(Matt)

Je suis sonné, j'ai cru vraiment que j'allais tuer ce mec. J'ai bien senti que l'on me ceinturait pour m'empêcher de continuer mais je n'étais plus moi-même.
Mattys réglait ses comptes, pas Matt. Cette phrase m'a rendu dingue : un brusque retour en arrière.
En l'espace d'un instant, je me suis retrouvé à l'extérieur de ce bar. Toujours tenu par ces deux bras qui m'empêchaient de me débattre.
A un moment, j'ai même pensé que c'était Oliv, sauf qu'il est beaucoup plus petit et qu'il n'a pas cette force. Car j'ai essayé de me libérer, mais impossible. En abandonnant le combat, toute ma rage est retombée et je crois que j'ai pleuré.

J'ai entendu une voix qui me disait un truc, que je n'ai pas capté, et surtout de l'attendre.

Je pourrais partir mais je ne sais pas si j'en ai la force.

— Cela va mieux ? me dit la même voix et je découvre qu'il s'agit du mec canon. Je suis content que tu sois resté.
Est-ce que tu veux que je te raccompagne chez toi ?

— Oui, merci beaucoup, réponds -je. Je ne suis pas sûr de tenir debout.

—  Tu habites loin ?

— Rue Carnot.

— C'est juste derrière, je vais te soutenir, si tu es d'accord.

— Merci.

***

(Tom)

Il ne semble pas blessé et pourtant il a du mal à marcher, comme sonné. Il m'ouvre une porte avec difficulté tellement il tremble. L'appartement que je découvre est petit mais plutôt propre.

Vit-il ici tout seul ?

Il est au milieu de la pièce, hébété.
Est-ce qu'il a conscience de ma présence ? Je n'en suis pas sûr.

—  Est-ce que ça va ? lui dis-je. Es-tu blessé ?

—  Je ne pense pas, non, répond-il me regardant enfin. Il n'a pas eu le temps de me toucher.

— Je confirme. Est-ce que je peux savoir pourquoi ? Tu connaissais le jeune ?

— Non, réplique-t-il brusquement, je ne supporte pas les homophobes, c'est tout.

—  C'est toi le responsable pour les autres ?

En posant cette question, je connais déjà la réponse, je l'ai vu dans son regard.

— Tu vas m'arrêter ? m'interroge-t-il.

— Non. J'aimerais juste comprendre. Je m'appelle Tom. Tu m'offres un café ?

— Matt. C'est le flic qui veut savoir ? relance-t-il.

— Surtout l'homme en fait ! rétorqué-je.

— Est-ce qu'il est gay, cet homme ?

— Tu connais déjà la réponse, il me semble, me contenté-je de signaler.

Il est sept heures, Matt dort.

Nous avons discuté toute la nuit. Il m'a expliqué avoir été tabassé rudement à cause de son homosexualité. Il était au bord des larmes, tremblant. Je n'ai pas insisté. Nous en discuterons plus tard, je le sais.
La journée va être longue, j'ai juste le temps de passer prendre une douche.

Je suis arrivé en même temps que Peter, de très mauvaise humeur, si j'en juge le regard qu'il vient de me lancer.

—Tu es content de toi ? s'énerve-t-il. J'avais dit " Non" Tom !

— Je suis juste allé prendre un verre, Peter. J'ai remarqué un mec et lui aussi a priori. On allait faire connaissance quand subitement, il a foncé sur un type et l'a roué de coups.

— Et il est où, ce mec violent ?

— Chez lui...

— Putain, Tom. Tu as perdu la raison ? Ce mec a tabassé un homo, ça ne te rappelle rien ?

— Est-ce que tu peux me faire confiance, Peter ?

— Est-ce que c'est lui ? riposte mon collègue. Lui as-tu ne serait-ce que posé la question ?

— Non. Il pleurait, il n'arrivait même plus à marcher tellement il était mal.

— Tu as couché avec lui ?

— Tu veux vraiment la réponse ? J'ai sommeillé à côté de lui.

— Sommeillé ?

— On a parlé, il a pleuré aussi et puis il s'est endormi. J'irai le voir plus tard.

***
(Matt)

Il est tard. Ai-je rêvé ? Non, son odeur florale est sur l'oreiller. Je suis dans la merde, je crois. Un bon dieu de flic, merde. Il faut que j'en parle avec Oliv.

— Salut.

— Qu'est-ce qui se passe, gamin ?

— Je crois que je me suis mis dans la merde, Oliv.

Il m'a écouté, a posé quelques questions. D'après lui, je m'inquiète pour rien. Je dois juste être vigilant, s'il revient à la charge.
Est-ce qu'il a compris que j'ai envie de le revoir ? Bien sûr ! Il me connaît mieux que moi-même.

Mathys a pris les rênes, utilisant la force de Matt pour faire taire cet homme. Je n'aime pas cette sensation d'être double.
Pourtant, même si c'est nouveau pour moi, cette explosion de rage m'a ouvert les yeux. Mathys n'est jamais très loin. Il n'est pas faible, il a juste été brisé par l'intolérance de son père.

Mes pensées sont interrompues par la sonnette.

***
(Tom)

Son visage n'a pour ainsi dire pas quitté ma tête de la journée. Heureusement que celle-ci a été calme, j'aurai pu être un danger pour Peter, mon co-équipier.

Je dois le revoir, je veux comprendre. Je vais passer chez lui. En fait, je suis déjà devant chez lui. Le doigt sur la sonnette

***
(Matt)

C'est lui. Le flic.
Je lui ouvre ou je fais le sourd ?
Matt as-tu déjà ressenti cela depuis Nathan ?

— Bonjour, le salué-je en le laissant entrer.

— Bonjour. Je ne suis pas sûr que ce soit une très bonne idée, mais je voulais être certain que tu allais bien.

— C'est gentil et en fait, j'espérais que tu passes. Entre, Tom.

Nous sommes tous les deux dans cette pièce, comme des idiots. Tom ne dit rien, et ça me trouble.

— Tu veux boire un truc ? proposé-je.

— Non Matt, je ne suis pas venu boire, je veux des explications.

— Tu étais là, que te dire de plus ! soufflé- je inquiet de son insistance.

— Je préfère m'en aller dans ce cas-là. Je n'ai pas envie d'entamer une relation avec quelqu'un qui ment.

— Je croyais avoir répondu à cela cette nuit. Et je ne pense pas que l'on soit compatible, joli flic.

— J'ai dû me tromper en effet en croyant que tu avais tabassé ces mecs pour une bonne raison.

— J'en avais, bordel, hurle-t-il. Alors, tu m'arrêtes ou tu te casses.

— Tant pis.

En deux mouvements rapides et précis, il m' a immobilisé sur le divan. Inutile d' essayer de le faire lâcher prise, il m'a montré sa force hier.
Essayons de le déstabiliser en faisant cela, et je pose mes lèvres sur les siennes. Qui sont douces et chaudes.

— Cela aurait pu fonctionner, Matt, si je n'en avais pas eu envie aussi. La position risque d'être très vite inconfortable. Raconte moi, et après...

— Tes arguments m'ont convaincu. J'ai juste besoin d'une cigarette pour cela, tu me laisses me lever ?