Chapitre 135
|Bella|
Bella n'a jamais oublié le jour où Vildred a perdu ses émotions. C'est ce jour où sa vie a véritablement basculé. Il avait été tout pour elle : une lueur d'espoir dans sa misérable vie, une façon de fuir ce qu'on lui destinait, un moyen de se sentir enfin exister dans les yeux de quelqu'un. Alors, quand elle a compris que le Vildred qu'elle aimait éperdument ne reviendra pas, tout s'est effondré autour d'elle.
Bella repense souvent à ce jour-là. Elle n'a jamais pu l'oublier.
Souvenir...
~*~
C'était une soirée plutôt calme. Bella travaillait tard, ce qui expliquait qu'elle était encore à l'Enclave à classer les recherches du moment en cours. Bella n'aimait pas vraiment son travail. L'Enclave l'avait contrainte à venir travailler ici pour pouvoir mieux la contrôler et pour qu'elle se rapproche d'Isaac.
Mais, Bella n'en avait pas envie, au fond d'elle. Son cœur ne battait que pour un seul homme et c'était Vildred. Il était donc le seul réconfort sur son lieu de travail, la seule étincelle dans ses journées sombres. Mais, il est vrai qu'elle recevait désormais pas mal de pression d'Alhorn Griffins qui lui demandait de mettre fin à sa relation amoureuse. Parce qu'elle le savait, l'homme dont on lui avait demandé de se rapprocher, c'était Isaac, pas Vildred. Mais, Bella n'avait jamais voulu tirer un trait sur le jeune homme. Elle se voyait faire sa vie avec lui. Et ça, l'Enclave le voyait d'un très mauvais œil. Mais, Bella leur avait assuré qu'elle n'entretenait pas de relation sérieuse avec Vildred et elle avait promis qu'elle réussirait rapidement à séduire Isaac, en leur précisant qu'elle pourrait avoir les deux hommes si elle le désirait.
Mais, Bella ne voulait que de Vildred. Elle ne changerait pas d'avis. Elle ne voulait pas renoncer au seul homme qui lui apportait un semblant de bonheur dans sa pitoyable vie.
A cette époque-là, Vildred était un jeune homme sociable et extraverti, drôle et taquin, ainsi que doté d'une gentillesse et d'une bienveillance extraordinaire à son égard. Les moments qu'elle passait avec lui calmait ses angoisses. Elle se sentait si chanceuse d'avoir un petit ami comme lui.
D'ailleurs, il lui avait tout de suite tapé dans l'œil. Vildred est en effet un homme très élégant, grand, toujours très bien habillés, avec de longs cheveux noirs et lisses et un visage pâle mangé de deux grands yeux marrons en amande. Son accent britannique et raffiné l'avait séduite dès les premiers jours. Vildred venait d'une famille anglaise prestigieuse. Il avait des origines lointaine vietnamienne, qui justifiait l'exotisme de son nom de famille. Il avait donc tout pour lui plaire. Elle ne lui trouvait aucun défaut...
...hormis peut-être un seul. Vildred était terriblement effronté. Il n'avait peur de rien. Bella craignait toujours qu'il fasse des bêtises, et elle le taquinait beaucoup sur ça.
Elle n'aurait jamais imaginé que son effronterie aurait tout fait basculer aujourd'hui...
Alors qu'elle travaillait calmement à son ordinateur, Isaac surgit alors dans son bureau, le visage marqué par la stupeur, comme s'il avait vu quelque chose de terrible. Bella comprit que quelque chose de grave venait d'arriver. Elle se leva alors, entrouvrit la bouche, les mains tremblante.
— Qu'est-ce que...qu'est-ce qu'il y a ? bégaya-t-elle.
— Il y a eu un grave incident. Ça concerne Vildred, articula-t-il difficilement, complètement déboussolé et les yeux vitreux.
Son cœur se souleva alors. Elle eut l'impression qu'un poids venait de lui tomber sur les épaules. Elle fut alors pris d'une panique immense.
— Est-ce qu'il...Est-ce qu'il va bien ? s'exclama-t-elle, la voix tremblante.
Elle l'avait appelé plus tôt dans la journée pour prendre de ses nouvelles et elle se rappela qu'il s'était montré étrange au téléphone. Elle avait senti qu'au son de sa voix, il préparait quelque chose, et il ne lui avait rien dit, malgré les questions qu'elle avait essayé de lui poser. Elle avait compris qu'il partait en mission avec Kenny, son meilleur ami, et elle savait pertinemment que les deux garçons, entre eux, pouvait se montrer infernaux. Elle commença alors à s'imaginer le pire.
— Il va bien, la rassura Isaac.
Bella secoua alors la tête, que peu soulagée par sa réponse.
— Pourtant, je le vois a ton regard qu'il s'est passé quelque chose, murmura-t-elle.
Isaac mit de longues secondes avant de répondre. Il marcha alors nerveusement en rond, les larmes aux yeux. Elle ne l'avait jamais vu comme ça, lui qui ne montrait habituellement aucune faiblesse.
— Vildred a pris les reines d'une mission qui n'avait pas été validée par le Conseil des Chasseur. Il s'en est pris à des sorcières...
Isaac s'interrompît alors, ne parvenant pas à répliquer, visiblement affecté par la situation. Il était l'un des amis les plus proches du Chasseur. Elle savait combien il tenait à lui. Alors, voir dans son regard autant de douleur et de peine annonçait de toute évidence quelque chose de grave, qu'elle ne pouvait même pas imaginer.
— Mon Dieu...que s'est-il passé ? Qu'a-t-il fait ? s'exclama-t-elle, paniquée.
Isaac ne semblait pas vouloir répondre à sa question. Mais, il était là pour ça, pour la mettre au courant de ce qu'il lui était arrivé.
— Il a mis le feu à l'un des manoirs d'une communauté de sorcières. L'une d'elle lui a jeté un sort, parvînt-il alors à répliquer, la voix hésitante.
Elle se figea alors sur place, sentant son cœur se soulever douloureusement à chaque inspiration dans sa poitrine.
— Un sort ? Quel genre de sort ? murmura-t-elle la lèvres tremblante.
Isaac déglutit alors. Tout ce qu'il déclarait était difficile pour lui et lui demandait un effort considérable. Il détourna son regard de la jeune fille le temps de quelques secondes, cherchant désespérément ses mots, tout en faisant face aux émotions dévastatrices qui l'assaillaient alors.
— Il ne ressent plus aucune émotion, Bella. Plus aucune, répondit-il, la gorge serrée et le regard troublé.
*
Bella avait accouru jusqu'au studio de Vildred, dans le Quartier Français. A l'époque, il n'habitait pas encore dans son riche appartement de Central Business District. Ce que venait de lui révéler Isaac lui faisait l'impression d'un coup de massue dans la poitrine. Mais, elle ne voulait pas le croire. Elle ne voulait pas le croire avant d'avoir pu observer elle-même l'état du Chasseur. Elle voulait continuer de croire que l'homme qu'elle aimait était toujours le même.
Parce qu'il était impossible d'imaginer sa vie sans. Il était sa seule raison de vivre, le seul maigre bonheur qu'elle pouvait avoir. Elle ne pouvait accepter qu'elle était sur le point de perdre le seul homme qui l'avait aimée.
Elle se précipita à son appartement, et se jeta sur la porte d'entrée qui n'était visiblement pas fermée. Il était là, debout face à la fenêtre, contemplant silencieusement la Nouvelle Orléans plongée dans l'obscurité de la nuit. Il l'entendît arriver mais ne se retourna pas. Bella se stoppa derrière lui, essoufflée, sentant son cœur se serrer dans sa poitrine. Elle ne voyait pas son visage, mais craignait le moment où il se retournerait vers elle.
— C'est vrai, ce qu'on dit de toi ? articula-t-elle alors.
Un petit silence s'en suivi alors, avant que le jeune homme ne réponde.
— Que dit-on de moi ? articula-t-il.
Quelque chose avait changé dans sa voix. Elle semblait plus mécanique, moins...humaine. Un frisson parcourut alors son échine.
— Que tu ne ressens plus aucune émotion, parvînt-elle à déclarer, la voix tremblante.
Vildred se retourna alors doucement vers elle lui adressant un regard vidé de tout affect qui lui fit à ce moment-là froid dans le dos. Son sang se glaça dans ses veines, quand elle s'aperçut que ses yeux avait changé de couleur. Ils étaient désormais d'un violet profond et inquiétant.
Il n'avait pas besoin de lui répondre. Elle eu immédiatement la réponse à sa question. L'homme qui se tenait devant-elle n'était plus celui qu'elle avait aimé jusqu'alors.
Alors qu'il était jusque-là souriant et dynamique, il devenait inexpressif et d'un calme absolu qui la terrifia sur le coup. Elle ne l'avait jamais vu comme cela.
— Est-ce vrai ? murmura-t-elle alors qu'elle connaissait la réponse.
Mais, elle voulait l'entendre dire. Elle en avait besoin.
Vildred se tourna de nouveau vers la fenêtre pour contempler le paysage, le visage dénué de toute forme d'expression.
— Je ne ressens plus rien. Plus de joie, plus de peur, plus de tristesse, déclara-t-elle d'une voix monocorde.
— Est-ce que...
Bella ne put terminer sa question, tellement elle était bouleversée par ce qu'elle venait de découvrir. Mais, Vildred devina le fond de sa pensée. Il avait toujours été un expert pour cela.
Il tourna de nouveau légèrement son visage vers elle.
— Tu veux savoir si je ressens toujours quelque chose pour toi ?
—...
Son cœur se souleva alors. Elle hocha doucement la tête, les larmes aux yeux, sentant ses jambes faiblir.
— Eh bien, non. Je ne ressens absolument plus rien. Que ce soit pour toi ou pour n'importe qui.
Une larme dévala alors la joue de Bella, qu'elle ne prit pas la peine d'essuyer, avant de secouer la tête.
— Je refuse de croire que c'est vrai.
— Pourtant, seule chose que j'éprouve dorénavant pour toi n'est qu'une profonde indifférence.
Ses mots lui faisait l'effet d'un coup de massue. Ella préférait l'entendre dire qu'il la détestait. Elle préférait encore la haine à l'indifférence. Parce qu'il n'y a aucun doute que face à l'indifférence, il n'y a plus aucune onde d'amour.
Elle se jeta alors sur lui pour saisir ses mains dans les siennes, et transperça ses yeux violets immensément vidés de toute sentiment.
— Je sais qu'au fond de toi tu ressens toujours quelque chose. Il doit y avoir un traitement. On le trouvera, Vildred, je te le promets. Je te sortirai de là, sanglota-t-elle.
Vildred retira alors doucement ses mains ses siennes, ne lui adressant pas un seul sourire, lui qui avait habituellement un visage si expressif et lumineux. Elle ne le reconnut même pas physiquement, tellement ses traits avaient changé. Il secoua à son tour la tête.
— Je ne veux pas de traitement, Bella, articula-t-il.
La jeune femme fronça les sourcils, marquée par une forte incompréhension.
— Quoi ? Pourquoi ça ?
— Parce que ne plus ressentir d'émotion est un cadeau du ciel. Une manière pour moi de m'approcher encore plus de l'excellence.
Bella ne comprit pas sa réplique. Ça n'avait aucun sens pour elle. C'était inintelligible. Peut-être parce qu'elle ne voulait pas y croire.
— Mais, les émotions sont ce qui te rend vivant...murmura-t-elle, incrédule.
— Les émotions sont un frein.
Elle secoua la tête.
— Mais, non...Ce sont elles qui te permettent de t'adapter à son environnement...
Vildred lui coupa alors la parole. Bella sentit son cœur se serrer douloureusement dans sa poitrine.
— Il est là le soucis. Je ne veux pas m'adapter à mon environnement. Je veux que ce soit lui qui s'adapte à moi.
Bella recula alors subitement de son petit ami, dans un élan d'indignation. Elle ne comprenait pas sa réaction. S'était hors de pensée pour elle. Elle ne pouvait pas imaginer qu'il puisse renoncer à l'amour de cette manière.
— Donc, c'est terminé ? Tu es en train de me quitter, c'est ça ?
Vildred haussa un sourcil et la toisa d'un regard vide de tout affect.
— Que tu me poses la question est assez surprenant, finit-il par déclarer.
Bella secoue de nouveau la tête, les larmes aux yeux.
— Pourquoi ça ?
— Parce qu'il est étonnant que, pour toi, ça ne sois pas une évidence de te séparer de quelqu'un qui n'éprouvera plus jamais une once de sentiment à ton égard.
Souvenirs...
~*~
Bella n'a jamais oublié ce soir-là. Tous les détails de la scène lui reviennent perpétuellement en mémoire, et d'autant plus les émotions qu'elle avait ressenties quand elle avait appris que l'homme qu'elle aimait en était désormais dépourvu.
Elle avait ressenti un vide immense en elle, par lequel semblait couler une vague intense de désespoir. Accepter cette fatalité était bien trop difficile pour elle. Bella a donc gardé vainement espoir qu'un jour elle trouve un moyen de lui ramener ses émotions.
Pourtant elle le savait :
Il n'y aurait qu'aux portes de la Mort que ses émotions lui seraient rendues. Telle était sa malédiction.
Il n'y a donc qu'en le tuant qu'elle pourrait briser le maléfice. Mais, le tuer, Bella en était formellement incapable.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro