|Laura|

Souvenir...

Laura se réveille, assommée par un mal de crâne épouvantable. Elle ne sait pas où elle se trouve, tout semble flou.

Elle est allongée dans un grand lit, et une odeur étrange semble émaner des lieux. Elle se redresse difficilement et jette un coup d'œil à la pièce. Laura comprends qu'elle se trouve dans une chambre de motel. Mais pourquoi ? Elle essaie de réfléchir, mais ses souvenirs proches semblent très flou. Elle n'a aucune idée de ce qu'il s'est passé pour qu'elle se retrouve ici, dans cette chambre inconnue.

Elle fixe alors en direction de la fenêtre. Il fait nuit, visiblement. Elle se penche vers la table de chevet pour allumer la lumière, mais cette dernière l'éblouit désagréablement, comme si ses yeux se consumaient. Elle éteint la lampe immédiatement après avoir poussé un petit grognement et tente de se lever.

Elle ne se sent pas bien du tout. Vertige, douleur à l'estomac, tremblement...Et puis, elle a...faim. Oui. Faim. Mais, cette sensation, Laura ne l'a jamais expérimenté. C'est comme si elle n'avait pas mangé depuis des mois. Pourtant, toute nourriture semble la dégoûter. Laura pense dans un premier temps qu'on l'a droguée, puis qu'elle est malade, et enfin, elle se souvient de quelque chose.

Une dispute avec Stanislas. Très virulente. Elle se souvient qu'il lui a demandé de se transformer en vampire et qu'elle a refusé. S'en est suivi une violente altercation bercée de reproches. Ils ont rompu il y a quelques semaines déjà, mais lui ne semble visiblement pas vouloir renoncer à cette relation. Laura est certes poussée par sa famille à mettre fin à cette idylle, mais elle non plus n'a plus envie de poursuivre cette relation. Elle aime Stanislas, c'est une évidence, mais ils sont trop différents. Depuis qu'elle a appris qu'il est un vampire, tout s'est compliqué entre eux, jusqu'à qu'elle prononce le mot de rupture. Une situation qui a beaucoup contrarié le jeune homme, qui ne cesse de la solliciter pour la convaincre de se remettre avec lui.

C'est le souvenir le plus récent qu'elle a. Laura a l'impression qu'il y a autre chose, mais elle ne parvient pas à y accéder. C'est comme si quelque chose l'en empêchait, comme si sa mémoire était bloquée.

Elle se lève, guète l'état de ses vêtements. Il y a du sang sur sa chemise blanche. Elle frisonne alors subitement, et passe sa main sur son cou à la recherche d'une éventuelle plaie. Mais, il n'y a rien. Aucune blessure, aucune douleur cutanée. Laura ne comprend pas. Elle ne sait plus si ce sang séché est le sien. Mais, elle est bien trop dans les vapes pour se mettre à paniquer. Elle n'arrive pas à réfléchir correctement, et c'est surtout ça qui l'inquiète. Que s'est-il passé ? Que lui est-il arrivé ?

Laura sort du Motel et se met à errer dans les rues reculées de la Nouvelle Orléans qu'elle reconnaît. L'odeur qui était présente dans le motel semble se propager aussi ici. Une odeur très étrange, presque attirante, hypnotisante...

Laura se sent de plus en plus faible. Les sons de l'environnement, même les plus inaudibles l'assourdissent, accentuant ses nausées. Elle s'accroupit dans un coin obscure de la rue, ne supportant plus la lumière des lampadaires, et  laisse sa tête tomber entre ses mains.

— Tu sens cette odeur omniprésente ? déclare soudainement une voix masculine à côté d'elle.

Laura lève la tête. Trois individus l'encerclent. Une jeune femme avec de longs cheveux blonds, deux hommes bruns, qu'elle ne semble pas connaître.

— Qu'est-ce que...qu'est-ce que c'est ? murmure-t-elle, décontenancée.

— L'odeur du sang, lui répond-il.

Laura se pétrifie. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive. Ou plutôt, elle ne veut pas comprendre..

— Qu'est-ce qu'il...qu'est-ce qu'il s'est passé ? balbutie-t-elle.

La femme lui lance un téléphone.

— Les chambres du motel sont placées sous vidéo surveillance. En temps normal, je te dirais que c'est le reflet d'une tendance perverse et abjecte des propriétaires de l'établissement, mais dans ton cas, c'est plutôt une bénédiction si tu veux savoir ce qu'il t'est arrivé.

Laura fronce les sourcils. Elle ne saisit pas tout ce que ces étranges personnages lui disent, et elle a du mal à avoir les idées claires. Elle saisit le téléphone, les mains tremblantes et met en marche la vidéo. Ils ont sûrement piraté le système de surveillance pour y avoir accès. Sur la vidéo, Laura reconnaît la chambre du motel. Elle est là avec Stanislas, à se disputer violemment. Puis des images atroces s'en suivent. Des images qu'elle ne peut même pas imaginer.

Il la pousse brutalement contre le mur pour l'assommer, lui fait avaler un liquide rouge étrange, puis plante ses crocs dans son cou. La jeune femme tombe alors raide sur le sol, se vidant de son sang.

— Oh mon Dieu...! Je suis...?

— Morte ? Cliniquement, en effet, lui répond la femme.

Laura n'en croit pas ses oreilles. Tout cela semble si étrange. Si elle est morte, pourquoi se sent-elle paradoxalement si...vivante ?

— Mais, alors...Je suis en train d'halluciner, n'est pas ? Tout cela n'est pas réel ? Si je suis morte, je suis en enfer...? C'est cela, n'est-ce pas ? répète-t-elle frénétiquement en boucle, les larmes commençant à lui monter.

La femme penche légèrement sa tête sur le côté, lui lançant un regard presque méprisant comme si elle ressentait pour elle de la pitié.

— Tu connais la réponse, au fond de toi, Laura.

— Vous...vous connaissez mon nom ?

— On connaît très bien ton copain Stan, rétorque froidement l'un des deux hommes.

— Stan...?

— On connaît votre idylle et sa volonté pathétique de te récupérer par tous les moyens possibles, poursuit-il.

Laura fixe son corps étalé au sol, dans le motel, et Stanislas planté devant elle, observant silencieusement son cadavre.

Elle se met alors à convulser.

— Il m'a.. il m'a...

— Tuée ? Oui. Tu es morte. Il t'a tuée. Mais, il n'a pas fait que ça.

— Qu'est-ce qu'il a...fait ?

— Il t'a transformée. Ce que tu ressens actuellement et un besoin insatiable de sang. Tu es un vampire, Laura.

Ces mots résonnent intensément dans ses oreilles, comme si son cerveau ne parvenait pas à l'imprégner. Tout semble si irréel...Laura paraît comme dépersonnalisée.

— Comment c'est...commence-t-elle, sans parvenir à répondre, fixant dans le vide, les yeux vitreux.

— Possible ? C'est très simple. Il t'a fait boire son sang, puis t'as tué. Ce sont les étapes qu'il faut suivre pour transformer un humain en vampire, lui répond son interlocutrice.

La jeune femme se fige. Blanche comme un linge, elle est au bord de l'évanouissement. Ce ne peut pas être vrai. Elle en peut pas avoir été transformée en un monstre. Stanislas n'a pas pu en arriver jusque-là pour une simple vengeance passionnelle.

Et pourtant...Cette soif de sang devient de plus en plus reconnaissable et cette odeur envoûtante. C'est l'odeur de la chair vivante qui l'appelle, et c'en est absolument traumatisant pour elle. Elle est complètement bouleversée, incapable de fixer dans son esprit tout ce que ces étranges personnages viennent de lui apprendre. Sa tête se met à tourner, sa vie défiler devant elle. Elle ne parvient plus à penser. Elle commence alors à faire une crise de panique. Elle ne parvient plus à respirer, comme si ses poumons étaient perforés d'aiguilles.

— Laissez-là, tonne une voix forte et ferme derrière eux.

Les trois individus se retournent alors, et la femme blonde prend la direction de la discussion avec le nouveau venu.

— L'Enclave ne peut décidément pas s'empêcher de fourrer leur nez dans des histoires qui ne les regardent pas, grince-t-elle, en lui lançant un regard méprisant.

Le mystérieux inconnu fait un pas vers elle pour la défier de son regard perçant.

— Déguerpissez, avant que je fasse un rapport à l'Enclave, gronde-t-il.

La jeune femme se tourne vers ses acolytes.

— De toute façon, ça sent trop le loup-garou vendu, ici. On s'arrache, crache-t-elle, en lui accordant un regard rempli de dédain, avant de se volatiliser.

Le nouveau venu est dorénavant seul avec Laura. Il ne lui semble pas familier, mais ses yeux ambrés et luisants dans l'obscurité attirent son attention. Elle n'en a jamais vu de si hypnotisant. Il s'accroupit jute à côté d'elle.

— Tu es blessée ?

Laura secoue la tête, ferme les yeux, se sentant partir.

L'homme lui tend alors une poche de sang, qu'elle se refuse tout d'abord à saisir.

— Je n'en veux pas.

— Tu devrais prendre des forces.

— Je ne veux pas prendre des forces. Je veux mourir. Je ne veux pas de cette vie, tranche-t-elle sèchement, en se brisant la voix.

Un petit silence s'en suit alors. Le mystérieux inconnu finit par lui répondre.

— Être un vampire n'est pas forcément un cauchemar, lui répond-il d'une voix adoucie.

Laura détourne le regard et rabat ses genoux contre sa poitrine, sentant les larmes lui monter.

Elle est désemparée. Ses émotions semblent si intenses, si incontrôlables. Elle ressent un profond désespoir. Tout semble si noir autour d'elle. Elle ne veut pas vivre si c'est pour être un vampire. Elle ne veut pas renoncer à sa vie d'humaine, à sa famille, à ses amis. Rien ne sera plus jamais comme avant.

Puis, dans ses larmes de désespoir naît alors une profonde colère pour celui qui a brisé sa vie. La haine qu'elle éprouve désormais pour Stanislas est inestimable. Elle ressent alors le désir de se venger. De lui faire payer de l'avoir tuée puis transformée.

— J'ai traversé une transformation similaire. Je peux t'aider. Tu peux surmonter ce mal-être. Mais, seulement si tu me fais confiance, réplique-t-il, en lui tendant sa main, le regard bienveillant.

Laura fixe sa main, le visage fermé, et finit par secouer la tête, refusant l'aide qu'il lui propose. Elle ne se sent pas prête à accorder de nouveau sa confiance à quelqu'un. Pas après un coup pareil.

— Je ne veux l'aide de personne, lâche-t-elle alors.

Le jeune homme hoche la tête, calmement.

— C'est ton choix, et je le respecte, déclare-t-il avant de se lever.

Il lui accorde un dernier regard de compassion, puis tourne les talons, lui laissant la poche de sang entre ses mains.

Laura alterne alors son regard entre l'homme qui commence à s'éloigner d'elle et la poche.

Elle est prise alors d'un violent sentiment de culpabilité. Et si cet homme voulait réellement l'aider ? Et s'il disait vrai ? Si elle pouvait réellement réussir à surmonter l'insurmontable ?

Laura est dorénavant seule au monde. Elle n'a personne chez qui aller. Elle comprend vite qu'elle vient de basculer dans un monde où les alliances priment sur tout.

— Attends, l'interpelle-t-elle. Tu ne m'as pas dit comment tu t'appelais.

L'homme se retourne alors et lui adresse un sourire cordial et mystérieux à la fois, avant de lui répondre par deux syllabes, d'une voix si calme et hypnotisante à la fois.

— Isaac.