Chapitre quatre
Bonne lecture !
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Dans la chambre, sa chienne qui s'était allongée sur la moquette releva la tête à son approche. Elle la pencha d'un côté, la langue sortie, puis la reposa sur le sol en constatant qu'Octavius n'allait pas vers elle.
Il fixa l'extérieur où la lune était toujours bien visible, puis son ordinateur encore ouvert sur le bureau. La page blanche était aussi éclatante que quelques minutes plus tôt, et il se mordit la lèvre en détournant le regard.
Octavius passa une main dans ses cheveux humides puis alla sortir un pantalon et un sweat-shirt de son sac : son esprit embrumé par la caféine voulait de l'air frais, et il n'arriverait pas à dormir même s'il avalait une plaquette entière de somnifère.
– Athy, fit-il alors qu'elle se levait en remuant la queue. Tu veux aller faire un tour ?
Elle ne répondit évidemment pas, mais ses petits glapissements heureux lui montrèrent qu'elle aussi avait besoin de se dégourdir les pattes. Sans attendre, Octavius lui enfila son harnais puis alla claquer l'écran de son ordinateur portable : le noir revint immédiatement et il put tourner les talons en attrapant sa veste au passage. Il ne prit pas la peine de chercher la laisse : cette chienne était dressée comme un véritable soldat, et personne ne devait se promener dehors à cette heure-là.
– Bon.
La porte ne lui avait pas paru aussi infranchissable, tout à l'heure.
– C'est l'heure d'aller retrouver le village, je crois.
Et il n'était pas sûr d'être vraiment prêt.
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Les rues étaient comme dans son souvenir : étroites, pleines de voitures garées sur le bas côté, avec une odeur de pluie et un peu d'embruns. Il n'entendait pas la mer, mais il savait exactement où elle se trouvait : certaines maisons étaient peut-être neuves ou refaites, mais dans l'ensemble rien n'avait changé. Les herbes étaient toujours trop hautes près des arrêts de bus, la place centrale semblait toujours déserte la nuit et les décorations de Noël pendaient encore aux fils électriques – ils étaient là toute l'année, depuis qu'il était petit et encore plus longtemps sûrement –.
Le froid lui picotait les joues, mais il s'était bien emmitouflé avant de partir alors ses pieds avançaient d'eux-mêmes : il savait où il voulait aller, et ce qu'il devait éviter à tout prix. Donc, quand il arriva près de l'ancien port, il observa le phare qui s'était écroulé un siècle plus tôt debout à côté d'un banc. Les vagues s'écrasaient contre les rochers et les quelques bateaux amarrés là, mais dans l'ensemble il n'était vraiment plus utilisé : même les bouées étaient en mauvais état.
De l'autre côté de la route, derrière lui où se trouvait une barrière en bois blanc et rouge, un petit sentier se perdait derrière d'épais buissons. Il avait toujours été là, et quand il était vraiment petit il avait aimé passer des heures dehors à explorer tous les environs ; pourtant ce chemin là, c'était au collège qu'il l'avait découvert, presque deux ans avant de quitter définitivement cet endroit.
– Athy, appela-t-il. Par là ma belle.
Il dégagea le chemin pour elle en relevant les branches, puis se griffa le cou en se glissant à travers les feuilles vertes. Le village était construit le long de petites falaises qui ne dépassaient pas les six mètres, puis repartait vers les terres en de longues allées sinueuses. Le sentier sur lequel il marchait était en très mauvais état, mais il y avait encore un peu de marge avant que la mer ne fasse s'effondre la terre ; les bancs étaient tous à deux doigts de s'écrouler, d'énormes racines envahissaient le chemin, et le chemin de terre autrefois bien dessiné était à présent presque entièrement recouvert d'herbe.
Mais tout de même, cela faisait du bien. Il marchait, marchait, et marchait encore en observant la mer, les vagues, le ciel, et sa chienne qui courait le long de la côte. Sa longue queue s'agitait dans tous les sens tandis qu'elle vérifiait de temps à autre s'il suivait toujours. Le vent soufflait, relevant ses cheveux sur sa nuque et faisait bouffer sa veste autour de son corps. Parfois, il tenait ses lunettes pour éviter qu'elles ne se décrochent de son nez et éternuait quand les embruns lui chatouillaient un peu trop les narines. Les rochers en contre bas se faisaient peu à peu submerger et les nuages recouvraient encore une fois les étoiles : la pollution lumineuse était si faible qu'elles brillaient plus fort que nulle part ailleurs.
Les mains dans les poches, il essayait d'écarter les souvenirs qui venaient rebondir sur la bulle qu'il s'était créée : cela faisait des années qu'il les évitait continuellement, et à presque trente-six ans c'était encore affligeant qu'il n'y arrive encore que partiellement. Les souvenirs, le passé, c'était quelque chose qu'il pensait avoir lâché avant de monter dans la voiture qui l'avait écarté de cet endroit. Mais ce sentier, c'était différent. Il l'avait pris en pleurant, en riant, en ayant peur et en se demandant pourquoi il était là, sur cette terre. Mais le plus important, c'était qu'il n'avait été que très rarement seul dans ces moments là.
Comme pour le ramener vers elle, Athy aboya au loin : elle s'était perchée sur une large pierre, là où le chemin tournait enfin. Ses pas ralentirent doucement, puis s'arrêtèrent finalement complètement. Il fixa l'endroit, sachant parfaitement ce qu'il y trouvait s'il osait s'approcher un peu. Une minuscule plage, entourée par des dizaines d'éboulements qui avaient lieu chaque année.
« On est bien là, non ? Ici, personne ne peut t'atteindre. »
Cette voix, encore jeune et fluette, un peu rauque certes, mais encore douce, le força à se retourner. Sur le sentier vide, là où on ne voyait même plus le village, seul le vent lui prouva que ce n'était que dans sa tête. Il avait mal, il était fatigué, et étrangement il sentait la cicatrice cachée sous sa frange pulser sous sa peau.
Il avait soif, aussi, mais il ne savait même plus de quoi.
– Athy, l'appela-t-il. On rentre.
Elle glapit puis courut vers lui à toute vitesse avant de le dépasser et continuer son chemin dans l'autre sens. À l'horizon, le ciel commençait déjà à s'éclaircir, ce qui voulait dire qu'il était largement temps pour lui – et pour elle – d'aller retrouver leur chambre.
Au milieu du sentier, les nuages se firent plus sombres que jamais et une pluie épaisse se mit à lui tomber dessus : il se dépêcha de rentrer, glissant parfois dans la boue qui s'était formée sous ses pieds.
Tout va bien.
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Des bisous !
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