Chapitre onze
Bonne lecture !
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« – J'étais sûr que c'est ici que je te retrouverais. »
Sa voix fut comme une douche à la fois froide et brûlante qui le poussa à se tendre comme il ne l'avait jamais été. Celle-ci, il ne la connaissait pas ; trop rauque, pas la même mesure ni la même nuance. Il ne l'avait jamais entendu, pourtant l'intonation qu'elle portait le transperça comme une flèche car il n'y avait qu'une personne sur cette terre pour lui parler comme ça. Pour s'adresser à lui comme s'il était encore l'adolescent timide qu'on embêtait dans les couloirs, celui qu'il voyait comme la septième merveille du monde même si des années après, il ne comprenait toujours pas pourquoi.
La mer s'écrasait toujours à ses pieds et quand Octavius se retourna, il comprit aussitôt qu'en vérité il l'avait tout même attendu. Au moment où il était entré dans ce village, il avait attendu ce moment en espérant que William Gauthier s'y trouve encore. Qu'il ne soit pas parti, qu'il n'ait pas disparu dans la nature, qu'il ne l'ait pas laissé, d'une certaine façon, seul avec ses démons.
Plus grand et plus barbu, il l'observait avec un petit air tranquille qui lui sembla vraiment étrange sur le moment. Les mains dans les poches de son vieux jean, portant ce t-shirt aux couleurs bariolées, il semblait attendre quelque chose – quelque chose qu'Octavius n'avait très certainement pas.
– Et j'avais raison, ajouta-t-il.
Il lui sembla que sa voix venait de loin, et soudain Octavius réalisa que c'était réel. Qu'il était vraiment là, sur cette plage, et que sa chienne s'était précipitée vers William comme s'ils étaient de vieux amis. Elle n'était pas censée le trahir avec le premier inconnu venu.
Il eut froid, tout à coup.
– Comment tu savais que j'étais là ?
Sa voix sortie de manière aussi effacée que d'habitude, et il se demanda s'il n'allait pas devoir répéter. Il ne le voulait pas, il n'était pas sûr d'en avoir la force. Mais William releva la tête, arrêta de caresser la chienne, et recommença à lui faire ce petit sourire qu'il ne comprenait pas.
– C'est un petit village, tu sais. Tout le monde se connaît ; Mika et Killian sont de vraies commères, ils connaissent Blaize, qui lui connaît tout le village, et il y a eu l'enterrement et le supermarché et Killian qui répétait qu'il y avait enfin un fantôme dans l'hôtel. Du coup, maintenant il y a une rumeur comme quoi le petit-fils de Sophia serait en fait un auteur super connu qui a disparu des radars il y a six mois, qui revient au village après des années d'absence, et Killian est vraiment déçu. Enfin, voilà quoi.
Il haussa les épaules, et fit deux pas en avant. En voyant qu'Octavius ne reculait pas, il en fit trois autres.
– Je suis désolé pour ta grand-mère. Elle était vraiment particulière, comme femme.
Quand il arriva en face de lui, juste à la limite de l'eau, il attendit qu'Octavius fasse de même. Qu'il s'avance à son tour pour parler du bon vieux temps, pour qu'il l'entende évoquer sa nouvelle vie d'homme marié – parce qu'il n'y avait aucune chance pour que William soit encore seul, soit encore celui qu'il avait connu – et pour qu'il fasse comme si tout allait bien. Il ne bougea pas, et compta deux mètres entre eux.
– Je t'ai vu passer dans le centre-ville tout à l'heure, et même quand je t'ai appelé tu... enfin bref, quand t'as commencé à aller vers le sentier je me suis dit que tu allais à la plage.
Il grimaça, mais en vérité il avait l'air heureux. Ce qui était étrange, car Octavius, lui, avait l'impression de se noyer sur le sable.
– Tu...
Mais sa voix resta coincée, et il baissa les yeux sur ses pieds. Il avait raison, c'était un petit village.
– Ouais, continua William en se décoiffant l'arrière du crâne.
Il avait coupé ses cheveux. Avant, il les avait bien plus longs. À présent, ils ne coulaient même plus dans son cou.
– Tu dois avoir autre chose à faire. Si ça se trouve, tu te souviens même pas de moi, en fait. On était ensemble au –
– Si, le coupa-t-il. Si, c'est bon. Je me souviens.
Bon sang, bien sûr qu'il se souvenait, comment aurait-il pu en être autrement ?
– Je... je dois y aller. Athy.
Sa chienne se releva, et il se rendit compte qu'elle était restée aux pieds de William depuis qu'il était arrivé. Elle vint vers lui alors qu'il sortait de l'eau, laissant des traînées humides sur le sable. Il ne voulait pas le regarder, pas encore, alors il se dépêcha et le contourna de quelques mètres. Ses chaussures n'avaient pas bougé, et il les attrapa au passage puis remonta les rochers pour aller retrouver le sentier.
Les petits cailloux lui firent mal mais il continua d'avancer, jusqu'à être suffisamment loin pour ne plus apercevoir la plage. Une fois hors d'atteinte, il les enfila rapidement puis se mit à courir en glissant parfois sur la poussière et le gravier. L'air lui paraissait étouffant, et tandis que sa chienne aboyait gaiement à ses côtés, croyant à un jeu, lui essayait de réfléchir calmement. De réfléchir tout court.
William était là. William allait bien.
Et William n'avait pas changé.
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Des bisous !
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