▫️Chapitre 17
🎋Jus de canne🎋
— Salut bébé !
— Salut, chou. Ça va toujours, depuis ce matin ? s'enquiert Cyril au bout du fil.
— Oui, tranquille, sauf que j'ai un imprévu. Même deux, en fait.
— Ne parle pas par énigmes, s'il te plaît, râle-t-il gentiment.
Cette habitude que j'ai a tendance à l'agacer. Je lâche un léger rire.
— Oui, pardon. J'ai dû aller récupérer les filles à l'école à l'improviste.
— Elles vont bien ?
J'entends le bruit qu'un objet déposé, aussi bien que l'inquiétude dans la voix de Cyril, et le rassure dans la seconde.
— Ouais, t'inquiète. Leur maîtresse est juste absente cet après-midi. Et là, Ludi me demande de les garder jusqu'à lundi. Elle a un week-end spa avec ses copines et sa solution de garde s'est désistée à la dernière minute.
— Ah...
— Je sais. Mais je dois rester dans ses bonnes grâces au moins jusqu'au nouvel an, alors j'ai pas voulu discuter. J'arrive pas à joindre Nana pour savoir si elle peut garder les petites un moment, et ma sœur n'est pas dispo. Du coup, je sais pas si je pourrais passer.
— D'accord. Mais de mon côté tu sais que ce n'est pas un problème, tu peux venir avec tes petits bouts. J'ai bientôt fini, à l'atelier, on pourrait enfin leur préparer le jus de canne qu'elles réclamaient la dernière fois. Mon frère m'a rendu ma machine.
— Ah, bonne idée ! Elles vont être encore plus contentes d'avoir raté l'école cet aprèm.
— Je n'en doute pas, rigole-t-il avant de reprendre. Bon, tu me dis quand vous arrivez, je dois encore finir le vernissage des étagères.
— Ok, bébé. À toute. Je t'aime.
— Je t'aime aussi, mon loulou. Bisous.
Je raccroche sur ces mots idylliques et appelle les filles. Lorsqu'elles déboulent au salon comme des rugbymens anragés, je leur soumet mon planning.
— Ça vous dit d'aller voir tonton Cyril, les abeilles ?
— Oh, oui ! s'exclame Amandine.
— Ce serait trop bien !
— Avec lui on gagne tout le temps contre toi au ballon.
— En même temps, trois contre un c'est pas très sympa pour moi.
— Et on va aussi pouvoir se coucher dans sa grande balançoire !
— C'est un hamac Adé, pas une balançoire, donc ce n'est pas pour fait pour jouer. Seulement pour se reposer.
— Mais ça se balance !
Euh, ouais... Je vais pas discuter ce point, sinon on en a pour le reste de la journée.
— Bon, par contre, vous filez d'abord à la douche.
— Oké ! chantent-elles en chœur.
Je les accompagne à la salle de bain et les laisse se déshabiller pendant que je règle la température de l'eau. Quand leur douche sera terminée, elles sauront se sécher et choisir les vêtements qu'elles vont porter, je retourne donc à ma chambre d'un pas modéré.
Si le hamac installé dans sa cour séduit toujours les petites, la mention du jus de canne à sucre une fois arrivés va les conquérir. Cyril est bien parti pour devenir un de leurs oncles préférés et je suis content qu'elles l'aiment autant. Ça rendra peut-être les choses plus faciles à dire le moment venu.
Tout comme ces trois tout petits mots, si lourds de sens, l'ont été.
— J'ai bien entendu ce que je crois ? me taquine Cécilia dès que je mets le pied dans la chambre.
Elle est passé m'emprunter les masques de snorkeling que j'ai acheté cet été. J'en ai un taille adulte et deux pour enfants, évidemment.
— Ouais, on va aller chez Cyril.
— Non mais avant ça, tu lui as bien dit les mots magiques ?
— Ah, ça... Et ben quoi ? Ça t'en bouche un coin ?
— Ben oui, confirme Céci en s'asseyant tranquillement sur mon lit. Je l'aime bien aussi, ton chéri, mais tu ne trouves pas que vous allez un peu vite ?
— Non... Et puis c'est pas comme si on prévoyait d'habiter ensemble.
— Je m'en doute, mais quand même. Dire « Je t'aime », ce n'est pas rien.
— Je sais, mais je le pense, pour une fois. Avant lui, je crois ne jamais l'avoir dit en le pensant sincèrement. D'ailleurs, à bien y réfléchir, je n'étais ni sincère, ni dévoué dans mes relations avant de rencontrer Cyril.
— Ben dis donc, c'est pas des blagues. T'es vraiment amoureux, en fait.
— Pft... Ferme-la et prends juste ce que t'es venue chercher, meuf.
Elle ricane de manière exagérée juste pour me rendre ouf. Je lui balance le sac dans lequel elle a fourré les masques en vue de la faire taire. Ce qui est inefficace, puisqu'elle ne rit que de plus belle.
Nous savoir encore aussi proches me réchauffe le cœur. C'est vraiment bon de plus avoir à mentir. Même si ma mère et ma sœur s'impliquent trop à mon goût dans ma vie personnelle. Ce n'est pas forcément méchant, mais elles ont toujours quelque chose à dire sur ci ou ça, comme en ce moment... En même temps, je comprends. Elle veut pas que je me précipite tête baissée dans cette relation et me casse la gueule comme il lui est souvent arrivé.
Au yeux de Cécilia, Cyril et moi ne sommes ensemble que depuis quelques semaines. Mais on se fréquentait régulièrement depuis les grandes vacances. Sans compter le fait qu'on se connaissait déjà avant. Alors les choses s'emboîtent assez naturellement, entre nous. Sans vouloir faire de vilain jeu de mots, haha.
La différence majeure est que je me retrouve plus souvent dans son espace de vie. Et puis j'avais raison, le fils Grégoire a un petit côté caractériel quand ça lui prend. Mais on se dispute très rarement et c'est tant mieux, parce que je crois devenir accro à mon homme.
🎋
Bon sang...
Je m'affale à plat ventre sur le lit, mon Cyril cède au même épuisement. Sauf que l'espace d'un instant, je deviens son matelas. Il se laisse aller contre mon dos et dépose quelques baisers sur ma nuque, puis mon épaule, avant de se décaler sur le dos à mes côtés.
— Tu vas te rendormir ? articule-t-il une petite minute plus tard, dans un murmure haletant.
— Je crois pas...
Pivotant légèrement pour le saisir, je l'emprisonne d'un bras en travers de son ventre et fourre le nez dans son cou, où je lui rend un doux baiser.
Il rit, de manière presque inaudible, et presse le menton contre mon crâne tout en m'entourant de ses bras. Ses doigts me caressent ensuite tendrement la peau, y soulevant de légers frissons.
Je dois avouer que la fréquence de nos ébats s'est un peu réduite, si on tient compte de tout le temps qu'on passe ensemble sans coucher. Par contre, l'intensité, voire même la qualité, de nos échanges s'est améliorée.
À croire que le sexe enrobé de sentiments amoureux est vraiment meilleur... Et j'ai dû lutter, hier soir, pour obtenir ces faveurs. Mon chéri coco était réticent aux batifolages, puisque c'était la première fois que les filles dormaient chez lui. Mais tout s'est bien passé de leur côté au moment du dodo, malgré l'absence de leurs peluches, et j'ai ensuite su me montrer très convainquant pour faire craquer mon compagnon.
Ce matin, en revanche, l'assaut venait de lui.
Je dis ''matin''... alors que le jour n'est pas encore levé.
Cyril et moi on a tous les deux une horloge interne déglinguée. Il était déjà réveillé quand le bruit de la forte pluie s'abattant sur les tôles* m'a coupé le sommeil, vers 4h. Cette mélodie aphrodisiaque est peut-être d'ailleurs ce qui a renforcé l'envie mutuelle de faire des câlins. À présent, tout comme nous, le temps s'est calmé.
— Tu restes au lit alors, chou ? reprend doucement Cyril. Je pense aller nourrir les chiens et peut-être aussi les bœufs.
— Pas les bœufs, bébé. Le jour se lève à peine et il a plu, t'auras le temps dans la journée. Reste avec moi pour me réchauffer. J'ai froid.
— D'accord, rigole-t-il en effleurant ma nuque. À quelle heure tes filles se réveillent-elles, en général ?
— Le samedi ? Tard dans la matinée. Mais vu qu'elles sont tombées comme des masses, hier, je pense qu'on a juste le temps de traîner un peu avant de devoir aller préparer le petit-dej... Toute façon, t'en fais pas. Si elles sortent de la chambre d'ami, on les entendra. Je leur dirai juste que j'étais aux toilettes si elles ne me trouvent pas en bas en descendant.
Cyril accepte l'idée.
Par chance, on a le loisir de continuer à se faire des mamours et tout de même parvenir à sortir du lit avant le réveil de mes jumelles. On descend à la cuisine pour le café, qu'il prépare pendant que je récupère deux tasses en lui faisant la conversation.
— Céci m'a envoyé quelques photos de leur sortie d'hier.
Je pose les mugs sur le plan de travail, un baiser sur sa tempe, et vais tranquillement m'installer sur une chaise à la table centrale.
— Oh, c'est sympa, enchaîne-t-il. Quand tu m'as dit être avec ta sœur, je n'étais pas sûr qu'il s'agissait bien de Cécilia.
— Ben oui, de qui d'autre ? je soupire.
Laissant l'appareil à café s'occuper du reste de la préparation dans un vrombissement titillant, Cyril se retourne et vient s'asseoir face à moi.
— Tu oublies en avoir deux, on dirait, rétorque-t-il naturellement en croisant les bras sur le meuble.
— Toi, t'oublies que j'en ai perdu une.
Et bon débarras à elle.
Cyril secoue légèrement la tête.
— Coco... C'est encore frais. Tout le monde ne réagit pas de la même façon.
— Ouais, mais quand t'es la seule à s'entêter dans ses opinions, faut te rendre compte que c'est peut-être toi le problème. J'ai pas le temps de Céci, à aller caresser cette conne dans le sens du poil en priant pour qu'elle change d'avis. Je n'ai rien à me reprocher.
— Non, cependant ne sois pas si acide. Tu dois peut-être lui laisser le temps de s'y faire.
Son regard se veut conciliant.
Honnêtement, entendre mon mec prendre la défense mon idiote de sœur après tous les propos homophobes qu'elle a eu à son encontre m'irrite légèrement.
— Se faire à quoi, Cyril ? Sans compter le fait qu'elle ne veuille même pas prendre la peine de te connaître, moi, j'ai pas changé. Je suis toujours la même personne. La seule différence, c'est que je ne compte plus faire semblant et cautionner son comportement. Depuis qu'on est adultes, elle m'a toujours traité comme une merde. J'étais immature d'avoir abandonné Ludi avec deux gamines, incapable ensuite de prendre ma vie en main et maintenant, je suis irresponsable parce que je choisis d'arrêter de mentir. Au bout d'un moment, faut arrêter de cautionner les conneries. Famille ou pas.
— Tu n'as pas tord mon chéri. Seulement parfois, les choses ne s'arrangent qu'avec le temps.
— On verra bien...
Parler d'elle m'horripile. Caroline devrait surtout penser à balayer devant sa porte et se pencher sur des problèmes bien à elle. Mon inquiétude principale ne réside pas dans son acceptation. Après tout, nos rapports étaient déjà conflictuels. Alors qu'elle reste ou pas dans ma vie ne changera pas grand-chose à cette dernière.
Néanmoins, la manière assez passive dont mon doudou aborde la chose me rend curieux.
— Et toi, bébé... je demande pendant qu'il se lève au bip de la machine. Ton frère l'a bien pris, au début ?
— En fait...
Il nous sert tous les deux. Je le remercie en saisissant la tasse fumante qui m'est tendue et l'entoure de mes mains, tandis qu'il poursuit en se rassayant.
— C'est drôle, je n'ai jamais rien dit à Lauri sur mes préférences amoureuses. Je n'en ai pas ressenti le besoin car nous ne sommes devenus proches qu'à la mort de notre père, donc il était déjà au courant. Pour mes parents, c'était un peu différent. D'une, ils m'ont toujours soutenu. Deuxièmement, j'habitais déjà la métropole alors je n'ai peut-être pas vécu les retombés de mon coming-out aussi durement que si j'étais en Guadeloupe. Par la suite, le fait d'avoir été à l'étranger m'a permis d'apprendre à me détacher des opinions et des médisances. L'acceptation est aussi une question de culture, puis la vie est trop courte pour mener la sienne en fonction d'autrui.
— C'est tout à fait vrai. Je redoute beaucoup le moment où je vais devoir affronter la mère des filles, mais je suis sûr qu'une fois sa crise de nerfs passée, la boule d'angoisse qui me ronge encore par moment sera de l'histoire ancienne.
— Je l'espère de tout cœur.
Nous buvons ensuite nos cafés en abordant des sujets plus légers.
Il est un peu plus de 7h30 quand mes petites têtes endormies font leur apparition au bas des escaliers, englouties par les super t-shirt de publicité prêtés par le maître des lieux pour passer la nuit. C'était pas prévu que les filles et moi restions, mais j'ai un peu perdu la notion du temps et il s'est ensuite mis à pleuvoir à verse.
— Alors, mes abeilles, je lance gaiement depuis le fauteuil ou je suis installé, bien dormi ?
— Oui... soufflent les deux.
Adé se frotte encore les yeux et grimpe lentement à mes côtés. Didine s'arrête devant moi, les bras levés. Je souris et me penche pour la prendre sur mes genoux. Elle se pelotonne contre mon torse en enfouissant sa frimousse dans mon cou, tel un chaton. Sa sœur finit par se cramponner à son tour sous mon aile.
— Vous avez fait de beaux rêves, cette nuit ? je demande en caressant les petits cheveux sur le devant de sa tête.
— Me rappelle pas, bougonne Amandine.
— Moi j'ai rêvé que je nageais, répond mollement Adélaïde. Avec tout plein de dauphins. On, on était même au fond de l'eau, et j'avais pas besoin d'aller en haut pour respirer.
— Oh, ça c'est un rêve génial, je lui dit joyeusement. T'étais pas une sirène, par hasard ?
Mes bébés ne sont pas vraiment du matin. Leur vivacité se réactive néanmoins assez rapidement avec l'aide adéquate.
Après avoir un peu discuté, je les conduit à la cuisine pour leur petit-déjeuner. Entre temps, Cyril revient de l'extérieur, où il était parti nourrir Prisme et Jazz. Il salue brièvement les filles et file se doucher, puis revient quelques instants plus tard. Tout propre et surtout, dégageant cette délicieuse odeur passion que j'aime tant.
— Tu veux ma biscotte ? lui propose ma petite princesse.
— Merci, Adé. C'est gentil de ta part.
Elle pousse son assiette vers lui.
— De rien. J'ai plus faim.
— Tu vas venir avec nous tout à l'heure ? l'interroge une Amandine curieuse.
— Ah, oui ! Papa nous emmène déposer notre lettre dans la boîte du Monsieur Noël.
— Tu pourrais aussi ramener la tienne, tonton Cyril.
— Non, il peut pas, conteste Amandine face à son double avant que Cyril ait pu répondre. Monsieur Noël, il répond que aux lettres des enfants... Mais si tu veux, reprend-t-elle en se tournant vers son dit oncle, Adé et moi on peut rajouter des choses pour toi sur notre liste.
— Oh, c'est vrai ! s'anime Adélaïde. On est deux, alors tu pourras peut-être demander deux fois plus. Monsieur Noël, il a pas de limites de cadeaux.
Monsieur Papa il a le porte-monnaie limité, par contre... Mais leur attention envers lui est trop craquante.
Cyril esquisse un sourire attendrit et se penche légèrement par-dessus la table pour les complimenter sur leur gentillesse.
— Vous êtes toutes les deux adorables. Vous le savez ?
— Ben oui, réplique Adélaïde.
— On nous le dit tout le temps, ajoute sa sœur avec un haussement d'épaules.
— Les dignes filles de leur père, s'amuse Cyril.
Lui et moi partageons un rire, puis il s'excuse pour répondre à un appel.
Je fronce légèrement des sourcils quand il se recule et finit par quitter la pièce.
Il ne le fait jamais à moins qu'il y ait trop de bruit autour, ce qui n'est pas le cas. Les filles boivent leur jus en silence.
Ça m'intrigue, je décide de tendre l'oreille.
— Je crains que tu n'adresses ton ressentiment à la mauvaise personne... dit-il, ce qui n'attise que plus ma curiosité.
Je demande aux jumelles de rester sage et me rapproche du couloir séparant les deux pièces où mon copain et moi nous trouvons respectivement. Sa conversation est hachée, comme s'il se faisait constamment interrompre.
— J'ai... Écoute... Non. Je n'entre pas dans ce genre de conflits et ceci est mon numéro professionnel. Aussi, je te demandrai de ne pas rappeler dessus et surtout d'arrêter les menaces.
Cyril raccroche, à vue d'œil sans attendre de réponse.
Il se retourne et tressaute légèrement de surprise en tombant sur moi. Il est évident que cette conversation n'avait rien de pro, ni amicale. Sous mon incompréhension, ma jalousie s'apprête à piquer en flèche.
Je me maîtrise néanmoins et demande simplement :
— C'était qui ?
Cyril se pince brièvement les lèvres et lance un bref coup d'œil dans la cuisine, avant de se résigner à répondre.
— Ludmila...
Il prononce ce prénom si bas que je crois un instant avoir une défaillance auditive. Je lâche machinalement :
— Tu te fous de moi ??
Ugh, il n'est pas du genre à faire des blagues douteuses et, à voir l'air navré sur son visage, elle a dû décider d'ouvrir les hostilités contre lui. Ce qui signifie qu'elle sait !
Cyril n'a rien le temps d'ajouter, que son portable sonne à nouveau.
— C'est encore elle ? je m'étrangle presque.
— Certainement... C'est un autre appel masqué, souffle-t-il après avoir vérifié.
Sa sonnerie continue devient enquiquinante. Je tends prestement la main.
— Donne-moi ça.
— Chris, non.
Il ne sait que trop bien que je risque d'exploser et secoue la tête, insistant pour me raisonner.
— Ça ne servira à rien de-
Excédé, je me rapproche vivement et lui arrache le portable des mains avant de décrocher à la volée, le cœur rageant dans ma poitrine.
La voix haineuse de Ludmila vocifère directement à mon oreille.
— Numéro professionnel de quoi ?! An k***** m****** ! Ou ka volé nonm an mwen é konprann an ké kité sa pasé ?? Sakré salop !
[Vas te faire foutre ! Tu me pique mon homme et crois que je vais laisser ça passer ?? Sacrée salope !]
Son quoi ??
Ignorant Cyril qui me fait signe de garder mon calme, je me détourne et monte à l'étage pour pouvoir parler sans prendre le risque que les filles m'entendent. Arrivé en haut des escaliers, j'interromps la suite complètement folle de sa tirade.
— Ludmila, ki pwoblèm a'w o jis ?
[C'est quoi ton problème, au juste ?]
De quel droit elle me clame et insulte Cyril, en plus de le menacer de représailles s'il continue à me fréquenter ?!
Elle et moi sommes séparés depuis des années ! Ma colère atteint donc immédiatement des sommets. J'en oublie même ce qui nous met à présent dans cette situation fâcheuse : la révélation que j'ai voulu faire traîner.
Pas si surprise d'entendre ma voix, Ludi s'exclame :
— Ah ! Ti makomè'w la touvé'y pè ? É ou ni kouraj mandé mwen ki pwoblèm an mwen ?! Ou ka koké on dot nonm, mè sé mwen ki ni pwoblèm ?! Ok.
[Ha ! Ta petite tapette a eu peur ? Et t'as le courage de me demander quel est mon problème ?! Tu baises avec un autre mec, mais c'est moi qui ai un problème ?! Ok.]
Elle a raison... J'ai mal appréhendé les choses et ça me tue qu'elle l'ai appris par quelqu'un d'autre.
Je- Je pensais juste pouvoir encore garder ça en petit comité le temps des fêtes, pour ne pas gâcher le Noël des petites. Mais c'était important pour moi qu'au moins mes proches soient au courant, que je ne sois plus obligé de leur mentir.
Me sachant en tord sur ce point, je reprends d'un ton plus tempéré.
— Ludi, an téni l'intansyion di'w sa. Mè-
[Ludi, j'avais l'intention de te le dire. Mais-]
— Pa fann si sa, nèg. Ou ké ni tan sav ki moun an yé.
[T'en fais pas, négro. T'auras le temps de savoir qui je suis.]
Oula, par contre, je vais pas la laisser me menacer sans réagir.
Ma seule erreur a été de mal calculer le coup. Et Cyril n'a rien à voir dans nos bailles, à elle et moi.
— Pran'y jan ou vlé, Ludmila, mè pa kité sa rivé'w kriyé niméro la sa anko.
[Prends le comme tu veux, Ludmila, mais ne te laisse pas aller à rappeller ce numéro.]
— Ou konprann an pè'w ? Ka ou ké fè mwen ? Hein ? An tou ka di ti putri a'w la paré'y, pas sa péké fin kon sa.
[Tu crois que j'ai peur de toi ? Tu vas me faire quoi ? Hein ? Dans tous les cas, dis à ta petite pute de se préparer, parce que ça va pas se finir comme ça.]
— Lud-
Putain...
Elle vient de me raccrocher au nez !
🎋
Tôle : matériaux couvrant la toiture d'une grande majorité des maisons aux Antilles.
Note auteure :
On dit qu''une petite pluie sur la tôle, c'est un temps à faire l'amour''.
Voici une chanson dont c'est le thème et qui vous aidera peut-être à décolérer face à l'intervention de Ludmila dans ce chapitre et ce cliffhanger de malade 😅.
Bonus détente :
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