Chapitre 49.
(Oliv)
Il m'a fallu l'aider. Même s'il faisait genre que non, il souffrait. D'aller au wc, à trois mètres, l'emmenait au bord de l'évanouissement. Au milieu de toutes ces mauvaises nouvelles, une bonne me rassurait : pas de sang dans les urines.
Il restait silencieux. Sans aucune réaction, immobile comme absent. Et cela ne me plaisait pas du tout. Visiblement, il se refermait sur lui-même. Son rétablissement physique ne serait pas un problème, il était jeune et en pleine forme. Son état psychique par contre...
La sonnerie de mon portable me sortit de mes pensées. Isa.
— Salut princesse. J'allais t'appeler.
— Bonjour, Oliv. J'ai hésité avant de le faire. As- tu des nouvelles de Mattys ?
Et voilà, je savais que cela allait arriver. Ma sœur allait obligatoirement s'inquiéter de son absence.
— Non. Pourquoi ?
— Il n'est pas venu au lycée... De la semaine. Joe m'a dit qu'il l'avait appelé. Il est parti une semaine dans la famille, paraît-il. Sans téléphone.
— Et tu ne le crois pas ?
— Joe croit qu'on est en couple et pense qu'il m'a larguée. Mais il était bizarre. Mattys m'aurait laissé un message, j'en suis certaine, Oliv.
— En quoi Joe était bizarre ?
— Il m'a proposé de venir me chercher à la maison ! A la place de Mattys.
— Tu n'as pas accepté j'espère ? m'insurgé-je.
— Tu me prends pour une idiote ? Il m'
a dit que jusqu'à preuve du contraire, j'étais toujours la meuf de Mattys.
— Donc qu'il assure ta sécurité dans le lycée, c'est une bonne chose. Isa... Je vais pas pouvoir rentrer tout de suite. Un imprévu...
— Qui a déclenché une surveillance ? Je peux au moins dire à ce mec de dormir à la maison ?
Je me doutais qu'elle allait le repérer.
— Dan. Il s'appelle Dan. J'étais plus serein, tu me connais. Excuse-moi, ma puce. Je vais lui dire. Tu peux lui faire entièrement confiance. Pour Mattys, je me renseigne. Je te fais un virement aussi.
— C'est bon, j'ai pas besoin. Tu ne risques rien ? Ton imprévu ce n'est pas dangereux ?
— Rien à craindre. Je te fais des bises.
— Moi aussi.
Ces nouvelles infos confirment ce que je pensais. Le père de Mattys est bien responsable de ceci.
— C'était Isa ? m'interroge-t-il sortant de son silence.
— Oui. Elle s'inquiète.
— Elle n'a pas cherché à me joindre, pourtant.
— Joe lui a dit que tu étais parti. Sans portable.
— Enculé, vocifère-t-il. Donc c'était vrai !
— Quoi ? Ton père t'en a parlé ?
— Bien sûr. Il a assuré ses arrières. Joe est à sa merci. Il l'utilise.
— C'était donc complètement prémédité ? enchaîné-je afin d'obtenir des informations.
— Oui. dit-il dans un souffle. A l'origine, il avait juste prévu une explication musclée qui m'aurait valut des coups de ceintures, je pense.
— Et ? relancé-je.
— Ça a déraillé, chuchote-t-il.
— Tu lui as dit, c'est ça ? Bordel Mattys ! m'enervé-je.
— Matt ! Mattys n'existe plus. Matt ne se cache plus. Qu'importe les conséquences !
— As-tu conscience que tu as failli y passer, Matt.
— Je n'avais pas le choix, Oliv...
— Qu'est-ce qui c'est passé ?
— Il voulait que je fasse un film avec ma copine ? Ça te va comme raison ? crache-t-il ses yeux droits dans les miens.
— Quoi ?
— Il voulait que j'invite Isa, que je " la baise" devant une caméra. Pour te calmer. J'ai refusé. Ça l'a mis en colère. Il m'a dit qu'il allait m'expliquer la politesse. Je ne voulais plus... Je te jure que j'ai essayé...Je lui ai dis que j'étais gay. J'ai rien vu venir.
— Putain ! Petit... C'est pas grave. Tu as eu raison. Tu vas porter plainte.
— Non. Je n'existe plus pour eux, mon père a dit que je pouvais crever. Ils n'existent plus pour moi. Fin.
— Tu englobes ta mère avec lui ?
- Ma mère, je lui ai demandé d'intervenir. En retour, j'ai lu le dégoût dans ses yeux. Elle m'a dit que je n'existais plus et elle m'a craché dessus.
— Que comptes-tu faire ? Où vas-tu vivre ?
— Laisse-moi quelques jours. Et je débarrasse le plancher.
— Tu veux que je continue le boulot de ton père, MATT ?
— Tu n'y arriveras pas, Oliv. Lui, il sait faire mal, finit-il dans un sanglot.
— Dis-moi ce qu'il a fait.
— Il avait la volonté de me guérir. Avec mes frères, Ted et Fred. Pourquoi ? Je n'en peux plus. Seul Karl a essayé de m'aider...A la fin.
— Ils ont pris part à ça ? Tous ?
— Oh oui. Papa était content. Toute sa petite famille pour corriger le sale petit pédé.
— Je m'en veux. J'aurais dû être là.
— J'aurais surtout dû fermer ma grande gueule !
— Avale ça. Pour la douleur. Repose-toi. Je dois passer un coup de fil. Dors.
Il doit me raconter. Ne rien garder. J'attends un peu d'entendre sa respiration s'apaiser, puis je prends mon téléphone.
— Dan ?
— Ne te moque pas, tu veux. C'est bien ta soeur ! Elle m'a grillé.
— Ce n'est pas grave. Je ne veux pas que tu la quittes des yeux ! Appelle Phil à la rescousse.
—Elle est en danger ?
— J'en suis pas sûr. Ce sont les vacances scolaires dans quinze jours. Je vais organiser son départ vers un endroit sécurisé.
— Tu es où, toi ? me demande-t-il. Elle est toujours inquiète. Elle cherche un gamin. Mattys.
— Mattys est avec moi et elle ne doit pas savoir, Dan. Il a besoin d'aide. Je te confie ma soeur.
— Tu fais chier, Oliv. Je ne suis pas doué pour ces trucs.
Je raccroche. J'entends gémir. Il remue. Son front est chaud. Je vais rester là sur le fauteuil, à côté de lui.
Ses hurlements me réveillent. Il se débat.
— Chut... C'est moi, Oliv. Calme toi... Mattys...
— Matt ! S'il te plaît... Laisse-le, là bas. Il est mort. Ils ont tué Mattys.
Je le prends dans mes bras et je pleure avec lui. Avec ce jeune branleur qui a aidé ma petite soeur.
Et puis, après les pleurs, il y a eu le silence. Et il a commencé à me raconter. La haine qu'il a ressenti dans le regard des siens. L'humiliation face à cette fille qui l'a violé. De son corps qui l'a trahi. De ses supplications. Des moqueries et des coups.
De la douleur physique quand Karl l'a déposé au bord de la route. De son envie de mourir.
Et puis cette voix qui lui parlait sans haine. Et de ses forces qui l'abandonnaient. L' impression d'être devenu fou quand il a cru reconnaître ma voix. Mon visage.
Et puis il s'est endormi.
Moi, j'ai explosé mon sac de frappe.
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