Je ne veux pas être dur avec elle. Mais si je ne le fais pas, je ne serai pas crédible.
Elle est comme d'habitude. Elle ne se laisse pas faire.
A-t-elle compris que je ne lui ferai aucun mal ? Ou agit-elle comme cela naturellement?

— Greg ? J'ai besoin de ton aide.

— Explique-moi cela, me demande-t-il, prudent.

— Je veux juste que tu ne lâches pas Isa dans les cours où je ne suis pas là. Tu peux faire ça ?

— Je crois que c'est dans mes cordes. Que dois-je faire ?

— Attends, suis-moi je vais t'expliquer devant elle.

Je m'approche du muret. Elle est là, tranquille, assise dans la même position comme tout à l'heure.
Je lui souris, les gars sont à côté, mais ils prendront ce sourire pour une moquerie.

— Descends, ma belle.

Et je la prends par la taille. Je profite de la situation pour coller ma bouche près de son oreille. Joe n'en perd pas une miette. Tu es décidément trop prévisible, mec !
Je chuchote "désolé pour l'attente"

—Lâche-moi Mattys, râle-t-elle.

— Allez, beauté ! D'ici la fin de la semaine, tu ne râleras plus, c'est promis. Je veux donner mes consignes à Greg. Devant toi.

— Tu kiffes hein ?

— Tu n'as pas idée ! Tu veux que je te fasse mettre à genoux ? la menacé-je toujours pour satisfaire Joe.

— Non, s'il te plaît ! répond-elle en baissant la tête.

—C'est bien. Tu commences à comprendre, commenté-je et je me déteste de faire cela.
Greg, tu es responsable d'Isa. Personne ne l'approche, ne lui parle, ne la touche. A part les profs.
Elle reste à côté de toi.
Tu n'as pas le droit de l'insulter, ni de la mettre à mal face aux profs. Si elle ne t'obéit pas, tu me le diras : elle sera punie.

J'ai débité ces ordres rapidement sans lâcher Isa des yeux.

— Elle ne va pas m'obéir, déclare Greg.

— Isa ? Tu as entendu ?

— Ouais, répond-elle.

— Comment ? haussé-je le ton.

— Oui, Mattys. Greg décide.
Personne me parle ou me touche à part les profs. Si je désobéis Greg te le diras. J'ai rien oublié ? débite t- elle à toute vitesse, énervée.

— Méfie-toi, petite insolente !
Greg,  les cours vont commencer dans dix minutes. Emmène-là. On se retrouve à l'interclasse devant votre classe.

— En route, Isa, dit Greg en lui montrant le chemin.

Joe me regarde avec envie. Ne rêve pas, mec !

— Elle ne la ramène plus. Je suis impressionné, tu es doué mec. Pourquoi tu as demandé à Greg ? Y avait Chris dans sa classe, il l'aurait fait chier.

— Je ne veux pas la faire chier, Joe, soupiré-je. Je veux la mettre au pas.

— Et en profiter un peu, mon cochon. Je t'ai vu tout à l'heure lui frôler le cou. Veinard !

— Gère Jessica. Elle n'a pas compris apparemment.

— Mattys, elle a toujours été avec toi. Laisse-lui une chance...

— Tu n'as pas compris, Joe, rectifié-je. Si elle ne veut pas écouter ce que je dis, elle cherche un autre groupe. Et si tu n'es pas d'accord, tu peux la suivre.

C'est une très bonne occasion pour tester sa loyauté. Je ne me fais aucune illusion : seule l'existence de mes frères et la peur d'eux fait qu'il accepte que je lui parle ainsi.

— Je vais lui parler. Elle ne l'approchera pas.

***
(Isa)

Je suis Greg dans les couloirs  sans dire un mot, limite trop obéissante.
Mais je préfère, il pourrait avoir envie de faire son connard. Devant les potes,  ceux qui attendent devant l'entrée.

— Donne ta main, me demande-t-il.

Je le regarde,  surprise et lui prends la main sans rien dire.
Je le sens moyen.

— A quoi tu joues Greg ? Mattys va te déchirer, intervient Chris.

— Je ne pense pas. C'est lui qui m'a demandé de la "garder" quand il n'est pas là, répond Greg en appuyant bien sur le mot.

— Et tu as des droits sur elle ? s'intéresse immédiatement Chris, aussi malade que Joe.

— Non, Chris. Elle a juste perdu un pari. Ce n'est pas un jouet, riposte Greg immédiatement.

— Et si je veux jouer ? le nargue Chris.

— Tu verras ça avec Mattys. Et tu  rejoindras Jessica, persifle Greg. A plus tard, Chris. Allons-y, Isa.

Trop bien. Guerre de testostérone.

— Écoute-moi bien, me dit Greg. Nous sommes dans la même classe. Joue le jeu de façon intelligente et ça ira.

— Merci pour Chris, le remercié-je.

— De rien, c'est un con.

Comme quoi, autour de Mattys, il n'y a pas que des salopards.
Il m'entraine dans la classe et me fait asseoir à une table dans leur groupe. Je me sens très mal. Ils ne vont pas pouvoir s'empêcher de m'emmerder. Je vais devoir me contrôler et je maudis Mattys dans ma tête. Il a le beau rôle, lui.
Avant que le prof n'arrive, Greg décide de mettre les choses au point.

— Interdiction de l'insulter, de la toucher : ordre de Mattys. Je ne vais pas le redire. Je le lui signalerai juste. A vous de voir.

— Il fait chier, râle Chris.

— Va lui dire après le cours, Chris, insiste Greg nonchalamment et je ne peux m'empêcher de sourire.

Les deux heures de cours se passent sans trop de soucis. Chris a chopé mes cheveux une fois pour les caresser, mais le regard de Greg a immédiatement calmé le jeu. Le stress aidant, j'ai besoin d'aller aux toilettes.

— Greg ? Est-ce que je peux utiliser mon portable ? Pour appeler Mattys ?

— Il ne m'a rien dit à ce sujet.

— C'est important.

—Tu lui demanderas à la fin du cours. Dans quinze minutes.

—Je ne tiendrai pas jusque là...dis-je en grimaçant.

— Ah ! Oui... Je lui envoie un SMS, dit-il tout rouge.

G: Y a un souci. Elle a envie de pisser.

M : Sérieux ? Je suis déjà devant. Qu'elle demande à sortir !

G : Ok.

— Mattys est dehors, demande à sortir au prof.

— Merci, Greg. Monsieur ? Je peux sortir, s' il vous plaît ?

— Allez- y.

Je sors, rouge de honte, sous le regard moqueur de Chris et de Flore.
Mattys est dans le couloir, les mains dans les poches. Je lui lance un regard noir, et je fonce vers les toilettes.
S'il dit un mot, un seul, je lui file une claque et je ne retiendrai pas mon coup.
Dans les toilettes, je ne me contrôle plus, et mes larmes coulent.

—  Isa. Ouvre la porte.

— Casse-toi Mattys, sifflé-je, très remontée. Je te le conseille. Laisse- moi cinq minutes.

Mon Dieu. Je suis un véritable salopard. Elle doit être morte de honte. Si Greg ouvre sa gueule, je le massacre.

— Désolé, lui dis-je bêtement quand elle sort enfin.

— Trop tard. Trouve une solution sinon je stoppe tout. L'humiliation ce n'est pas mon truc, éructé-je.

— J'ai merdé. Ça n'arrivera plus. Ça a été, sinon ?

— Ouais. Greg est très bien.

— Chris ?

— Greg t'en parlera s'il le juge nécessaire.

— Tu protéges Chris ? s'étonne-t-il.

— Non, je laisse Greg affirmer sa position. Il a été bien avec moi. Mieux que toi. Sauf que lui ne joue pas ! Tu as un problème avec ce choix ? Dans ces cours, je suis seule avec lui.  Et Chris et Flore.