Monica Aguilar est toujours autant...déroutante.

Isaac l'a faite venir pour qu'elle lance un sort de protection tout autour du chalet, mais aussi pour qu'elle m'aide à retrouver la mémoire. De toute évidence, il semble lui accorder une grande confiance puisqu'il lui a révélé la vérité. J'espère juste qu'il a fait le bon choix, parce que les gens fiables se font rares, ces temps-ci, entre Nathanaël qui me trahit et Vildred qui me cache des énormités...

Mais, on a besoin d'un sorcier. Et comme Nathanaël ne fait plus partie de l'équipe, il faut en trouver un autre. Monica est donc apparue comme la solution. Elle est arrivée en début de matinée, acceptant sans broncher de nous apporter gratuitement son aide. Je sais qu'elle est proche d'Isaac. Ce dernier m'a révélé qu'il avait entretenu une relation, il y a des années.

— Où est la miss ? interroge-t-elle une fois le sort de protection lancé, en regardant partout autour d'elle.

— Ici, je réponds, en m'avançant, étant restée jusque-là à l'écart et silencieuse.

Monica s'avance vers moi et me saisit par le bras, refermant sur mon poignet ses ongles rouges et très longs.

— Est-ce qu'il y aurait une pièce dans laquelle on pourrait s'isoler elle et moi ? demande-t-elle en se tournant vers Isaac.

— Il y a sa chambre. Pourquoi as-tu besoin de t'isoler ? questionne-t-il.

— Vos énergies risque de parasiter l'expérience. Je les sens. Vous êtes tous extrêmement tendus.

Isaac ne répond pas et lui fait signe de le suivre à l'intérieur de la maison pour la conduire jusqu'à la pièce où je dors temporairement.

— Ce devrait faire l'affaire. Je vais voir ce que je peux faire, et on revient vers vous après, déclare-t-elle.

— Ça marche. Dites-moi si vous avez besoin de quelque chose. Je ne reste pas loin de toute façon, réplique-t-il, avant de quitter la pièce en refermant la porte derrière lui.

Alors qu'on se retrouve seule, Monica et moi, cette dernière me pointe la chaise du bureau.

— Assis-toi, princesse.

Je m'exécute, silencieuse, en observant tous ses faits et gestes, un peu anxieuse. Monica place alors des bougies dans la pièces.

— La manière avec laquelle Isaac te regarde est agréable, n'est-ce pas ? Lance-t-elle, un sourire mystérieux en coin en pivotant quelques instants vers moi.

Je détourne le regard, un peu mal à l'aise, sentant mes joues s'empourprer.

— Isaac a un tempérament protecteur. Le regard de protection qu'il m'adresse est un traitement de faveur qu'il accorde à tous ses alliés.

Monica craque une allumette et allume une à une les bougies.

— Isaac est quelqu'un de généreux, mais il ne protège pas tout le monde. Cela fait des années que je n'ai pas perçu dans ses yeux ce regard. De toute évidence, la jolie rousse qu'il vient de retrouver et qui a partagé le début de son adolescence fait renaître en lui de vrais instincts protection, si ce n'est même plus.

— ...

J'esquisse un sourire incontrôlé, un peu malgré moi, pensive, ne répondant pas à sa réplique.

La sorcière  analyse ma réaction et s'en amuse.

— Et de toute évidence, cela n'a pas l'air de te déplaire. Il peut se montrer irrésistible, n'est-ce pas ?

Je détourne de nouveau le regard et laisse échapper un petit soupire, chassant toute émotion agréable de mon esprit.

— C'est compliqué entre lui et moi depuis pas mal de temps déjà, je déclare.

— Les complications ne sont pas un obstacle. Sinon rien ne serait surmontable.

Je hausse les épaules, toujours pensive.

— Je ne pense pas que j'aurais l'envie de surmonter cet obstacle, je répond, dans un élan de pessimisme.

— Et comment s'appelle cet obstacle ? demande-t-elle mystérieusement, en ayant lu dans mes pensées.

Je laisse échapper un petit rire gêné et finis par répondre à contre coeur, après un petit silence.

— Nina. Une louve de sa meute. Ils ne sont pas ensemble, mais ils semblaient jusque-là plutôt proches.

Monica lâche contre toute attente un rire énigmatique.

— Comment tu ne peux pas te rendre compte que la seule personne pour qui il éprouve des sentiments, c'est toi ?

Je secoue la tête, dubitative et peu convaincue.

— C'est vrai que tu le connais assez intimement pour savoir pour qui il a éprouvé des sentiments ou non, je lâche alors, en faisant un sous-entendu évident.

J'ai peut-être parlé trop vite. Mon impulsivité a pris le dessus. Mais, cela n'a pas l'air de la déranger. Elle se contente d'esquisser un sourire espiègle.

— Nous avons été intime, c'est vrai.

— Isaac m'a dit que vous vous étiez fréquenté.

— Ce n'était pas une histoire d'amour. Juste une aventure sans véritable lendemain. Isaac et moi étions et sommes aujourd'hui surtout des amis. Il me parlait d'ailleurs à cette époque sans cesse de Bella. Cette fille qu'il avait aimé à la folie durant son enfance et qui avait radicalement changé à son adolescence, sans qu'il puisse savoir pourquoi. Cette fille qui se trouve en réalité devant moi à cet instant précis.

Je reste impassible, ne laissant transparaître aucune émotion sur mon visage. Je ne veux pas me laisser aller à mes sentiments, je veux être pragmatique. Du moins pour le moment. J'en ai besoin pour avoir les idées plus claires.

— Comment était-elle, Bella ? L'as-tu connue ?

Monica fait quelques pas, avant de brûler de l'encens et de diffuser la fumée dans la pièce.

— Je ne l'ai pas connue personnellement. Mais, par le biais de ce qu'on disait sur elle.

— Et que disait-on sur elle ?

Monica lève un sourcil, et laisse quelques souvenirs remonter à la surface.

— Eh bien, que c'était une manipulatrice.

Je croise les bras sur ma poitrine, presque déçue de sa réponse peu développée.

— C'est tout ? Rien de plus ?

— Je n'ai pas les réponses à tes questions, Linda. Ce que tu veux, c'est connaître la raison pour laquelle Bella t'a volé ta vie. Si tu ne lui poses pas la question, tu n'auras jamais les vrais réponses.

— Et Jonas ? Tout ce que tu m'as dit sur lui le jour où nous sommes venus te rendre visite pour l'invoquer, c'était vrai ?

Monica plante ses yeux avec plus d'intensité dans les miens.

— Je t'ai dit ce que j'ai véritablement ressenti. Jonas est en vie et ses énergies sont noires. Très noires. Tout comme celles de Bella en fin de compte. La seule chose qui change, c'est que ce n'est plus ton frère, mais le sien.

Je laisse mon visage s'emprisonner de mes mains et me frotte les yeux, en laissant échapper un petit soupir. Les émotions me submerge à nouveau, me laissant face à mes tourments infernaux. Ces dernières heures ont été plus qu'éprouvante.

— Tout cela est tellement bizarre. En vingt-quatre heures, j'apprends que j'ai des parents, une petite sœur, que je suis l'héritière d'une meute de loup-garou et qu'un complot s'est dressé contre moi. Qui peut bien faire une chose pareille ? Bella n'est pas la seule fautive, n'est-ce pas ?

Monica esquisse un petit sourire et penche légèrement sa tête sur le côté, continuant de m'analyser.

— Tu n'aimerais pas, hein ?

Mon cœur se soulève et je me redresse, fronçant un peu les sourcils.

— Je te demande pardon ?

— Cette fille, c'est toi. Tu es elle. Tu es son présent, elle est ton passé. Tu as créé un lien avec elle sans la connaître, et malgré les mises en garde de tes alliés. Au fond de toi tu aimerais qu'elle soit autant que toi une victime dans cette histoire.

J'entrouvre la bouche, perplexe face à ce qu'elle me dit.

— Je n'espère rien de tout cela...

Mon interlocutrice lève un sourcil, incrédule.

— Je pense que si. Mais, Bella n'est pas une petite fille effarouchée. Elle a commis des crimes par son propre libre-arbitre. Alors oui, elle peut t'apporter les réponses à tes questions, mais elle peut aussi te détruire encore plus qu'elle n'a déjà fait. Si elle a réussi à prétendre d'une autre identité pendant sept ans, imagine ce qu'elle serait capable de faire d'autre.

— Donc, qu'est-ce que je fais ? Je monte un plan pour l'éliminer ? j'ironise alors.

Monica secoue la tête.

— Je n'ai pas dit ça. Mais, tu peux en effet monter un plan pour autre chose. Tu peux agir avec plus de finesse. Elle a utilisé ton identité pour ses intérêts personnels ? Utilise la sienne pour les tiens.

Je reste un peu déconcertée face à ce qu'elle vient de me dire. Je ne réponds pas, laissant mes pensées me submerger.

La sorcière tire une chaise qu'elle place en face de moi, et s'assoit dessus, plongeant de nouveau son regard perçant dans mes yeux. Elle me saisit par les poignets et semble se concentrer comme si elle cherchait à se connecter à mes énergies.

— Est-ce que tu es prête à retrouver la mémoire ?

— C'est ce qu'il va se passer ? je demande, le cœur battant.

— Je vais essayer.

— Qu'est-ce que je dois faire ?

— Laisser tes énergies se synchroniser aux miennes. Ce peut être épuisant donc j'ai besoin que tu restes concentrée.

Je hoche alors la tête.

— Je vais faire de mon mieux.

Monica se met alors à prononcer quelques mots dans une langue étrangère qui m'est inconnue et ferme les yeux, tout en maintenant ses doigts au niveau de mon poul.

Un vent glacial balaie alors la pièce, faisant voler les rideaux et les feuilles du bureau. Je suis un peu effrayée par cette scène, restant sur mes gardes au cas où cela se passerait mal. Je sens ses énergies se diffuser en moi. Mais cela reste très léger, comme si quelque chose les bloquait.

Monica lâche brusquement les poignets, et pousse un grognement d'insatisfaction et de frustration.

— Raaaah ! Je n'y arrive pas. Le sorcier ou la sorcière qui t'a fait ça a scellé son sort.

Mon cœur se soulève alors. Je commence un peu à m'inquiéter.

— C'est-à-dire ?

— C'est-à-dire que pour l'annuler il faut une quantité astronomique d'énergie que je n'ai pas, à mon niveau. Je ne peux donc rien faire, malheureusement.

Monica se lève alors et range ses affaires. Je reste confuse, sur ma chaise, à essayer d'intégrer tout ce qu'elle m'a dit. Je ne parviens pas à répliquer, tellement je suis perdue.

Monica ouvre la porte et sort de la chambre, avant d'aller retrouver Isaac qui nous attendait dehors.

— Comment ça s'est passé ? demande-t-il subitement, au moment-même où il nous voit arriver.

— Je ne sais pas quel sorcier lui a retiré ses souvenirs, mais son sort est l'un des plus puissants que je n'ai jamais vu. Je n'ai pas l'énergie nécessaire pour l'annuler, déclare-t-elle, déconcertée.

— Et tu connais un sorcier qui serait en mesure de le faire ? lui demande Isaac.

Monica secoue la tête.

— Personnellement non. Tu sais que je ne travaille pas avec les autres sorciers. Mais, tu devrais chercher dans les registres de l'Enclave. De nombreux sorciers expérimentés ont collaboré avec. Peut-être accepteront-ils de vous aider.

— C'est risqué. Je ne veux pas que l'Enclave soit au courant pour le moment, tant qu'on n'a pas de preuve tangible de sa véritable identité. Cela va lui porter préjudice.

— Et bien, contacte-les sans leurs dire que tu viens de la part de l'Enclave. Tu es Isaac Peterson. Ton nom peut t'aider à trouver quelqu'un, déclare-t-elle.

— Donc, tu confirmes bien ce que je disais ? On lui a bien retiré ses souvenirs ? s'élève une voix masculine un peu plus loin.

Vildred.

Le Chasseur écoute la conversation, dans l'ombre.

Monica se tourne vers lui.

— Je sens beaucoup de choses chez elle. Il y a ça, en effet, mais il y a aussi autre chose.

— Autre chose ? l'interroge Isaac, le cœur battant.

— Quelque chose qui semble être en elle bien avant ce sort. Quelque chose qui fait partie d'elle, qui l'habite, qui coule dans ses veines.

— Quoi donc ? Je murmure, sentant un immense frisson parcourir mes membres.

— Je ne sais pas. Mais, de toute évidence, quelqu'un a fait de toi un véritable produit expérimental. Tu es une expérience, Linda.

—...

Je ne parviens pas à répondre. Complètement décontenancée par la situation, je me laisse tomber sur une chaise, et laisse mes pensées me submerger.

— Fais très attention à toi, ma jolie. De toute évidence quelqu'un joue avec toi. Tu es un véritable terrain de jeu. Et il est peut-être plus proche de toi que tu ne le penses. Fais très attention à tes fréquentations, ce serait le principal conseil que j'aurais à te donner, déclare-t-elle sur un ton grave.

Isaac s'apprête alors à la raccompagner.

— Merci Monica. Merci d'avoir fait ton possible pour elle, réplique-t-il.

— C'était un plaisir. N'hésitez pas à faire appel à moi si vous en avez besoin. Vous aurez besoin d'alliés dans cette guerre.

Monica note alors son numéro de téléphone sur un  papier et me le tend. Je la remercie alors, et elle disparaît ensuite, nous laissant dorénavant entre nous.

— On retourne à l'Enclave, je déclare alors.

Le loup-garou secoue la tête, catégorique.

— Pas toi. C'est trop imprudent.

— Si je disparais, là ça sera imprudent. Il ne faut que personne se doute de quelque chose pour le moment, tant que je n'ai pas retrouvé mes souvenirs.

Isaac maintient une expression d'opposition sur son visage.

— Je ne veux pas que tu te mettes en danger.

— Et moi je ne veux pas rester sur la touche ! Je veux me battre ! Si une guerre se prépare je veux être de la partie. Et tu ne m'en empêchera pas, Isaac parce que c'est mon droit, j'articule alors en plantant mes yeux dans les siens.

Il y a pour le moment tellement de chose à gérer. Les vampires, Nathanaël, l'Enclave, les loups-garous, Bella.

— Je m'occupe de Bella, réplique alors Vildred.

Je sens alors un sentiment d'agacement monter en moi. Je me dirige dangereusement vers le Chasseur et le défie d'un regard assassin.

— Tu t'occupes de Bella ? C'est-à-dire ?

— Qu'il va la tuer, réplique Laura qui vient d'apparaître alors.

Mon cœur se soulève alors. J'ai encore énormément de rancoeur envers Vildred. Et savoir qu'il prévoit d'agir dorénavant pour son propre intérêt malgré ce qu'il a fait, me met hors de moi.

— C'est la seule personne qui peut actuellement m'apporter les réponses à mes questions ! Si tu la tues, tous mes espoirs de vérités s'envole avec ! je m'écrie alors.

Vildred approche son regard sur mien pour me provoquer.

— Eh bien dommage. Mon plan est déjà prêt à être à exécution.

— « Une reconnaissance éternelle » ? C'est ce que tu voulais, non ? Alors ne tue pas Bella, et je ne communiquerait pas ma meute les raisons opportunistes qui t'ont poussé à cacher ce que tu savais véritablement sur moi.

Vildred croise alors les bras.

— Et si je n'accepte pas ?

— Linda ! S'indigne Isaac, en tentant de s'interposer.

Je lui fait signe de ma main de se taire.

— Et bien je dirais aux loups-garous que tu t'es servi de moi pour faire grimper tes tarifs. Et tu sais comme moi qu'il n'est pas bon d'avoir une meute de loups enragés à ses trousses, j'articule froidement.

Vildred hausse un sourcil et me dévisage du regard.

— C'est un chantage que tu me fais, là ?

— Un arrangement plutôt, dans lequel on sort tous les deux gagnants. Épargne Bella, et je ferais de toi dans l'esprit des loups et de tous mes Surnaturels, l'un de ceux qui m'a sauvée héroïquement, sans révéler tes véritables intentions qui t'ont poussées à agir.

— Linda...! C'est de la folie ! m'interpelle de nouveau Isaac.

Je me retourne subitement vers lui et le fusille du regard.

— C'est moi qui décide, à partir d'aujourd'hui. Je reprends enfin les rênes de ma propre vie. Tu es avec moi ou contre moi. À toi de choisir.

Isaac ne répond pas, ne s'étant pas attendu à ce que je me montre aussi tranchante avec lui.

— C'est d'accord, déclare Vildred.

— Quoi ? s'étrangle de nouveau le loup-garou.

— J'accepte ta proposition, réplique le Chasseur.

Je hoche la tête.

— Si tu t'avises à ne pas respecter le contrat, je ferai de toi la cible principale des loups-garous, et je serai la première à tenter de t'éliminer. C'est assez clair comme cela où tu as besoin de précisions ?

Vildred plante ses yeux avec plus d'intensité dans les miens.

— J'ai déjà hâte de poursuivre cette collaboration avec la nouvelle Linda.