Chapitre vingt-cinq
Bonne lecture !
_______________________
Sur le moment, il avait eu peur que William l'emmène chez Blaize. La nourriture était bonne là bas, ce n'était pas le problème, mais le propriétaire était une vraie commère et il ne voulait pas que tout le village soit au courant à la minute où ils sortiraient du restaurant.
À son grand soulagement, William ressortit du supermarché avec un sac en plastique dans la main et quelques sandwichs à l'intérieur. Il avait toujours ce petit sourire agréable et dès qu'il le regardait, Willaim faisait de même pour lui rendre son coup d'œil.
C'était étrange, comme sensation. Octavius avait l'impression d'être à nouveau cet adolescent heureux d'aller en cours pour retrouver le garçon qui lui avait demandé de sortir avec lui, celui qu'il aidait avec ses devoirs, qui le regardait lire parfois le soir à la bibliothèque, et qui avait contribué à sa nouvelle vie loin d'ici.
Quand ils s'arrêtèrent au square, Octavius regarda le parc pendant quelques secondes avant de s'avancer vers l'un des bancs. Il ne se souvenait même pas lequel était le sien, celui sur lequel il s'était installé plus d'une fois en attendant l'heure. S'asseoir l'un à côté de l'autre lui parut étrange, mais pourtant pas autant qu'il l'aurait cru. Lui avait sa veste, William avait son manteau.
Quand il lui tendit l'un des sandwichs, Octavius grommela un remerciement puis croqua dedans sans hésiter.
– Je me suis dit que ça serait plus tranquille ici, fit William en s'appuyant contre le dossier du banc. Et j'avais pas vraiment envie de t'envoyer dans les griffes de Blaize.
C'était attentionné, même s'il ne comprenait pas comment tout le monde faisait pour être ami avec Blaize : s'ils savaient tous que c'était une commère grognon et acariâtre, alors comment était-il encore invité à ces soirées cartes à l'hôtel ?
– Alors, demanda-t-il l'air de rien, tu voulais parler ?
Il ne demandait pas de quoi il voulait parler, mais s'il voulait parler ; et étrangement cela lui donna envie de répondre.
– J'avais envie de te voir.
Ce qu'il n'avait pas prévu, en revanche, c'était l'air surpris et les joues rosés que provoqua sa réponse sur William. Il bégaya deux trois sons, puis plongea sur son propre sandwich pour en prendre une bouchée. Discrètement, il cacha sa bouche derrière son poing mais Octavius crut apercevoir un sourire.
– D'accord.
Puis il l'entendit inspirer.
– Je suis content que tu sois revenu, même si c'est que pour quelques jours. J'ai suivi ce que t'as fait, mais c'est marrant les journaux parlent pas vraiment des auteurs ; c'est plus les sportifs qui font la première page.
Ses épaules se haussèrent et soudain Octavius eut l'impression qu'ils étaient bien plus proches.
– Alors, qu'est-ce que tu deviens ? Toi, je veux dire, pas l'auteur.
L'auteur en question leva la tête vers lui et la pencha légèrement sur le côté.
– Divorce, accident de voiture, page blanche, et enterrement, énuméra-t-il en sentant ses lèvres s'étirer.
Ce n'était pas drôle, mais c'était la première fois qu'il en parlait vraiment.
– Pas top, donc. Mais j'ai l'impression que ça commence à aller mieux.
L'annoncer rendait la chose beaucoup plus réelle, et il prit conscience que c'était le cas. Il se sentait toujours mal, il n'arrivait toujours pas à écrire, et Sophia était bel et bien morte.
Mais à l'intérieur, ça allait mieux. Ce poids sur ses épaules se faisait plus léger au fil des jours.
– Et toi ? Policier, apparemment. Ça m'étonne pas. Mariage, enfant ?
Il n'était pas tellement sûr de réellement vouloir entendre la réponse, mais il retint tout de même sa respiration pour écouter. S'il l'entendait, alors il pourrait passer à autre chose. Il pourrait mettre enfin un point à cette histoire qui s'était la première fois terminée par une virgule, et passer à autre chose. Partir loin, reconstruire sa vie, essayer de retrouver l'inspiration.
Tout ce qu'il voulait, c'était l'entendre. Et après il partirait.
– Oh, pas vraiment. J'ai failli, une fois, mais Blaize m'a fait comprendre que c'était une connerie. Du coup il est parti et je l'ai plus jamais revu.
Octavius papillonna des yeux.
– Il ? répéta-t-il.
– Hmm ? Oui ? Je suis gay, clarifia-t-il. Je pensais que c'était clair vu qu'on est.... mais enfin vu que toi tu... enfin pas toi du coup vu que tu t'es marié trois fois mais...
Il se racla la gorge, cette fois un peu gêné.
– Bref, tu vois. Donc pas d'enfant. Et pas de femme non plus.
C'était impossible. Octavius le fixa sans rien dire, son sandwich bloqué entre sa bouche et ses genoux. Il s'y était fait, il s'était préparé, mais il n'avait pas prévu de réaction pour ce genre de réponse.
– D'accord. Je vois.
Sauf qu'il ne savait plus quoi faire. Normalement, il aurait dû lui poser des questions, lui demander s'il était heureux, lui souhaiter bonne chance pour la suite et peut-être même refuser un dîner entre sa femme et ses deux enfants. Mais à présent que William était libre, qu'était-il censé faire ?
Il eut l'idée de se déplacer légèrement pour s'éloigner histoire de réfléchir calmement, mais il n'en eut pas le temps.
– Je vais te donner mon numéro. Comme ça tu pourras prendre ton temps pour réfléchir.
– Pour réfléchir à... ?
Ce n'était pas en train d'arriver.
– Pour réfléchir au fait que je n'ai pas envie d'être ami avec toi. Pas que, tout du moins. Et que j'aimerais beaucoup que tu restes. On est adulte maintenant, et je veux pas te laisser partir une deuxième fois.
Octavius ne comprenait pas. Lui était resté bloqué dans le passé, alors le fait que ses sentiments lui paraissaient presque intacts n'était pas étonnant, mais William ? Il aurait pu passer à autre chose depuis longtemps, ce n'était qu'une amourette de collège qui s'était mal terminée, et cela faisait tant d'années.
Il avait du mal à y croire, et encore plus de mal à comprendre.
– Tiens, le réveilla-t-il en lui tendant le ticket de caisse.
William avait sorti un stylo pour inscrire son numéro.
– Quand tu voudras.
Et son sourire, son sourire fut si doux, son regard si plein d'espoir, et son visage vieillit par le temps remplaça le souvenir qu'il avait de lui.
Octavius posa une main sur son ventre, et sentit ces foutus papillons recommencer à voler.
______________________
Des bisous !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro