Elle s'asseyait en tailleur sur son matelas puis bougeait lentement la tête au rythme de la musique. Elle mimait inlassablement des cercles avec ses épaules puis levait délicatement les bras. Je pouvais apercevoir cette maigre silhouette surmontée d'un énorme chignon partant dans tous les sens dansant dans la triste pièce qui lui servait de chambre.

Un vieux poster d'Aladdin Sane récupéré dans une brocante était scotché afin d'égayer un peu les murs en béton de cette pièce. Il y avait également cette armoire, ce miroir plus précisément. Cette glace devant laquelle elle se prenait immanquablement pour un pantin avec qui on s'amusait. Elle se suspendait par un coude, puis un autre avant de relever artistiquement la tête.

Les passants la pensaient en transe. Je la trouvais normale. Normalement intrigante. J'aurais voulu la connaître. Panser ses malheurs et ses maux de têtes. Maudire le Soleil à ses côtés. M'allonger dans les rames de métro afin de voyager avec elle de station en station.

Elle décrétait qu'une violente épidémie s'attaquait sur nos amis les papillons. Elle manifestait seule dans les rues, pancarte à la main, pancarte qui disait « Sauvons les chenilles métamorphosées ». J'aurais donné n'importe quoi pour guérir ces insectes à ses côtés.

Elle parlait d'une époque qui n'était pas la sienne, d'une âme ayant déjà quitté la Terre. Il suffisait juste de tuer ce corps vide et glauque afin qu'il disparaisse.

En effet, elle était née trop tard, trop tard pour vivre la vie qu'elle aurait voulu vivre. Elle pouvait changer de nom, de nationalité, de sexe, qu'elle disait. Mais elle ne pouvait pas changer d'époque. Et cela était bien vrai. Il aurait fallut qu'elle remonte le temps intergalactiquement parlant.

Déconnectée, qu'elle était. Déconnectée de toutes formes de réalité.