Chapitre 26
— Violette Holbrook. Ta mère porteuse s'appelle Violette Holbrook.
Je ne réponds pas. Un bruit sourd résonne dans mes oreilles. Je mon équilibre se perdre et mes jambes vaciller. Tout se met à tourner autour de moi.
— ...Linda?
La voix d'Isaac semble lointaine.
Des étoiles se mettent à danser devant mes yeux et je comprends tardivement que je m'apprête à tomber. Isaac me rattrape de justesse.
Pendant un temps indéterminé, tout me semble flou. Quand je reprends mes esprits, Je suis assise sur une chaise et Isaac est accroupi devant moi et me tends un verre d'eau.
J'avale une gorgée.
— Est-ce que je me suis évanouie? Je demande alors faiblement.
— Pas loin. Tu es restée désorientée quelques secondes. Est-ce que ça va?
Je lis alors une onde d'inquiétude dans son regard.
Je pose mon verre sur la table, et entoure mon buste de mes bras, me mettant à grelotter.
— J'ai...J'ai l'impression que tout se mélange dans ma tête.
Isaac se lève et me ramène un sweat accroché dans l'entrée. Je le remercie et l'enfile, le regard perdu.
— Je n'ai pas accès a beaucoup d'informations du dossier. Mais, on a son nom. Je peux essayer de chercher son adresse. Je voulais le faire, mais finalement, vu ton état à l'annonce, je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'aller plus loin. C'est peut-être encore trop tôt pour toi.
Je tente alors de me lever.
— Non...Fais-le.
Mon ton est affirmé mais mon corps ne suit pas, mes jambes se remettant à vaciller. Isaac me saisit par le bras pour me tenir, avec un brin étonnant de pitié dans les yeux.
— Arrête. Ça fait déjà beaucoup d'informations pour d'un coup, lâche-t-il.
Je secoue mon bras pour m'extirper de son emprise.
— Ça va, je te dis. Je veux qu'on aille plus loin. On n'a pas beaucoup de temps avant de rentrer en Louisianne.
Isaac me lâche alors, mais semble hésiter. Il plonge son regard ambrés dans mes yeux, et me barre le passage.
— Linda, une quête identitaire ça peut-être extrêmement déroutant. Quand on n'est pas préparé à connaître la vérité, le corps peut très mal réagir. On ne sait pas ce qu'on peut découvrir. Est-ce que tu te sens véritablement prête pour ça?
— Je ne peux pas rester comme ça! Je ne sais pas si mon père est mon père, si ma mère est ma mère biologique. Je ne sais pas de qui est l'ovule, je ne sais pas pourquoi mon père a eu recours à cette pratique, pourquoi il me l'a caché...! Je ne sais rien...!
— Je l'entends, Linda, mais ce sont des choses qu'il faut appréhender quand on est accompagné et entouré.
— Merci de me rappeler que je n'ai personne! Alors je suis censé faire quoi? Attendre les bras croisés que tout ça se passe? Je m'exclame alors sur un ton brûlant d'indignation.
Je me rends compte que j'ai vraiment crié fort. Je suis en train de perdre le contrôle et de passer mes nerfs sur lui.
La sensation est très étrange. C'est comme si un feu ardent longtemps endormi était en train de me dévaster de l'intérieur sans que je puisse le contrôler.
Je me mets à trembler d'émotion et à sentir des larmes de tension me monter.
Je m'assois sur le canapé, en tournant pudiquement la tête, me plongeant dans un silence de mort.
Isaac fait quelques pas vers moi.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire. Tu n'as vraiment personne? S'étonne-t-il.
Sa voix est calme, presque douce. Pour une fois, j'y note un semblant d'empathie que je n'avais jamais perçu chez lui à mon égard, jusque-là.
Je me calme alors.
— Mon père a toujours tout fait pour éloigner les amis que je m'étais fait. Je n'ai pas non plus de famille, pas de cousins, pas de frère et sœur, mon père est fâché avec ses parents. Il n'y a que lui et moi...Je murmure plus doucement.
Un silence s'en suit alors.
C'est vrai que j'avais plus ou moins été seule dans ma vie. Je n'ai pas vraiment bien vécue mon adolescence, à me poser des questions identitaires, à ne pas me sentir à ma place, à voir mes amis un par un disparaître avant d'apprendre que mon père usait de son statut pour les éloigner de moi en leur faisant subir des moyens de pression.
Alors oui, je suis jalouse de ceux qui ont eu une adolescence heureuse, de ceux qui pouvaient sortir quand il le voulait avec leur groupe d'amis, ceux qui pouvaient partager des moments forts avec leurs parents.
Je n'ai pas eu cette chance.
Isaac s'assoit à côté de moi.
— Alors, on sera là, nous. L'Enclave sera là, Laura, Vildred et Nathanaël seront là.
— Je ne suis pas dupe. Je sais que vous faites tout ça parce que vous avez l'intuition que de me relier à Bella vous aidera à la retrouver.
Isaac ne me répond pas. Son silence me fait mal. Même si je savais au fond de moi les véritables intentions d'Isaac et de l'Enclave avec moi, ça me fait mal d'en avoir la confirmation.
Ces gens ne m'aide pas parce qu'ils m'apprécient. Ils m'aident parce qu'ils savent que je peux leur servir en retour.
Je n'ai plus qu'à l'accepter.
Je me lève alors, ayant attendu bien trop longtemps qu'Isaac démente ce que j'avançais, et me dirige vers son ordinateur qu'il avait laissé sur la table de la salle à manger.
— « Violette Holbrook... »
Il se lève à son tour et récupère son appareil.
— Je vais essayer de trouver son adresse.
Il pianote quelques instant afin de récupérer quelques informations. Je reste silencieuse, les bras croisés, l'aspect un peu froid, à observer tout ce qu'il fait.
— Apparemment, elle est vendeuse dans un supermarché et vit dans un quartier mal famé du Bronx, poursuit-il.
— Est-ce que tu es sûr que c'est bien ça?
— Plutôt, oui. Et, on a de la chance: le supermarché dans lequel elle travaille ferme le mercredi après-midi. Ce qui signifie qu'il y a des chances qu'elles soit chez elle aujourd'hui.
— Attends. Te faire venir ici c'est déjà une chose, mais sortir de la maison en est une autre. Si mon père se rend compte de quelques choses...
— Tu m'as dit que tu étais prête à découvrir la vérité sur ton identité. Une chance comme celle-là ne se reproduira pas de si tôt. Alors laisse de côté ces excuses.
Le ton sec employé d'Isaac me contrarie, c'est vrai, mais je sais au fond qu'il a raison. Je dois saisir toutes les opportunités et prendre les risques qu'il faut. Sans ça, je n'avancerai pas dans ma quête.
Le reste de l'après-midi s'est passé dans un silence absolu. Isaac a travaillé sur son ordinateur dans le salon pendant que je me suis occupée de nous faire à manger.
Le loup-garou n'a pas quitté son écran de ses yeux, une seule seconde, alors que les miens ne sont à plusieurs reprises posés sur lui.
Isaac est un personnage énigmatique, c'est vrai. J'ai du mal à le cerner. Il semble la plupart du temps si fermé et cynique, que j'ai du mal à entretenir la conversation avec lui. Pourtant, j'avais réussi à briser la glace avec Vildred, qui lui est encore plus mystérieux que ce dernier. On avait pu tous les deux apprendre à se connaître dans les conditions les plus cordiales, malgré le fait qu'il soit dénué de toute forme d'émotion, mais avec Isaac c'était au point mort. Pourtant je le sentais, son histoire avait été lourde et impactante, et j'aurais bien aimé découvrir pourquoi. J'avais découvert malgré tout qu'il était distant avec sa famille, qu'il semblait en vouloir beaucoup à Bella, mais il y avait quelque chose chez qui m'échappait.
C'est vrai que l'atmosphère est un peu pesante. La présence d'Isaac m'embarrasse, et je me surprends à contrôler tous mes faits et gestes. J'ai l'impression parfois qu'il guette ce que je fais, mais d'un autre côté, j'ai aussi l'impression qu'il ne fait au contraire pas du tout attention à moi, que je suis inexistante. C'est pour cela que je ne sais absolument pas comment me comporter en sa présence et que je suis embarrassée quand il est là.
D'un côté, je sais qu'objectivement, il est assez impressionnant. Les loups-garous ont cette aura là, je l'avais perçu quand je m'étais rendue auprès de la meute de Bella. Ils ont tous une carrure imposante, un regard perçant parfois presque animal quand ils peinent à contrôler leur émotion. Les yeux d'Isaac sont particuliers: leur lueur ambrée leur apporte quelque chose de presque hypnotisant, et à l'inverse si déroutant que je n'ose pas toujours le regarder dans les yeux. Les loups-garous ont pour grande qualité d'être protecteur avec les leurs, mais aussi de gagner une agressivité démesurée quand ils se sentent attaqués. Isaac a une humeur changeante que je n'arrive pas toujours à anticiper. Bien qu'une partie de moi prend plaisir à tester ses limites, je sais que c'est aussi parce qu'il m'intrigue.
Je me surprends à laisser mes yeux poser sur Isaac un peu trop longtemps. Si bien qu'au moment où lui lève les siens, un regard s'échange entre nous deux.
— Un problème, Prior? Questionne-t-il en haussant un sourcil d'une façon que je jugerais presque provocante.
— Aucun. Pourquoi? J'ai fait quelque chose de mal, Monsieur le directeur?
Isaac laisse échapper contre toute attente un petit rire.
— Je ne suis pas directeur.
— Tu es numéro deux, ce n'est pas si loin que ça.
— En réalité, c'est un abus de langage, je ne suis pas numéro deux. Je suis juste derrière toute l'équipe de direction qui forme une seule entité, à nos yeux. En ce moment c'est moi qui dirige l'Enclave, mais à leur retour ce ne sera plus le cas.
— Oh...moi qui pensais que cet autoritarisme était expliquée par ton statut de l'Enclave. Finalement, tu as juste un très mauvais caractère, je réplique avec désinvolture, en plongeant une poignée de pâtes dans une casserole d'eau brûlante.
Le Surnaturel lève un sourcil et me toise d'un regard tout autant perçant.
— Je crois que tu as oublié que tu t'adressais à un loup garou.
— Et alors? Qu'est-ce que ça fait que tu es loup-garou? Tu vas piquer ta petite crise et te transformer en vilain chien-chien, parce que je ne fais que de révéler des faits? Je n'ai pas peur des loups-garous.
En réalité, je sais que c'est moi qui le provoque, à ce moment là. Mais, j'ai envie de tester ses limites, de lui faire payer l'arrogance avec laquelle il s'adresse à moi depuis le début.
Isaac se lève alors.
— Ah oui? Vraiment? S'étonne-t-il.
Le loup-garou se dirige alors vers moi.
Je fais un pas en arrière.
— Qu'est-ce que...qu'est-ce que tu fais?
Sans répondre, il m'attrape rapidement par le bras me fais pivoter d'un demi tour malgré moi, et par une prise parfaitement exécutée m'immobilise. Je me retrouve dos et collée à lui, piégée par son emprise, incapable de bouger, ma tête reposant sur ses pectoraux.
— Si j'avais un couteau dans la main, je pourrais t'égorgée comme un petit agneau. Donc, si j'étais toi je me méfierai des loups-garous.
Isaac essaie de me faire peur et de m'humilier légèrement, je le sais. Sauf que je n'ai pas dit mon dernier mots.
Je lui flanque un coup de coude au creux de son estomac pour lui couper la respiration, et ainsi tente de m'extirper de son emprise.
Sauf qu'il a plus de force que moi et me ramène brusquement contre lui.
— La technique est bonne, Prior, mais quel dommage que tu aies de la compote à la place de ce qui te sert de muscles.
Il me lâche alors, esquissant un sourire amusé et victorieux. à la limite de l'orgueil.
Pauvre mec.
Je le fulmine du regard, essayant de calmer ma respiration pour lui cacher mon essoufflement.
C'est là que je me suis demandé lequel de nous deux prenait le plus de plaisir à provoquer l'autre. En tout cas, une chose était sure: il semblait y arriver mieux que moi.
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