Chapitre 108
L'atmosphère tendue qui s'est propagée à l'Enclave depuis cette fameuse soirée dramatique s'accentue de jour en jour.
J'ai l'impression que la Direction reprend de plus en plus les rênes, et s'efforcent volontairement de ne pas nous tenir au courant. Isaac me l'a dit : il n'a quasiment plus de pouvoirs décisifs depuis le retour de la délégation. Par ailleurs Vildred est mis légèrement de côté parce qu'il suspecté de chantage de mort, et Laura se fait de plus en plus distante, semblant étrangement tourmentée. Tout semble devenir de plus en plus compliqué. A cela s'ajoute des tensions palpables entre Isaac, Laura et Vildred. Il faut qu'on se ressert les coudes. On ne pourra pas avancer sinon.
De mon côté, depuis le pacte que j'ai fait avec Vildred, nos relations se sont apaisées. Il ne deviendra jamais mon grand ami, mais j'ai envie d'essayer de lui accorder de nouveau ma confiance. C'est lui qui tire les rênes de l'affaire. Après tout, grâce à lui, on en est arrivé là.
On se dirige d'ailleurs lui et moi vers son bureau. Sauf qu'on se rend compte rapidement que la porte de ce dernier est ouverte, laissant en évidence la présence de trois individus, dont un qui ne m'est pas inconnu : James, le frère aîné de Vildred, celui qui a essayé de me payer pour que je passe un accord avec lui, chose que j'ai évidemment refusée.
A sa droite se tient, un peu en arrière un autre homme, un peu plus jeune que lui, peut-être vingt-cinq ans, les cheveux courts, légèrement dressés sur le devant, et un peu plus clair, et à sa gauche une femme d'âge mûr, très élégante, grande, blonde foncé, les cheveux mis-longs, soigneusement coiffé. Je remarque qu'ils ont tous une ressemblance avec Vildred.
— Mais quel beau portait de famille vous m'offrez ! Cependant, je ne pense pas que mon bureau soit la pièce la plus adéquate pour une réunion, ironise alors le Chasseur, en contournant l'attroupement pour s'assoir nonchalamment sur son immense siège rembourré noir, une tasse de thé à la main.
— Vildred. Nous sommes là pour t'aider, déclare James, sur un ton qui sonne faux.
Je me méfie de ce type comme de la peste. Je sais qu'il est sournois et qu'il hait par jalousie son petit frère. Il n'est de toute évidence pas là pour l'aider, mais pour lui faire comprendre qu'il est au dessus de lui.
Vildred s'adosse nonchalamment sur son siège, le faisant machinalement tourner en continuant de siroter son thé.
— Ai-je demander votre aide ? Questionne-t-il sur un ton insolent en levant un sourcil.
La femme s'approche alors du bureau en s'appuyant avec des mains et en se penchant vers le principal intéressé.
— Nous avons eu écho des accusations, Vildred. Ton comportement commence très sérieusement à poser problème.
— Flatté que tu aies eu des échos de ma situation, à des dizaines de milliers de kilomètres d'ici, très chère mère. Mais, le voyage que tu as fait depuis Londres s'avère de toute évidence inutile. Quel dommage.
Sa mère plante ses yeux avec plus de sévérité dans les siens.
— Tu fais honte à ta famille, articule-t-elle.
Vildred croise ses bras, continuant de faire preuve d'une impassibilité déconcertante.
— Vraiment ? Ce n'est pourtant pas moi qui ait quitter cette dernière pour le continent européen.
— Je suis retournée à Londres pour accroître notre influence. Je continue de me battre avec tes frères pour sauver l'honneur de notre famille. Ton père serait tellement déçu de toi, poursuit-elle, une lueur prononcée de déception dans les yeux.
Vildred, faisant toujours preuve d'un détachement extrême, dévisage les trois membres de sa famille un à un, avant de répliquer, d'une allure condescendante.
— Eh bien, je pourrais vous répondre que je suis touché par vos longs déblatèrement, mais ce n'est pas le cas. Et vous savez pourquoi ? Parce que je ne ressens absolument rien, réplique-t-il en leur adressant un sourire provocateur.
James s'avance à son tour pour prendre le relais de la conversation. Je comprends qu'un sentiment soudain de colère commence à naître en lui.
— Qu'est-ce que tu as encore fait, Vildred ? Est-ce que ces accusations sont vraies ?
Vildred plante ses yeux dans ceux de son frère aîné avec intensité.
— Tu meurs d'envie de la savoir, n'est-ce pas ? le provoque-t-il.
— Tu fais le malin pour le moment, mais quand ils auront trouver de quoi t'incriminer, ton règne prendra fin. Attention à la chute, petit frère, on ne la voit pas toujours arriver, et notamment quand « on ne ressens pas d'émotion », articule James.
— Eh bien, prenons les paris maintenant, sur lequel de nous deux qui tombera le premier, sourit avec désinvolture de nouveau le jeune Chasseur.
Voyant que les deux protagonistes les plus âgés commençant à perdre patience devant le caractère effronté du principal intéressé, le deuxième frère s'avance pour prendre la parole.
— Vildred. On dit tout cela parce qu'on t'aime. Malgré tout ce qu'il s'est passé, on reste ta famille. On est inquiet pour toi.
Le Chasseur toise son deuxième frère du regard.
— Oh, tu es inquiet pour moi, Colten ? Ne me dis pas que tu as le temps pour cela en faisant le tour du monde les trois quarts de l'année, ironise le Chasseur.
— Qu'est-ce que tu cherches, Vildred ? Que tout le monde se retourne contre toi ? réplique ce dernier, avec un peu plus d'affront.
— Vous savez ce qu'il me fait rire ? Vous cherchez à persuader les autres que notre famille est la même qu'il y a des années. Pourtant, vous êtes tous éparpillés aux quatre coins du monde. Vous êtes une pièce de théâtre à part entière, et si j'étais encore en pleine possession de mes émotions, je rirais de toute évidence aux éclats face aux comiques de cette situation.
— Quel déshonneur dont tu fait preuve, articule froidement sa mère.
À ce moment là, je sens quelqu'un me bousculer légèrement, pour rentrer dans le bureau.
C'est Isaac.
Il interpelle alors immédiatement les nouveaux venus.
— S'il vous plaît ! Cette partie de l'Enclave est interdite aux visiteurs. Je vous demande donc de sortir, tonne-t-il.
James se tourne vers lui.
— On nous a laissés rentrer pourtant.
— Eh bien, je te le redis, vous n'êtes pas autorisé à entrer dans les bureaux. Merci de nous laisser travailler, rétorque-t-il sèchement.
James défie le loup-garou du regard, alors que Vildred reste parfaitement silencieux, ignorant tout le monde autour de lui et terminant son inséparable thé.
— Eh bien, use de ton autorité pour que tes hommes fassent respecter vos règles, Isaac. A moins que tu n'en aies plus aucune, dorénavant, le provoque-t-il, en passant tout prêt de lui, s'apprêtant à s'en aller.
Isaac prend sur lui pour ne pas répondre, et fixe la famille s'en aller, le regard mauvais. Vildred, toujours autant impassible, quitte le bureau pour se refaire un thé.
Je sens Isaac très tendu. Et je le comprends. James est vraiment quelqu'un de désagréable. On se retrouve alors tous les deux.
— Si je n'avais pas été sur mon lieu de travail, je l'aurais insulter, articule-t-il, une lueur noir dans les yeux.
Je hausse les épaules.
— Oh, je l'aurais fait même en étant dessus, je réplique, tout naturellement.
— Ils n'ont pas à être là. Pas dans des bureaux où ils se passent des choses confidentielles. Et ça vaut notamment pour eux parce que ce sont des Chasseurs.
— Tu ne leur fais pas confiance ? je lui demande alors.
Isaac secoue la tête, le regard sombre.
— On ne connaît jamais leurs véritables intentions, à partir acquérir toujours plus d'argent. Je sais aussi qu'ils aiment fouiner un peu partout. C'est leur job. Et depuis que l'Enclave a des ennuis, ça n'attire pas forcément de bonnes personnes. Je ne veux pas qu'ils fouillent dans les affaires de l'Enclave. Il y a des choses qu'on doit garder privé.
Je sens une certaine électricité entre les Chasseurs et lui, que je n'avais pas perçue jusqu'alors. Les seules fois où j'avais vu Isaac parler à James, leurs conversations avaient été très cordiales. Mais celle d'aujourd'hui révèle une véritable froideur qui retient tout de suite mon attention.
— Tes relations avec James semblent très tendues, je relève alors.
Isaac plante ses yeux sur moi.
— Depuis, que j'ai appris qu'il a tenté de te faire signer un contrat avec les Chasseurs, elles le sont, rétorque-t-il.
Je détourne le regard, laissant quelques pensées vagabonder dans ma tête avant de répondre.
— Tu continue de protéger Vildred malgré tout, hein ? je murmure plus bas.
Isaac laisse échapper un petit silence, puis hoche d'une manière quasiment imperceptible sa tête.
— Il le faut. Ce n'est pas parce qu'il est devenu un robot destructeur et sans émotion, qu'il n'est plus mon ami, réplique-t-il avec de la nostalgie dans les yeux.
— Tu continues d'éprouver de l'affection pour lui, après tout ce qu'il s'est passé, je déclare alors, en lisant dans ses pensées.
Je vois dans ses yeux qu'il laisse émerger une certaine nostalgie. Ça me touche un peu. Il se laisse aller à ses souvenirs le temps de quelques secondes avant de répondre, le regard lointain.
— Vildred a été mon meilleur ami. Et, je ne veux pas laisser sa perte d'émotion m'éloigner de lui. Il est encore très jeune et immature. Il a besoin que quelqu'on veille encore sur lui pour lui éviter d'enchaîner les bêtises. Il y a peu de personne qui font l'effort de le ramener à la raison.
Je hoche la tête, attentive.
— C'est noble de ta part.
— En fait, je reste persuadé que l'ancien Vildred demeure endormi en lui. Je sais que ce dernier m'aurait demander de veiller sur lui.
Isaac a l'air un peu touché. C'est rare de le voir comme cela. Mais, je comprends qu'il souffre au fond de lui. Il souffre d'avoir perdu un ami proche. Je ne peux pas imaginer le sentiment qu'il éprouve quand il regarde Vildred dans les yeux et qu'il se rend compte que malgré une apparence identique, il n'est plus le même.
— ...Trêve de divagation. Viens avec moi, on doit planifier quelque chose, me glisse-t-il en me faisant signe de le suivre.
Je comprends qu'on se dirige vers son bureau. Il ouvre la porte de ce dernier et me laisse rentrer avant de refermer la porte derrière moi, afin de garder cette discussion privée.
— Wow. Convoquée dans votre bureau, Monsieur le Directeur...Prévoyez-vous de me renvoyer ? je minaude sur le ton de la plaisanterie.
Isaac laisse échapper un petit rire et s'assoit devant son ordinateur.
— J'ai plutôt prévu de te garder avec moi un bon bout de temps.
— Mmmh. Bon choix, Monsieur Peterson.
Il ouvre son ordinateur, et pianote quelques instants avant de répliquer.
— J'ai fait quelques recherches supplémentaires sur Destiny Silva. J'ai trouvé son adresse, même si elle était bien cachée.
Je me déplace alors vers lui pour fixer à mon tour l'écran de son appareil, intriguée.
— Tu veux qu'on y aille directement, sans la contacter ? je demande, étonnée, en fronçant les sourcils.
Le loup-garou hoche succinctement la tête.
— Je ne veux pas laisser de trace écrite. C'est trop risqué, je ne sais pas si on est surveillé.
Je pince les lèvres, attentive.
— Ok. Qu'est-ce que tu comptes faire alors ?
— On ira lui rendre visite, et on lui expliquera la situation sans rentrer dans les détails. On verra sur le moment-même si elle accepte de faire quelque chose.
— On y va au culot, donc, je déclare.
Isaac tourne la tête vers moi et lève un sourcil, presque amusé.
— Ça ne devrait pas bousculer tes habitudes.
J'esquisse un sourire et fait quelques pas.
— Et on y va quand ?
— Samedi prochain ? Sauf si tu as quelques choses de prévu.
— Mmmh...laisse-moi réfléchir...avec tous les rendez-vous qu'on fixe avec moi, je ne suis pas sûre de me libérer, je réplique, en faisant mine d'arborer une attitude occupée.
— Comment ça avec « tous les rendez-vous qu'on fixe avec toi » ? relève-t-il, avec comme une pointe de jalousie dans la voix.
Je fais quelques pas dans la pièce, un petit sourire en coin. J'aime titiller Isaac. Notre relation taquine m'avait un peu manquée. Mais, je n'ai pas le temps pour cela. Je redeviens alors sérieuse.
— Samedi, c'est parfait.
Isaac hoche la tête, et referme son ordinateur portable.
— Eh bien c'est noté.
Je me dirige alors vers la sortie.
— Je ne t'embête pas plus. Je vais voir si Vildred a besoin de moi.
— Une dernière chose, Linda.
Je me retourne brièvement vers lui, la main sur la porte.
— Mmmh ?
— J'ai demandé à Alhorn Griffins, ce qu'il avait fait de Jayden. Il m'a dit qu'il l'avait relâché dans la soirée après l'avoir fouillé, sans succès.
Une pointe de suspicion me fait alors frémir. Je n'ai pas confiance en Griffins. Vu le nombre d'hommes qu'il a employé pour saisir Jayden, je trouve cela étrange qu'il l'ai juste relâché.
— Appelle mon père.
— Quoi ?
— Appelle-le et demande lui à parler à Jayden. Il ne répond pas à ses messages.
Isaac laisse échapper un petit soupire d'hésitation, mais je finis par le convaincre de le faire, en lui adressant un regard plus que persuasif. Mais, je vois qu'il reste pour le moment incrédule.
Il compose alors le numéro et pose son téléphone sur son bureau après avoir enclenché le haut parleur, pour que j'entende la conversation. Le chef de la meute finit par décrocher à l'autre bout du fil.
— Mikael ? C'est Isaac. Est-ce que Jayden est dans le coin ? J'aurais quelques questions à lui poser, et il ne répond pas à ses messages.
— Jayden a disparu depuis quelques jours. Tu ne savais pas ? lui répond son interlocuteur.
Isaac entrouvre la bouche, commençant à croire en mes suspicions. Une onde d'inquiétude se noie alors dans ses yeux ambrés.
— Est-ce qu'il est parti ?
— Je ne sais pas. De toute évidence, il n'a pris aucune affaire avec lui. Il est distant depuis quelques semaines déjà. On n'en sait pas plus, Isaac.
Le jeune homme hoche doucement la tête perplexe. Ses pensées semblent alors fuser dans son esprit. Il cherche une explication sans pour autant la trouver.
Ça commence à faire beaucoup de disparition chez les loups-garous. D'abord Bella, puis Jayden.
— Ok. Tiens-moi au courant, si vous avez du nouveau.
— Et de ton côté, concernant Bella ? lui demande Michael Johnson, désirant savoir si l'enquête sur sa fille avance.
Isaac se fige puis se tourne vers moi. Il entrouvre la bouche, au bord de répondre. Je sens alors qu'il meurt d'envie de lui dire la vérité sur moi. Mais, ce n'est pas le moment. Pas maintenant. Pas tant qu'il n'y a aucune preuve qui atteste de ma vraie identité. Pour le moment rien n'est sûr. Tout n'est que spéculation.
Je secoue alors silencieusement la tête pour le persuader de ne rien dire.
Pendant un instant, mon cœur va exploser. J'ai l'impression qu'il va céder à sa pulsion de tout lui révéler.
Mais, il finit par répondre.
— Rien, articule-t-il.
Soulagée, je lui fait comprendre par le regard, qu'il a fait le bon choix.
Michael Johnson laisse échapper un petit silence assez poignant avant de finalement clore la discussion.
— Merci pour ce que tu fais pour nous, Isaac. N'hésite pas si tu as besoin de quoique ce soit. Nous te sont à jamais redevables.
Isaac déglutit, déconcerté, avant de répondre.
— Je ramènerai ta fille, Michael, je t'en fait la promesse.
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