🏵️ Chrysanthèmes 🏵️
(Point de vue Cyril)

— Tiens, je ne m'attendais pas à ton appel mais suis content de t'entendre. Je me demandais si tu étais bien arrivé.

— Accueilli par une météo frigorifique et la mauvaise humeur parisienne, avant de reprendre le boulot dans la foulée. Que rêver de mieux ? lance-t-il badin.

Nicholas n'a jamais été du genre à se laisser abattre par les malheurs de sa vie. Il encaisse comme il peut et se relève pour affronter la suite. J'admire ce trait de caractère, chez lui.

— Tu pourrais plaquer le froid et venir t'installer ici définitivement.

— Et vivre au milieu de l'étroitesse d'esprit antillaise ? Non merci ! J'en ai eu ma dose durant ces deux semaines passée avec la soit-disant famille. Mais si je te manque, il faut le dire mon chéri. On s'arrangera autrement.

Il en rigole, alors que ce qu'il vient de souligner n'est pas qu'une plaisanterie. Cela dit, l'occasion était peut-être déplorable, mais passer du temps avec un ami m'a fait beaucoup de bien.

— Effectivement, finis-je par répondre avec un sourire, j'ai apprécié pouvoir interagir avec d'autres personnes que mes clients ou la famille.

J'évite de souligner qu'il était juste dommage que sa visite ait été due à la perte d'un être cher. Surtout en ce jour. Ne pas pouvoir passer la Toussaint avec sa mère doit aussi lui mettre un petit coup au moral.

— Tu m'étonnes, ricane-t-il. Tu as toujours été casanier mais là, à ce que j'ai vu, tu bats des records, mon pauvre chou.

— Je ne suis pas à plaindre, crois-moi.

— Parce que tu te donnes corps et âme dans ta passion et qu'en prime, tu as retrouvé tes plages bien-aimées ? se monque-t-il gentiment. Je sais qu'il n'y a pas d'hiver en Guadeloupe, mais la prospérité professionnelle n'est pas ce qui te réchauffera durant les longues nuits de pluie battante... Ça, ce serait plutôt ton petit-ami. Comment s'appelle-t-il déjà, Christophe ?

— Christopher. Et ce n'est pas mon petit-ami.

— Oh. Est-il est au courant de ça ? s'amuse à demander Nicholas. Parce que j'ai eu l'impression qu'il voulait m'arracher la tête le jour où on s'est croisé devant chez toi. Son joli minois est très expressif, je paris que tu lis en lui comme dans un livre ouvert. Tu dois savoir que t'as toutes tes chances de lui mettre le grappin dessus.

C'est vrai, j'ai déjà fait remarquer à Chris qu'il est bien trop facile de savoir exactement ce à quoi il pense. J'ai par ailleurs bien vu que la présence de Niko l'a irrité, ce jour-là. Il l'a lui-même avoué par la suite. Toutefois, je n'avais même pas à justifier la présence de mon ami à mon domicile. Christopher a énoncé ses attentes dès le début : une aventure distrayante et discrète. Rien de plus.

Je reprends donc à l'attention de Niko.

— Ce n'est pas ce qu'il souhaite. Sa situation est... quelque peu compliquée. Et je ne vais pas envenimer les choses en nourrissant des espoirs vains. Nos entrevues restent donc légères.

— Ah... Je crois comprendre qu'il est encore dans le placard. Ce ne sont pas les plus faciles à cerner, mais on est plus où moins tous passés par-là. Puis il est sexy. T'as bien raison d'en faire un charmant passe-temps et de ne surtout pas t'en enticher. Si jamais tu rencontres quelqu'un qui veut du sérieux, tu pourras simplement mettre fin à vos ''entrevues légères''.

Son constat cocasse est assez proche de la réalité. À un détail prêt...

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Après ma douche, à mon retour du cimetière, je n'imagine que deux options pour sortir de ma morosité liée à la Toussaint : aller prendre de l'avance sur mes commandes en cours, à l'atelier, ou le sexe. La seconde m'offre aussi la compagnie de Christopher.

Je ne peux nier que j'aime passer du temps avec lui. Malgré la nature de notre entente, nous discutons aisément et passons d'agréables moments. Parfois même avec sa mère, ou ses filles.
Il est drôle, joueur, possède une certaine culture générale et des passions qu'il adore partager... Le seul hic serait peut-être son petit côté vaniteux. Ce dernier découle certainement de l'attention constante que doivent lui attirer son physique avantageux et ces magnifiques yeux dorés. J'apprécie le charme non négligeable de cet homme à sa juste valeur, mais cela ne lui confère aucun traitement de faveur. Christopher a cette tendance à vouloir imposer certains de ses points de vue. Je me vois donc parfois dans l'obligation de gentiment le remettre à sa place.

Quoiqu'il en soit, son facteur charme va de pair avec des ébats à la hauteur de mes espérances. Chris émet des suggestions qui épicent nos rendez-vous, à la maison comme à l'extérieur.

Je finis par lui demander de passer chez moi ce soir et ne tergiverse pas à son arrivée. Mon besoin de me vider l'esprit, de ressentir autre chose que mélancolie, étant trop grand.

Il l'a certainement ressenti et me questionne dessus lorsque, par la ensuite, je lui propose de passer la nuit avec moi.

— Ok. Mais ça va, toi ? Vu ton accueil, j'ai pas eu le temps de te le demander.

— L'accueil en question aurait-il été déplaisant ? dis-je affublé d'un petit sourire taquin, tandis qu'il se revêtit un minimum.

Dommage...

— Non. Plutôt exceptionnel, souligne-t-il.

Ses yeux clairs brillent d'une inquiétude qui me touche. Qui me pousse encore une fois à me montrer transparent.

Je le sens pourtant soudain irrité. Son orage intérieur passe lorsque nous commençons à regarder la série qu'il a choisi. L'agitation de Chris semble poindre à nouveau durant mon échange épineux de messages avec Lauri, qui me reproche d'encore faire bande à part et éviter sa famille.
Il aurait voulu que nous allions illuminer ensemble. Pour préserver le peu de tranquillité d'esprit qu'il m'est alloué, je préfère ne pas me retrouver en présence de sa mère. Cette femme prend un réel plaisir à me faire payer le choix amoureux du père de son fils. Devrais-je supporter une rancœur née avant moi, juste pour me montrer poli ?

La réponse est non. Je souffre moins en passant pour le méchant. Et quand je pense naïvement pouvoir mettre de côté mes problèmes pour profiter de ce moment, Chris revient à la charge avec une nouvelle interrogation. 

— Au fait, tu vas toujours sur tinder ?

Malgré l'intonation détachée qu'il y met au début, j'entrevois très vite sa jalousie et sa colère déraisonnable. Sa réaction ne me laisse pas de marbre. Pourtant, même si elle ombrage peut-être de vrais sentiments à mon égard, je suis dans l'obligation de remettre Chris à sa place d'amant occasionnel.

— Ce que j'essaie de te rappeler, c'est que je ne te dois rien. J'impose juste les limites que tu as toi-même instauré. Tu n'as qu'à le dire clairement, si tu veux que les choses changent entre nous.

Je vois qu'à cet instant, il se sent piégé. Ce jeune homme aux yeux félins retombe néanmoins toujours sur ses pattes. Changeant de pied dirigeant sa danse vertigineuse, il me sort une requête rocambolesque...

— J'ai- Je disais pas ça dans ce sens-là. On n'est... On n'est pas ensemble. On est d'accord sur ce point. Mais ça veut pas dire que je fréquente d'autres personnes et l'idée que tu puisses le faire me déplaît fortement.

Je devrais lui être fidèle ? Alors même qu'il n'envisage pas d'un jour assumer une quelconque relation avec un homme. Je me jetterai dans une impasse, en somme. Parce qu'il est incapable de dévoiler le secret qu'il juge honteux à sa famille. Et je comprends ses enjeux. Je trouve sa situation désolante, mais c'est la sienne. Et... autant de chagrin cela me cause-t-il de réaliser m'être attaché à lui en connaissance de cause, je ne peux le laisser me ramener dans la honte et le mensonge. C'est au-dessus de mes forces.

Il ne le comprend pas.

On ne se comprend pas.

Chris est des plus démuni, en quittant ma demeure. Mon cœur s'attrophie, attristé de le voir partir sans se retourner. Cependant, je ne peux juste pas suivre ce père éploré sur ce chemin où il choisit de se perdre lui-même pour épargner sa famille.

Je ne le peux pas.

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