Solitude
Je marche.
Je marche dans cette ville où les gens me dévisagent. Ai-je un visage particulièrement hors du commun ? Je l'ignore. Sans doute ne pourrai-je jamais en juger. Sans doute ne saurai-je jamais. Mais vous n'avez que faire de mes pensées. Vous continuez à marcher sans jamais vous arrêter. Vous plongez vos yeux dans les miens, comme pour y déceler un semblant de lucidité, puis vous détournez le regard, effrayés, sans doute, par ce que vous croyez voir. Vous tentez de lire en moi sans pour autant y parvenir.
Je vous plains, parfois. Même si la plupart du temps, je vous envie. J'imagine vos vies, et souvent elles sont mieux que la mienne. J'imagine vos amis, vos proches, votre maison et vos passions. Je vous envie cruellement.
Avez-vous une âme pour juger ainsi les gens sur leur apparence ? Vous croyez-vous plus intelligents ? Êtes-vous réellement mieux que moi ? Qui êtes-vous pour savoir mieux que moi ce que je suis ?
Des passants, des gens inconnus qui se croisent dans ces rues mouvantes. Vous déambulez, seuls, par deux ou en groupe. Je tente de saisir des bribes de votre conversation, mais vous lancez vers moi un regard méprisant et accusateur.
Que faut-il faire pour appartenir à un groupe comme le vôtre ? Celui des anonymes qui, aujourd'hui, marchent à pas rapides dans cette rue encombrée ? Vous me faites me sentir vulnérable. Inoffensive. Et seule, désespérément seule.
Je marche toujours. Ce n'est pas le poids de votre regard dans mon dos qui me fait vaciller. C'est bien plus que ça. Toute une accumulation de choses qui, tout d'un coup, me donnent envie d'imploser. Vous n'y croyez pas, n'est-ce pas ? Je le vois dans vos yeux d'adultes qui se détournent lorsqu'ils rencontrent les miens. Mes petits tracas n'ont aucune importance à vos yeux.
Hier encore, je n'étais pas seule. Je vadrouillais, heureuse, semblait-il, avec Théo. Nous partagions énormément de choses. Je ne comptais plus les journées entières que nous avions passées ensemble. Je ne regardais plus ma montre. Nous étions parfaits car nous étions deux.
Mais c'était hier.
Aujourd'hui je suis seule. Parce que Théo s'est suicidé. Vous ne me croyez toujours pas ? Je vous aurai prévenus. À présent vous avez raison de détourner le regard. Je le mérite bien plus que vous ne pourrez l'imaginer.
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