Chapitre 5.
La sonnerie de midi retentit. Je sens mon ventre se crisper, c'est l'heure du repas.
Cela a toujours été un moment d'angoisse.
Les personnes comme moi, qui se font chahuter constamment, ont pris l'habitude d'éviter le self.
Depuis un an, j'ai eu droit à toutes les brimades :
bouffe avec crachats, repas perturbé par des mains baladeuses, plateau jeté au sol.
J'ai pris l'habitude de manger rapidement ou grignoter un truc dehors. Je doute que Mattys soit d'accord.
— Greg ? Tu réserves notre table. Moi et ma jolie poupée, on passe les premiers, dit-il très autoritaire.
— Ok. Des indésirables ? réplique Greg, comme si c'était naturel.
— Jessica. Allons-y, Isa, me dit-il en me poussant dans le dos.
— Je n'ai pas faim, je peux rester là ? tenté-je.
— Non. Tu viens avec moi. Sans discussion. Aujourd'hui, tu vas découvrir le plaisir du self. Sans emmerdes. Et il me glisse à l'oreille " pour m'excuser de ce matin "
— Sérieux ?
— Tu prends, tu manges ! Et c'est Flore qui paye, rigole-t-il tout fier de sa blague.
— J'ai subitement très faim ! dis-je avec un grand sourire.
— Tu m'étonnes !!
***
(Mattys)
Ce sourire sur son visage est ma plus belle récompense. Isa est une fille magnifique : bien foutue, intelligente et très drôle.
Moi, je m'en fous, mon style c'est plutôt les hommes. Mais elle mérite de rencontrer un mec sympa.
De se retrouver avec moi au milieu des autres, va lui permettre de prendre confiance et de s'affirmer. Sans les risques.
Je pense que Greg a compris que je ne lui veux aucun mal. C'est le plus malin.
— Dis donc, pétasse, je peux savoir ce que tu fais là ? À cette heure ?
— Elle est avec moi, veux-tu que je dégage, Iris ?
— Mattys... je ne t'avais pas vu. Excuse-moi.
— C'est auprès d'elle que tu dois t'excuser. Mais je ne veux même pas que tu le fasses. Dis à Flore de venir à ma table.
— Je lui dirais, acquiesce Iris qui file sans dire un mot de plus.
J'entraîne Isa vers la table.
— Que voulait-elle dire par " à cette heure là" , Isa ? l'interrogé-je.
— Je n'ai pas l' autorisation, comme beaucoup d'autres, de venir manger à cette heure-là...
— Depuis quand ces "ordres" existent ? Qui les donne ?
— Je croyais que c'était tes ordres ! s'exclame-t-elle, éberluée. Joe, Jessica, Iris : Ils sont tous dans ton groupe, Mattys.
— Je ne fais pas ce genre de truc, non. Je vais les massacrer, grondé-je.
— Ça ne servira à rien. Ils trouveront un autre chef, qui lui le fera. Joe n'attend que ça, de te piquer la place.
— Qu'il la prenne ! m'énervé-je.
— Tu ne comprends rien, décidément. T'es vraiment un idiot ! Je me casse. Rien à battre de ton pari de merde !
— Je t'interdis de partir. Je ne rigole pas, dis-je fermement en la tenant par le bras.
— Je te déteste, Mattys ! hurle-t-elle et je n'arrive pas à savoir si elle joue ou si elle a réellement envie de me massacrer.
— Assis-toi là et mange. En silence, ordonné-je.
— Va te faire foutre !
— Ah, Flore, te voilà, j'ai quelques petites choses à te demander.
— Je suis là, Mattys.
— Tu n'as rien à me dire, par hasard ?
— Elle t'insulte, on voulait la calmer. C'était rien du tout, explique-t-elle sans aucun remords.
— Vraiment ? C'était humiliant, hurlé-je. T'ai-je demandé une seule fois de faire un truc pareil, Flore ?
— Non, avoue-t-elle, en baissant la tête.
— Est-ce que tu aimerais être humiliée, Flore ? la menacé-je.
En formulant ma question, je réalise que mon comportement avec Isa est autant voire plus humiliant. Malgré son accord, elle doit en souffrir.
— Mattys, arrête, intervient Isa. Ne lui fais pas ça ! Elle agit juste comme les autres.
— Tu entends Flore ? C'est elle qui te défend ! Pour info, c'est toi qui paye son repas. La prochaine fois, tu rejoins Jessica. Compris ?
— Oui. Merci.
— A qui tu dis merci, Flore ? demandé-je pas certain de comprendre.
— A toi et à elle. Ça te pose un problème ?
— Je ne sais pas. Isa, tu acceptes son remerciement ?
— Oui. Et puis, elle paye mon repas, non ?
— Exactement. Mange. Je veux aller fumer.
Je suis devant un truc de fou. Ils sont en train de se rendre compte que cette fille est l'inverse de ce qu'ils croyaient.
Et ça me plaît.
Bon, Joe et Jessica, vont tout faire pour tout foutre en l'air.
Ils peuvent toujours essayer, Isa et moi nous avons un coup d'avance.
On se retrouve dehors. Ma poussée d' adrénaline dans le self, m'a donné envie de fumer.
— Explique-moi pour le self, s'il te plaît Isa.
— Tu devrais apprendre à regarder plus autour de toi. Pas seulement les quelques personnes qui te gravitent autour...
— Je sais. Je dépense beaucoup d'énergie à cacher qui je suis vraiment. Je suis en train de le comprendre. Aide-moi.
— Pas ici ! En dehors du lycée.
— Où ?
— A la sortie, exige de moi devant les autres que je te suive. Je grognerai, ne t'inquiète pas, rajoute-t-elle.
— Je n'en doute pas. Pour les toilettes, j'ai trouvé la solution. Vas-y de suite. Je vais t'attendre.
— Où dois-je aller ?
— Là, princesse, dis-je en montrant l'infirmerie. C'est arrangé. Plus de danger.
— Tu es surprenant. Il va te kiffer.
— Qui ?
— Surprise, dit-elle avec un sourire moqueur.
— Je suis très heureux d'être venu te voir, précisé-je. Je ne regrette pas du tout.
— Moi non plus. Je me dis que le mec qui te choisira aura du bol.
— Merci ma belle. Toi aussi. Tu le mérites, surtout avec ce que je te fais subir depuis deux jours...
L'après-midi de cours se finit sans soucis majeurs. Isa est restée avec moi. Joe était tenté de faire le con, mais il a dû entendre parler des déboires de Flore, Chris et Iris. Du coup, il a lâché l'affaire.
On est dehors, devant le lycée. En général, je rentre en bagnole avec Joe.
— On rentre, Mattys ? me demande-t-il justement.
— Tu fais ce que tu veux, mec ! Moi, je vais aller me promener avec Isa.
— Je crois pas, non, râle-t-elle fortement.
— Pardon ? haussé-je le ton. Je n'ai pas bien entendu ! Grimpe dans la voiture.
— Salopard, marmonne-t-elle.
— Monte. A demain Joe.
— Il me déteste, je crois, me dit-elle dans la voiture.
— Joe ? Tu le snobes, il déteste ça. Il adorerait être à ma place, lui expliqué-je.
— Moi, je suis sûre que je n'aimerais pas. Je n'aurais jamais fait de pari avec lui.
— Où va-t-on ?
— Chez moi.
Je me gare où elle me l'indique. Un pavillon aussi vieux que celui de mes parents.
Le garage est ouvert, et un mec bricole une bagnole. Il jette un œil sur nous.
— Ton frère ? demandé-je.
— Humm. Tu veux bien rester là, cinq minutes ?
— Ça dépend. Il n'a pas l'air commode.
— Il te jauge. À ton tour de me faire confiance, me dit-elle avec un sourire en coin.
— Je croyais que c'était déjà le cas. En te proposant le deal.
— Pas faux.
Elle sort et va près de son frère. Elle lui parle, il n'est pas bavard. Il regarde vers moi et me fait signe de venir.
En piste, Mattys !!
— Belle caisse ! Elle est à toi ?
— Ouais. J'y tiens.
— Elle a intérêt à être fiable, si tu comptes balader ma sœur dedans.
— Elle l'est. Isa est en sécurité.
— On va en discuter. Moi c'est Oliv.
— Salut. Moi c'est Mattys.
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