Chapitre 130
Bella a exigé une protection de notre part.
Ce qui est plutôt cohérent quand on connaît sa situation : elle est seule et sans défense, à la merci de l'Enclave. Alors, si elle accepte de nous aider, on doit l'héberger.
Je ne vous cache pas qu'Isaac et Vildred n'ont pas vraiment apprécié mon initiative, mais on est à court de plan. Bella peut nous aider, et ils le savent. C'est pour cela qu'ils ont fini par accepter à contre cœur l'alliance avec mon infernal sosie. La suite prévoit donc d'être explosive.
Quand à Laura, elle s'est montrée plutôt détachée, ces derniers jours. Depuis qu'elle sait qu'elle sera amenée à collaborer avec Stan, elle semble préoccupée et plongée dans ses pensées. Alors, concernant Bella, elle n'a pas vraiment exprimé d'avis. Elle ne l'aime pas, c'est un secret pour personne, mais son problème actuel est plutôt de nature masculine.
Bella arrive ce soir. J'ai demandé aux vampires de la faire transiter jusqu'ici en voiture, pour plus de sécurité. Je sais qu'elle ne risque rien avec eux, même si elle éprouve encore de la rancœur vis à vis de ces derniers, depuis qu'ils l'ont mise à la porte. Mais bon, dans ce monde, il est préférable de ne pas trop être rancunier. Vos ennemis deviennent rapidement vos alliés. Il vaut donc mieux avoir le pardon facile.
Personne n'est en réalité enchanté d'accueillir Bella. Isaac éprouve beaucoup de rancoeur à son égard, Vildred ne lui fait pas confiance, et Laura ne désire pas vraiment partager le logement avec une rivale féminine. Pour ma part, je suis un peu anxieuse. Je sais que tout repose sur mes épaules. Si elle se retourne contre nous, je m'en attribuerais la faute, étant donné que c'est moi qui l'ai intégrée dans l'équipe. Au delà de ça, je ne sais pas trop quoi penser d'elle. Parfois elle me fait pitié, et la seconde d'après, elle m'agace parce qu'elle devient provocante. J'ai du mal à la cerner réellement.
Tout cela contribue à plonger la maison dans un climat étrange, qui n'est pas très agréable, je dois le reconnaître.
Bella toque à la porte aux alentours de vingt-deux heures, et je prends donc l'initiative de lui ouvrir, comme je vois personne se designer pour l'accueillir. Je sens déjà l'atmosphère de tension s'accentuer. Ça promet.
Bella apparaît sur le pas de la porte, et elle est méconnaissable par rapport à la dernière fois. Elle est maquillée, les cheveux parfaitement coiffés en chignon bas qu'elle a maintenu avec une épingle, et elle porte un pantalon noir moulant et une veste blazer de la même couleur. Elle semble avoir repris du poil de la bête, et ce, en quelques jours. C'est impressionnant comme elle peut jouer des apparences.
Elle avance un peu plus dans l'entrée, fixe alors tous les protagonistes, assis plus loin dans le salon, et désigne sa valise de sa main.
— Il y aurait-il un homme valeureux qui accepterait de porter mes bagages jusqu'à ma chambre ?
Son ton est arrogant et dédaigneux. Elle semble déjà dans la provocation. La Bella faible et vulnérable que j'ai rencontrée il y a quelques jours n'est pas du tout celle qu'on a aujourd'hui en face de nous.
Je vois au regard d'Isaac qu'il est à deux doigts de lui bondir dessus et de l'étrangler. Mais, par miracle, il prend sur lui et reste enfoncé, les bras croisé sur son fauteuil, à fixer la jeune fille d'un regard défiant et mauvais.
Bella lève un sourcil.
Personne ne lui a répondu.
— Eh bien quel accueil. Je dois en conclure qu'aucun d'entre vous ne sait faire preuve d'un semblant de savoir-vivre, déclare-t-elle en posant son sac à main dans l'entrée.
Elle prend l'initiative de se servir un verre d'eau dans la cuisine, sous le regard silencieux de ses hôtes, revient dans le salon, s'assoit sur le canapé, à côté de Vildred, avant de se tourner vers lui.
— Alors qu'est-ce que vous racontez de beau ?Content de me voir ? poursuit-elle en esquissant un sourire insupportable et totalement ironique aux deux hommes.
La scène est tendue. La dernière fois que Bella et Isaac ont parlé, c'était le soir de l'attentat des vampires , à la fête de commémoration de l'Enclave. Vildred a tenté de la tuer et Isaac lui a sauvé la vie parce qu'il pensait que c'était la vraie Bella. Personne n'est heureux de la voir. Laura, ne daigne même pas sortir de sa chambre, même si je sais qu'avec son ouïe très fine, elle a très bien entendue que la jeune fille vient d'arriver. De toute façon, au bruit de ses talons, on n'entend qu'elle.
Isaac n'apprécie pas sa désinvolture. Il la fixe, d'un air sombre, lui faisant comprendre qu'elle est en territoire hostile, malgré l'alliance qu'elle a passé avec moi.
— Tu es ici chez moi, dans ma maison. Il y a des règles à suivre, et si tu t'en écartes, je te fais le serment que je te mets dehors encore plus rapidement que Stan l'a fait de son bar. Est-ce que clair ?
Bella lève les yeux au ciel.
— Roooh qu'est-ce que t'es rabageoit, Isaac ! Dès que tu détiens un semblant de responsabilités, tu deviens tout de suite arrogant et imbus de ta personne. Relax, lâche-t-elle avec désinvolture.
— Y a pas de « relax ». Ce que tu as fait me reste en travers de la gorge. Si Linda t'a témoigné un peu de sa pitié, ce n'est pas mon cas, lâche-t-il sur un ton glacial.
Bella souffle avec exaspération et se tourne vers Vildred.
— J'espère que t'es pas autant désagréable que lui. Sinon le temps qu'on va passer ensemble prévoit d'être ennuyeux.
Vildred lève un sourcil, le visage comme à son habitude inexpressif.
— Oh eh bien écoute, je fais d'immenses efforts pour ne pas écouter mon désir le plus profond qui est d'ôter à la planète ta présence.
Bella se lève, pour se rasseoir dans un fauteuil seul, un peu plus loin.
— Très bien, je vois. Personne n'est véritablement enthousiaste de ma présence, réplique-t-elle sur un ton plus sec.
— Tu t'attendais à quoi ? Qu'on allait t'accueillir, après ce que tu as fait, le sourire aux lèvres avec un bouquet de fleurs ? ironise Isaac.
— J'ai essayé de vous tuer, et vous avez vous aussi essayé de le faire. On est quitte. Je ne vois pas quel serait l'intérêt de parlementer encore plus sur cela, rétorque-t-elle avec plus de virulence.
— Si on accepte aujourd'hui de s'allier à toi, c'est d'abord à contre coeur. Mais, on ne te fait pas confiance. Je ne te fais pas confiance. Tu n'auras qu'une seule chance. Si tu trahis notre accord, je me réserve le droit de mettre fin à ta misérable existence, réplique sèchement le loup-garou, en continuant de lui adresser un regard haineux.
Vildred les interrompt.
— Objection. JE me réserve le droit d'infliger à cette petite peste ce qu'elle mérite, renchérit-il, en fixant son ex droit dans les yeux, parfaitement calmement, au contraire du loup-garou qui peine à prendre sur lui pour canaliser sa nervosité.
Bella lui adresse un large sourire ironique au Chasseur.
— Oh, mais j'entends ta frustration. Comme se doit être frustrant de s'être fait désarmer par un collègue au moment où tu aurais pu mettre à exécution tes plus sombres désirs, réplique-t-elle sur le ton de la provocation, en faisant référence au soir de l'attentat.
— Oh, mais ne t'inquiète pas, mon absence d'émotion me confère une immense patience. Une fois que tout sera terminé et que nous ne serons plus alliés, je réglerai ton cas, déclare le Chasseur, confortablement installé dans son canapé, en imitant son sourire provoquant.
Bella hausse un sourcil, croise les bras sur sa poitrine et s'adosse à son fauteuil.
— Oh, et bien je te trouve un peu présomptueux. Qui te dis que tu parviendras à me retrouver quand on sait que tu m'as cherchée pendant des mois, sans y parvenir ? continue-t-elle avec insolence.
Je les coupe alors, avant que Vildred trouve une réplique encore plus cinglantes que les précédentes.
— S'il vous plaît ! Vous m'avez tous promis que vous prendrez sur vous pour pouvoir collaborer cordialement.
On ne peut pas continuer comme cela. J'entends bien qu'ils ne soient pas enthousiastes, des deux côtés, de devoir travailler ensemble, mais, on doit faire chacun des efforts.
— Eh bien, je crains que de mon côté, je vais devoir ignorer le mot « cordialement », rétorque Isaac, en se levant.
Il se dirige à son tour dans la cuisine, fuyant de toute évidence la discussion.
— Oh, mais quelle drama queen, celui-la ! Toujours plus, s'exclame Bella, sur un ton exaspéré, en levant les yeux aux ciel.
Sauf que la patience d'Isaac a ses limites. Bella a dit un mot de trop. Le loup-garou sort de la cuisine et se dirige vers la jeune fille, assise sur son fauteuil. Il l'attrape brusquement par la bras pour l'obliger à se lever.
— Tu commences à me taper sur le système. Lève-toi.
Son ton est glaçant. Il ne lui crie pas dessus, mais ce n'est pas loin. La jeune fille se fige, et perd le sourire désinvolte qu'elle arborait jusqu'alors.
— Qu'est-ce que...Pourquoi ? bégaie-t-elle en se calmant subitement.
Dans son regard se lie une crainte soudaine.
Elle est bien trop légère pour faire face à l'impulsion d'Isaac, qui parvient sans grande difficulté à la lever.
— On va parler, toi et moi. À ma manière.
La jeune fille commence à trembler alors. Sa réaction est assez inattendue : c'est comme si Isaac lui faisait peur. Hors, je sais que même s'il se montre à l'instant agressif et impulsif, il n'usera pas de violence contre elle.
Je m'interpose entre les deux, en attrapant à mon tour le bras de mon sosie, et transperce Isaac du regard. Je sens qu'il a énormément de mal à canaliser sa colère. Mais, crier sur Bella n'est pas la solution. On a besoin de la mettre en confiance, pas de lui faire peur, même si ses airs de peste sont insupportables.
— Arrête Isaac. Il faut rester calme.
Bella parvient à retirer son bras de l'empoignement d'Isaac, s'écarte de lui et le fusille du regard.
— Je ne peux pas rester calme face à elle, rétorque avec agressivité le loup-garou, en la désignant dédaigneusement du menton.
— Je m'en fiche, tu prends sur toi. On ne peut pas se déchirer comme ça. Je sais que vous vous reprochez tous quelque chose, mais on doit trouver un terrain d'entente. Être l'ennemi commun de l'Enclave devrait suffire à nous rapprocher, mais je vois que ce n'est pas le cas. Alors, expliquez vous une bonne fois pour toute, pour qu'on puisse passer à autre chose, je tranche sèchement.
— Je n'ai pas à « m'expliquer ». Ce n'est pas moi qui me suis fait passer pour une autre pour foutre la merde dans une meute de loups-garous, tranche-t-il agressivement.
— Et qu'est-ce que tu veux, Isaac ? Que je m'excuse ? rétorque Bella, avec provocation.
— Oh, mais même ça, tu en es incapable. On ne lit aucun remords dans tes yeux, crache-t-il alors.
Bella esquisse un large sourire insolent et ironique.
— Oh cherche bien. Je suis sure qu'on peut y lire le regret profond, que tu en sois sorti indemne de tout ça.
Isaac secoue alors la tête, les yeux brûlants d'insultes.
— Tu n'es qu'une petite garce prétentieuse.
Ma demande n'est visiblement pas prise au sérieux. Les deux continuent d'échanger des piques cinglantes, faisant dorénavant totalement abstraction de ma présence.
Vildred tourne les yeux vers moi, et m'adresse un sourire provocant de satisfaction.
— On ne dirait pas un petit couple, quand ils s'engueulent comme ça ? Je dirais presque qu'ils vont bien ensemble.
C'en est trop. Je me lève alors, sentant une rage soudaine me monter, et leur adresse un regard noir.
— Allez tous vous faire foutre.
Je me réfugie alors dehors, essayant de cacher les larmes qui me montent et claque brutalement la porte d'entrée.
Je vais m'asseoir sur la terrasse, et fonds enfin en larmes, épuisée par la situation.
J'ai l'impression qu'ils ne pourront jamais s'entendre. Pourtant, je ne demande pas qu'ils soient amis, mais juste qu'ils manifestent un semblant de respect les uns pour les autres. Mais, Isaac reste campé sur ses positions, Bella en rajoute des couches à chaque réplique, et Vildred ajoute sa pincée de sel pour attiser la haine, en faisant des réflexions provocantes. Aucun d'entre eux ne fait d'effort pour parler intelligemment.
Je suis complètement dépitée. L'espoir qui semblait renaître enfin, se dissipe. J'ai l'impression qu'on ne s'en sortira jamais, que tous mes efforts pour tempérer leurs relations sont vains. Personne ne semble vouloir véritablement m'écouter, et ça me fatigue. J'ai vraiment l'impression d'avoir des adolescents en face de moi.
Le visage en larme recouvert par les mains, je me laisse totalement aller à les émotions que je tentais d'enfouir jusqu'alors.
J'entends alors quelqu'un s'asseoir à côté de moi, sur le banc.
— Laisse-leur du temps. La colère laissera bientôt place à du calme, déclare une voix douce et féminine.
Je relève la tête et essuie mes larmes. C'est Laura.
— On n'y arrivera jamais, je lâche, désespéré.
Elle me tend un mouchoir que je saisis.
— Ça on ne peut pas le prévoir. Mais, il faut parfois laisser nos émotions se verbaliser. Ils ont beaucoup de choses à se reprocher. Une discussion comme cela était inévitable.
Je me tourne vers elle.
— Tu dis ça parce que tu prévois d'avoir la même avec Stan ?
Laura détourne le regard. Elle croise les bras sur sa poitrine et laisse de longues secondes s'écouler avant de répondre.
Ma réplique était inattendue et un peu osée, mais je sais qu'un jour ou l'autre il faudra qu'elle parle de ce qu'elle ressent. Elle ne pourra pas tout garder pour elle.
— Je ne sais pas comment ça va se passer avec Stan. Je ne pense pas être capable de rester calme face à lui, finit-elle par déclarer.
Son regard n'est étrangement pas habité par la haine, mais plutôt par un certain malaise. Je sais qu'elle est en colère face à lui, mais ce qui prend le plus de place actuellement dans son esprit et de ne pas savoir comment se comporter quand il sera face à elle.
— Tu appréhendes ?
La vampire hausse les épaules, en serrant davantage les dents, quand elle pense au futur proche.
— Forcément. C'est lui qui m'a transformée. Il a fait de ma vie un enfer. Me retrouver face à lui n'est pas une situation anodine.
Je hoche la tête, attentive. Ses pensées semblent renfermer de nombreux tourments, ce qui n'est pas anormal, quand on sait tout ce qu'elle a traversé avec lui.
— Vous n'avez jamais pu véritablement en parler ? je questionne, un peu curieuse.
Laura laisse échapper un petit soupir.
— Pour dire quoi ? Je l'ai quitté dès que j'ai su ce qu'il avait fait, lâche-t-elle sur un ton presque tranchant.
Je hausse les épaules.
— Je ne sais pas. Pour comprendre son acte.
Laura secoue la tête, avec vindicativité.
— C'était par égoïsme. C'est tout. Je doute qu'il y ait plus à débattre, rétorque-elle sur un ton glacial.
Je me remémore alors des courts moments où Stan m'avait parlé de Laura. Il semblait ne pas manifester autant de haine à son égard qu'elle manifeste, elle, pour lui.
— Tu sais, je crois qu'il veut que s'arrange entre vous.
Laura laisse échapper un rire jaune et secoue la tête, le regard rempli de reproches.
— Mais c'est trop tard, maintenant. Il a tout gâché. Un vase brisé ne revient jamais à l'identique.
Je pose alors ma tête sur son épaule. Ça me fait du bien de pouvoir parler avec elle. Laura a été là pour moi dès le début. J'aimerais pouvoir l'être aussi pour elle.
— Peut-être. Mais, ça te ferait peut-être du bien d'entendre ce qu'il a à te dire. Peut-être qu'il s'excusera.
La jeune fille laisse échapper un petit soufflement. Elle semble rester campée sur ses positions, et ce n'est pas si étonnant que ça.
— J'en doute. Stan n'est pas quelqu'un qui s'excuse. Il prend ses décisions en se moquant éperdument du mal qu'il peut causer autour de lui.
— Tu crois que tout cela s'apaisera un jour ? Toutes ces tensions entres nous.
Laura met quelques secondes avant de répondre.
— Je pense qu'il s'est passé bien trop de choses, pour que tout redevienne comme avant. Aujourd'hui, nous sommes alliés, mais le jour où, je l'espère, on réussira à mettre l'Enclave hors état de nuire, on redeviendra chacun ennemis des autres. Une alliance tient à partir du moment où l'on combat un ennemi commun. Une fois cet ennemi vaincu, l'agressivité et la haine se déplace sur un autre objet. Ce n'est qu'une question de temps.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro