Le petit déjeuner se termine dans le calme. Tandis qu'on remonte vers ma chambre, Barbie descend les escaliers.

- Encore là ?

- Un problème ?

Je vois alors les yeux de Rae : ils sont flamboyants. On dirait que sa bonne humeur n'est plus qu'un vague souvenir maintenant.

- Non mais...

- Alors pourquoi t'ouvres ta gueule si y a pas de problème ?

Barbie rougit de colère mais préfère tourner les talons et continuer son chemin. Elle préfère ne pas affronter Rae et elle a plutôt raison.

Tandis qu'on regagne ma chambre, elle me dit :

- Elle est chiante ta cousine. Toujours a faire des remarques de merde. Et après elle esquive. Elle d'vrait savoir c'qu'elle veut : la guerre ou la paix.

- Laisse tomber, elle est conne. Elle veut faire son intéressante en s'attaquant aux autres.

- Putain, ça me dégoute des gens comme elle. Des gens qui pensent avoir besoin d'faire chier les autres pour exister.

- Moi aussi. Mais y en a plein.

- J'déteste ma génération.

- Idem.

Cigarette, briquet, 7 minutes en moins.

- Ca fait longtemps que t'as pas fumé.

- Depuis hier seulement. J'ai été trop occupée et j'ai oublié.

- Comment on peut oublier d'écourter sa vie ?

- J'en sais rien.

J'allume la radio, met un CD, une musique d'ambiance n'a jamais fait de mal.

Peut importe mon maquillage,

Je préfère ça avec mes jeans tout déchirés,

Je ne sais pas fermer ma bouche

Tu dis quoi alors ?

Peut importe si je suis inadaptée,

Je préfère ça aux hippies de merde,

Je suis la putain de princesse

Et tu m'aimes encore.

En quelque sorte,

C'est un peu différent quand je suis avec toi,

Tu sais qui je suis vraiment au téléphone,

Tu sais comment ça se passe vraiment...

D'une certaines façon,

Nous allons sortir de tout ça.

Le temps d'un jour,

Tu es le seul que je veuille avec moi.

Tu sais comment se passe l'histoire.

Lorsque c'est toi et moi,

Nous n'avons besoin de personne pour nous dire qui être,

Nous allons continuer à mettre plus fort la radio !

Bien, c'est toi et moi

Qui pointons un doigt d'honneur vers le ciel,

Qu'ils sachent que nous sommes toujours rock'n roll !

Appelle ça une mauvaise attitude mec,

Je ne recouvrirai jamais ce tatouage,

Je pourrais avoir un ou deux problèmes...

Tu dis "moi aussi" ?

Ne te préoccupe pas d'une réputation,

On doit vivre dans la mauvaise génération...

C'est ton invitation,

Défonçons-nous ! **

On finit par sauter sur le lit et hurler les paroles de la chanson. Notre hymne à la révolte. Cette chanson, pour nous, elle veut dire que jamais on ne sera comme tout le monde et qu'on en a strictement rien à foutre. On n'a en fait aucune envie de devenir des moutons de l'humanité... A jamais on sera comme on est en ce moment, à contre courant, pas toujours aimé et avec des manières et un vocabulaires réprimandables. Mais on aime ça.

C'est le début d'après midi, l'heure pour Rae de repartir.

- Je sais que tu vas te foutre de moi parce que je vais te dire un truc digne d'un roman à l'eau de rose, mais franchement, j'ai passé un super moment, j'espère qu'on refera ça.

- Moi c'est quand tu veux. Sinon on s'retrouve ce soir ?

- Ouais. J'y serai, compte sur moi Rae.

- A ce soir alors !!

Je la regarde s'éloigner dans la rue. J'aurai jamais cru que le temps passerai si vite en sa compagnie. J'ai tellement hâte d'être ce soir.

Mais en attendant, il me reste des heures devant moi.

- Enfin partie ?

- Bordel, tu veux quoi encore ?

- Rien. Mais je suis contente de plus la voir.

- Quand elle était là, tu faisais moins ta fière. Avoue.

- Pas du tout !

- Tu la connaissais pas, t'avais peur d'elle et tu rampais, mens pas !

Elle devient rouge de colère, j'adore l'énerver.

- Jamais je m'aplatirai devant un tel rebut de l'humanité.

J'ai perdu le contrôle de mon bras, ma main atterrit en plein dans son visage de poupée.

- Merde, je vais devoir me nettoyer, je suis pleine de fond de teint maintenant.

J'attends même plus sa réponse, je monte, vais dans la salle de bain et me lave les mains. J'en profite pour me jeter de l'eau à la figure en même temps. Faut que je me calme, c'est obligatoire.

Je retourne dans ma chambre, m'allonge sur mon lit. Je reste allongée, je fixe le plafond. Comme à mon habitude, je dessine dessus.

Je trace une fleur, une rose. Aussi étrange que ça puisse paraître, j'adore cette fleur. Si ça ne tenait qu'à moi, j'en aurait plein le jardin.

D'ailleurs je continue et je dessine le jardin idéal. Pendant des heures, j'ajoute fleurs et animaux à mon jardin imaginaire.

Je n'ai aucune idée du temps que j'ai passé à faire ça. Et je ne veux pas le savoir. A quoi ça me servirai à part à me dire que j'ai bêtement perdu mon temps ?

Cigarette, briquet, 7 minutes en moins.

J'ai l'impression de n'avoir jamais ressenti un tel vide en moi. D'habitude, je ne rencontre Rae que tous les soirs, mais là, le fait d'avoir passé une journée entière avec elle... Quand elle est partie, j'ai ressenti du vide.

Mais je la reverrai ce soir. Ca arrivera rapidement.

Le téléphone sonne en bas.

- SALEEEEEM ! C'est pour toi.

Quoi peut bien encore venir me faire chier ? Sérieusement, si c'est quelqu'un qui veut encore m'inviter quelque part, je vais péter un plomb !

Je descends bruyamment et en trainant les pieds.

J'arrache presque le téléphone des mains de mon frère :

- Quoi ?

- C'est maman.

- Qu'est ce qu'il y a ?

- J'ai pensé que ce serai mieux que se soit moi qui te le dise...

- De quoi tu parles ?

- Voilà, ton père rentrait du bureau en voiture. Tu sais qu'un moment il passe par une route nationale assez fréquentée ? Bon, et bien là toutes les voitures étaient à l'arrêt, il y a eu un accident...

- Maman, je veux pas être méchante mais si tu m'appelle pour me raconter qu'il y a eu un accident sur la nationale, je m'en fout. Abrège s'il te plait !

- C'était Rae. Elle a été renversée par une voiture... Je suis désolée chérie...

** Chanson : "Rock'n roll" d'Avril Lavigne.

Juste une chose, croyez bien que ça me rend triste de faire souffrir Salem de la sorte...

A bientôt,

Raven.