Chapitre 5
Rachel vient me rendre visite dès la première occasion. En même temps, personne ne va se bousculer pour aller me voir, mais ça me convient. J'ai déjà une amie en or, que demander de plus ?
-Skye ! Comment tu vas ? me demande-t-elle en accourant vers moi. Je suis tellement, tellement, désolée, tu sais...
-Ce n'est pas de ta faute, Rachel, je l'interromps en secouant la tête. Tu ne fais pas la pluie et le beau temps.
Elle ouvre la bouche pour protester, mais je lève la main pour l'arrêter, et continue en souriant :
-Ne t'en fais pas, je te le promets ! Je suis vivante, c'est ce qui compte. Un miracle, pas vrai ?
-Tu as raison, mais j'ai eu tellement peur... Peur de te perdre, Skye ! s'exclame-t-elle, en commençant à pleurer. Notre avenir, tout ce qu'on imaginait, aurait été réduit à néant !
Ça y est, mes entrailles se déchirent à nouveau, mais les larmes ne sortent toujours pas. Impossible d'y parvenir.
-Non, Rach, rien n'aurait été réduit à néant, je serais toujours avec toi, dans ton cœur, quoi qu'il arrive. Mais ça, tu le sais déjà, hein ?
Elle hoche la tête, prise de sanglots, et me serre dans ses bras. Malgré moi, je suis prise par une vague de chagrin en la voyant dans cet état.
-Dans deux semaines tout au plus, tout ira mieux, tout reprendra comme avant, dis-je doucement en frottant son dos de ma main légèrement tremblante.
Certains penseraient que Rachel manque de courage face à la situation, mais ils se trompent. C'est une personne merveilleuse qui tient à ses amis autant qu'à sa vie, voire plus. Elle est juste inquiète, mais c'est tout à fait normal dans ce cas de figure.
Nous discutons de l'accident d'abord, puis de tout et de rien, ce qui la rassure et elle ne pleure plus. Nous restons à papoter là pendant à peu près une heure, puis le docteur lui dit de s'en aller pour faire des examens. Et une nouvelle visite m'attend, à ma grande surprise.
Eleanor approche, ses grands yeux noisettes emplis d'une lueur de tristesse. Elle s'assoit sur la chaise près de mon lit et m'observe quelques secondes silencieusement, comme si elle essayait de déceler un changement chez moi. Enfin, ses yeux s'arrêtent sur mes cheveux devenus légèrement bouclés et secs sur les les longueurs.
-Bonjour, Eleanor, je lance, lasse de son mutisme.
Ses sourcils légèrement froncés, elle plonge son regard tacheté d'argent dans le mien. Il est empreint d'une sorte de crainte mêlée à du chagrin.
-Bonjour, Skye. Ma mère a accepté que je vienne te voir. Je voulais savoir si tu allais bien, après...
Elle laisse sa phrase en suspens, comme si elle redoutait de devoir prononcer le mot.
-L'accident, Eleanor, lui dis-je doucement. Tu as le droit de le dire.
Elle hoche la tête et ramène sa cascade de cheveux sombres derrière ses épaules. Des reflets roux s'en échappent, puis disparaissent dans son dos.
-Sinon, je vais plutôt bien. D'ici une ou deux semaines, je serais sortie, lui annonce je.
Elle sourit timidement et se gratte la nuque, signe qu'elle est nerveuse.
-Tant mieux, la maison est un peu vide sans toi, tu sais.
Je me demande qui fait la cuisine et la vaisselle. Qui nettoie le sol et les vitres. Qui lave le linge et le fait sécher. Moi, je n'ai pas hâte de revenir. Je lui adresse un sourire amer, mais sans vraiment le faire intentionnellement. Nous ne parlons pas longtemps, par manque de complicité et de sujets de conversation.
Les jours suivants se déroulent plus ou moins vite, puis se terminent toujours par une visite de Rachel qui revient du lycée et me raconte ses anecdotes les plus juteuses. Arrivé le cinquième jour, je me lasse un peu de la routine de ma convalescence, mais les médecins refusent toujours. Toute la journée, je lis, encore et encore, dévorant un nombre incalculable de livres, fournis par l'hôpital. Puis ceux que je n'ai pas encore lus deviennent rares.
Un après midi, alors que je lis le Code Civil et Pénal, cause d'un manque cruel de livres, et que le soleil entame sa descente, une des infirmières, Molly entre et m'annonce avec un doux sourire :
-Skye, tu as une visite.
Je hoche la tête, prise de cours. Qui ça peut bien être, à cette heure-ci ? Rachel est déjà venue me voir il y un peu plus d'une heure. Molly sort de la pièce, laissant entrer un garçon. Il se poste debout près de mon lit.
-Bonjour, Skye, c'est ça ? me salue-t-il.
Qu'est ce qu'un garçon fait dans ma chambre ?
-Oui, approuve je. Peux-tu me dire qui tu es ? je lui demande, méfiante.
-C'est moi qui t'ai retrouvée quand tu as eu ton accident. Je me promenais seul et j'ai entendu la foudre derrière moi. Je me suis retournée et je t'ai aperçue au sol, inconsciente.
J'éprouve un élan de gratitude envers lui, mais en même temps d'incompréhension. Es ce qu'il veut que je lui offre une récompense ? Que vient il faire ici ?
-Je... Merci, dis-je, à court de mots.
Il me sauve la vie, et moi, je ne trouve à sortir qu'un pauvre merci ? Mais, bizarrement, il sourit. Il a des cheveux noirs de jais en bataille, et des yeux gris bleu qui me font penser aux nuages quand il pleut, et un teint hâlé.
-Pas de quoi. Je venais prendre de tes nouvelles. Au fait, je m'appelle Gabriel, se présente-t-il en me tendant la main.
Je lui rends sa poignée et souris à mon tour.
-Enchantée, Gabriel, je réponds.
-Moi aussi. Ce n'est pas ennuyeux, de rester là toute la journée ? me demande-t-il, en consultant ma chambre d'hôpital du regard.
-Si, par moments je n'ai rien à faire, en fait je lis toute la journée. Mais je commence à être à cours de livres, je lance en rigolant et en brandissant Le Code Civil et Pénal.
-Si tu veux, je peux t'en ramener. Moi aussi, je suis un grand lecteur, j'ai une petite bibliothèque dans ma chambre ! me propose-t-il.
-J'aimerais bien, si ça ne te dérange pas, je réplique, gênée.
Je n'ai jamais vraiment parlé à un garçon, hormis quelques-uns, comme Steve Hill, mon voisin du cours de mathématiques, et également mon ami. J'avais un petit copain, quand j'étais en troisième, Noa Givlin, mais nous avions rompu parce que Sophia ou ses parents allaient s'en rendre compte à un moment où un autre (il est interdit d'être en couple avec quelqu'un, hormis son conjoint), et puis que lui allait dans un lycée à l'opposé de mon côté de la ville.
-Aucun problème, ne t'en fais pas, je repasserais demain matin avec quelques livres ! m'annonce-t-il avec un ton chaleureux. Alors je te dis à demain, Skye ! dit-il en souriant.
-À demain, Gabriel.
Et il passe par la porte en me jetant un dernier regard, indéchiffrable. Eh bien, il est vite reparti. Je sais que je ne suis pas très intéressante ni sociable, mais à ce point...
Je soupire en secouant la tête et replonge le nez dans Le Code Civil et Pénal.
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