2.
Je monte un peu plus haut au-dessus des toits de la ville. La brume épaisse se dégage comme par enchantement. J'arrive sur un toit. Le toit. Alors, doucement, je ralentis. Jusqu'à m'arrêter. Ce petit coin, je l'appelle le toit de la pose. Ça fait... poétique. Et j'aime bien. Je m'assois douloureusement sur le sol. Un sol de pierre. Dur comme les cœurs. Mon cœur. Je souffle. Doucement. Ma respiration reprend un rythme normal. J'avale une longue gorgée d'eau. Ça y est... je suis calmé. Je regarde autour de moi en me massant la nuque. Je me rappelle. C'était il y a environ 5 ans. J'étais assise. Au même endroit. Le menton posé sur mes genoux. C'était un soir d'hiver. Il neigeait. Le froid me piquait les joues et je regardais, d'en bas, les passants grelottant dans leurs épais manteaux.
Il faut avouer que j'adore l'hiver. Cela me fait penser à la solitude. Et j'aime la solitude. Ces moments où la neige tombe... sans s'arrêter ... où elles dégringolent en cascade sur mes épaules... j'adore ça. Je pensais justement à l'hiver et aux fêtes qui allaient bientôt débouler. Quand, à cette époque de l'année, on regarde par la fenêtre de sa chambre, on peut apercevoir des passants. Avec des bras remplis de cadeaux. Cette période... je ne l'aime pas pour noël. Pas pour le nouvel an non plus. Mais pour la neige. Pour le froid. Pour la beauté de ce mois. J'ai souvent imaginé une année sans noël. Elle serait triste. Mais une année sans l'hiver ? Elle ne serait pas complète. Le printemps amène les fleurs, l'été le soleil et l'automne les feuilles mortes et l'arbre dénué de sens. Alors après ces trois saisons, quoi de mieux que l'hiver ?
Je souris à mes propres pensées et me je me renfonce dans mon souvenir.
J'étais donc là, assise, quand j'ai recommencé à courir. Le froid me mordait les joues. Mais mon corps était chaud et rempli de vie. J'ai toussé ; je crois. Puis, j'ai doucement remonté le genou, et dans un élan, j'ai sauté. Et je suis tombé. Exprès. C'était un testé. Pour tester la douleur. Car je n'avais jamais eu mal. Non. Jamais. Et, ce jour-là, je n'ai pas eu mal non plus. Je me suis écrasé sur le sol. Mon nez, mes genoux saignaient. Mes vêtements étaient déchirés. Mais je n'avais pas mal. Alors... J'ai continué. En me demandant pourquoi. Pourquoi je ne pleurais jamais. Pourquoi je ne me faisant jamais mal. Pourquoi je n'avais jamais connu la tristesse. Pourquoi... il y en avait tellement... Tellement de pourquoi. De questions sans réponse. J'avais regardé mon corps, étrangement, les nombreuses plais c'était refermé. Dans un soupiré j'étais rentré chez moi. C'était la première fois que je ne finissais pas ma balade quotidienne. Mais je n'avais plus la force morale pour continuer. J'avais un corps d'acier, de fer. Mais je n'avais pas de larmes.
Mes mains étaient des lames. Et cela me faisant mal. J'avais envie de savoir pourquoi. Pourquoi. Encore ce pourquoi. Toujours ce pourquoi.
Cette balade quotidienne... c'est plus qu'une balade. C'est ma nuit. Le seul moment je me sens bien. Ou je peux penser sans être interrompu. Sans être interrompu par ma propre pensé. Par moi-même.
Je soupire et je me relève. Voici le moment de la balade que je préfère. J'actionne doucement le mécanisme de mes jambes. Et je me lance. Je cours sur deux trois mètre. Et je saute. Au-dessus de la crevasse. Au-dessus de ce trou entre deux bâtiments. Des bâtiments gris. Qui me font penser à moi. A mon cœur. Mon cœur gris. Entre ces deux cœurs de glace, je m'immobilise. Le souffle coupé. Bienvenue dans le seul lieu où je peux ne penser à rien. Bienvenue dans le seul lieu ou mon esprit de stop. Bienvenue. Je retombe en silence sur le sol. Je savoure. Ce moment de trous. J'ai déjà essayé de sauter deux fois de suite. Cela ne marche pas. Et cela ne marchera jamais. Jamais. Je le sais. Au moment même où je retombe sur le sol, mon esprit reprend sa marche. Il reprend ses pourquoi. Ces questions sans réponse.
« Quelle est la chose que tu souhaites le plus au monde ? »
Moi ? Une réponse. Des réponses à mes pourquoi. Mais pourquoi à moi. Je me remets à courir. Le vent souffle dans mes cheveux. Je respire enfin. Parce que, dans ce moment de trou, ma respiration s'arrête. Elle se stop. Naturellement. Je passe en trombe devant les magasins. Les clients se retournent en grimaçant. Les vieilles dames, je les évite. Les poussettes, je les contourne. Mais pourquoi, je les fuis.
Je me dirige vers des rues plus calmes. Et je ralentis enfin la cadence. Les petits magasins de ces rues aux rares passants clignotent en cherchant à attirer la foule en vain. Les petits trains tournent dans les vitrines. Les enfants sont attirés par les gros magasins. Les parents aussi...
Néanmoins quelques rares clients fidèles entrent en souriant dans la chaleureuse boutique. Je fais partie de ces gens-là.
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