Lorsque j'entre dans le vestiaire, je sais que Flore a déjà largement diffusé la nouvelle. Joe est terriblement énervé. Ben oui, mon gars, c'est foutu pour toi !

- C'est vrai ce que dit Flore ? me demande-t-il.

- Je ne sais pas. Qu'est-ce qu'elle dit ? le nargué-je.

- Arrête tes conneries, Mattys ! Elle doit t'obéir toute la semaine ? Explique-moi comment tu es arrivé à cela ? râle-t-il furax.

- J'ai juste parié sur son orgueil démesuré, mon gars. Je l'ai mise au défi et comme elle déteste perdre, j'ai gagné, clamé-je.

- Tu vas lui demander de faire quoi ? s'excite-t-il, les pupilles dilatées. On pourra jouer nous aussi ?

- Juste moi, répliqué-je fermement.

- Allez, mon pote ! Une journée, me supplie-t-il.

- Non, pas question.

Après ma douche, je récupère mes affaires et sort. Isa n'est pas encore là, aussi j'en profite pour m'allumer une clope.
Quand je la vois arriver, les yeux rouges et son tee-shirt déchiré, je m'approche d'elle.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? demandé-je en tentant de garder le regard arrogant que l'on attend de moi.

- Rien. Je suis là. Comme tu l'as demandé, lâche-t-elle sèchement.

- Qui ? Réponds ! dis-je d'une voix forte qui la fait tressaillir.

- Jessica, chuchote-t-elle.

Elle n'ose pas me regarder, ses mains tremblent. Je suis très énervé.

- Jessica ? répété-je abasourdi. JESSICA ? Amène-toi ici ! Tout de suite ! crié-je dans la direction du groupe de greluches qui se marrent.

- Oui ? répond celle-ci toute souriante.

- Qu'est-ce que tu n'as pas compris dans Personne ne la touche , exactement ? articulé-je d'une voix forte.

- Mais Mattys, je voulais...

- Casse-toi, hurlé-je. Je ne veux plus te voir à côté de moi, c'est clair ?

Mon ton est cassant et volontairement blessant.

- Oui Mattys, répond-elle en baissant la tête.

Est-ce normal de kiffer de se comporter comme un connard ? Je ne le pense pas, pourtant c'est exactement ce que je ressens.

- Amène- toi, beauté, dis-je à Isa. On s'en va.

- Non, lâche-t-elle brusquement.

- Tu te rappelles, expliqué-je avec une voix volontairement mielleuse. Tu as perdu. Donc tu viens. TOUT DE SUITE.

Je me colle à elle et lui murmure :

"Obéi-moi, Isa . "

Elle me fixe et me suit sans un mot.
Ils sont tous là à nous regarder : si je ne vais pas jusqu'au bout, tout cela n'aura servi à rien. Tout fier de moi, je regarde dans leur direction, et fais monter Isa dans la voiture. Elle reste silencieuse un moment puis se met à pleurer.

- Isa, s'il te plaît, bredouillé-je. Je me gare dans cinq minutes.

- C'est rien, c'est purement nerveux. Tu l'as vraiment engueulée, s'étonne-t-elle ?

- Bien sûr. Je leur avais interdit de te faire quoi que ce soit !

- Pourquoi ?

- Je voulais être le seul à t'embêter ! Pour qu'ils ne te fassent pas de saletés justement. Je ne t'ai jamais fait mal.

-C'est vrai. T'étais juste très chiant ! On va faire comment à partir de demain ?

- J'ai une idée ! Ça va te plaire, je crois ! Qu'est-ce qu'elle t'a fait ?

- Elle m'a enfoncé la tête dans la cuvette et elle a tiré la chasse. Avec Flore. "Parce que je suis une merde, ont-elles dit".

- Les salopes. Désolé, je ne pensais pas qu'elles oseraient...

- Comment ça se fait ? Tu n'es pas comme eux, et pourtant ils t'obéissent.

- Ils ont peur à cause de mes frères, alors j'en profite. Viens, on descend là.

- On est où ? demande-t-elle, en zyeutant partout.

- C'est mon coin à moi. On sera tranquille. Tu dois me faire confiance.

- Tu me ramènes après ?

-Bien entendu. J'ai dit que tu devrais m'obéir toute la semaine. J'ai peur que Joe te pourrisse. Alors, je vais exiger que tu me donnes la main tout le temps.

-Bonne idée. Et pour les cours où nous ne sommes pas ensemble ?

- Greg, il est comment avec toi ?

- Ça va. Il n'est pas méchant.

- Je pourrais lui dire d'être ton "gardien". C'est pour les WC que je sèche. A moins que...

- Tu demandes à Jessica, pour retrouver le droit d'être avec toi, propose-t-elle.

- Ça serait génial, mais vu qu' elle rêve de coucher avec moi, je ne suis pas tenté, grimacé-je. Je vais y réfléchir et je te dis par texto.

- Comment il faut que je sois demain ? Grognon ? Agressive ? Pleureuse ?

- Comme tu le sens, je m'adapterai. Ça va aller ? Tu seras toujours avec nous, tu as compris ? m'inquieté-je.

- Je suis pas idiote Mattys. Tu n'as pas l'intention de m'embrasser ou de me toucher, hein ?

- Non. Pas cette semaine. Après, si nous devons faire semblant d'être ensemble, je devrais sûrement le faire.

- Mattys ? T'es vraiment homo ?

- Juré, Isa ! Tu me sauves et toi tu vas avoir la paix. Autre chose ?

- J'ai un peu peur, avoue-t-elle.

-Toi ? Tu me tiens tête depuis plus d'un an.

-Tu n'es pas un vrai méchant...

-Tu en connais ? m'informé-je, étonné de cette remarque.

- Ouais. Mon père. Pour l'instant, il est en prison. Alors dis-toi que tes petites remarques !

- C'est clair. Un faux badboy homo ça a du te faire très peur, m'esclaffé-je.

-Tu me raccompagnes ? Mon frère est très protecteur, il n'aime pas quand je traîne.

- En voiture, princesse. Impressionne-moi demain.

- Je vais essayer.

Le lendemain, je suis devant le lycée, à l'attendre. Joe vient se coller à moi.

- Tu es satisfait ?

- En partie. Elle n'a pas encore obéit.

- Tu as été sacrément salaud avec Jessica.

- Elle n'a pas écouté ce que j'avais dit. Ça lui apprendra.

- La voilà, dit Joe en apercevant Isa qui se dirige droit vers moi.

- Bonjour Isa. Tu es à l'heure, c'est bien, lui dis-je.

- Bonjour Mattys. J'ai joué, j'ai perdu.

- Tu dois m'obéir, tu te rappelles. J'ai décidé de profiter de ta présence au maximum. Tu vas me donner la main tout le temps, lui signifié-je tout sourire. On commence maintenant. Je vais te faire visiter le lycée. Ton prof est absent. Moi, je sèche.

- Connard, grogne-t-elle entre ses dents.

- Si ça te fais plaisir ! On va dire bonjour à mes potes. Tu n'as pas le droit de les insulter et eux non plus.

- Encore heureux !

Elle est tendue, je le vois bien, mais je n'ai pas le choix. Si on veut gagner la tranquillité, il faut passer par cette étape.

- Salut les gars ! Dis- leur bonjour, Isa !

- Bonjour, les salue-t-elle.

- Je ne le crois pas. Tu es vraiment un fumier, Mattys ! Tu ne te rebiffes plus, poupée ? Il t'a déjà limé les crocs ? ricane Joe.

- J'ai perdu un pari et je respecte toujours ma parole, Joe, lui réplique-t-elle effrontément. Pour le reste, à toi de deviner.

- Tigresse, lâche-t-il avec un air très malsain.

- Connard !

- Stop ! J'ai dit pas d' insultes, Isa, tu te souviens ! Pareil pour vous les gars.

- Je l'ai pas insulté. Tigresse c'est pas une insulte, si ? se moque Joe.

- Non. Mais me dire que mes crocs sont limés....

- Mattys ? demande Jessica avec une petite voix.

Je la regarde méchamment et ne dit pas un mot, comme si elle n'était pas là.

- Je vais fumer une clope, dis-je.

-Alors, je reste là, me dit Isa.

- Non. Tu viens avec moi.

Je me dirige vers la cour, suivi par Joe, Greg.
Dehors, je la prends par la taille et l'installe sur le muret.

-Tu restes là. Je dois discuter avec Greg. Tu n'auras pas la fumée comme ça ! dis-je moqueur.

- Et je fais quoi ?

- Euh... tu attends. Je sais ce que tu penses, Isa. Ce n'est pas sympa du tout...