut la mort de quelqu'un, on ressent de la haine quand on pose les yeux sur elle, n'est-ce pas?
Laura hausse les épaules, un peu embarrassée, ne sachant quoi véritablement quoi répondre.
— C'est peut-être plus compliqué que ça...Bella est une mauvaise personne. Si elle veut te tuer, c'est que la haine à ton égard qui l'anime est suffisamment puissante, suppose-t-elle.
— Mmmh. Une mauvaise personne...C'est ce que beaucoup disent à propos de Vildred. Que c'est une mauvaise personne, que c'est le diable incarné. Mais, ce n'est pas ce que tu penses de lui n'est-ce pas?
— Linda...
— Parce que tu connais son histoire. Tu connais ses faiblesses, tu connais ses douleurs. Bella doit avoir ses raisons. En fait, elle m'obsède. Mes pensées sont obnubilées par elle. Malgré le fait que je sais que je dois la détester pour toutes les horreurs auxquelles elle participe, j'ai le désir insatiable de connaître la raison pour laquelle elle veut ma mort. C'est plus fort que moi. Elle semble me connaître, mais moi je ne la connais pas.
— Je peux te raconter notre première rencontre, si tu veux, me propose-t-elle.
Je me redresse alors, intriguée, lui accordant un regard habillé d'une lueur d'intérêt soudaine.
— S'il te plaît.
Laura s'attache les cheveux, se repositionne sur son fauteuil et tente de se rappeler.
— La première fois que je l'ai vue, c'était dans le bureau d'Isaac. Ça faisait que quelques mois que Stan m'avait transformée en vampire, et Isaac m'avait proposé d'intégrer l'Enclave et de m'aider parallèlement à m'habituer à ma nouvelle vie de Surnaturelle.
Laura se plonge alors dans ses réminiscences.
~*~
Souvenirs...
Depuis son arrivée à l'Enclave, Laura se sent un peu plus apaisée. Les six mois qui se sont écoulés lui paraissent être des années. Mais, si elle a réussi à retrouver un certain calme, elle peine encore à accepter sa nouvelle vie. Son ancienne vie lui manque terriblement, même si plus le temps passe, plus elle est obligée d'accepter la dure réalité. Elle est un vampire. Sa famille a été claire avec elle: elle ne pourra plus jamais revenir chez elle. C'est comme si elle était morte dans les yeux de ses parents. La douleur est profonde, mais la jeune femme commence à s'y habituer. Le temps répare les cœurs. Du moins, c'est ce qu'elle s'était persuadé.
Isaac est gentil avec elle. Il l'a prise sous son aile, juste après sa transformation, lui apprenant tout du Surnaturel. Quand il lui a proposé d'intégrer l'Enclave en échange d'entraînements, elle n'a pas longtemps hésité à accepter. Qu'allait-elle devenir, sans ça? Un vampire errant, incontrôlé, en chagrin d'amour et en perte de repère?
La haine qu'elle ressent depuis pour Stan tait les sentiments intenses qu'elle éprouvait jusque-là pour lui. Isaac lui change les idées. Il est présent pour elle, à son écoute, et ne semble pas la juger. Passer du temps avec lui lui fait oublier progressivement Stan.
Laura se dirige vers le bureau du loup-garou pour lui déposer un dossier à propos des logements que fournit l'Enclave aux Surnaturels les plus précaires. Le job qui lui a confié concerne ce sujet. Elle n'a pas beaucoup de responsabilités, mais apporter son aide à l'institution l'aide à se sentir utile.
Elle parvient jusque devant la porte. Cette dernière est grande ouverte, alors que le jeune homme la laisse toujours fermée, même quand il est à l'intérieur. Sauf qu'il n'y est pas. A sa place, assise nonchalamment dessus, un stylo de valeur tournicotant entre les doigts, et les jambes croisées, une jeune fille s'y trouve.
Elle est plutôt mignonne, des cheveux roux parfaitement lissés et mi long, un visage symétrique habillé d'une moue un peu enfantine mais pourtant massivement maquillé de rouge à lèvres et d'eye liner...Elle porte une petite robe noire près du corps, courte, à manche longue, dévoilant une jolie poitrine mise en valeur par un pendentif en améthyste. Elle doit avoir à tout casser près de dix-huit ans.
Laura fronce les sourcils. Elle ne l'a jamais vue à l'Enclave, et sait qu'elle n'est pas une des salariées. Elle décide donc de l'interpeller.
— Les bureaux sont interdits aux visiteurs, tonne-t-elle, en prenant soin d'arborer un air autoritaire.
La fille ne se démonte pas. Elle pince les lèvres, esquisse un sourire en coin et laisse échapper un petit rire.
— Un peu trop d'aisance pour une vampire qui n'était qu'une humaine, il y a quelques mois, lui répond l'inconnue, dirigeant ses yeux vers elle et en levant un sourcil.
Laura se fige instantanément sur place.
Le ton de la jolie rousse est osé, désinvolte et frise la condescendance. Laura n'apprécie pas sa manière de lui parler.
Mais, au delà de ça, le fait que cette dernière semble connaître certains détails de son identité produit en elle un choc soudain qui la fait bégayer.
— Je...je te demande pardon?
La rousse fait pivoter machinalement son fauteuil tournant, dévisageant son interlocutrice d'un regard mystérieusement analysant.
— Je suis une amie très proche d'Isaac. Si tu dois lui déposer quelque chose, mets-le sur son bureau, je lui dirai que quelqu'un est passé, réplique-t-elle en désignant du menton le dossier qu'elle tient dans les mains et qu'elle était venue remettre à Isaac.
Le ton employé est presque prétentieux. Le sourire angélique de la jeune fille cache en réalité un air supérieur que la vampire peine déjà à supporter.
Laura commence à sentir un certain énervement lui picoter le ventre.
— Je connais les amis d'Isaac, et je ne t'ai jamais vue avec lui, rétorque-t-elle froidement.
La jeune rousse se repositionne, fait voler avec prétention une mèche de cheveux dernière son épaule et lui adresse de nouveau un sourire insupportable.
— Pourtant on a grandi ensemble lui et moi. On est plutôt du genre...très proche. Isaac est assez pudique de manière générale. Il ne parle pas de tous ses amis. Tu ne dois pas assez le connaître pour cela, suggère-t-elle.
Mais pour qui se prend-elle? Son air hautain camouflée par cette moue innocente commence sérieusement à agacer Laura, qui semble perdre déjà patience.
— Isaac et moi nous voyons tous les jours. Nous travaillons et nous entraînons ensemble. Il est mon...ami. Donc, je le connais très bien.
L'inconnue laisse échapper un petit rire. Elle sort de son sac à main un petit miroir et se réapplique une touche de rouge à lèvre.
— Voyez-vous ça. Encore une de ses subordonnée qui a le béguin pour lui! Souffle-elle, un sourire malicieux et narquois aux lèvres.
Laura rougit alors et se braque.
— Je n'ai pas le béguin pour lui...! Et puis qui es-tu? Amie d'Isaac ou pas, tu n'as pas le droit d'accéder à cette partie du bâtiment si tu ne travailles pas à l'Enclave!
La nouvelle venue fait claquer habilement ses lèvres avant de refermer bruyamment son miroir pliable, et range son maquillage dans son sac.
— Oh, il se trouve que je suis une employée de l'Enclave depuis aujourd'hui même. Je viens de signer mon contrat. Enchantée, je suis Arabella Johnson, réplique-t-elle en accentuant son sourire hypocrite et terriblement prétentieux.
Laura se fige alors.
Ce nom lui est familier.
Isaac l'a mentionné quelques fois. Arabella est la fille d'un dirigeant d'une meute de loups-garous. Une meute très proche de celle du père d'Isaac. Ils auraient eu tous les deux une histoire d'amour passionnelle quand ils étaient jeunes adolescents, avant de se séparer.
Isaac n'a parlé qu'une fois de cette relation amoureuse. Elle semble l'avoir beaucoup affecté. Alors pourquoi Arabella affirme qu'il est un « ami proche » ? Sûrement pour la narguer. Laura ne la sent pas de toute façon. Elle transpire d'arrogance et de prétention par tous les pores de sa peau parfaite.
Laura hoche doucement la tête et pince les lèvres. D'habitude, elle est toujours partante pour rencontrer de nouvelles personnes, mais elle ne sent pas Arabella. Quelque chose chez elle la dérange, au delà de son comportement hautain et insolent.
— Et donc? Tu as été embauchée pour quel poste? Demande-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine.
— L'Enclave a besoin de Surnaturel entraînés depuis leur naissance. Ils n'ont pas hésité une seconde à me recruter dans le service « enquêtes ». Sourit fièrement Arabella.
Évidemment, c'est le service que la jeune vampire rêve secrètement d'intégrer...
La dernière réplique de la louve met mal à l'aise Laura. Déjà qu'elle ne se sent pas à sa place parmi les Surnaturels, lui rappeler implicitement qu'elle était une humaine quelques mois auparavant lui fait l'effet d'un coup poignard dans le cœur.
Elle ne répond pas. Son regard se trouble un peu, et elle se laisse submerger par une vague soudaine de mélancolie.
Si bien qu'elle ne voit pas arriver Vildred.
— Laura, t'as avancé sur le dossier logement? Lui lance-t-il, en se posant devant l'entrée du bureau, les bras fortement appuyés sur l'encadrement de la porte.
Puis son regard croise celui d'Arabella, qu'il remarque subitement. Un regard appuyé, assez long et particulièrement intense des deux côtés.
Quelque chose de puissant se passe. Laura le ressent.
Le Chasseur change soudainement d'attitude et se met à arborer un air radieux et séduisant.
— Je ne savais pas qu'Isaac dissimulait dans son bureau des mystérieuses inconnues, déclare-t-il, en souriant.
Arabella se redresse, lui rend son sourire et adresse à son interlocuteur un regard espiègle et réceptif.
— Qui te dis que ce n'est pas moi qui me dissimule toute seule? Lui répond-elle, sur un ton affirmé et d'un air très mystérieux.
— Ouh. J'aime les secrets, réplique Vildred, un sourire prononcé toujours aux lèvres.
— Arabella Johnson. Je viens d'être recrutée dans le service enquête de l'Enclave, se présente la jeune fille.
Vildred hausse un sourcil surpris et hoche doucement la tête, attentif.
— Oh, intéressant. Je suis Vildred, Chasseur d'Ombres. C'est moi qui dirige ce service.
— Voyez-vous ça, sourit mystérieusement la jeune femme.
— C'est donc toi la célèbre héritière de la meute de La Nouvelle Orléans? Relève Vildred.
— C'est donc toi, Vildred Khanh, l'un des héritiers de la famille la plus influente dans le monde des Chasseurs d'Ombre?
Vildred laisse échapper un petit rire. Il hausse un sourcil et dévisage avec plus d'intensité son interlocutrice.
— Donc, tu me connais?
Bella passe sa main gracieusement derrière son cou, esquisse un sourire en coin, sans une seule fois détourner son regard de celui de Vildred.
— Disons que je connais un certain nombre de choses de l'Enclave et ses membres, lui répond-elle mystérieusement.
— Mmmmh. Audacieuse et enigmatique. Le recrutement a été pour une fois qualitatif, lance le Chasseur.
Laura prête attention au regard que prête le Chasseur à la louve.
Il est maintenu, long, intense. Mais la vampire voit autre chose. De l'admiration. Le regard qu'il lui accorde est celui que dirige un homme sur une femme qui lui plaît.
Arabella semble de son côté réceptive au charme du jeune homme. La manière sensuelle avec laquelle elle décroise et croise ses jambes toutes fines, ou avec laquelle elle repositionne ses cheveux roux sur son épaule, veut dire beaucoup de choses.
N'importe quel homme aurait pu être sensible au charme que dégage la jeune femme. Son langage non verbale est séduisant, sa manière de parler captivante et de regarder enivrante. Arabella est l'incarnation du pouvoir féminin, celui dont rêve toutes les femmes.
Quelle injustice.
Laura sent un sentiment vif de jalousie lui piquer le ventre.
Elle n'a jamais oublié les premiers regards que se sont échangés les deux interlocuteurs. Une telle intensité...
...Et surtout le premier pressentiment négatif qu'elle a ressenti à son sujet.
Souvenir...
~*~
Laura vient de me raconter sa première rencontre avec Bella. Je suis restée à l'écouter attentivement sans rien dire.
Une chose avait particulièrement retenu mon attention.
— Tu avais le béguin pour Isaac? Je demande alors, piquée par un élan de curiosité.
Laura sourit avant de répondre.
— En réalité, à l'époque oui, même si je ne l'ai pas assumé par fierté devant Bella, ce jour là. Je venais de rompre avec Stan, j'étais en perte de repères et en manque d'attention...Isaac a été celui qui m'a tout appris du monde Surnaturel, après avoir été transformée. Et puis qui n'a pas été intéressé par Isaac? Il est beau et si gentil.
Laura reprends le fil de la discussion.
— ...Mais, il ne s'est rien passé entre lui et moi, si c'est ta question. Il n'était pas intéressé et puis notre relation a évolué vers une belle amitié. Aujourd'hui, jamais ça ne pourrait changer, tout est bien ainsi.
Je hoche doucement la tête, un peu pensive. La Nouvelle Orléans regorge donc de secrets palpitants.
Laura m'adresse un sourire un peu étrange. Son regard est analysant. Elle semble faire des hypothèses dans sa tête du pourquoi je lui ai posé la question. Par délicatesse, elle ne me le demande pas. J'apprécie son geste.
— Bella était donc si invivable? Je murmure.
Son sourire disparaît. Pensive, elle laisse écouler quelques secondes avant de répondre.
— Elle était prétentieuse, méprisante et terriblement énigmatique. Je n'ai jamais pu me l'encadrer. Mais au delà de ça, elle avait la mystérieuse disposition de connaître très précisément des détails de nos vies. Elle avait une capacité impressionnante pour emmagasiner les informations.
Du dédain habille alors ses grands yeux bruns.
— La première fois que tu m'as vue, est-ce que tu as ressenti des sentiments négatifs à mon égard à cause d'elle? Ce serait plutôt logique et compréhensible. On a exactement le même visage. Implicitement, je vous rappelle à tous Bella, je déclare.
Laura réfléchit alors.
— Je ne pense pas. Je t'ai toujours considérée comme une personne complètement différente de Bella. Et tu l'es. Et puis, je ne la connaissais pas vraiment, en soi. Elle m'agaçait, mais je n'avais pas véritablement d'histoire avec elle. On n'a rien vécu ensemble, donc finalement je n'étais pas affectée par notre relation. J'étais plus indifférente qu'haineuse à son égard. Mais, ce n'était pas le cas pour tout de monde...renchérit-elle énigmatiquement.
— De quoi? Je demande le cœur battant.
— C'est n'est pas un hasard si c'était compliqué avec Isaac quand tu es arrivée.
— Que veux-tu dire par là?
— Il a profondément aimé Bella, autant qu'il l'a détestée quand ils ont grandi. Quand tu as éprouvé tant de sentiment pour une personne, qu'ils soient négatifs ou positifs, on ne peut pas prévoir comment tu vas réagir le jour où tu vas te retrouver face à une personne parfaitement identique physiquement. Mais, ne lui en veut pas. Je sais qu'avec le temps il arrivera à se détacher de ça, pour te considérer comme une toute autre personne.
Je me redresse alors en position assise et réfléchis, l'air pensif.
— Je ne lui en veux pas. J'ai parlé un peu avec lui. Je sais que Bella a fait beaucoup de mal autour d'elle.
Laura hoche doucement la tête.
— Un jour, peut-être que tu rencontreras Bella. Ce jour-là, tu comprendras pourquoi tant de monde la déteste. Il y a des gens qu'il faut fuir coûte que coûte.
Je ne réponds pas.
Je reste pensive, mon esprit focalisé sur ce que vient de me dire Laura. Bella occupe toujours mes pensées. Elle les obsède.
Mais, une chose m'empêche pour le moment de la haïr complètement, comme semble le vouloir tout le monde autour de moi.
Je ne connais pas l'histoire de Bella. Personne ne la connaît. Elle semble garder en elle une montagne de secrets.
Personne n'est méchant sans raison.
Qu'est-ce qu'il t'es arrivé, Bella?
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