Chapitre 20
Le réveil à l'aube n'a pas été facile.
Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit, ce qui fait que la journée sera très certainement fatigante.
On se prépare rapidement avec Nathanaël, avant de rejoindre Isaac à l'entrée du Motel.
Il paraît plus en forme que moi, comme s'il était habitué à peu dormir la nuit. Il nous salut brièvement avant de se diriger vers sa moto.
Je récupère le casque que j'avais emprunté la veille et l'enfile.
— Il reste beaucoup de route? Je demande alors.
— Une grosse demi-heure je dirai, me réponds le loup-garou, en allumant déjà le moteur de son véhicule, prêt à démarrer.
Nathanaël enfourche son vélo, fixant son supérieur, attendant l'ordre de démarrer.
Je monte derrière Isaac, et nous voilà partis pour les Bayous.
Plus on s'éloigne de La Nouvelle Orléans, plus on semble s'engouffrer dans la verdure luxuriante. On finit progressivement par quitter les routes en béton pour emprunter des chemins de sables rocailleux. Je comprends alors pourquoi Isaac avait insisté pour que je baisse ma visière. Un nuage épais de sable nous entoure alors, à mesure qu'on s'engouffre dans la forêt qui se dresse devant nous.
Ce n'est pas la partie la plus agréable de la virée. Les routes sont assez dangereuses et difficile d'accès. Mais, grâce à la moto du loup-garou, on parvient à se faufiler entre les obstacles, les rochers et les arbres coupés. Nathanaël nous suit derrière, concentrée sur la route et son vélo qui semble tenir bon, ses petites lunettes d'aviateur plaquées sur ses yeux clairs. La suite du chemin se fait dans un bruit assourdissant, et l'angoisse de ne pas se retrouver coincés. Mais, Isaac semble avoir l'habitude de ce relief. Je reste néanmoins cramponnée à lui, redoutant à tout moment de me rétorquer éjectée du véhicule lors des virages.
Je finis par apercevoir au loin, entre les arbres qui défient notre vue, un attroupement d'hommes. Plus on s'approche d'eux, plus ils me font froid dans le dos. Ils sont tous armés de poignards et de lames aiguisés, et semble avoir pour objectif de nous barrer la route. Je commence légèrement à sentir une certaine angoisse monter.
Isaac arrête son véhicule à une dizaine de mètres du troupeau, et me fait signe de faire de même. Il retire son casque et enlève le mien avant même que je n'ai eu le temps de le faire. Il semble bizarrement détendu, contrairement à moi. Et là, les questions fusent dans mon esprit.
— Qui sont ces types? Je lui souffle alors, après qu'il m'ait retiré mon casque.
— Des loups-garous. Il patrouillent aux frontières de leurs territoires. On est arrivé.
Je continue de fixer du coin de l'œil le groupe de Surnaturels.
— Ils n'ont pas l'air commode, je lâche, d'un air plus détaché.
Isaac se tourne subitement vers moi, et plante son regard électrique dans mes yeux, en guise d'avertissement.
— Et, il ne le sont pas. Je te conseillerais de faire profil bas, tout le temps où tu seras chez eux. On m'a fait comprendre qu'ils ne te voyaient pas d'un bon œil. On ne provoque pas un loup-garou, et encore moins quand on se trouve sur son territoire. Donc, prévoit si possible de garder ta petite bouche bien fermée. C'est compris?
Son ton strict et tranchant me titille un peu, mais je me contente de hocher la tête. Ce n'est pas le moment pour remettre en question ses ordres. Il semble trop sérieux pour cela.
Isaac se dirige alors vers le groupe de loups-garous, suivi d'un peu plus loin timidement par Nathanaël qui vient de descendre de son vélo, et de moi. Il fait alors une accolade à l'un des hommes au centre qui semblent commander la patrouille.
Il est assez jeune, mais pas moins qu'Isaac. Peut-être vingt-cinq ans et quelques...Il est blond doré aux yeux noisettes, et ses cheveux touffus un peu en bataille semblent avoir la fâcheuse tendance à tomber de façon rebelle devant des yeux. Deux tatouages minutieux marquent étrangement ses tempes de chaque côté. Il est grand, imposant, comme tous les loups-garous qui l'accompagnent. A croire qu'ils ont tous le même gabarit, comparable à celui d'un réfrigérateur. Il ne sourit pas, comme chacun de ses hommes, son regard est défiant et ses pupilles délaitée. Je sens directement qu'il pose son regard suspicieux et agressif sur moi, ce qui me plonge dans un énième profond malaise.
Qu'est-ce qu'ils ont tous à mal me regarder, bon sang? Ils n'ont jamais vu de sosie de leur vie?
— Comment tu vas Parker? Lance amicalement Isaac qui semble très bien le connaître.
— Je peux avoir des explications? Réplique-t-il sèchement en me désignant désagréablement du menton.
Bonjour, Parker. Contente moi de même de faire ta connaissance.
— Ce n'est pas Bella, lui informe Isaac, devinant le fond de ses pensées.
— Je sais que ce n'est pas elle. Elle n'a rien physiquement d'un loup-garou, renchérit-il d'un air dédaigneux à mon égard.
— Je l'ai amenée ici parce que Nathanaël aura besoin d'elle pour ce qu'il va faire. Je t'expliquerai, tranche son interlocuteur.
Parker hoche alors la tête et semble se radoucir.
— Vous avez fait bonne route? Lui demande-t-il en reposant ses yeux sur lui, l'air plus agréable.
Son interlocuteur esquisse une petite moue avant de répondre.
— On a eu un léger soucis vampiresque mais on a réglé ça.
Parker plisse les yeux et les froncent en suivant, dévisageant son interlocuteur d'un regard suspicieux.
— Des vampires? Souffle-t-il.
— Je vous parlerai de ça quand on sera avec Michael. J'ai tant de chose à vous dire. Il est dans les parages? Demande Isaac.
— Il doit être au Village. Je vous y emmène, lui répond Parker.
Puis il se tourne vers ses hommes en me pointant du doigt.
— ...Les autres, gardez un œil sur elle. Je ne veux pas qu'elle se retrouve seule, leur ordonne-t-il.
Pour qui me prend-il? Il crois que je vais faire quoi? Mettre le feu à leur territoire?
— Linda travaille avec nous. Elle n'est d'aucun danger, vous pouvez me faire confiance, tente alors de me défendre Isaac, ce qui, je dois l'admettre, me fait plaisir.
— En toi j'ai confiance, Isaac, mais pas en elle.
Le loup-garou se tourne alors vers le chemin, qu'il mène en tête, et nous fait signe de le suivre.
On avance, Isaac, Nathanaël et moi un peu derrière lui, escortés par les autres loups-garous qui ferment la marche.
Je me tourne alors vers Isaac.
— Je ne suis pas sure d'être la bienvenue, je grimace.
— Les loups-garous sont très attachés à leur famille héritière, donc à Bella. Beaucoup ont des doutes sur toi et chercheront à te tester pour te déstabiliser, réplique-t-il discrètement.
Je hausse les sourcils.
— Très rassurant.
— N'oublie pas qu'ils ont exactement le même but que nous, à savoir retrouver Arabella. Si tu ne défient aucun ordre, ils ne te feront aucun mal, poursuit Isaac.
— Et ce type, Parker: qu'est-ce que je dois savoir sur lui? Je demande alors, en zieutant le loup-garou blond du regard.
— C'est le cousin germain de Bella. Ils ont grandi ensemble, se sont entraînés ensemble. Il est comme un grand frère pour elle. Il est aussi l'un des membres les plus important du clan: il supervise la sécurité du clan. Michael Johnson, le père de Bella, lui a délégué un bon nombre de tâches.
— Je vois. Donc on ne rigole pas avec lui.
— De manière générale, on ne rigole pas avec un loup-garou. Ce n'est pas l'espèce qui a le plus d'humour.
— Et ça vaut pour toi?
Isaac ne répond pas. Il détourne son regard quand Parker l'interpelle.
— Des rumeurs courent que l'Enclave veut réduire notre territoire. C'est vrai? Demande-t-il, en lui adressant un regard défiant.
Isaac semble alors s'étonner, et secoue d'une manière franche la tête.
— Non pas du tout...Qui t'a dit ça?
— Les murs ont des oreilles, répond Parker évasivement. J'espère seulement qu'en tant que loups-garous, tu fera en sorte de défendre nos intérêts.
— Ça va de soi...
— ...Parce qu'on sait qu'on n'est pas beaucoup apprécié, là bas.
— Je t'assure, Parker, qu'en tant que membre de la direction, je ferais tout pour que vous puissiez disposer de vos droits par rapport à l'Enclave, s'ils étaient menacés.
— Il y a plutôt intérêt. Parce que nous aussi on n'aime pas beaucoup l'Enclave, si tu vois ce que je veux dire, rétorque froidement le loup-garou blond, une lueur d'agressivité dans les yeux
Isaac n'a pas le temps de répondre qu'on arrive sur la place d'un petit village, déboulant des bois. Elle semble un peu animée: des enfants jouent gaiement autour d'une fontaine, alors que des commerçants découpent de la viande à l'ombre, près d'un feu de bois.
La place me paraît tout de suite chaleureuse, alors que les loups-garous semblent vivre pourtant dans une certaine précarité. Les maisons sont en bois ou en pierre pour la plupart et paraissent rudimentaires. Je ne suis pas certaine qu'ils aient tous l'électricité ou l'eau courante. Leurs conditions de vie semblent tellement différent de celles autres Surnaturels de La Nouvelle Orléans, que je me rappelle subitement qu'ils avaient été contraints sur ordre de l'Enclave, il y a des années, de déserter la ville, à cause du danger de leurs transformations incontrôlées. Je me rends rapidement compte qu'ils ont été mis à l'écart, et c'est là que je comprends pourquoi Parker semble parler avec tant de dédain de l'Enclave. Son mépris envers l'instance est justifiée. Mais envers moi...?
Les loups-garous de la place arrêtent subitement leur activités quand ils nous voient arriver. Ou plutôt quand ils me voient, moi, arriver, et des murmures s'élèvent autour de nous.
Ils me dévisagent tous avec insistance, en plissant les yeux, un air méprisant et suspicieux habitant leur regard ambrés, ce qui me met très mal à l'aise. Isaac, sentant mon embarras, reste bien à côté, son épaule collée contre moi, afin de faire comprendre aux loups-garous que je suis avec lui.
Isaac a beaucoup de défaut, c'est vrai, mais on ne peut pas lui enlever sa prévenance et son instinct de protection. Je sais que quand je suis avec lui, je ne risque rien.
J'évite alors de fixer dans les yeux tous les loups-garous, restant mal à l'aise. En même temps, je comprends que ce soit bizarre pour eux de voir une personne identique à leur héritière ne pas être celle qu'ils connaissent. Je ne peux pas leur en vouloir d'avoir des a priori sur moi. J'espère juste qu'ils vont rapidement adoucir leur jugement à mon égard.
— Linda? Qu'est ce que tu fais ici? Lance une voix jeune et masculine, derrière nous, qui m'est pas totalement inconnue.
On se retourne alors tous.
Jayden est là, devant moi, un sourire enthousiaste aux lèvres. Je ne l'avais pas revu depuis la fête en l'honneur de la victoire de Vildred lors de son duel. Il m'était paru avenant et assez sympathique durant cette soirée, et m'avez même confiée quelques pistes concernant la disparition de Bella.
En réalité, je me détends davantage quand je le vois. Je suis contente qu'il y ait au moins un des loups-garous semble heureux de me voir et qui soit agréable avec moi
Il est toujours vêtu sombrement d'un look grunge qui lui va plutôt bien. Ses cheveux noirs lisses sont recouverts par un bonnet simple et gris, et certains en dépassant, lui tombent devant ses yeux ambrés. Il porte une chemise à carreaux rouges, noirs et blanc un peu trop grande, ainsi qu'un pantalon troué sombre large.
Isaac plisse alors les yeux et m'accorde un regard suspicieux.
— Vous vous connaissez? S'étonne-t-il.
Je sens directement que les questions fusent dans son esprit. Et elles ne sont pas de bonne augure...
— On s'est rencontré à la soirée du duel, je réponds alors assez évasivement, évitant son regard.
— ...Et, on a pas mal sympathisé, n'est-ce pas? Réplique Jayden, en insistant, toujours son sourire enthousiaste aux lèvres.
Je lui rends alors poliment son sourire en acquiesçant.
Bizarrement, je sens qu'Isaac se raidit à côté de moi. Il me cherche du regard, essayant réprimer quelque chose silencieusement, les sourcils froncés, comme si j'avais fait une bêtise ou quelque chose qui lui avait déplu.
Je n'ai pourtant rien fait de mal.
— Jayden, t'as pas du travail à faire? L'interpelle Parker, lui accordant un regard que je jauge méprisant et supérieur à son égard.
Je comprends rapidement que le garçon n'est pas apprécié par le loup-garou blond, ni d'ailleurs par les autres qui le toisent d'un regard condescendant.
Jayden finit par acquiescer, comprenant qu'il n'est pas vraiment le bienvenue parmi nous.
— J'y vais. De toute façon, Linda, tu as mon numéro. Appelle-moi un de ces quatre pour qu'on se prévoit un truc! S'exclame-t-il avant de s'éclipser comme il était venu.
Je sens alors une main agripper brusquement mon poignet.
Isaac me tourne alors vers lui, les sourcils froncés, visiblement mécontents, plantant son regard électrique dans mes yeux.
— A quoi tu joues? Me demande-t-il tout bas, en fulminant presque.
Je hausse les sourcils et rejette son emprise en secouant mon bras avec désinvolture.
— Comment ça, à quoi je joue? Je rétorque sèchement à haute voix.
Isaac me fait signe de baisser le ton.
— Jayden est un petit con, paumé, menteur, qui cherche par tous les moyens à attirer l'attention sur lui. Tu crois que c'est véritablement le moment de dragouiller?
— Je ne « dragouille » pas Jayden. Il est gentil avec moi, c'est tout. Il m'a posé des questions sur Arabella, parce qu'il semble inquiet. Il veut nous aider, c'est uniquement ça, je réplique d'un ton sec.
— Tu es complètement à côté de la plaque, Prior! S'indigne-t-il, au bort de s'étrangler.
Je hausse un sourcil, peu convaincue.
— Quoi?
— Jayden s'intéresse aux recherches uniquement parce qu'ils sait que si on ne retrouve pas Bella, il est numéro un sur la liste des héritiers! S'exclame-t-il sur un ton virulent.
Mon cœur se soulève. J'entrouvre alors la bouche, choquée par ce que vient de me révéler le loup-garou.
— Hein...?
— Oh...Je vois qu'il ne te l'a pas dit, réplique plus calmement Isaac, en analysant les expressions de sidération sur mon visage.
— Il m'a dit qu'il faisait partie de la famille éloignée de Bella...
— Il est son cousin germain, Linda! Au même titre que Parker. Sauf qu'il est devant lui sur la liste des héritiers. Ce type est un fouineur et un opportuniste! Tu ne peux pas lui faire confiance, tu m'entends? Me souffle-t-il, en m'attrapant par l'épaule.
Seulement, je ne suis plus concentrée sur ce qu'il dit...
...Parce que vient de sortir d'une des maisons donnant sur la place du village un couple d'une quarantaine d'année, s'avançant vers nous.
Mon regard s'entremêle entre les leurs et mon cœur se soulève.
Une montée d'émotion me paralyse alors, me rendant dans l'incapacité de sortir un son de ma bouche.
Je note tout de suite une ressemblance évidente avec moi et donc avec Bella. Je comprends rapidement que ce sont ses parents.
C'est là que le véritable embarras commence.
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