Stan a bien tenu sa promesse.

Son contact travaille comme il l'avait prétendu dans une compagnie de traversée transatlantique, et a pu nous faire monter clandestinement.

S'est posé la question de ceux qui se rendrait à Londres. Globalement, on a décidé de tous partir, hormis Jayden qui est rentré auprès de sa meute. Isaac, Parker, Stan, Vildred, Laura et puis Bella : une petite troupe de Surnaturels qui a la base n'avaient rien à faire ensemble. Mais, finalement, le destin nous a contraint de nous réunir et de nous allier.

Nous avons rejoint le bateau. Ce n'est pas un paquebot, mais ce n'est pas non plus un voilier. Le contact de Stan nous a proposé trois cabines pouvant recevoir jusqu'à quatre couchettes. Vient le moment de repartir la troupe entre les chambres. Les groupes se font rapidement, et par affinité, sauf pour Bella. Personne ne vient lui proposer de le rejoindre, personne ne souhaite qu'elle dorme avec lui. Bella se retrouve de nouveau seule et elle s'en rend instantanément compte. Le visage fermé, et le regard troublé, elle récupère une des clés des cabines et se dirige vers ces dernières, devant accepter que les autres préfères se tasser dans les deux autres cabines plutôt que de rejoindre la sienne. Ça me fait de la peine pour elle. Je n'aime pas voir les gens seuls.

— Tu veux venir avec nous ? me propose Isaac, en posant affectueusement sa main sur ma taille.

Je regarde mon sosie s'éloigner, le cœur alourdi, hésitante.

— J'aurais adoré. Mais...Bella est toute seule.

Isaac fronce légèrement les sourcils et secoue la tête.

— Et alors ? Au fond, elle l'a bien cherché. Tu n'as pas à te prendre la tête sur ce qu'elle peut ressentir. Pas après tout le mal qu'elle a fait.

Je secoue la tête, décontenancée.

— C'est plus fort que moi. Elle me fait de la peine.

Bien-sûr que j'aurais aimé dormir dans la chambre d'Isaac. Mais, ma sensibilité face à Bella me fait me sentir mal pour elle.

Isaac voyant dans mes yeux les émotions qui me traversent, par délicatesse n'insiste pas.

— Ça marche. C'est ton choix. Mais, appelle-moi si elle essaie de t'étouffer dans ton sommeil, réplique-t-il en usant d'un humour noir.

Je lui adresse un sourire posant la main sur son bras.

— Je vais m'en sortir, ne t'inquiète pas.

Je monte alors mon sac dans la partie du bateau contenant les cabines et rejoins la chambre que Bella a commencé à occuper.

La porte n'est pas fermée. Je la pousse et entre à l'intérieur de la chambre. Bella est là, à déplier et ranger ses affaires dans la petite armoire, dans le plus grand des silences.

— Ça te dérange si je me joins à toi ? je demande alors, après un long silence embarrassant, en essayant de paraître la plus agréable possible.

— Tu n'es obligée. Je ne veux pas essuyer la pitié des autres, rétorque-t-elle un peu froidement.

Mais sa froideur cache de toute évidence son malaise face à la situation. C'est toujours plus facile de cacher ses sentiments en paraissant sèche et froide. Mais, je sais qu'elle est affectée par la situation. Elle voit très bien que tout le monde s'entend finalement plutôt bien, hormis pour Stan et Laura pour qui s'est compliqué du fait de la nature de leur relation. Mais, globalement, il n'y a qu'elle que personne ne souhaite davantage connaître.

Mais bon, ça sera une occasion pour moi d'en apprendre plus pour elle. Peut-être qu'elle n'est pas si méchante que ça finalement. Je me laisse le trajet pour me faire ma propre idée. Je ne veux pas être influencée par les autres. Finalement, de tous, je suis celle avec qui elle a passé le moins de temps.

— Tu ne mettrais quand même pas dehors la seule personne qui voudrait te rejoindre ? je réplique en lui adressant un sourire cordial.

Bella détourne le regard, gardant son visage fermé et ne me rendant pas mon sourire.

— Je ne suis pas idiote. Je sais que tu te joins à moi à contrecœur. Je sais que tu aurais préférée aller avec Isaac ou Laura.

Je fronce les sourcils, déçue qu'elle reste à ce point fermée. Je ne sais pas quoi faire pour établir un contact normal avec elle.

— Pourquoi tu ne peux pas accepter que quelqu'un veuille apprendre davantage à te connaître ?

Bella fait volte face et transperce mes yeux d'un regard sauvage.

— Pourquoi ? Tu me demandes pourquoi ?Parce que tous ceux qui se sont intéressés à moi, c'était pour une raison qui satisfaisait leur propre intérêt. Personne ne veut être avec moi, sans intérêt derrière. Il y a toujours quelque chose. Ça a toujours été comme ça, et ça ne changera pas, tanche sèchement la jeune fille.

En réalité, j'éprouve beaucoup de peine pour elle. Toutes les défenses qu'elle met en place cache réellement de vraies souffrances, dont elle cherche à se protéger. Elle se méfie de tout et de tout le monde. Ce n'est pas si étonnant quand on sait tout ce qu'elle a subi depuis sa naissance. Mais, son récit se doit d'être tempéré.

— Pas toujours. Vildred est venu vers toi parce qu'il t'appréciait, pas parce qu'il voulait se servir de toi.

— Ça n'a plus d'importance. Aujourd'hui il ne ressent plus rien pour moi, lâche-t-elle froidement, en continuant de déplier nerveusement ses vêtements.

Bella semble rester très fermée. Je ne peux pas la forcer à s'intégrer à nous. Mais, je veux lui faire comprendre que si elle a besoin de parler, je serai là.

Il y a quelque chose de si étrange entre elle et moi. Ce lien indescriptible...Elle a été crée à partie de mon sang, de mon ADN. Elle est une partie de moi, je suis une partie d'elle. Ce lien aussi mystérieux soit-il me pousse à aller vers elle. Comme si c'était contre nature que je la laisse périr. Pourtant, après tout ce qu'elle m'a fait, je devrais éprouver pour elle haine et colère. Mais, non. Ce que je ressens est une immense pitié.

L'écran de téléphone s'allume alors, interrompant notre conversation. Si c'en est vraiment une... Isaac vient d'envoyer un message sur notre groupe commun Wattsap, nous proposant de tous nous retrouver au bar pour passer un moment ensemble.

— Ils vont tous se retrouver au bar. Tu es la bienvenue, si tu veux, je propose alors à Bella.

La jeune fille secoue la tête, gardant son visage fermé, et évitant mon regard.

— Je vais rester là, articule-t-elle.

Je hoche la tête. Je ne peux pas la forcer. Si elle ne veut pas venir avec nous, c'est son droit. J'espère seulement qu'elle s'adoucira par la suite. Je n'aime pas la voire s'exclure de cette manière, je trouve ça triste.

— Très bien. Si tu changes d'avis, tu sais où nous trouver, je déclare sur un ton neutre.

Bella ne me répond pas. Mais, de tout façon, ça n'appelait pas à une réponse.

Je quitte la cabine et rejoint la partie bar. Les autres sont déjà là, confortablement installés sur des sofas. Isaac me fait une place à côté de lui quand il me voit arriver, et passe sa main derrière mon dos, affectueusement. Depuis quelques temps, je le trouve davantage démonstratif, même en public, et ce n'est désagréable. On s'est plutôt rapproché lui et moi, dernièrement. Plutôt de façon insidieuse, mais tout s'est fait de façon si naturelle, comme si on avait été destinés à finir ensemble. Le fait de savoir qu'on a été ensemble quand on était jeune a sûrement contribué à accroître les sentiments que l'on ressent l'un envers l'autre.

Ce moment est reposant. Pour une fois, la nervosité à propos de la mission semble s'être réellement atténuée. Elle est toujours là, c'est une évidence, mais tout le monde semble avoir retrouver un peu d'espoir. Et ça, c'est nouveau. Ces derniers temps, on n'y croyait plus. Là, on voit le bout du tunnel, enfin.

L'ambiance est plutôt bonne, ce soir. Toute l'équipe semble confiante. Isaac et Stan paraissent finalement bien s'entendre quand il s'agit de mener le groupe ensemble. Il n'y a que Laura, ayant finalement décidé de venir, qui continue de le foudroyer de son regard de haine, mais sans lui adresser à aucun moment la parole.

Durant ce moment convivial, on décompresse, on notes les indications de dernière minutes concernant la mission. L'objectif de cette dernière est très simple : s'introduire dans l'Institut de Londres et récupérer un dossier qui attestera de la véracité du projet Doppelgänger. Après ça, je pourrais prouver à ma famille que je suis la véritable Bella. Sans ça, on n'obtiendra jamais le soutien de la meute dans notre quête de vengeance.

Bella finit contre toute attente pour nous rejoindre. Elle s'assoit, à part, sur un fauteuil esseulé. Tout le monde sans exception ignore sa venue. Quand elle essaie de poser des questions ou d'apporter des remarques, c'est à peine si on lui répond. Elle comprend rapidement qu'elle n'est pas véritablement à sa place et que ses tentatives d'établir le contact avec le reste du groupe est vain, et cela, malgré ses efforts. Alors, je la vois plonger sa main dans son sac pour y dénicher un livre. Elle l'ouvre et se rend à la page marquée par un bout de papier et entame sa lecture. Elle n'a rien d'autre de mieux à faire de toute façon pour passer le temps.

Alors que la discussion entre les alliés se poursuit, je déconnecte un peu de la conversation pour porter attention au titre de l'ouvrage.

« Ressuscitez les morts, guide et mode d'emploi ».

Une lecture très étrange, que je trouve assez questionnante. Mais, Bella est une jeune femme torturée et ténébreuse. Je ne suis pas étonnée au fond de moi qu'elle s'intéresse à des sujets aussi obscures.

— Tu cherches à ressusciter quelqu'un, Bella ? Tu as si peu d'ami que tu cherches maintenant à en récupérer parmi les morts ? lance Vildred sur un ton fortement sarcastique qui fait rire tout le monde autour.

Il ne rate définitivement aucune occasion pour la rabaisser. Il voulait la tuer, il n'a pas réussi, alors il œuvre par tout les moyens a lui faire regretter son existence.

—...

La jeune femme détourne le regard, touchée par la réflexion du Chasseur, tout en poursuivant sa lecture, décidant finalement de ne pas lui répondre.

Que pourrait-elle dire de toute façon ? Toute tentative de défense de sa part s'avère complètement inutile. Les derniers jours l'ont bien prouvé.

— De toute façon, la résurrection ça n'existe pas. Ce n'est qu'un moyen pour les charlatans de sous-tirer de l'argent à des filles aussi naïves et désespérées que toi, poursuit-il, continuant d'amuser la galerie.

Bella lève enfin les yeux, faisant preuve pour une fois d'un calme rude à toute épreuve.

— Bien-sûr que ça existe. Elle prend sa source dans un genre très particulier de magie utilisée par un groupe de sorciers très ancien, au fin fond de la Norvège. Il suffit juste de se renseigner, rétorque-t-elle froidement.

— Et bien moi, je n'y crois pas. Ça se saurait si on pouvait ressusciter les morts, réplique Vildred en la toisant d'un regard condescendant.

— Eh bien, je te le prouverai.

Tout le monde continue de rire, ne prenant pas du tout au sérieux les croyances de la jeune fille. De nouveau, elle me fait mal à cœur.

*

La soirée se poursuit dans le restaurant du bateau. Laura, arrivant au bout de sa patience concernant la cohabitation avec Stan, finit par quitter rapidement la table, une fois son plat principal terminé. Elle prétexte une migraine, et nous souhaite une bonne nuit avance de s'en aller.

Alors que tout le monde continue de se plonger dans la conversation, mon regard se pose sur Stan. Son regard suit la jeune femme qui s'en va, alors qu'il semble, déconcentré, se détacher de la discussion. Il quitte d'ailleurs la table cinq minutes plus tard, sans préciser la raison de sa disparition.

***

|Laura|

— Dégage ! Je ne veux pas te voir dans ma chambre ! se met à hurler Laura.

Stan reste très calme, comme à son habitude. Il fait preuve toujours d'une maîtrise prononcée de lui-même et de ses émotions. Autrefois, Laura admirait ce trait de personnalité, aujourd'hui, elle fait que c'est en partie ce qui le rend manipulateur.

Le vampire s'appuie contre l'encadrement de la porte, sans quitter la jeune femme du regard.

— Il faudra bien qu'un jour on parle. On n'a jamais pu évoquer ce fameux soir. Tu ne peux pas éviter sans cesse ce moment.

Laura sait qu'il fait référence au soir où il l'a transformée dans le motel. Elle ne veut pas l'entendre déblatérer des mensonges, se justifier en sortant les excuses les plus fallacieuses possible. Elle ne veut pas de tout ça. Même une discussion posée. Elle n'est pas prête pour ça. Elle ne le sera sans doute jamais. Stan a brisé sa vie. Et cela, sans lui laisser le choix de décider pour le futur. A cause de lui, elle a dû renoncer à sa famille, elle a perdu ses amis, et elle n'aura jamais d'enfant.

Laura n'a ainsi pas envie de discuter. Elle est habitée par des envies de meurtres intenses, mais elle sait aussi qu'elle est incapable de le tuer. Quelque chose au fond d'elle l'en empêche encore.

— Dégage, réitère-t-elle sur un ton absolument glacial et menaçant. Je ne veux pas entendre ce que tu as à me dire.

Stan fronce légèrement ses sourcils. Il s'introduit dans la chambre, prenant soin de bien refermer la porte derrière lui pour rendre les cris de Laura moins audible de l'extérieur.

— Tu ne veux pas que je te livre des explications sur ce qui s'est passé, ce soir-là ?

La jeune femme secoue la tête.

— Non. Je ne veux plus rien entendre venant de toi. Plus jamais, crache-t-elle.

Voyant qu'il continue d'avancer vers elle, Laura porte un violent coup contre l'armoire en bois de la cabine pour récupérer dans sa main un morceau tranchant, en guise de pieu.

Elle le met alors devant elle, menaçant du regard son interlocuteur, prête à lui enfoncer, tremblant de haine et de colère.

— Pose ça, Laura, articule le vampire.

La jeune femme hausse un sourcil et laisse échapper un ricanement de dédain.

— Tu as peur, Stan ? Tu as peur de ce que je peux faire ? s'exclame-t-elle avec agressivité et provocation.

Stan met les mains devant lui en signe de tentative paix, continuant de garder le ton le plus calme possible.

— Je comprends la colère que tu me témoignes. Je la comprends totalement, Laura. Mais, si tu connaissais la vérité, tu me laisserais te dire ce qu'il s'est vraiment passé ce soir-là.

C'en est trop pour elle. Il l'a manipulée pendant des années, mais c'est terminé. Elle ne se fera plus jamais avoir.

— Ce qu'il s'est passé ? Ce qu'il s'est passé, Stan ? Tu m'as transformée ! Tu m'as tuée ! s'exclame frénétiquement la jeune femme, en coupant la parole à son interlocuteur.

— Tu ne me laisseras donc pas parler ? réplique le vampire.

Laura croit voir une lueur de déception et de tristesse dans le regard de l'homme qu'elle a aimer pendant des années. Mais, sa rage l'empêche de ressentir quoique ce soit, à ce moment-là.

— Dégage, sinon je te tue, grince-t-elle, le regard très noir et terriblement menaçant.

Stan sait qu'à ce moment-là, elle serait capable de porter un coup. Il fait un pas en arrière hochant doucement la tête.

— Très bien, Laura. Ce sera ma dernière tentative pour te dire la vérité. Visiblement tu n'es pas apte à l'entendre. Je ne reviendrai plus vers toi, à partir de maintenant, c'est terminé, finit-il par déclarer.

— C'est terminé depuis bien longtemps ! Depuis que as décidé pour moi de mon propre destin ! tranche-t-elle sur un ton sec et vindicatif.

Stan accorde un dernier regard à la jeune femme. Un regard amer de déception et de frustration. Il sait qu'il ne pourra pas lui révéler ce qu'il a sur le coeur. Elle ne l'écoutera ni le croira. Ses tentatives sont vaines.

— Très bien, articule-t-il.

Il ne réplique rien d'autre. Le ton avec lequel il prononce aigrement ces deux mots marque la fin de la discussion. Et surtout de leur histoire.

C'était terminé avant, mais là, le point final est définitivement inscrit.