
Le Comité - Premier Mois, Jour 2
Média : Evelyn Evelyn
- Maman. Je peux apprendre la langue des signes ?
La mère de Gabrielle sursauta, effrayée par l'apparition soudaine de sa fille. Elle lui sourit gentiment et demanda :
- Bien sûr, il faut juste que j'en parle avec ton géniteur, parce que apprendre une langue une semaine sur deux, ce n'est pas top mais... Pourquoi ?
- Il y a une nouvelle dans la classe et...
- Une nouvelle en plein milieu du mois de septembre ? Un vendredi ?
- Oui, donc elle est muette et...
- Oh je suis désolé pour elle !
- Non mais elle le vit bien apparemment ! Bref, je disais, je suis sa responsable ! Donc...
- Pourquoi toi ? Tu t'es dévouée ? Oh ma chérie, je suis si fière de toi !
- Maman ! C'est moi parce que je suis arrivée en retard !
- Oh...
- Et, en tant que responsable, j'estime que c'est à moi de servir de traductrice ! Ne t'inquiète pas, j'ai fait des recherches pour trouver des cours localement, j'en ai parlé avec papa au téléphone et il est d'accord que si tu es d'accord !
- Je suis fière de toi...
- Maman ! Arrête, je fais juste mon devoir !
- Ne t'inquiète pas, je m'occupe de toute la paperasse ma chérie !
Gabrielle resta assise là, un sourire bête sur le visage, heureuse que ses parents soient fières d'elle.
Elle envoya un message à Judicaëlle pour dire que c'était bon et elle reçu un :
Chiante ❤️:
| Opération sympathiser avec Gwen, activé !
~~~~
Un téléphone fit un petit accord de harpe.
Gwenaelle râlant et grognant silencieusement de ne pas avoir éteint son portable l'alluma.
Inconnu :
| Tu as de beaux cheveux blonds.
Mais qui était ce zouave ? Énervée, la brune tapa :
Vous :
| J'ai les cheveux noirs.
Inconnu :
| Mince, encore raté !
| Je savais que j'aurais dû mettre brune. Il y a quasiment jamais de blondes 😞
Vous :
| OK. Je te bloque maintenant bisous.
Bisous ? Venait elle vraiment d'écrire bisous à un inconnu ? La muette réfléchit un peu et changea son nom en "Truc bizarre".
Vous :
| Oublie le bisous ! Pas de bisous ! Rien ! Tout est purement platonique entre nous.
Truc bizarre :
| Tu admets qu'il y a quelque chose entre nous ?
| Wow, je te savais pas aussi directe
Vous :
| Tu ne me connais pas tout court, comme ça c'est réglé.
| Et puis tout ce qu'il y a entre nous, c'est un téléphone. Tu es qui ?
Truc bizarre :
| Tant d'humour, je suis ébloui.
| Et sinon, je suis un mec, un homme, un vrai, un virile 😎
Vous :
| Virilité rime avec débilité et c'est pas pour rien. Personne n'est 100 % virile.
| Et abandonnes. Il n'y aura qu'au plus de l'amitié entre nous.
Truc bizarre :
| Féminité rime avec aussi !
| Bienvenue nouvelle pote ! Aies le plaisir de cotoyer le grand, le magnifique Gaylord ! (pas de jugement sur le prénom STP)
Vous :
| C'est bien ce que j'ai dis
| Laisse moi me rendormir maintenant petit et ridicule Gaylord.
Petit et ridicule Gaylord :
| Mais... Non ! Je veux parler ! Pour une fois qu'on me répond sans me bloquer !
| Allez !
| Tu es vraiment partie ? Lacheuse.
| Je suis quelqu'un de sociable moi, j'ai besoin de contact !
| Je suis sympa en plus. Tu devrais essayer !
Et Gwenaelle se rendormit, éteignant son téléphone portable.
~~~~~
- Lève toi Gwenaelle.
La jeune fille se leva silencieusement et rapidement sous le regard indiscret de sa mère.
- Dépêche toi de te préparer, je t'emmène.
Sa mère pinça les lèvres, ennuyée de s'occuper d'elle. Elle aurait aimé que ce soit son mari qui le fasse mais il avait sorti la carte du "je pars au travail en premier" et celle du "cette fille elle est sortie de ton ventre, pas du mien.".
Ennuyant. Elle ne brûlait que pour son travail et voyait sa fille comme une gêne qui la retardait.
Sa fille qui ne disait et qui ne dirait jamais rien. C'était agaçant de se dire que son handicap lui fermait de nombreuses portes pour trouver un travail correct.
N'était ce pas l'accomplissement de leur éducation si les enfants trouvaient un bon métier ? N'était ce pas tout ce que les parents veulent ? Le meilleur pour leur progéniture ?
Gwenaelle observa les lèvres pincées de sa mère. Elle n'était jamais contente, toujours à grimacer ou à soupirer en la regardant. Qu'avait elle fait de mal ? Rien, à part être née muette, elle le savait. Si la jeune fille s'était accommodé de ce mode de vie, ses parents non.
Pourquoi ne pouvait-elle pas être tranquille ?
- On essayera un comité de personne en situation d'handicap ce soir, ne l'oublie pas. D'ailleurs, j'ai pas trouvé de comité spécialement pour les muets mais en même temps il y a plus de sourds-muets et de sourds que muets.
Gwenaelle pensa "J'en ai pas besoin ! Je vis bien le fait d'être Muette, c'est vous qui ne supportez pas ça ! Je ne pourrais même pas parler à l'oral avec eux ! "
Mais elle fit :
Ok.
- Je n'ai pas besoin de ton accord, tu y vas, point.
Quelque part Gwen savait que la vieille femme devant elle était juste fatiguée et désespérée. Elle se demandait pourquoi son mari ne l'aime plus, pourquoi sa fille ne lui parle jamais de ses soucis et pourquoi sa fille était née Muette. L'épouse cherchait sans doute un bouc émissaire pour se rassurer, cependant cela était tombé injustement sur sa fille et ça, la jeune fille ne pouvait lui pardonner.
J'arrive.
Gwenaelle, impassible, comme toujours, arriva enfin devant une porte qui portait l'inscription : "Club de témoignage pour les handicapés, du plus petit au plus gênant !".
Elle trouvait ça bête mais ne s'exprima pas là dessus, se contentant d'observer d'un œil sceptique sa mère s'agiter, vantant les mérites de la thérapie de groupe.
-... On devrait faire ça aussi avec ton père, toi et moi !
Maman, arrête de te fatiguer.
La quadragénaire serra les poings, cligna des yeux et lança :
- Si tu ne veux pas améliorer la vie de notre famille, tant pis pour toi !
Et elle partit. Sa mère préférait toujours fermer les yeux quand elle ne contrôlait pas quelque chose. Sa maladie comme son père.
La brune soupira et ouvrit la porte.
- Ah voilà notre nouvelle arrivante ! Présente toi s'il te plaît !
La jeune fille, interloquée, regarda son interlocuteur qui semblait avoir oublier son handicap.
- Allons, ne fais pas ta timide ! Parle !
Il n'avait donc pas vérifié sa fiche ? Mais qu'est-ce qu'elle fichait là bon sang !
- si tu ne fais pas d'efforts, je vais devoir informer tes parents de ton insolence !
Et Gwenaelle se mit en colère. Elle était fatiguée. Fatiguée que ce soit toujours à elle de faire des efforts alors que, nom de dieu, c'était écrit dans son ADN qu'elle ne pouvait pas parler. Fatiguée que cet énergumène n'est même pas lu son dossier avant qu'elle n'arrive. Fatiguée de ne pas pouvoir hurler ce qu'elle pensait. Fatiguée qu'on ne lui demande pas son avis.
Alors, d'un calme furieux, les mains tremblantes de rage, la jeune fille sortit son cahier de son sac.
- Que faites-vous jeune fille ?
Elle commença à écrire sur son carnet, froissant le papier sous ses coups de crayon énervés.
- MADEMOI...
La lycéenne leva son mot et montra à tout les gens dans la salle ce qu'elle avait écrit.
Je m'appelle Gwenaelle Ramenois et je suis muette.
- Oh, euh... Désolé. Nous sommes débordés à l'administration et...
La voix du bonhomme s'éteignit.
- Présentez vous les anciens !
- Je m'appelle Vaena et je ne sais même pas pourquoi je suis là. J'ai juste une difformité au visage, ce n'est pas vraiment handicapant !
- Vaena... Arrête de mentir.
- Je suis normale ok ? Je veux qu'on arrête de me traiter comme une petite chose fragile ou qu'on me donne des traitements de faveurs. Je ne veux pas de votre pitié.
- La pitié n'est pas un sentiment négatif Vaena. Tu es juste trop fière.
- J'ai surtout de la dignité.
La Muette observa la jeune femme qui trônait le dos droit sur sa chaise. Elle était vraiment bien habillé, d'une manière apparemment très "tendance". À vrai dire, son corps correspondait parfaitement aux critères de beauté actuel. Vaena aurait pu faire mannequin si elle n'était pas défiguré, son œil rentrant plus profondément que la normal dans son visage. Ça devait sans doute lui occasionner une gêne pour voir et des remarques désagréables de la part des autres.
Plongée dans ses pensées, elle se réveilla que lorsque le tour des dernières personnes présentes dans la salle se présentent.
- Je m'appelle Eliakim et je suis dyslexique. Pas de problème niveau scolaire, l'école est assez bien adaptée à mon handicap mais c'est plus les autres qui n'arrêtent pas de me traiter de cons qui m'embêtent.
- Merci. Ensuite ?
- Je m'appelle Nilton et, à première vue, je ne suis pas handicapé. Je ressemble à un valide assis sur une chaise roulante. J'ai le syndrome d'Ehlers Danlos. C'est une maladie génétique dont je vais vous épargner les détails mais cela fait que je dois rester généralement dans un fauteuil même si je peux me lever. Du coup, on me dit que je suis un mauvais handicapé. Je veux juste qu'on me reconnaisse et qu'on arrête de me juger sur une maladie invisible et sur le fait que je veux parler de mes douleurs.
- Je ne suis pas d'accord avec toi, il vaut mieux être invisible !
- Vanea, il y a plein de gens qui souffrent de cet désinformation, on ne peut pas fermer les yeux !
La jeune fille s'étonna. Lors d'une réunion où l'on parle sans se soucier des handicaps, la deuxième information qu'ils donnent sur eux c'est le leurs ? Aussitôt après s'être fait cette réflexion, elle comprit. C'était un réflexe. Comme elle l'avait fait pour se protéger des foudres de l'organisateur. Comme le prof l'avait fait pour calmer Gabrielle.
C'était tout de même fatiguant d'être déterminé à soixante-quinze pourcents par ça.
- Et toi Gwenaelle, comment veux-tu qu'on te considère ? Comment envisages-tu de vivre ta vie avec ton handicap.
Je veux juste vivre.
Tout les participants de cette réunion se tournèrent vers elle.
À la fin, Vaena et Nilton s'approchèrent d'elle et demandèrent :
- Passes nous ton numéro s'il te plaît. Tu as l'air cool.
Vous êtes amis ? C'est étonnant.
- On a une vision différente mais ça nous empêche pas de vivre et d'être amis.
- Bienvenue au club Gwenaelle !
Elle était déjà aller dans des clubs comme ça. Elle avait récolté quelques gestes de soutien et beaucoup de regard méprisant. Des demandes d'amis, souvent oubliés à cause de l'effroyable tornade de la parole. Alors, lorsqu'elle leur passa son numéro, elle ne pensait pas leur reparler en dehors du club.
Et elle avait raison. La parole mettait toujours une barrière entre elle et les autres.
Vava :
| On se fait un appel vocal de groupe ?
Nini :
| Bonne idée !
Gwenaelle :
| Je peux pas.
Nini :
| Oh... Alors euh... Tu viens à notre soirée ?
Gwenaelle :
| Je ne peux pas, ma mère ne veut pas.
Vava :
| Tu ne peux pas fuguer ? Franchement, tu nous fais un peu chier.
Gwenaelle :
| Je ne peux pas.
Nini :
| À plus dans le bus alors, on se verra au prochain rendez-vous.
Vava :
| Ouais à plus... Tu viens Nilton, je suis en train de préparer un karaoke !
Nini :
| Je suis prêt mais j'espère que tu as préparé des chaises ;)
La muette éteignit son téléphone, une larme solitaire coulant sur sa joue.
Tout cela ne la touchait plus.
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