11 août 2019, Parc floral de Bordeaux, France.

C'est le ventre remué d'émotions que l'orateur principal du jour rejoignit l'alvéole centrale destinée à mettre en lumière son discours. Une fois au milieu des décorations florales disposées tout autour de cette dernière et de ses poteaux, son regard nerveux glissa sur l'assemblée de quelques centaines de personnes. Toutes étaient réunies le long d'interminables rangées de chaises blanches fleuries.

Réajustant machinalement sa cravate de sa main libre, l'homme se racla la gorge puis lança un coup d'œil à celui ayant été son plus grand soutien émotionnel, ces cinq dernières années.

Son courage regagné, il esquissa un sourire confiant et reporta l'attention sur les convives attendant avec impatience d'entendre ce qu'il avait à dire, en ce jour si particulier.

- Re-bonjour à toutes et à tous, famille et amis...

- Bonjour, s'anima l'assemblée.

- Nous vous remercions encore pour votre présence, à nos cotés aujourd'hui. Elle nous est très chère, croyez moi, assura l'homme au costume trois pièces bleu nuit.

Il chassa à nouveau le chat rendant tremblantes ses cordes vocales, lança un autre regard de biais, et afficha encore son sourire de circonstances avant d'entamer le discours préparé avec tant de cœur, malgré la ribambelle d'effroyables souvenirs l'entourant.

- Eum, je- Je n'ai jamais été du genre à croire au destin...

Sa voix émue se réaffirma, il continua plus fort :

- Et pourtant, en ce jour funeste qu'a été le 23 novembre 2014, Dieu lui-même a posé un ange sur mon chemin.

L'émotion se dispersa dans la foule au rappel du tragique accident, aussi bien que dans les entrailles d'Éphrem.

Bouleversé, il posa la main sur son ventre.

- Mon petit miracle portait un nom, celui de Caï Xiin... Aujourd'hui, cinq ans plus tard... J'ai bien peur que vous ne deviez l'appeler Mr Kaleb. Parce que j'ai enfin réussi à lui passer la bague au doigt et vous pouvez être sûrs que je ne le lâcherai pas !

Des sifflements et des cris de joie s'élevèrent dans le parc, portés par les applaudissement des convives rayonnants de bonheur.

- Félicitations !

- Caï, on veut aussi entendre ton discours ! hurla l'aîné du jeune marié.

- Ah, mon doudou n'est pas très à l'aise en public, défendit Éphrem en lançant un œil compatissant vers son époux.

Les invités, eux, en décidèrent autrement et scandèrent le prénom du deuxième marié jusqu'à ses parents le convainquent d'aller rejoindre sa moitié dans l'alvéole.

Il y monta lentement et fut un peu gêné d'être au centre de l'attention.

- Allez, chou, c'est aussi ton jour, lui susurra Éphrem à l'oreille pour le rassurer.

Il passa le bras autour de la taille de Caï, qui opina sous les acclamations de ses convives.

- Merci... Merci, répéta le brun une fois l'euphorie ambiante assez calme pour que l'on entende sa voix. Merci à tous ceux ayant fait le déplacement pour nous, pour célébrer notre amour avec nous... Je n'ai pas grand-chose à ajouter au discours d'Éphrem, lui et moi sommes très différents mais aucun obstacle n'est aussi vaste que les sentiments que nous éprouvons l'un pour l'autre. Et...

Le brun chercha le regard de son époux, avant de poursuive :

- Avant même que notre vie à deux ne commence, on s'était déjà promis de rester unis jusqu'à la mort... Aujourd'hui, nous n'avons fait qu'officialiser notre lien indéfectible.

- Wouhoooou ! se réjouit un invité.

- Bien dit, mon frère !

- Un bisou ! Un bisou ! Un bisou !

Devant la requête massive des invités, Caï leva des yeux emplis d'amour et de confiance vers son mari. Éphrem afficha un de ses nombreux sourires dévoué et se pencha pour déposer les lèvres sur le front de son chéri, qu'il savait trop réservé pour accepter un baiser plus intime en public.

Ces deux hommes, en ce jour unis, faisaient partie des rescapés vol TX260, dont le crash en 2014 fit une vingtaine de victimes.

Liés par cette tragédie, ils s'étaient progressivement rapprochés, avaient exploré l'attirance mutuelle ressentie et finirent par se bâtir un avenir radieux, à deux.

À présent, il allaient continuer à vivre ce bonheur.

Loin... Très loin de tout ce qui relevait çà ou là du domaine de l'aviation.

◽