Chapitre 24
Après tous ces événements, j'avais besoin de prendre un peu de recul.
J'avais été confronté à bien trop d'informations et de nouveautés, si bien que je ne parvenais plus réfléchir correctement.
Je décide alors d'envoyer un message à Isaac pour le prévenir de mon départ.
« Salut Isaac,
Je t'envoie ce message uniquement pour te prévenir que je rentre à New-York ce matin. Tu avais raison: La Nouvelle Orléans ne pourra pas m'apporter d'explication sur moi si je ne me penche pas d'abord sur ma propre famille. Je dois essayer de creuser concernant mes parents et je ne peux plus rester ici sans rien faire..
Je ne sais pas quand est-ce que je rentrerai, cela dépendra de ce que je trouverai, là-bas.
Merci à vous tous de m'avoir intégrée parmi vous, même si je sais que les doutes à mon égard et portant sur mes intentions ne sont pas totalement effacés.
Je vous souhaite sincèrement d'avancer sur vos recherches.
Respectueusement,
L.Prior. »
~*~
Mon cœur se soulève quand le message s'envoie. En réalité, je crains qu'il prenne mon départ précipité comme malvenu, étant donné qu'ils aurait peut-être besoin de moi à La Nouvelle Orléans.
Mais, tout s'était fait dans la précipitation. C'était le seul moment où je pouvais rentrer chez moi, étant donné que c'était notre semaine de suspension à la fac. J'avais prétendu à mon père rentrer de mon université, pour passer les vacances à New-York, et avais choisi mon billet de manière à arriver un peu avant le vol en provenance de Philadelphie. Mon père pense toujours que j'étudie là-bas, suite à un échange entre cette université et celle de New-York, et ignore donc mon escapade à La Nouvelle Orléans. Je sais qu'il m'aurait étripée s'il l'avait appris, étant donné qu'il ne tolère pas quand je suis en dehors de la maison ou de la fac. Alors, lui dire que j'ai finalement pris une année sabbatique révélait du suicide.
Mais, ce n'est pas la seule crainte que j'ai.
En réalité, je redoute qu'Isaac prenne mal ma décision soudaine de quitter temporairement la ville. Nos relations se sont légèrement apaisées ces derniers jours et je redoute qu'on revienne à notre point de départ. De toute façon, je le sais très bien: Isaac ne sera jamais mon grand ami. Mais, en dépit de ça, il a assez de pouvoir pour m'aider à trouver Bella. L'avoir dans ma poche n'est qu'un plus pour moi. Et, je sais aussi qu'il est conscient que je peux lui servir à découvrir tout ce qui semble encore très flou sur la situation.
Le trajet d'avion se fait dans une atmosphère de préoccupation presque handicapante. En réalité, j'appréhende la retrouvaille avec mon père. Si ces jours passés à La Nouvelle Orléans n'avaient pas été calmes, j'avais déjà commencé à m'attacher à cette nouvelle réalité qu'était les Surnaturels. Il est vrai que je commence tout juste à m'intégrer, et ça a été difficile. Mettre en standby ce que j'ai jusque-là entrepris n'est peut-être pas la meilleure chose à faire pour faciliter la suite de mon intégration parmi les Surnaturels. Mais, je sais que je dois retourner chez moi, aux origines des choses. Je ne peux pas commencer une vie quelque part si je n'ai pas tiré un trait sur celle que j'ai débuté à New-York. Trop de questions demeurent encore sans réponse.
Je ne me sens pas prête pour affronter mon père. Peut-être qu'un jour je serai assez armée pour me détacher de son emprise, mais ce n'est pas la raison de mon retour à New-York. Cependant, je dois préparer le terrain. Je dois commencer à remettre en doute tout ce qu'il aurait pu me dire, à chercher les réponses de mon existence sans pour autant qu'il connaisse mes intentions. Je dois donc pour le moment rester Linda Prior, la fille unique et effacée du renommé lieutenant de police Zachary Prior.
Il s'est d'ailleurs imposé pour venir me chercher à l'aéroport. J'ai quatre heures de battement entre l'arrivée de mon vol et celui de Philadelphie: quatre heures bercées d'appréhension qui me resteront pour échafauder un plan.
L'avion atterrit à New-York à l'heure. Les passagers se poussent les uns les autres jusqu'à la sortie pendant que de mon côté je les laisse tous évacuer, restant à ma place. En vérité, une partie de moi ne veux pas revenir chez moi, depuis que j'ai goûté à l'indépendance. Mais, je sais que c'est pour mon bien. Je laisse échapper un soupire avant de récupérer mes affaires et sors enfin de l'avion. Je sors de la zone internationale et m'assois sur un banc dans un coin, attendant en divaguant l'arrivée de mon père, la musique dans les oreilles.
Les quatre heures passent étonnement assez rapidement. Je reçois alors un message de mon père m'indiquant qu'il m'attend à l'entrée de l'aéroport. Je me hâte donc de le retrouver.
Il est là, fidèle à lui même, habillé d'un costume bleu marine, m'accordant un regard partagé entre un côté autoritaire et satisfait de me savoir enfin près de lui.Je me force à lui faire la bise, même si je n'en ai pas trop envie.
Je n'ai jamais été proche de mon père, et il ne m'a jamais adressé de geste d'affection. Donc, forcément, lui faire la bise n'est pas quelque chose que j'apprécie véritablement. Mais, je dois faire profil bas pour le moment, et lui faire croire que je suis toujours la même.
— Tu as fait bon voyage? Me demande-t-il, en prenant ma valise.
— Ça va. Les températures ont l'air un peu plus fraîches ici qu'à Philadelphie, je réplique alors, essayant d'adopter le ton le plus neutre possible.
— C'est l'automne, répond-il simplement en haussant des épaules.
On arrive alors à sa voiture garée dans le parking sous-terrain de l'aéroport. Je redoute alors les trente minutes de routes jusqu'à chez moi. Je n'ai pas vraiment envie de lui parler, car je sais qu'il va me poser plein de questions sur l'université et que je risque de faire une gourde. Par chance, un collègue de travail l'appelle au moment où il démarre la voiture, me laissant souffler le reste du trajet.
J'en profite alors pour jeter un coup d'œil à mes messages, appréhendant la réponse d'Isaac à celui que je lui ai envoyé quelques heures plus tôt. Un pincement de déception m'angoisse encore plus quand je vois que le message n'a pas été encore ouvert. Je sais pourtant qu'Isaac est quelqu'un de très organisé. Il est du genre à lire chaque message dès qu'il le reçoit...Je me mets alors à redouter encore plus de sa réaction potentielle. J'inspire alors discrètement pour évacuer la tension qui se loge dans le creux de mon estomac et fixe la route, sans un mot, pendant que mon père poursuit avec intérêt sa conversation téléphonique.
Une fois arrivée à la maison, je me rue directement dans ma chambre pour ranger mes affaires, prétextant à mon père que je suis fatiguée. Il ne répond pas grand chose, contre toute attente, et s'enferme dans son bureau.
Une heure plus tard, il m'appelle à table pour le dîner. Je sais que le moment fatidique arrive: je vais crouler sous les questions à propos de la fac.
Mon père me sert une part de quiche, et attend que je m'assois pour s'asseoir à son tour. Il fait toujours ça. C'est une manière d'établir d'une manière douce son contrôle. Je me jette sur la nourriture comme si je n'avais pas manger depuis trois mois.
En vérité, j'avais tellement stressé toute la journée que je n'avais pas avalé un morceau.
— Comment se passent les cours? Me demande alors mon père.
— Bien. Les professeurs de l'Université de Philadelphie sont compétants, peut-être même plus que ceux de New-York, je commence alors à mentir.
Mon père ne détache pas ses yeux des miens. Il analyse comme à son habitude tous mes faits et gestes.
Je n'aime pas mentir. Je sais que je peux me montrer persuasive, mais j'ai parfois tendance a m'emmêler dans mes explications et à me trahir. Je dois être constamment vigilante sur ce que je dis. Mais, mon père est policier: il sait facilement déceler les mensonges des gens.
— Vos cours portent sur quoi ce semestre?
— La littérature du vingtième siècle et l'impact technologique de l'entre-deux-guerres notamment. C'est passionnant, j'invente alors.
Mon père hoche doucement la tête en plissant les yeux.
— C'est pour cela que tu n'as pas eu le temps de m'appeler depuis la rentrée? Réplique-t-il l'air suspicieux.
Mon rythme commence alors à s'accélérer. Je fais mine de ne pas réagir, comme si je n'avais rien à cacher.
— Les cours me prennent pas mal de temps, tu sais. Je veux vraiment être dans les majors de promo, c'est important pour moi.
— Et je ne peux que t'encourager à l'être. Mais, répondre aux coups de fil de ton père le week-end ne devrait pas prendre tout ton temps. J'espère que tu ne passes tout ce temps-là dans les soirées.
— Non, bien-sûr que non. Tu sais que ce ne sont pas des environnements auxquels je suis habituée.
— Tu t'es fait des amis? Renchérit-il, sur un air innocent qu'il ne l'est en réalité pas, continuant de m'analyser de son regard déstabilisant de détective. Apparement, il ne quitte jamais définitivement son poste, même à la maison.
— Un peu, j'acquiesce alors légèrement, en trifouillant dans mon assiette, mon regard focalisé sur ma nourriture qui fait office d'échappatoire.
— Des garçons?
Je déglutis.
— Plutôt des filles, j'articule alors, essayant de ralentir mes battements cardiaques qui semblent résonner dans toute la maison.
— Tu sais très bien qu'une relation avec un garçon pourrait entraver ta réussite universitaire? J'espère que tu n'as pas oublié les valeurs éducatives que je t'ai transmises, lance-t-il sur un ton très légèrement condescendant.
— Bien-sûr que non...
Mon père m'a toujours plus ou moins interdit de fréquenter des garçons. J'avais eux quelques amourettes à l'école, qu'ils s'étaient débrouillé pour les briser. Pour lui, que je puisse être en couple révélait une chose sur laquelle il ne pouvait pas avoir totalement le contrôle. Il craint que par le biais des relations amoureuses, je m'éloigne de lui. Je lui avait toujours voulu d'avoir fait fuir tous mes petits copains. J'avais même fini par renoncer à l'amour, ces dernières années. Plus, je tentais de m'éloigner de lui en rencontrant des gens, plus il s'assurait de détruire ma vie et ce que j'affectionne.
Je sais que cette possessivité n'est pas le reflet d'un amour paternel protecteur. Elle ne révèle qu'une volonté en lui de me contrôler à mes dépens, pour pouvoir faire ce qu'il veut de moi. Il a toujours tout décidé pour moi: mes fréquentations, mes études, mes activités.
J'avais tenté de me rebeller à l'adolescence. Mais j'avais rapidement remarqué qu'étant haut placé dans la police, il aurait toujours une avance sur moi. D'ailleurs ça révélait d'un miracle qu'il n'ait pas encore découvert que je n'avais pas suivi les cours à Philadelphie...
La conversation a alors continué sur une montagne de questions à propos de mes cours, ainsi qu'une multitude d'ordres déguisés, de mises en garde et d'allusion de contrôle.
J'ai alors pris sur moi pour dire exactement tout ce qu'il voulait entendre pour qu'il ne se pose pas trop de questions.
*
Le dîner enfin terminé, je me rue dans ma chambre, et me mets sous la couette. Toutes ces questions m'ont en réalité glacées le sang. Je laisse échapper un soupire de soulagement quand je me retourne enfin seule.
J'éteins ma lumière, ferme mes volets et branche mes écouteurs à mon iPad pour regarder une série. J'essaie alors de décompresser, m'offrant une moment de détente plus que nécessaire après tout ça, qui s'avère être un vrai luxe.
Je sursaute quinze minutes plus tard quand la lumière de l'écran de mon téléphone posé sur mon bureau éclaire l'autre bout de la pièce plongée dans l'obscurité.
Je viens de recevoir une notification.
Je me lève alors le cœur battant et saisis mon téléphone, reconnaissant le numéro qui s'affiche à l'écran, sur la notification.
C'est celui d'Isaac.
Une montée d'angoisse me fait alors trembler. Je déverrouille immédiatement mon téléphone pour pouvoir lire le message qu'il vient de m'envoyer.
« J'ai été surpris tout d'abord par l'inattendu de ton message, et puis j'ai réalisé que c'était la suite logique à ce que tu savais vécu ces derniers jours.
Ma dette envers toi tient toujours. Pour cause de réunions, je ne peux pas te rejoindre maintenant à New-York, mais j'ai programmé un vol pour dans deux jours.
En attendant, reste prudente, ne parle à personne de tout ce que tu sais désormais, et surtout ne fait rien que je ne ferai pas. »
Par sécurité, je te demanderai d'effacer tous les messages une fois lu.
Bonne soirée,
Isaac. »
Une montée de soulagement me fait alors frémir. La réponse d'Isaac n'est pas froide ni désagréable. Il semble compréhensif et surtout tenir sa promesse qu'il m'avait faite sur le fait qu'il m'aiderait à retrouver ma mère.
Je n'avais alors plus qu'à attendre sa venue, dans l'angoisse toujours planante que mon père découvre la vérité.
Ces deux jours vont très longs.
Très longs.
Mais le sentiment de soulagement que je ressens à ce moment-là illumine alors cette soirée maussade.
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