J'allais voir Benjamin. Mattéo, son meilleur ami, m'avait dit qu'il était dans l'escalier. Il était en train de parler avec Charlotte, que je considérais comme ma meilleure amie. Charlotte avait l'air ravie. Elle le regardait avec ce regard... Comment dire ? J'ai eu peur. D'habitude, Charlotte ne va jamais voir Benjamin. Charlotte ne s'est jamais préoccupée de mon Benjamin, alors pourquoi là ? Pourquoi ce soudain intérêt pour mon copain ? Charlotte a essayé de me voler Benjamin sous mes yeux. J'en ai assez d'être hypocrite et de faire semblant d'aimer tout le monde. J'aimerais empêcher les larmes de couler le long de mes joues. J'aimerais ne pas être obligée de hurler pour qu'ils remarquent enfin ma présence. Et là, soudain, ils me voient. Ils semblent sortis de leur rêve, de leur "parenthèse agréable". Le pire, c'est qu'ils ne comprennent pas. Je m'enfuis en courant et je m'échappe du lycée.

Je veux être seule.

Seule.

Et je sais exactement où je veux aller. Je sais qu'autrefois, j'aimais aller sur la jetée, seule ou avec mes parents. Maintenant, j'ai eu nettement moins l'occasion d'y aller. Trop de devoirs, pas assez de temps. Je pose mes affaires sur le sable et je rentre dans l'eau glacée. L'eau pénètre dans mes vêtements et mouille chaque pore de ma peau. Je me sens vivre, vivre... Est-ce si grave ? Est-ce si grave d'avoir besoin de se baigner dans une eau à 12°C pour se sentir bien ? Quand je reviens sur la plage, j'ai froid. Je trouve une serviette dans mon sac, et je m'en entoure frileusement les épaules. Mais qu'est-ce que je fais là ? Je regarde mon portable : j'ai deux appels manqués de Benjamin, et un de Charlotte. Hors de question que je la rappelle, celle-là. Ce serait trop dur à assumer. Moi-même, j'ignore totalement pourquoi j'ai réagi de manière aussi vive, aussi immature. Dire que j'ai bientôt seize ans... Dans mon sac, j'ai mes polaroids préférés : l'été où l'on s'est rencontrés, Benjamin et moi, puis mes retrouvailles avec Charlotte, quatre ans après son déménagement, mon anniversaire de l'été dernier, avec mes parents et mes sœurs, et enfin une photo de nous trois, Iris, Violette et moi, Lilas. Les trois sœurs, les trois filles, les trois inséparables.

Mon portable sonne : c'est Benjamin. Son prénom est écrit sur l'écran, tandis que ma sonnerie retentit. J'hésite à décrocher. Je dois me justifier, il doit se justifier, bref, nous devons parler. Je choisis de décrocher.

- Lilas, tu es où ? Je m'inquiète pour toi ! Tu vas bien ? Tu vas mieux ? Pourquoi est-ce que tu pleurais tout à l'heure ? Charlotte et moi, on a essayé de t'appeler, mais on est retombés sur ta messagerie. Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce que tu vas bien ?

- Promets-moi que tu ne me trompes pas avec Charlotte. Jure-le moi., je murmure.

Silence.

- Lilas... Tu crois vraiment que je voudrais te tromper avec ta pote ? Je ne pourrais jamais faire ça. Charlotte n'est pas comme toi. Toi, Lilas, tu as de la personnalité, tu es ma copine, et je te connais depuis plus longtemps que Charlotte. Toi, ma Lilas, tu es unique, tu es inimitable, et pour rien au monde je ne voudrais te quitter. Je déteste te voir malheureuse.

- Et Charlotte ?

- Je lui ai dit clairement que ça n'irait pas plus loin que de l'amitié avec elle. Et elle a compris, je crois.

C'est pour ça que j'aime Benjamin. C'est le seul qui comprenne mes silences, le seul qui me fait sourire quand tout le reste du monde me fait pleurer, le seul qui m'ouvre les bras quand j'en ai besoin. Oui, c'est pour ça que j'aime Benjamin.