Chapitre 13 - Le Tombeau de Nazar
J'étais également doté au gram dam de certain — Justin pour ne citer que lui — de ce que nous appelions communément le « charisme ». Aussi, c'était tout naturellement que je pris le contrôle des opérations une fois de retour parmi nos compagnons de future fortune.
Après avoir exposé mes « intuitions », généreusement soufflées par Talia, qui m'appris également la présence d'olcal, un liquide ambre fortement alcoolisé d'une extrême rareté, chacun m'avait élevée au rang de devineresse.
Lucas, en humble et vaillant héros, avait insisté afin que je partage la moindre information en ma possession, refusant de s'octroyer le moindre laurier. Je commençais à me demander comment il était arrivé là où il en était. C'était impossible d'y parvenir « honnêtement », n'est-ce pas ? Je rêvais de découvrir son sombre secret.
Toujours est-il que je décidai donc de me rendre — ou plutôt je fus assignée — au groupe central. Iris resterait avec moi, tout comme Marvel en ce qui concernait le Crépuscule Pourpre et ma loyale soldate Ombre. Par ailleurs, le chauve obsédé par ma personne, le vieillard, la boule, dent de lapin et le mioche en chef étaient également de la partie tout comme Kyle le poisson. Hélas, Lucas avait été affecté à l'autre groupe, à ma plus grande déception et au plus grand plaisir du couple qui m'avait souri vicieusement. C'était de bonne guerre. D'autant plus, qu'ils ne perdaient rien pour attendre : Lucas était à moi.
L'exploration avait commencé depuis une bonne heure. Les sacoches, les quelques chariots que nous avions amenés pour l'occasion, se remplissaient. J'étalais mon savoir ouvertement, inspirée par ma voix intérieure divine.
« Cette racine est très résistante, elle peut faire de très bonnes attelles ou autres instruments de renforcements, bien plus léger et souple qu'une armure en acier. »
« Cette argile à des propriétés matifiantes et hydratantes sans pareil mesure, pour des produits cosmétiques, elle ferait fureur. »
« Ceci... est juste un caillou. »
« Cette pierre chauffée à haute température devient du diamant. »
Dans ma tête se dessinait tellement d'opportunités pour s'enrichir que j'en avais le tournis. Je glissai quelques-unes des fameuses pierres dans ma poche. J'avais définitivement un problème avec tout ce qui brillait.
Comme un poisson dans l'eau — et je ne parlais pas de Kyle — je dirigeai mes sous-fifres sur quoi ramasser, où le mettre, avec quoi et comment. Telle la reine des abeilles, j'ordonnai à mes butineuses de faire le sale boulot.
Pour faire bonne mesure et pour qu'on ne remarque pas que je ne faisais rien, j'expliquai au poisson de manière enjouée et excitée les tenants et aboutissants de tout ce qui pouvait être accompli avec ces matières premières. Pour ce que j'en savais c'était du pipeau mais le temps qu'ils s'en rendent tous compte, le Tombeau serait fermé.
Après finalement deux bonnes heures d'exploration tranquille, avec le sens du devoir accompli, nous décidâmes de bouger. Notre cargaison était assez encombrante, aussi nous eûmes du mal à tout déplacer. Enfin, ils eurent dû mal à tout déplacer. Je faisais semblant de forcer sur un chariot rempli d'émélite avec Iris – qui faisait en réalité tout le travail – quand la voix de Talia sonna pour la première fois tendue et alerte.
« Reste près de tes soldats. Ça vient. »
Je me stoppai et tournai la tête, à la recherche d'Ombre, du chauve, de n'importe qui de compétent.
— Alana ? s'inquiéta Iris, ayant noté mon agitation.
— Qu'est-ce que c'est ?
La question venait de la cheffe aux longues dents. Le vieillard dégaina ses katanas, croisés dans son dos. Marvel détacha son arc et attrapa une flèche.
— Le chemin est différent, commenta le petit chef de la Cloison Azur. Ce n'est pas celui que nous avons pris à l'aller. Il n'y avait pas d'autre porte.
À quelques pas devant nous, le mur se découpait sur la gauche pour former un passage.
« Je n'arrive pas à croire qu'il y en ait une... Une plante d'une valeur inestimable s'y trouve. Elle permet de trouver ce que nous cherchons. Un peu comme un carte naturelle. Elle pourrait nous aider à trouver mon Tombeau. »
— Tu as dit que « ça » venait, marmonnai-je. Je n'ai aucune envie d'aller la récupérer.
« C'est pour cette raison que tu cherches à rejoindre le Crépuscule Pourpre je te rappelle. Ils nous protègent pendant qu'on prend ce dont on a besoin. »
C'était l'idée bien sûr mais je n'étais pas certaine qu'ils en aient pleinement conscience.
« Avec leur syndrome du bon samaritain, tu n'auras qu'à profiter qu'ils soient occupés avec les Kondairas pour t'en emparer. »
— Des Kondairas ?
Ma voix était montée dans les aigües et s'était élevée. Iris tourna la tête vers moi.
— Une autre intuition ? Des Kondairas sont ici ?
Mince. Je m'étais grillée.
— Hmm...
Je fus interrompue dans mon mensonge qui s'annonçait bancal par un fracas tonitruant. Chacun des aventuriers sortit ses armes. Le sol trembla. De la poussière se souleva dans l'air.
Iris, les mains levées, se positionna devant moi. Je me ratatinai sur moi-même. Un effondrement ?
— Eh bien, je suppose que nous n'avons plus le choix, conclut le vieillard.
En face de nous, notre issue avait à présent disparue, remplacée par un nouveau pan de mur ardoise. Seule l'ouverture menant vraisemblablement aux Kondairas subsistait.
— Cela ne me dit rien qui vaille, commenta Marvel.
Le fait que les murs bougent d'eux-mêmes t'ont mis la puce à l'oreille, petit malin ?
L'Archer ténébreux se tourna subitement vers moi. Avais-je parlé à voix haute ?
— Aucune « intuition » ?
J'étais pratiquement capable d'entendre les guillemets.
Toutes les têtes se tournèrent vers moi.
« Nous allons tous finir au fond de l'estomac d'un Kondaira » ne me semblait pas idéal à annoncer pour me faire des amis. Bon sang. Je n'aurais pas dû frimer. Rien de pire que des personnes qui attendent quelque chose de vous. D'autant plus avec des regards insistants et pleins d'intérêt.
— Rien du tout, dis-je en secouant la tête tristement.
Inutile d'affoler qui que ce soit. Je n'appréciais pas vraiment être la messagère de mauvaise nouvelle. Il était plus sûr de se dédouaner et laisser les choses se passaient comme elle le devait. C'est-à-dire mal.
— Restez ici, ordonna Dents de lapin. Auguste, viens avec moi. Ne bougez pas tant que nous ne vous faisons pas signe.
Le vieillard s'avança à sa suite et ils pénétrèrent dans la salle, disparaissant de notre champ de vision.
« Suis-les. »
Hors de question.
Je ne bougeai pas d'un pouce et attendis avec les autres. Nous étions tous tendus, silencieux. Une sueur froide recouvrait ma peau couverte de frissons. Les battements de mon cœur semblaient résonner dans le couloir sombre et étroit.
— Personne ne peut-il briser le mur en face de nous ? demandai-je, à voix basse.
Nous avions forcément un chevalier aux capacités physiques renforcés parmi ce beau monde non ?
Iris secoua la tête.
— C'est comme s'il n'y avait jamais eu de couloir. Il n'y a que de la roche derrière. Aucun chemin.
Nous devions donc nous jeter dans la tanière du monstre. Merveilleux.
La voix de Dents de lapin nous interpela.
— Vous pouvez venir, c'est sécurisé.
« Dans tes rêves. »
Au secours. Lucas, où était-tu quand on avait besoin de toi ?
L'ensemble de la tension ambiante diminua d'un cran à ses mots. Pas la mienne. Je me rongeai l'ongle du pouce. Mes compagnons, insouciants et rassurés, pénétrèrent les uns après les autres dans l'antre du dragon. Je mis un instant à bouger, indécise. Je surpris le regard scrutateur de Marvel posé intensément sur moi. Je baissai aussitôt ma main et me redressai.
Le chariot en main, que je poussai avec plaisir cette fois-ci au cas où il faille que je m'y abrite derrière, j'entrai à mon tour.
Le passage débouchait sur une immense salle, le plafond s'élevait si haut que j'étais incapable d'en estimer la hauteur. Les murs, le sol étaient entièrement faits de roche volcanique sombre et foncée. Comme si nous étions à l'intérieur d'un volcan, au milieu de lave refroidie. Il n'y avait pas de fenêtres, d'ouvertures, de torche, pourtant, sans que je ne puisse me l'expliquer, la luminosité était suffisante pour que nous puissions progresser sans encombre.
Bien que mesurant l'équivalent de trois pâtés de maison, rien n'encombrait les lieux. La pèce était pratiquement vide. Un autel, composé de la même roche volcanique couleur de la nuit et de taille humaine, trônait en son centre. Tout autour, espacées d'une dizaine de mètres entre elles, des statues de la même substance nous toisaient de leur regard hautain. Elles représentaient toutes la même entité : un guerrier d'une dizaine de mètres, recouvert d'une armure sur l'ensemble de son corps et d'un heaume sur son visage, les mains croisés devant lui, tenant une arme dans la main. La différence tenait dans l'arme qu'ils brandissaient. Tantôt une épée, tantôt une lance. Une hache, une claymore, une bardiche ou une anicroche.
Je ne voyais pas de plante. Et je ne voyais qu'un seul autre chemin, à l'opposé de l'immense salle.
La cheffe de la Cloison Azur et le vieillard étaient près de l'autel, au centre de la pièce. Le dernier ne baissait pas sa garde, inquiet. La cheffe nous fit signe d'approcher. Nous les rejoignîmes sur le qui-vive.
L'absence de commentaires de la part de Talia me stressait. Je m'étais habituée à ses remarques désobligeantes. Son silence m'inquiétait, car il signifiait qu'elle aussi était sur ses gardes. Si une Sidia était inquiète... Je déglutis. Je craignais le pire.
— Il n'y a qu'une seule issue, expliqua la cheffe aux longues dents une fois que nous arrivâmes à son niveau. Je vous propose de ne pas nous attarder et d'avancer.
Très bonne idée.
— Il n'y a rien, pourtant il y a un autel, observa le poisson. C'est étrange non ?
Oui, oui, réfléchissons à tout ceci une fois dehors.
— C'est vrai, commenta le chauve. Il doit forcément y avoir quelques richesses aux alentours. Des offrandes.
Parfois, les idiots devraient être incapables d'ouvrir la bouche.
— Là ! dis la femme enrobée. Qu'est-ce que c'est ?
Comme un seul homme, nous tournâmes tous la tête vers ce qu'elle pointait du doigt.
Tombant du ciel, porté par un vent que nous n'étions pas capables de ressentir, une fleur scintillante à la hampe violette iridescente en épi arrivait lentement pour se poser sur l'autel.
— On dirait une jacinthe d'eau, commenta Iris.
« Ils vont se manifester, prépare-toi. »
Je sursautai, surprise. Je commençais à croire qu'elle m'avait abandonnée à mon triste sort.
Me préparer ? S'attendait-elle à ce que je me batte ?
Je me déplaçai rapidement au milieu du groupe, me rapprochant d'Ombre et Marvel, côte à côte.
— Est-ce qu'il s'agit de la fameuse plante ? demandai-je en murmurant.
« C'est elle. Empare-t-en à la moindre ouverture. »
J'avais conscience grâce à Talia que des Kondairas allaient surgir. Mais à la tension qui régnait, l'attention dont faisait preuve tous ces aventuriers, je compris que leur instinct, ce sixième sens développé par l'expérience, les avait également prévenus.
La fleur continua sa lente descente. Je la fixai, incapable d'en détacher mes yeux, comme si je fixai les grains d'un sablier qui s'écoulaient, nous rapprochant de ce moment. Sans savoir à quoi il correspondait exactement. Les pulsations de mon pouls ressemblaient au tic-tac angoissant d'une horloge. J'essuyai mes mains moites sur ma combinaison trop moulante. J'étais incapable de rester en place, je triturai mes doigts, piétinai, tandis qu'autour de moi, l'immobilité avait gagné mes compagnons.
Quand la fleur se posa sur la roche volcanique de l'autel, celui-ci s'illumina. Je retins mon souffle.
Des fils argentés s'étirèrent, tandis que le scintillement de la jacinthe disparaissait pour imprégner la roche. Il s'étira, longeant l'autel en de motifs complexes et s'évanouit pour disparaître dans le sol.
Puis le silence.
Uniquement le silence.
— C'est tout ? commenta le journaliste poisson.
Ses mots me firent sursauter, mon attention entièrement dirigée sur l'autel.
Mais alors, ayant provoqué le destin, le tombeau lui répondit. Le sol se mit à trembler. Le son gronda, résonnant en écho bruyant autour de nous.
— Arme en main ! hurla le petit chef.
Je me rapprochai d'Ombre.
Derrière l'autel, une énième statue émergea alors du sol. Beaucoup plus grande, beaucoup plus imposante.
Différente, elle représentait un homme, assis sur un trône. Ce dernier était tout de roche volcanique mais les détails de la statue étaient d'une précision relevant de l'impossible. Ils étaient tels qu'on aurait pu les croire réels et coulés dans le marbre.
La surface du trône pourtant sombre et indubitablement faite de lave semblait poncée, taillée dans du cristal. Il représentait une sorte de main couverte de tatouages en reliefs dessinant des monstres et des démons tout droit sortis de nos cauchemars. Son pouce et son auriculaire en formaient les accoudoirs, la paume le siège et les trois derniers doigts le dossier. Ces derniers s'allongeaient en griffes menaçantes, recouvrant le trône d'armes mortelles. Sur la première phalange de l'annulaire, la tête d'un dragon nous toisait, ses yeux aux pupilles fendus nous menaçant. Sur le majeur, une chimère poussait un hurlement, sa gueule léonine ouverte semblant vouloir dévorer l'homme qui oserait s'appuyer contre lui. Un immense cobra s'enroulait tout autour de l'index, sa tête sortant du trône et observant l'arrière de celui-ci.
Le roi, assis sur ces monstres, était penché en avant, ses longs cheveux tombant autour de son visage baissé. Son front était appuyé contre ses mains croisés devant lui, ses coudes posés sur ses genoux. Il semblait abattu, porté le poids du monde. Un roi faisant face à la défaite.
Pourtant, bien qu'assis sur cet étrange trône, il ne portait pas de couronne.
Comme s'ils avaient attendu l'apparition de leur roi, les statues tout autour de nous se mobilisèrent.
Un vacarme tonitruant résonna quand les statues bougèrent toutes en même temps. Elles empoignèrent leur arme, la décalant sur leur droite, synchronisées. Puis elles s'agenouillèrent l'une après l'autre, dans le sens des aiguilles d'une montre, inclinant la tête en signe de respect pour leur souverain.
« Saleté de Nazar... Quelle mise en scène ridicule... C'est... »
Un soupir suivit ses paroles avant que la déesse ne reprenne d'un ton las.
« Cela me coûte de te dire ça mais... Agenouille-toi devant lui. »
Je me jetai si violemment au sol que mes genoux s'écorchèrent. Autour de moi, Marvel me fixait sans comprendre. Ombre me jeta un regard avant de reporter son attention sur les statues.
— Agenouillez-vous ! ordonnai-je.
Iris m'écouta, Ombre également après un instant de réflexion. Les autres furent plus réticents. Marvel ne bougea pas. La femme enrobée hésita. Le petit chef aussi. Je vis chacun réfléchir à mes mots. Se remémorer mes intuitions. Peser le pour et le contre.
Me faire confiance ou rester fier ?
— C'est ridicule, marmonna le chauve. Ce sont des statues.
Il anéantit mes efforts en quelques mots. Le doute disparut des indécis.
Je ne sais pas ce qui les attendaient mais l'angoisse m'étreignit.
Je me tournai vers le dernier membre du Crépuscule Pourpre non converti à ma cause, suppliante.
— Marvel, dis-je, l'urgence dans ma voix.
Ses yeux bleus me transpercèrent, son expression toujours aussi neutre, indéchiffrable. Je me mordis les lèvres. Autour de nous, presque toutes les statues étaient à genoux. Il n'en restait plus que cinq. Le beau brun observa les statues, leurs armes. Il observa le roi sur son trône, l'autel. Plus que quatre. Ses incroyables pupilles se reposèrent de nouveau sur moi. Le vieillard s'agenouilla, me prenant au dépourvu. Trois. Je fis signe à l'Archer de se baisser, puis joignis mes mains, l'implorant. Deux. Il s'agenouilla, se détournant. J'exhalai un souffle tremblant. La dernière statue tomba au sol.
J'avais réussi à convaincre tous les membres du Crépuscule Pourpre.
Ne restait debout plus que le chauve, la femme enrobée, Kyle le poisson et les deux chefs de la Cloison Azur.
« Vous allez le regretter. »
Un bruit de cloche retentit. Un gong annonçant la fin d'une épreuve.
Un grincement se fit entendre vers l'autel.
Quand je reportais mon attention sur le trône, je me mis à trembler. La statue avait bougé. Le visage du roi n'était plus baissé, caché entre ses bras. Il était à présent relevé et nous toisait. On ne devinait aucune expression sur sa figure, ses yeux étaient ternes, éteints, ses traits étaient lisses. Pourtant, un immense sourire malaisant étirait ses lèvres.
Ce n'était pas un roi attendant la défaite.
C'était le conquérant fou qui venait d'anéantir un royaume.
Le sol trembla de nouveau. Les aventuriers encore debout tendirent leurs armes vers le brouhaha. Soudain, le conquérant et son trône s'enfoncèrent dans le sol, disparaissant derrière l'autel.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda la femme enrobée. Il disparaît ? Nous pouvons sortir ?
« Quelle naïveté. »
Quand la statue eut disparu, alors que la cheffe aux longues dents s'approchait de l'autel. Un vent puissant se leva. Elle recula de plusieurs pas et plaça ses bras devant elle. Je lâchai un glapissement. Je m'aplatis encore plus au sol. Je n'aurais pu être plus proche à moins de fusionner avec.
Autour de nous, tous les chevaliers se relevèrent d'un seul homme. Marvel en fit de même, bandant son arc et attrapant une flèche. Le vieillard et Ombre également, brandissant ses katanas pour le premier, ses poignards pour la seconde. Les statues abaissèrent leurs armes, nous visant. Ma salive se bloqua dans ma gorge.
Non ! Allions-nous payer avec ceux qui n'avaient pas montré leur respect ?
À présent tous prêts à l'affrontement inévitable, mes compagnons étaient à l'affut. Marvel se rapprocha de moi, sans défense. Bien que terrifiée, je le notai et décidai que ce serait mon rocher cette fois-ci. Je me rongeai à nouveau les ongles, détestant cette attente oppressante du calme avant la tempête. Iris me chercha du regard et voyant que j'étais bien entourée, entre Marvel et Ombre, elle s'approcha de Kyle le journaliste-poisson.
Mais alors que personne ne bougea pendant plusieurs longues secondes, le chauve lâcha soudain son arme. Ses bras tombèrent le long de son corps. Il s'immobilisa, droit comme un piquet et sa tête se baissa, son menton se rapprocha de sa poitrine.
— Kev ?
La femme enrobée qui venait d'interpeller son compagnon eut aussitôt le même comportement.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? s'écria le journaliste, effrayé.
Derrière moi, la cheffe de la Cloison Azur s'immobilisa à son tour.
Ils semblaient... statufiés.
— On dirait que ça touche tous ceux qui ne se sont pas inclinés, nota Iris.
« Non pas encore. Il vient goûter ses proies d'abord. »
Comme pour donner raison à Talia, Ombre battit des paupières, ses yeux se révulsèrent et elle lâcha ses dagues, atonique.
— Comment on l'arrête ? s'angoissa le journaliste.
Sa phrase se termina sur un couinement. Il jeta la tête en avant et se figea à son tour, inerte.
Un à un, chacun de mes compagnons, s'immobilisa, incapable de résister à cet ordre, cette menace invisible.
Avant que mon tour n'arrive, effrayée, j'attrapai le bras de Marvel, comme si cela pouvait me protéger. Il m'observa, de ses yeux scrutateurs qui pour la première fois semblèrent inquiets, et sa tête tomba avant la mienne.
« Ne t'avise pas de jouer à ça avec moi. »
Sa voix résonna plus fort, plus impériale. Elle ne me parlait pas cette fois. Elle s'adressait à quelqu'un d'autre.
Je me sentis alors partir. On m'attirait dans l'inconscience, sans que je ne puisse rien faire pour me défendre. La vague m'avait atteinte. Impuissante, je plongeai.
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