Chapitre 18
J'ai compté chaque seconde de cette journée s'écouler.
À vrai dire, j'appréhende notre escapade dans les bayous, chez la famille de mon sosie, en compagnie d'Isaac. Heureusement que Nathanaël doit nous accompagner pour exécuter le traçage. Cela permettra, je l'espère, de passer le temps.
Je me rends, comme convenu, vers dix-neuf heure, devant le haut bâtiment de l'Enclave. Je descends du tramway et me dirige dans cette direction, jusqu'à que j'arrive devant l'entrée. Isaac et Nathanaël sont déjà là. Ils semblent m'attendre, en discutant.
Il fait assez frais, ce soir. Le crépuscule fait surface plus tôt que prévu alors que les derniers rayons rougeâtres du soleil se camouflent d'épais nuages gris. L'obscurité grandit à mesure que les minutes passent.
Les garçons posent les yeux sur moi quand ils me voient arriver.
— J'avais dit dix-neuf heure, lance Isaac froidement.
Il ne va quand même pas commencer à m'énerver celui là...!
— Il est dix-neuf heure cinq. Détends toi, Monsieur le Directeur, je lâche alors en levant les yeux au ciel d'une façon désinvolte.
— Eh bien, c'est cinq minutes de trop, rétorque-t-il sèchement avant de me flanquer brusquement dans les mains un casque de moto, se dirigeant vers son véhicule.
J'accoure alors vers lui en fronçant les sourcils, comprenant doucement ce qu'il a dans la tête.
— Ne me dis pas que t'as prévu que je monte là-dessus? Je m'exclame, en désignant son véhicule du doigt.
Isaac se tourne vers moi, me transperçant de son regard disciplinant bien à lui, dans le but de calmer son ardeur.
— Pourtant, c'est le cas. Nathanaël utilise un vélo dont il a bidouillé le mécanisme avec sa magie pour gagner en vitesse, et il n'y a qu'une place. Dommage, tu vas devoir monter derrière moi, réplique-t-il de son air suffisant.
Je me plante alors devant lui, lui barrant l'accès à sa moto, avant d'accrocher à son bras le casque qu'il m'a donné jusqu'avant.
— Écoute-moi, bien. Il est hors de question que je monte sur une moto avec quelqu'un que je connais très peu. Casque ou pas.
— Fais ton numéro de princesse à qui tu veux mais pas à moi, Linda Prior.
Sur ces mots, il m'enfile brusquement le casque que je lui ai rendu. Je n'ai pas le temps de me débattre que le casque est déjà autour de ma tête.
Quel imbécile.
Je m'apprête à crier sur Isaac pour protester quand Nathanaël me devance.
— Isaac a l'habitude de rouler en moto, Linda. Il conduit depuis qu'il a quatorze ans, tente-t-il de me rassurer.
— Sans permis? Charmant, je rétorque, en dévisageant le loup-garou garou d'un regard dénué de confiance et en m'écartant du véhicule, dans une attitude d'opposition.
Isaac m'attrape alors brusquement par le bras pour me tourner vers lui. Il récupère dans la poche de sa veste en cuir son permis, qu'il me flanque devant les yeux.
— Ma patience n'est pas éternelle, Prior. On a une heure et demie de route à faire. Alors, à part si tu préfère te rendre dans les bayous uniquement avec tes petits pieds, je te suggère de faire ce que je te dis, et d'arrêter tes caprices de gamine New-Yorkaise privilégiée.
Je suis loin d'apprécier sa remarque.
Je me fusille du regard, prête à rétorquer, quand je vois que Nathanaël m'adresse un regard me disant de l'écouter.
Je comprends rapidement que je vais difficilement avoir le choix.
Je souffle alors et lui arrache son casque des mains.
— Va te faire voir, je grommelle.
Isaac ignore ma réplique qui lui était destiné et monte sur sa moto dont il met en route le moteur, gardant un pied au sol.
Je me débrouille pour monter derrière, m'efforçant pas une seule fois de prendre appui sur lui, et attends qu'il démarre, les bras croisés sur ma poitrine, toujours vexée par sa dernière remarque que je ne parviens pas à avaler.
Isaac se retourne alors vers moi, et laisse échapper un soupire d'exaspération.
Gardant son pied toujours au sol pour maintenir en équilibre le véhicule, il saisit les lanières de mon casque pour me le resserrer avant de baisser un peu trop brusquement à mon goût ma visière.
— Il faut tout faire, ici.
Je relève la visière avec insolence.
— Il fait nuit, je vois plus rien.
Isaac la rabaisse encore plus brusquement, n'en démordant pas. Il est aussi têtu que moi, à ce que vois.
— Le chemin est sablonneux. Alors si tu veux garder l'usage de tes yeux, je te suggère de m'écouter. Je n'ai pas l'intention de payer tes frais médicaux en plus du loyer de ton appartement.
Je lève alors les yeux, ce qu'il ne sert à rien puisque qu'ils ne peux pas les voir, mais ne réplique pas. Ça ne sert à rien n'envenimer plus que ça la situation, de toute façon.
Je jette un coup d'œil vers Nathanaël. Il enfourche son vélo enchanté, qui semble pourtant tout à fait ordinaire, avant de se tourner vers son supérieur.
— C'est bon pour moi, déclare-t-il avant d'avoir enfiler des espèces de lunettes d'aviation.
— Parfait. Mais, attends, tout n'est pas totalement bon, réplique-t-il en se tournant vers moi, me dévisageant du regard, toujours la visière relevée.
Je fronce les sourcils.
— Quoi encore? Je marmonne alors un peu sèchement.
— Tu comptes t'accrocher? Me lance-t-il de son air suffisant en levant un sourcil.
— Je suis accrochée.
— Sérieusement? Tenir les côtés du véhicule du bout des doigts, ce n'est pas ce que j'appelle « s'accrocher ». À la première accélération, tu t'envole comme une feuille.
— Alors, explique-moi, comment on « s'accroche » sur une moto, chez toi, vu que t'es si intelligent et perspicace que ça, je rétorque froidement, au bord de l'exaspération.
— Je ne sais pas, à ton avis? Peut-être à moi? Réplique-t-il sur le ton de l'ironie.
Je hausse un sourcil, qu'il ne peut malheureusement pas voir, étant donné qu'il a baissé ma visière.
— Comme toutes les filles que tu dois balader sur ta moto comme un kéké? Je ricane alors.
Sauf que ça ne fait pas rire Isaac du tout. Je vois dans ses yeux ambrés briller une lueur d'énervement qui, je l'avoue, me fait subitement un peu peur, me révélant que je suis allé peut-être un peu trop loin.
Je me décide alors à attraper Isaac du bout des doigts, au niveau du bas de sa veste en cuir, ne voulant aucunement me retrouver collée à lui.
Isaac me fusille une dernière fois de son regard autoritaire avant de se retourner et de baisser sa visière.
— Je passe devant, Nathanaël, lui lance-t-il avant de démarrer le véhicule.
Je sursaute alors, n'étant pas préparée au départ et me rattrape brusquement sur Isaac, manquant de tomber. Je me rends alors compte que je suis obligée de le coller si je veux survivre à l'impact de la vitesse de l'engin.
Je m'agrippe donc au niveau de ses côtes, entourant son corps large de mes petits bras tous frêles, alors qu'il accélère.
Je manque de faire une crise cardiaque, moi qui ne suis absolument pas habituée à accorder ma totale confiance à quelqu'un, et qui ait une peur bleue de la route.
A un feu rouge, Isaac s'arrête, relève sa visière et se retourne vers moi, qui suis toute tremblante. Il comprends alors que mon comportement d'opposition cachait en réalité une énorme angoisse à propos de ce véhicule.
— Je vais faire attention sur la route. Détends-toi, j'ai l'habitude de conduire, me rassure-t-il plus calmement.
Je me contente de hocher la tête, sans dire un mot, restant cramponnée à lui.
Le feu passe au vert, Isaac remet sa visière et le véhicule démarre de nouveau. On finit rapidement par quitter les rues animées de La Nouvelle Orléans pour emprunter une grande nationale. Isaac, voyant que je me détends un peu se met à accélérer.
Et c'est là que je commence vraiment à aimer. La sensation du vent m'effleurant à une vitesse folle est juste incroyable. Je n'aurais jamais cru apprécier à ce point la moto. Je reste néanmoins agrippée à Isaac, mais apprécie bien plus le moment qu'au début. J'aurais aimé enlever mon casque pour sentir le vent sur mon visage et laisser sortir un cri de satisfaction, mais sais que ce n'est pas possible. Le paysage naturel illuminé par les phares défile rapidement, alors que les derniers rayons rougeâtres se perdent à l'horizon. C'est si joli...
Je me surprends à lâcher quelques éclats de rire. J'apprécie tellement ce moment que ma peur s'est envolée. Isaac est un très bon conducteur. Son côté biker est encore quelque chose qu'il avait gardé mystérieux chez lui. J'imagine qu'il doit aimer les grands espaces, la route, les road trips, parce que je sens qu'il apprécie autant que moi ce moment.
Ce sentiment de liberté est indescriptible. J'aimerai à ce moment là, ne me trouver nul part qu'ici.
A peu près à la moitié du trajet, j'en profite qu'Isaac et Nathanaël ralentisse pour leur demander quelque chose.
— Est-ce qu'on peut s'arrêter à une station service? Je demande alors, en apercevant un peu plus loin un coin essence.
— Ça ne peut pas attendre? Réplique le loup-garou.
Je ne réponds pas.
Isaac finit par céder et s'arrêter devant la station. Il éteint sa moto et je m'empresse de descendre, manquant maladroitement de m'éclater au sol. Isaac m'empoigne par le bras pour me redresser.
— C'est pas possible de tenir aussi peu sur ses jambes.
— Je ne serai pas tombée de toute façon, je mens alors.
Isaac lève sa visière et hausse un sourcil.
— Pas à moi, Prior.
Je retire son casque que je lui tends, et me dirige de ce pas vers la station service. Je rentre a l'intérieur et gagne les toilettes. Le bâtiment semble très vide. La gérante, à la caisse, parait légèrement somnolente, et ne fais pas vraiment attention à moi. Il ne semble pas non plus avoir d'autres clients.
Je rentre dans les premières toilettes, encore rêveuse du voyage à moto.
Je ressors ensuite, et me dirige vers le lavabo pour me laver les mains, guettant mon reflet dans le miroir, dans le but de me recoiffer un peu ultérieurement. Je prends d'abord du savon, frotte et me rince les mains à l'eau tiède.
J'entends alors que la porte qui mène à la sortie s'ouvre en grinçant.
Je lève les yeux quand je me rends compte que les pas du ou des nouveaux venus semblent lourds.
Ce sont deux hommes. Ils sont âgés d'à peu près vingt-cinq ans, et commencent directement à me fixer d'une manière qui me fait froid dans le dos.
— Les toilettes des hommes c'est à l'autre bout du couloir, je les informe alors, en concentrant mon regard sur mes mains que je finis de rincer.
Sauf que les deux hommes ne partent pas. J'entends leurs pas se rapprocher de moi, derrière, mais quand je fixe le miroir devant moi pour les surveiller, je ne parviens pas à percevoir leur reflet.
Pourtant, je sais qu'ils sont tout près.
C'est là que je comprends.
Je me précipite vers la sortie, mais l'un des deux m'empoigne brusquement par le bras pour me jeter brutalement à l'autre bout de la pièce. Je m'écroule contre un mur. Ma tête heurte brutalement contre la surface carrelée, m'assommant le temps d'une seconde. Je me relève subitement, et commence à envoyer des coups défensifs, visant le visage de mon ravisseur, qui semble tout de même avoir plus de force que moi.
Je me prends alors un coup sur le côté du crâne qui me fait perdre instantanément l'équilibre. Je comprends rapidement que je ne vais pas réussir à échapper aux deux hommes, décidés à ne pas me laisser partir.
Soudain, Isaac qui a dû entendre mes cris, surgit dans la pièce attrapant l'un des types pour lui flanquer un coup de point au visage, afin de l'éloigner de moi.
— Lâche-là!
Le type, un peu assommé, ne se laisse pourtant pas faire. Il reprend ses esprits et tente de contrer les coups d'Isaac en passant rapidement à l'offensive. L'autre type se jette sur moi. Je tente néanmoins de parer les coups et d'en enchaîner à mon tour. Je vois Qu'Isaac jette un coup d'œil, très surpris vers moi.
— Tu as appris à te battre?? S'exclame-t-il, tres étonnée, tout en continuant à parer des coups.
— Non, pas du tout, pourquoi...? Je réponds, étonnée de sa question.
Et, c'est la vérité. Je n'ai jamais pris aucun cours de self-défense. Et, bien que mon père soit policier, il n'a jamais voulu que je m'intéresse aux sports de combat ou violents. Il m'arrivait juste de regarder des duels de karaté ou de boxe en douce sur mon ordinateur, ce qui m'avait sûrement donné des petites techniques ou des automatismes.
Un peu déconcentrée par sa question, je me prends un violent coup dans le creux de mon estomac. Je m'effondre le souffle coupé et une douleur extrême et paralysante au ventre, devant un cabinet, à l'autre bout des trois hommes qui continuent à se battre.
Isaac est alors seul contre les deux agresseurs. Bien que sa technique de combat semble parfaitement bien maîtrisée, je commence avoir peur pour lui. Mais, le loup-garou ne se laisse pas faire, il continue d'enchaîner les coups, aussi violents les uns que les autres.
Sauf que je m'aperçois que l'un des types vient de sortir un couteau sont la lame argentée brille lugubrement. Il s'apprête à planter sa cible au niveau des entrailles, mais Isaac dévie comme il peut la lame qui lui entaille tout de même profondément le flanc. Il laisse échapper un hurlement puissant de douleur, qui fait froid dans le dos. D'un mouvement un peu maladroit, il parvient à envoyer la lame à l'autre bout de la pièce, à environ deux mettre de moi.
— Le couteau...! Il faut que tu t'en débarrasses...Vite...! Me hurle-t-il tout en continuant de bloquer les coups et de se défendre.
Je me jette sur la lame, en rampant, et me redresse avant de fixer très rapidement ce que j'ai à portée de main. Mes yeux se posent sur les toilettes, et c'est là que me vient une illumination.
Le souffle toujours coupé, je tente néanmoins de ramper comme je peux jusqu'à la cuvette la plus proche, dans laquelle je jette la lame. Je rassemble mes dernières forces pour me redresser et appuyer sur la chasse d'eau.
Un sentiment ultime de satisfaction se répand en moi quand je vois le couteau disparaître sous les amas d'eau.
Quand je me retourne vers les trois hommes, je me rends compte que l'un a déjà bien été amoché par Isaac. L'autre me fusille du regard, n'ayant pas pu m'empêcher de faire disparaître son arme. Étrangement, ils disparaissent immédiatement à la suite de cela, nous laissant seuls, Isaac et moi, à bout de souffle.
Le loup-garou se précipite vers moi, s'accroupit à mon niveau et m'encadre directement le visage pour guetter mes blessures.
— Tu es blessée?
— Non, pas vraiment. Mais, toi tu l'es, de toute évidence, je réplique en posant mes yeux sur son flanc entaillé.
Du sang coule en abondance de la plaie. Il soulève légèrement son teeshirt pour fixer cette dernière. Je me crispe quand je m'aperçois que des petits vaisseaux noirs entourant la blessure.
— Meeeerde...! Qu'est-ce que c'est que ça? Je m'écrie subitement, horrifiée.
Isaac se relève alors.
— La lame était en argent. Les loups-garous qui ont activé leur malédiction s'empoisonnent avec.
Mon sang se glace dans mes veines. Tout se bouscule alors dans ma tête.
— Je n'ai pas vu leur reflet dans le miroir...C'étaient donc...Je murmure alors
Isaac hoche gravement la tête devinant le fond et mes pensées.
— ...Des vampires.
— Il venait pour moi...Je souffle.
— ...Et il savait que tu ne serais pas seul. Les lames en argent sont rares ici. On n'en utilise que très rarement sur quelqu'un sans savoir que c'est un loup-garou. On a été pisté, c'était un guet-apen, murmure Isaac, le regard sombre.
Le loup-garou soulève de nouveau son teeshirt. Il récupère une petite seringue dans sa veste qu'il rempli d'un liquide transparent mystérieux, avant de se l'injecter douloureusement sur la blessure.
— Qu'est-ce que c'est? Je demande, adossée par terre au mur, toujours un peu assommée par les coups que j'ai subi.
— Un antidote.
— Tu vas survivre? Je demande inquiète.
— Je n'en ai pas assez sur moi pour guérir l'empoisonnement. Mais ça devrait limiter la douleur pour ce soir. Les loups-garous des bayous en possèdent, je leur en demanderai, réplique-t-il, en rangeant ses outils dans la poche intérieure de sa veste.
Isaac ouvre alors un robinet pour rincer ses blessures et laver le sang de ses mains. Un petit silence s'en suit alors, laissant mon esprit divaguer sous un amas de questions.
— Comment tu as su ce qu'il se passait? Je finis par murmurer.
— J'attendais avec Nathanaël à l'extérieur, et c'est là que je les ai vu rentrer. Ils ne m'inspiraient pas confiance, et généralement mon instinct ne se trompe jamais. Quand je me suis décidé à les suivre, je ne les voyais plus à l'intérieur. J'ai essayé de parler à la femme qui travaillait ici, mais ils l'avaient apparemment hypnotisée, m'explique-t-il en me tendant la main pour m'aider à me relever.
— Merci d'être intervenu...Sans ça je ne sais pas si je serai encore vivante...Je souffle alors, décontenancée.
Isaac ne répond pas. Il s'essuie les mains sur des papiers dédiés à cet effet et me fait signe de sortir.
Toujours un peu assommée, je me mets alors à revivre toute la scène, me la repassant en boucle. Isaac claque ses doigts devant mes yeux pour me « réveiller ».
— On ne devrait pas rester ici. Il est possible qu'ils nous guettent à l'extérieur ou qu'ils reviennent à plusieurs.
— On se rend alors dans les bayous?
— Et les conduire là bas? Non, on ne peut pas prendre le risque. Il y a un motel à un kilomètre tenu par un sorcier. Il a jeté un sort tout autour pour garder les vampires a l'extérieur, afin de protéger les touristes qui s'y rendent. On passera la nuit là bas, et on regagnera la route demain, quand il fera jour. Les vampires ont le principal désavantage face à nous de ne pas pouvoir agir le jour, déclare Isaac.
Je hoche alors la tête, et on se dirige déjà vers la sortie de la station service.
Cette virée avait commencé à tourner au cauchemar. J'espérai que ce ne soit pas le cas pour le reste du chemin.
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