(Matt)

Dans le bar, il n'y a pas énormément de monde. Les rumeurs auraient-elles fait fuir les quelques homosexuels du secteur ?

Oliv et moi prenons une table disposée à proximité de l'entrée. J'ai remarqué la présence d'un mec, pas très loin de nous qui, peu discret, regarde régulièrement dans notre direction. Oliv fronce les sourcils et, comme par magie, le mec change de secteur. Sérieusement !

— Il ne serait pas mieux à la table avec nous ? proposé-je en désignant du menton l'indiscret.

— Quoi ? fait semblant de ne pas comprendre Oliv.

— Vu que je l'ai repéré, dis-lui de venir prendre une bière avec nous.

—  Non. Il est justement là pour rester en arrière. Au cas où. Il s'appelle Phil, il a une très bonne droite.

— Tu l'as contacté quand ? questionné-je curieux.

— Il a dû être plus discret que ce soir. Il te suit à chaque fois que tu sors, avoue-t-il mal à l'aise.

— Depuis que tu es parti ? Tu m'as foutu un putain de garde du corps au cul, Oliv ! Je ne suis pas Isa.

— J'avais remarqué, ironise-t-il. Mais tes colères sont dévastatrices, Matt et je ne veux pas que tu tues un mec.

— Je ne fais que...

— Rétablir l'équilibre, j'ai compris. Moi aussi. Ces mecs aiment bien être en groupe, Phil est juste là pour équilibrer lui aussi. Tu te bats de plus en plus souvent, Matt... Et sans réfléchir.

— Il y a de plus en plus de salopards. Je ne peux plus les supporter...

— Tu dors ?

— Après oui... ou je bois.

— Tu as été voir la psy ? insiste-t-il.

— Non. Je ne lui parlerai pas.

— Tu es vraiment chiant, tu sais ! Et comme d'hab, tu as déjà un admirateur ! A dix heures.

— Celui à gauche correspond plus à ce que je cherche ce soir. La grimace de dégoût qu'il a fait en voyant le canon de dix heures, me fait penser que notre présence va être utile.

— Surtout qu'il vient d'envoyer un message me dit Oliv qui a repéré le type à son tour. Va voir le gamin, il ne doit pas partir. Phil a compris, il va attendre dehors.

— J'y vais.

Je me déplace vers le jeune mec. Et à voir son regard, il est plutôt satisfait.

— Salut. Je peux m'asseoir avec toi ? lui demandé-je en me collant presque à lui afin de pouvoir lui parler en toute discrétion.

— Bien sûr. Je croyais m'être trompé, m'aguiche-t-il.

— Je t'ai repéré dès le début. J'aimerais juste que tu restes là, à l'intérieur. Il y a un sale type au bar. Nous allons nous en occuper, mes amis et moi.

— Comment ça ? s'inquiète-t-il les yeux affolés.

— Il fait peut-être partie de ceux qui tabassent les homos. Tu es bien gay ?

— Oui. Pas toi ?

— Si. Et si je ne voulais pas m'occuper de ce salopard, je crois que je t'inviterais à me suivre, lui dis-je doucement, en posant ma main sur la sienne.

— Cela peut se faire un autre jour...

— Hum...Ne bouge pas de là, d'accord !

Je m'éloigne de sa table et je m'installe ostensiblement au comptoir.
J'entends presque le soupir d'exaspération d'Oliv.
J'admets qu'il n'est pas très malin de provoquer ce genre de mecs. Je ne le ferais pas seul, mais ce n' est pas le cas, j'ai des soutiens.

- Tu me mets une bière, s'il te plait, demandé-je au barman.

— C'est pour moi ! dit le connard comme je l'espérais en me souriant.

— C'est très gentil mais je ne préfère pas, merci, le retoqué-je.

— Pourquoi ? Je suis peut-être trop viril, me suggère-t-il, en se rapprochant de moi.

— En effet, je préfère que mes partenaires sexuels soient plus féminins, lâché-je d'une voix insolente.

— Tu te fous de ma gueule, petit PD, gronde-t-il.

— Pourquoi, mon chou, cela te gênerait ? Veux-tu me frapper, vilain garçon ? le provoqué-je.

— Je pourrai faire cela oui, si tu me suis dehors ! me propose-t-il échauffé.

— Mais avec plaisir mon chou, je te suis.

Et, le prenant par la main, un sourire jusqu'aux oreilles, je me dirige vers la sortie. Phil fume devant le bar. C'est parti.
Le mec lâche ma main, et me propose de le suivre dans la ruelle juste à côté. Oh Oui, j'arrive.

Je ne lui laisse pas le temps de commencer, et je lui en colle un, direct. Bien fort, mais je ne veux pas l'assommer.

Je reconnais cette pulsion, ce n'est pas de la défense. Ce n' est plus lui que je tape. Je deviens enragé. Oliv intervient et m'entraine jusqu'à chez moi. Je n'ai quasiment pas de marques, il n'en a pas eu le temps. Phil n'a même pas eu besoin de m'aider. Il a juste, sur l'ordre d'Oliv, stoppé le combat.

Avant que je ne le tue.

Et c'est pour cette raison que je pleure comme un enfant.
Ma colère est telle que je ne me contrôle plus. Et je ne veux pas être pire qu'eux.

— C'est bon, petit. Il n'est pas mort, Phil s'en est assuré. Mais tu es devenu fou...

— C'est de sa faute. Sa façon de me mépriser, j'ai pas pu contrôler. J'aurai pu le tuer Oliv.

— Tu en es conscient, c'est déjà bien. Phil va rester dans le coin. Pour intervenir, le cas échéant.

— Je ne recommencerai pas.

— Matt, tu sais bien que c'est faux. Peut-être pas de cette manière, mais tu t'emporteras de nouveau.

***

(Tom, un mois plus tard)

Je suis en train de lire les derniers rapports. Il y a moins d'agressions homophobes signalées.

— J'arrive d'en ville, j'ai des infos qui confirment ce que nous pensions, dit Peter très excité.

— Je t'écoute, lui répond-je.

— Non seulement, il y a moins d'agressions, mais avec celle d'hier soir, nous avons huit mecs, reconnus comme des casseurs de gays, qui se sont fait massacrer.

— Excuse- moi Peter, je sais que ce n' est pas très professionnel, mais cela me fait rudement plaisir.

— Je te comprends, Tom. Sauf que je ne peux pas laisser faire. Même si je suis persuadé qu'il s'agit d'un homo qui fait du ménage dans les homophobes du coin, je dois faire une enquête.

— C'est normal. Je me réjouis de l'inversement de la situation c'est tout. Je crois que je vais sortir prendre un verre ou deux ce soir.

— Tom. Nous avons décidé que tu ne servirais pas d'appât.

— Peter, arrête de te voiler la face. Les mecs qui vengent tous les homos du coin appâtent les autres, c' est évident.

— Trop dangereux, Tom.