Chapitre 38
|Vildred|
Trois ans auparavant.
~*~
Souvenirs...
— T'as pris les bidons d'essence...? Vildred...?
Le jeune homme lève enfin les yeux de son téléphone pour les poser sur son ami.
— Ils sont dans la voiture, avec tous le matériel, répond-il, en pointant du doigt le 4x4 qu'il a déniché.
— On devrait se dépêcher. L'heure tourne et la nuit tombe tôt en ce moment, s'inquiète son interlocuteur..
Les deux jeunes hommes se dirigent alors d'un bon pas vers la voiture. Vildred s'assoit à la place passager, alors que son téléphone se met à sonner.
Il hésite quelques secondes à répondre.
— On n'a pas le temps, souffle son interlocuteur.
— Deux secondes, Kenny.
Il se décide enfin à décrocher..
— Allô? Articule-t-il.
— Vildred? Est-ce que ça va? Je t'ai envoyé une montagne de message depuis ce matin et tu ne m'as pas répondu. Je m'inquiète pour toi, lance tout de suite une voix féminine qu'il reconnaîtrait parmi toutes.
C'est Bella.
Elle ne paraît pas rassurée. En même temps, c'est vrai qu'il l'avait un peu laissée de côté ces derniers temps. Mais, il le sait: c'est pour une bonne cause. Il se rattrapera quand tout cela sera terminé.
— Tout va bien, Bella. Ne t'inquiète pas. J' ai juste... un peu de......travail.....à faire, déclare-t-il sur un ton peu convaincant.
L'idée de devoir lui mentir l'anéantit.
Il ne peut pas lui révéler la mission pour laquelle il s'était engagé. Elle ne comprendrait pas, et il ne veut pas lui faire de la peine.
— Vildred? Répète-t-elle pour meubler le silence qui devient lourd.
— Mmmmh...?
— Ne fais rien que je ne ferais pas.
Le jeune homme déglutit.
Il est troublé.
Mais, il sait qu'il n'a pas le droit de l'être. Du moins, pas maintenant.
— C'est noté, articule-t-il d'une voix sans émotion.
Un petit blanc gênant s'installe alors entre les deux protagonistes.
— Je t'aime, finit par déclarer la jeune fille.
Le cœur du jeune homme se serre.
— Je t'aime aussi, Bella.
Il doit raccrocher, il le sait. Il culpabilise de devoir lui mentir, mais ce qu'il se prépare à faire ne doit prendre en compte aucune de ses émotions. Il coupe alors la conversation, rangeant son téléphone dans la poche de sa veste, poussant un soupire profond.
— C'est quoi cette tête? Ne me dis pas que tu regrettes déjà ce qu'on se prépare à faire? Je te rappelle que c'est toi qui m'a poussé à t'accompagner. Tu ne vas pas te dégonfler, hein, mec? S'inquiète Kenny, un peu nerveux au volant.
Le Chasseur secoue la tête, et reprend une posture plus confiante.
— Pas le moins du monde. Les humains nous ont promis bien trop d'argent pour que je change d'avis. En réalité je suis surexcité à l'idée de plonger mes mains dans un sac de billets de cinq millions de dollars! S'exclame le jeune Chasseur en imaginant déjà tout ce qu'il pourrait faire avec cet argent.
C'est bientôt les dix-neuf ans de Bella. Il pourra lui offrir une jolie bague avec une partie de son butin. Il sait qu'elle adore les bijoux.
— Ça, c'est mon pote! S'enthousiasme Kenny en tapant virilement le dos de son ami, tout en conduisant.
— 10 millions de dollars pour deux, ça ne se refuse pas.
— Tu as bien mis personne au courant? Ton père se débrouille toujours pour nous surveiller dans nos bêtises, s'inquiète son ami.
Son interlocuteur secoue la tête.
— Personne.
— Très bien, parce que si l'Enclave ou le Conseil des Chasseurs l'apprenaient...
— Personne ne l'apprendra. Ça fait parti du deal, affirme avec assurance Vildred.
Il le sait: les Chasseurs d'Ombre ne peuvent pas accomplir de missions si elles ne sont pas validée par le Conseil de leur Ordre. Mais, Vildred en a assez de devoir reverser une partie de ses gains à la communauté des Chasseurs d'Ombres. Pour une fois, il veut garder son argent pour lui tout seul. C'est pour ça que les deux jeunes n'ont parlé à personne de ce qu'ils s'apprêtent à faire.
C'est vrai que la mission qu'ils ont acceptée n'a pas été présentée et validée par le Conseil des Chasseurs, présidé par son père, ce qui confère certains risques, y compris le fait que le riche homme d'affaire humain qui a fait secrètement appel à ses services pourrait le mener en bateau. Il ne peut pas être sûr que ce dernier ne lui ait pas caché des choses, mais la somme astronomique qu'il lui propose lui fait perdre toute notion de risque.
La mission est simple: raser le manoir dans lequel vit une famille de sorcières qui, selon les dire du riche homme d'affaire, pratiqueraient des sacrifices sur des jeunes filles humaines, qu'elles enlèveraient pour accroître leur pouvoir. Aucune ne doit survivre.
Le plan est le suivant: s'infiltrer dans le manoir sur leurs heures de prière qui se déroule à l'étage le plus haut, et répandre de l'essence partout dans le bâtiment, pour les piéger à l'intérieur en y mettant le feu.
La mission est risquée, mais Vildred en a déjà fait des difficiles. C'est un Chasseur de prime hors pair, le meilleur de sa génération, et les clients le savent. Il est précautionneux et très téméraire: il ne recule quasiment jamais devant ses peurs.
— Je crois que je placerais mes cinq millions de dollar en bourse pour les faire fructifier. Comme ça, je n'éveillerais pas les soupçons dans un premier temps, se met à rêver Kenny, des étoiles plein les yeux. Et toi? Tu comptes en faire quoi? Poursuit-il.
Vildred se plonge dans ses pensées. En réalité il ne rêve que d'une chose, prendre son indépendance.
— Je m'achèterai l'appartement le plus beau de tout Central Business District. Tu sais un truc qui offre un panorama géant sur La Nouvelle Orléans.
— Et Bella? Tu en fais quoi?
— Je la prends avec moi, lui offre la plus belle des chambres et le plus grands des dressings, pour qu'elle puisse être à tout jamais heureuse et manquer de rien, se met à rêver le jeune Chasseur.
Kenny lève les yeux au ciel.
— Pffff... L'amour ça rend ringard, rétorque son ami d'un air moqueur.
Vildred secoue la tête.
— Pas d'accord. L'amour ça motive.
— C'est ennuyeux. Moi, je pourrais aussi me payer un bel appart, mais je me rendrais à toutes les soirées les plus huppées pour ramener chez moi les plus belles filles!
Vildred laisse échapper un rire frais.
— Concentre-toi déjà sur la mission, vieux fou.
La voiture s'arrête enfin à destination. Vildred s'apprête à descendre le premier quand il se tourne une dernière fois chez son ami.
— Merci de m'accompagner.
— T'es comme un frère, mec. Je ferai toujours tout pour t'aider, même si je dois l'avouer que les dix millions de dollars à la clé me motive tout plus particulièrement!
Vildred donne un coup un peu brusque mais amical sur le torse de son ami, en souriant.
— Petit con.
Kenny et lui avait passé leur enfance ensemble, à faire les quatre cents coups. Ils ont toujours tout fais tous les deux, ils sont inséparables, si bien que leurs familles respectives en ont parfois assez de leur trop grande complicité qui les amène à se retrouver souvent dans des situations risquées et improbables.
Mais cette fois-ci, ce qu'il s'apprête faire n'est pas une bêtise d'adolescents fougueux.
C'est bien plus.
Cette mission marquera un tournant fatal pour les deux amis, qui ne doute pas une seule seconde que tout va mal tourner.
Les deux garçons ont garé la voiture dans le bois, pour que leur arrivée passe inaperçue. Le manoir n'est pas très loin. Vildred ouvre le coffre et rempli son grand sac à dos de bidons à essence. Il attache consciencieusement ses armes à sa ceinture comme avant chaque mission, et sifflote joyeusement avant de poser les yeux sur son ami.
— Prêt?
— Il le faut, sourit Kenny en enfilant son sac à dos à lui.
— Le manoir est juste à la sortie de la forêt. Il faut qu'on se montre discret. Le soleil est en train de se coucher et c'est pile poil le moment où les sorcières font leur prière toutes ensembles. On monte à l'étage le plus haut avant celui où elles se trouvent, on déclenche l'incendie et on descend progressivement, pour foutre le feu partout. C'est compris?
— Yep. En route! S'exclame Kenny.
Les deux garçons se font une dernière accolade virile avant de se mettre définitivement en route.
Ils marchent silencieusement jusqu'à la grande et vieille maison. Vildred est concentré: il le sait: il n'a le droit à aucune erreur. Tout dois se dérouler exactement comme il a prévu.
Ils se rendent devant la porte de l'arrière-cuisine qui est plus dissimulée que celle d'entrée. Vildred sort le talisman qu'il a volé la veille à son ami sorcier Nathanaël: il lui permet d'ouvrir n'importe quel verrou.
La porte s'ouvre comme prévu et les deux jeunes Chasseurs pénètrent par effraction dans le grand manoir. Il y a douze sorcières et il le sait: aucune ne doit survivre.
Des chants envoûtants et féminins résonnent plus haut dans la maison. Elles sont bien en train de faire leurs prières et leurs offrandes du soir.
Vildred a toujours eu du mal avec les sorciers. Une rumeur a toujours tourné sur le fait que ces derniers pratiquaient des sacrifices humains, d'enfants où de jeunes filles. Cela procure en lui un profond dégoût pour cette espèce. Il les trouve sournois et il le sait: ils peuvent être les créatures Surnaturelles les plus difficiles à tuer parce qu'ils ont grâce à leurs sorts la possibilité de garder à distance leur ennemis. Mais, selon leur plan, les deux Chasseurs savent qu'ils n'auront pas à leur faire face. Elles doivent ne se rendre compte de rien, si bien que quand elles se retrouveront piégées par le feu, il sera trop tard pour qu'elles agissent. Elles ont beaucoup de pouvoir mais pas celui de défier le feu.
Les deux jeunes hommes se faufilent à l'étage juste en dessous de celui où se trouve les douze sorcières, qui continuent de chanter innocemment leurs incantations. Ils commencent à verser l'essence dans toutes les pièces quand ils entendent un bruit a l'étage du bas.
Les deux garçons s'échangent un regard, pas rassurés du tout.
— Meeerde...! Qu'est-ce que c'est? S'inquiète Kenny, en dirigeant ses yeux vers les escaliers.
— Ça doit venir du rez-de-chaussée. Va voir. Je continue de verser l'essence, je commence à allumer le feu et je te rejoins quand j'ai terminé, murmure Vildred.
— Ça marche.
Kenny ne se fait pas prier. Il sort un pistolet qu'il pointe devant lui, et descend les escaliers. Après avoir tapissé le troisième étage d'essence, Vildred fait craquer une allumette, démarrant instantanément l'incendie.
Il se précipite vers les escaliers et fait de même avec le deuxième puis le premier étage. Le feu se diffuse absolument partout. Il entend les sorcières du quatrième se mettre à hurler de terreur, se disant son plan a visiblement fonctionné. Elles sont coincées par les flammes et ne parviendront pas à sortir, sauf si elles sautent par la fenêtre. Sauf qu'on survit difficilement à une chute d'une douzaine de mètres, d'autant plus que le sol est extrêmement rocailleux autour de la maison.
Vildred décide de ne pas se réjouir si vite. Il cherche son ami du regard. Il semble être resté au rez-de-chaussée.
Une explosion retenti alors en bas, glaçant immédiatement son sang dans ses veines.
— Kenny! Hurle-t-il, à s'en briser la voix.
Un vent de stupeur s'empare de lui quand il s'aperçoit que le rez-de-chaussée, lui aussi, est en feu. Les meubles en bois crépitent alors que des mini explosions font se décrocher de lourds cadres qui s'éclatent bruyamment au sol. Ça ne devait pas se passer comme ça. Kenny devait attendre qu'il descende pour déclencher le feu en bas.
Vildred se met de nouveau à hurler à s'en déchirer les poumons quand il aperçoit son meilleur ami inerte, allongé au sol entre les flammes du sang coulant abondamment de son crâne.
Il aperçoit dans un coin de la pièce une jeune femme, les jambes coincées sous une étagère qui s'est effondrée sur elle. Elle semble mal en point, mais est encore consciente. Elle fixe Vildred d'un air mauvais.
— Qu'as-tu fais, mégère? S'écrie le jeune Chasseur en se jetant sur elle.
Seulement, les flammes qui grandissent l'empêchent de passer.
— Il n'a trouvé que le feu pour se défendre. Je me suis chargée du reste articule-t-elle, en lui adressant un regard noir.
Vildred sent alors un déchirement s'emparer de son cœur. Il comprend que cette sorcière vient de tuer Kenny, il s'apprête à faire de même avec elle. Sa folle tristesse se mélange alors à une immense rage. Il attrape des couteaux accrochés à sa ceinture pour les lancer sous la gorge de la jeune femme.
Mais, elle se met soudainement à prononcer des incantations étranges qui, il le sait, lui sont destinées.
Vildred sent alors une étrange sensation se propager dans ses entrailles. Sa tristesse et sa rage semblent disparaître peu à peu. Il se demande alors, s'il est en train de mourir.
— Que fais-tu? Hurle-t-il à la sorcière, fixant ses bras et ses mains, sentant un fluide étrange se répandre dans tous ses membres depuis son cœur.
— Je n'ai plus assez de force pour te tuer physiquement, alors je vais le faire mentalement. A partir d'aujourd'hui, tu ne ressentiras plus aucune émotions, tu ne pourras plus aimer personne, plus ressentir de joie, de bonheur. Tu vivras tel un humain mort de l'intérieur, privé de toute source de bonheur. Tu ne ressentiras plus rien, tu reviendras méchant avec les gens que tu as aimé, et ces derniers en souffriront éperdument. Tes émotions te seront rendues qu'aux portes de la mort, si bien que tu ne pourras partir en paix, t'en voulant à jamais d'avoir fait tant de mal à tes proches et de n'avoir pas pu partager leur amour.
C'est ainsi que tout s'est éteint dans le cœur du jeune homme.
Toute sa tristesse, toute sa rage se sont envolées. mais aussi tous l'amour qu'il pouvait porter à sa famille, ses amis, la femme qu'il chérissait jusque-là éperdument.
Il était devenu plus que l'ombre de lui même, dénué de toute bonne chose. Vildred était mort de l'intérieur.
Ses beaux yeux noirs sont devenus alors violets perdant toute onde d'humanité.
Le Chasseur est alors parvenu à sortir du manoir en feu, et au moment de passer la porte, son regard à croisé celui d'un vampire qui l'observait du haut d'une bute, un peu plus loin.
Straze.
Il avait tout vu.
C'est ensuite, que ce dernier a révélé au monde du Surnaturel ce que Vildred avait fait.
On a appris bien plus tard que les douze sorcières du manoir n'avaient jamais commis de sacrifice de jeunes filles humaines. Tout cela avait été inventé par l'humain qui avait fait appel aux services du Chasseur, dans le but de se venger d'une des sorcières qui avait refusé ses avances.
Les douze sorcières et Kenny étaient donc morts pour rien, promouvant Vildred au rang d'ennemi public numéro un.
Souvenirs...
~*~
Vildred repense souvent à tout ce qui s'est passé. Les conséquences ont été lourdes.
Toutes ses relations se sont arrêtées net, y compris avec la fille dont il était tombé amoureux, provocant chez des proches une grande impuissance mêlant douleur et profonde souffrance. Et, puis il a fondamentalement changé. Bella a d'ailleurs très mal vécu de perdre la seule personne qui l'aimait. Parfois, il se demande si c'est en partie à cause de ça qu'elle a fui.
Dans un premier temps, il a tenté de combler le vide qu'il ressentait eu plus profond de lui par l'alcool et les drogues. Sans succès.
Mais, ce qu'il y a de plus stupéfiant, c'est qu'il n'a jamais regretter sa malédiction. Bien au contraire. En supprimant ses émotions dans le but qu'il ne puisse plus jamais ressentir de joie et partager de l'amour atour de lui, la sorcière n'avait pas pensé qu'il perdrait aussi toutes ses émotions négatives.
Plus de colère, plus de tristesse, plus de peur, faisant du Chasseur une machine de guerre impitoyable et inarrêtable.
C'est alors que la lugubre liste de missions accomplies, même les plus sombres s'est alors accrue. Vildred s'est mis à avoir en tête deux seules choses: l'argent et le pouvoir. Il acceptait toutes les missions, mêmes les plus immorales, pour satisfaire ses nouvelles envies qui semblaient en illusion remplir un peu son cœur inlassablement vide.
Il devenait un danger public pour La Nouvelle Orléans, menaçant l'équilibre de la ville, et faisant accroître la délinquance. Pour arrêter le Chasseur sur sa lignée insensée, l'Enclave lui a alors proposé des sommes astronomiques d'argent pour qu'il travaille y en exclusivité et ainsi qu'on puisse contrôler ses missions. Contre toute attente, Vildred a accepté. Les salaires qu'on lui proposait était bien au dessus que ce que les particuliers pouvaient lui offrir.
C'est ainsi que le Chasseur a semblé se ranger dans le rang, continuant malgré tout de répandre autour de lui tristesse, impuissance et mal être.
Vildred paraissait pourtant l'oublier. Il était à son apogée mais tout menacer de s'écrouler le jour où la mort se dressera sur son chemin. Il serait alors confronté à une immense culpabilité au moment de rendre l'âme.
Mais pour le moment, il avait enfoui ce risque bien profondément en lui.
Mais, on ne reste jamais éternellement tout puissant.
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